Intervention de François-Xavier Lefranc

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 14h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

François-Xavier Lefranc, rédacteur en chef de Ouest France :

La question du travail que nous pouvons engager avec le monde scolaire afin d'amener les enfants à s'intéresser aux médias et à disposer d'un regard critique sur ces derniers demeure essentielle. Cet effort doit commencer dès le plus jeune âge. Nous sommes très investis dans ce processus depuis plusieurs années, mais cela ne suffit pas.

Se pose également la question de la proximité avec les lectrices et les lecteurs. Lorsqu'un journal affiche le prix quotidien de deux ou trois euros, il devient un produit de luxe qui exclut une partie de la population. Or nous savons que les personnes qui n'arrivent plus à remplir le réservoir d'essence à la fin du mois n'ont pas envie d'aller voter. L'accès à l'information est un enjeu essentiel. Le modèle économique doit permettre que la presse soit accessible. Nous devons proposer un accès gratuit aux médias à notre jeunesse. C'est le cas de Ouest France. Les jeunes de 18/25 ans disposent d'un an d'abonnement gratuit. Nous travaillons également à cette accessibilité pour des populations défavorisées. Ainsi, l'administration pénitentiaire mène de nombreuses actions pour que les détenus votent. Nous distribuons le journal gratuitement dans les prisons, car nous pensons que l'accès à l'information aide à la réinsertion et qu'il s'agit d'un bien commun. L'information n'est pas gratuite à produire, l'enquête et le reportage ont un coût. Toutefois, nous pouvons mener ce type d'initiatives auprès d'un public ciblé. Nous offrons également un accès à notre quotidien à de nombreuses associations fréquentées par une population qui n'a pas les moyens d'acheter la presse.

La solution sera aussi en grande partie numérique. Aujourd'hui, l'accès à l'information est d'abord numérique, y compris au sein des couches défavorisées de la population. Nous devons nous déplacer vers le lecteur en proposant des innovations. Comment parler à ces personnes qui ne nous lisent pas ? Nous devons effectuer le premier pas, adopter de nouvelles formes de langage journalistique en utilisant de nouvelles technologies. Les médias doivent investir pour parler au plus grand nombre. En ce qui concerne les jeunes, nous devons être présents sur leurs canaux : réseaux sociaux, data, story, son, vidéo…

La proximité passe également par les thèmes que nous abordons. Il est primordial d'évoquer les préoccupations de la population. Cette pratique permettra de lutter contre la défiance envers les médias. La méfiance n'existe pas sans cause. Nous devons mériter la confiance en écoutant nos lecteurs. Nous avons créé un service avec cinq journalistes dont le travail est d'être en permanence en lien avec les lecteurs. Des éléments remontent ensuite à la rédaction et nous permettent de percevoir des sujets qui n'attiraient pas notre attention. C'est notamment l'histoire des Gilets jaunes. Or il n'est pas acceptable que la population ait besoin de bloquer des ronds-points alors que notre pays compte autant de journalistes. Le journalisme correspond à un temps de qualité passé avec la population. Nous devons retrouver ce temps.

La situation de certains médias qui réduisent leurs effectifs est préoccupante. Je considère qu'il s'agit du début de la fin de la démocratie. Les journalistes doivent pouvoir effectuer leur métier en dégageant du temps pour aller au plus près des citoyens, entendre, comprendre ce qui se dit et si possible établir un lien avec les politiques. Il nous revient de montrer l'action des élus. Les élus locaux travaillent énormément. Proposons des débats de qualité qui font avancer les choses. La réflexion de long court n'entraine pas d'audience. Nous avons tendance à penser qu'un affrontement verbal entre deux candidats rencontrera un public plus large que des sujets sur le prix de l'essence, le chômage, etc. Or une élection présidentielle est l'occasion d'aborder ces thèmes. Si nous procédons ainsi, nous pourrons peut-être inviter nos lecteurs à voter.

L'international est également un sujet d'importance. Il est nécessaire d'expliquer les grandes actions internationales qui ont des conséquences sur nos vies.

La Croix conduit un observatoire depuis des années. La pandémie a marqué un tournant : les citoyens se sont tournés vers les médias quand de nombreuses informations circulaient. À mon sens, cette période a permis de créer de nouveau un lien de confiance entre la population et les médias. Il nous revient de nous assurer que ce phénomène perdure.

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