Intervention de Pascal Perrineau

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 14h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Pascal Perrineau, professeur de science politique à l'Institut d'études politiques de Paris :

Sous la Cinquième République, la mobilisation des citoyens se polarise sur deux élections : celle à grande échelle, l'élection présidentielle, et celle à toute petite échelle, l'élection municipale. En effet, les Français ont deux « loyautés » prédominantes, l'identité nationale et le sentiment d'appartenance à la patrie locale. Il importe donc de proscrire tout système qui négligerait l'importance de cette patrie communale, dans un souci de rationalisation du millefeuille. Comme nous l'avons constaté récemment, les municipalités constituent la colonne vertébrale de la République française lorsqu'il y a de fortes turbulences. Face aux refus du Président de la République actuel, les Gilets jaunes se sont en effet tournés vers les maires et étant donnée la prise de distance des élus locaux vis-à-vis du Président de la République, la situation aurait pu prendre une autre tournure.

Certaines réformes de rationalisation peuvent être mises en place. La réforme Sarkozy de fusion entre le département et la région, qui avait à l'époque révolté certaines personnes, constituait en réalité une manière assez souple et douce de simplifier le millefeuille territorial, qui semble peut-être trop complexe au regard des comparaisons que l'on peut établir avec d'autres pays. Le fait que le politique soit identifié à la distance et non pas à la proximité est une des raisons de la montée de la défiance. C'est pourquoi les réformes ne doivent pas porter atteinte à la proximité.

Le discours radical que vous évoquez n'est pas nouveau. Il existe depuis toujours en France, ce que le remarquable historien du communisme François Furet appelait la « culture révolutionnaire ». Le Parti communiste a presque disparu en France et son candidat ne rassemble plus que 1,5 % d'intentions de vote, mais la « culture révolutionnaire » dont il était porteur est restée très prégnante dans l'opinion publique française. Quel que soit notre bord politique, il existe toujours l'idée que notre bulletin de vote et notre engagement politique peuvent ouvrir la voie, plus qu'à une alternance, à une réelle alternative radicale. Notre action politique peut changer profondément les règles du jeu économique, social et politique. Cette culture révolutionnaire fait partie intégrante de notre vision, de la droite extrême à la gauche extrême, en passant d'ailleurs par d'autres familles politiques en apparence plus paisibles. En tant que candidat à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron dressait une alternative radicale entre un vieux monde dont il fallait se séparer et un nouveau monde dont l'action politique de son programme allait accoucher. Le livre d'Emmanuel Macron, s'intitulait d'ailleurs Révolution, ce qui ne constitue pas un hasard.

Les représentations proportionnelle et majoritaire ont chacune des avantages et des inconvénients. La représentation proportionnelle est plus juste dans la mesure où elle représente plus fidèlement la diversité des électeurs, mais elle peut se révéler très injuste lorsque le résultat n'est pas clair, comme c'était souvent le cas par exemple sous la Quatrième République ou à l'heure actuelle avec le mode de scrutin mixte en Allemagne. La représentation proportionnelle donne aux tout petits partis un rôle charnière. L'Espagne, par exemple, est gouvernée tantôt à gauche, tantôt à droite, au gré des décisions des partis autonomistes. En Allemagne, si le Parti libéral-démocrate (FDP) s'était rallié à droite, le gouvernement serait de droite. Les membres du FDP sont d'ailleurs tellement satisfaits que leur rôle soit décisif qu'ils abandonnent de nombreuses revendications, en particulier sur le terrain fiscal.

Le mode de scrutin majoritaire est certes injuste, mais permet que les coalitions se forment avec davantage de transparence pour les électeurs entre les deux tours. Dès lors, lorsque nous votons au second tour, nous savons à peu près quels sont les potentiels gouvernements. En Allemagne, le scrutin mixte est en réalité très lié au fédéralisme. En France, les élections régionales et municipales fonctionnent avec un mode de scrutin mixte, ce qui permet aux minorités d'être représentées sans empêcher la formation de coalitions. En effet, un mode de scrutin ne constitue pas une photographie représentant les différents groupes de la population, mais doit permettre de dégager une majorité pour gouverner. Il est ainsi difficile de trouver le bon équilibre. Le scrutin mixte est donc selon moi une bonne idée.

Enfin, je partage l'analyse Vincent Tiberj en ce qui concerne le clivage générationnel de la participation électorale.

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