Vous nous offrez la possibilité d'exprimer un point de vue du terrain. Nous sommes une association d'éducation populaire qui intervient principalement en Île-de-France. Nous travaillons sur les questions de mémoire, d'histoire et de mobilisation dans les quartiers populaires. Nous utilisons en particulier le théâtre, qui constitue une approche de la citoyenneté.
La thématique de la participation électorale est liée à celles du sens de la mobilisation, de l'existence et des identifications collectives. Dans les quartiers populaires, une des problématiques que nous rencontrons régulièrement est celle de l'identification positive à un acte citoyen. Cette thématique est à l'origine de plusieurs de nos mobilisations, dont celle de 2015, en faveur de l'inscription sur les listes électorales. Nous faisons face aux mêmes questions depuis des années : « Pourquoi voter ? À quoi cela sert-il ? Les politiciens sont tous pareils. » Nous cherchons à sortir de ces questions aux réponses négatives. Notez qu'il ne s'agit pas uniquement du credo de la jeunesse. Nos actions touchent également les familles. Nous intervenons auprès de personnes de tous âges.
Les mobilisations fonctionnent lorsqu'elles font sens pour les individus, c'est-à-dire lorsqu'il existe un besoin d'être représenté et une possibilité d'obtenir un retour quant au mandat donné. Se pose par exemple la question du bilan de mi-mandat. Nous mettons en place des actions dont nous sommes parfois dépossédés. Une de nos actions concrètes a été de militer pendant vingt ans afin qu'une rue et un groupe scolaire soient rebaptisés au nom d'Abdelmalek Sayad, sociologue, directeur de recherche au CNRS connu pour ses travaux sur l'exil. Nous avons souhaité que ce chercheur apparaisse dans l'espace public pour favoriser l'identification. Il s'agit d'un enfant des quartiers populaires, devenu chercheur. Nous avons également dû nous battre pour citer les sources, notamment les pièces d'archives.
La mobilisation nécessite de la crédibilité. Par conséquent, il est primordial de pouvoir s'identifier. Il est également essentiel d'expliquer qu'un élu ne peut pas être sur le terrain en permanence. Des tâches lui incombent, cela ne signifie pas qu'il a disparu et n'a pas en tête les électeurs qu'il représente. Par conséquent, les conditions des allers-retours des élus doivent être explicitées.
La parole demeure importante dans les quartiers populaires, y compris de manière conflictuelle. Nous ne sommes pas obligés d'être d'accord. Le militantisme a un coût, il revient très cher aux acteurs. En découle une forme de démobilisation. Je crois fortement que les mobilisations, les conférences, le dialogue, la question du savoir et de la connaissance s'avèrent nécessaires pour disposer des outils d'émancipation et d'analyse permettant de devenir un citoyen et de contribuer à son pays.