Jusqu'à présent quand deux élections étaient organisées en même temps, la participation était meilleure. En dehors des questions sanitaires et conjoncturelles, nous pouvons nous interroger sur les raisons de ce rendez-vous manqué. Une des pistes tient aux modes de scrutin très différents qui ont été mis en place. Ces derniers se sont brouillés, ils se sont « cannibalisés ». Une situation en théorie favorable s'est transformée en configuration défavorable. Une des solutions, comme vous l'avez proposé, serait de rapprocher les modes de scrutin.
Concernant les « classes presse », nous participons à des initiatives engagées par des associations pour inviter des journalistes en milieu scolaire. Nous essayons également de mettre notre journal entre les mains de publics ciblés. Le journal papier est distribué dans des universités et nous offrons des abonnements numériques aux jeunes. Malheureusement, nous ne disposons pas de moyens suffisants pour aller plus loin. Je vous conseille d'interroger nos confrères de la presse jeunesse du groupe Bayard. Ils participent beaucoup à l'éducation aux médias. Lors de chaque élection, ils rédigent des articles d'éducation civique pour expliquer les scrutins et l'intérêt du vote.
La défiance vis-à-vis du politique est une thématique que nous ressentons dès que nous sommes en reportage. Dans un article paru la semaine dernière, j'ai retenu deux citations, une femme indiquant : « Je ne sais pas si j'irai voter. Je n'en trouve pas un de bien. Leur propagande m'énerve alors qu'ils ne tiennent pas leurs promesses. On ne prend pas les mêmes, mais à chaque fois les mêmes choses recommencent. » ; un autre précise : « Je connais beaucoup de gens comme moi qui vivent au jour le jour et ne se projettent plus. » Dans ce second cas, il ne s'agit pas de défiance vis-à-vis des politiques, mais d'une des causes de l'abstention. En effet, une partie de la population vit au jour le jour et ne se projette plus vers une forme de collectif. Vos discours comme les nôtres ne sont pas audibles par ces publics que nous avons des difficultés à rencontrer. Je souscris aux propos de mon collègue : ce que nous publions doit leur parler.
Nous nous heurtons à une absence d'étude sur l'abstention. Nous ne savons pas où rencontrer les abstentionnistes pour rendre compte de leurs motivations profondes. Certes, ces dernières sont plurielles et les profils des abstentionnistes sont multiples. Nous ne réalisons pas de micro-trottoir. De fait, nous avons besoin de nous appuyer sur des données sociologiques qui n'existent pas suffisamment.