Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 17h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Guy Geoffroy, président des maires de Seine-et-Marne, maire de Combs-la-Ville, représentant de l'Association des maires de France (AMF) :

Je tiens à préciser que l'AMF ne s'est pas penchée de manière précise et approfondie, dans le cadre d'un travail au long court mené au sein d'une commission thématique, sur la question de l'abstention et de la participation électorale. Les seuls éléments pouvant être considérés comme provenant de l'AMF sont relatifs à la sensibilisation effectuée par l'association auprès de la population sur le fonctionnement et l'organisation des communes et intercommunalités et de leurs élections.

Aussi, bien qu'étant missionné par François Baroin et notre bureau national pour être à vos côtés, je serai prudent dans mes propos, qui pourront m'être attribués en ma qualité de maire plutôt qu'en ma qualité de représentant de l'AMF.

Avec les scrutins des élections municipales 2020 et des élections régionales et départementales de juin 2021, nous avons constaté un effondrement considérable de la participation électorale. Les élections municipales n'avaient jamais connu cette désaffection. Néanmoins, la crise sanitaire n'explique pas le phénomène de façon exhaustive.

En effet, la dégradation de la participation de nos concitoyens à toutes les élections se poursuit depuis une trentaine d'années.

Concernant l'élection présidentielle, le second tour assez improbable de 2002 constitue le dernier scrutin pour lequel la participation a dépassé les 80 %. Le réveil des citoyens pour ce second tour était apparu comme une heureuse surprise avant que les taux de participation ne chutent à nouveau aux élections présidentielles suivantes, bien que ces taux restent fort corrects. Depuis le début de la Ve République, le taux de participation avait rarement connu une défaillance particulière.

La participation électorale aux élections législatives a toujours été un peu moindre que pour l'élection présidentielle, sauf dans des circonstances exceptionnelles comme en 1968. Toutefois, cette participation restait correcte.

Les élections régionales, souvent jumelées à d'autres élections, suscitaient un intérêt mitigé mais donnaient aux électeurs souhaitant s'engager politiquement la possibilité de le faire grâce au scrutin proportionnel. L'intérêt de nos concitoyens pour les élections régionales a été tel que le pourcentage de votants n'a jamais été catastrophique.

Pour les élections cantonales puis départementales, le taux de participation a toujours été traditionnellement beaucoup plus bas que pour toutes les autres élections, y compris il y a quarante ou cinquante ans et avant que les départements ne deviennent des collectivités territoriales.

Une dégradation permanente est engagée depuis une quarantaine d'années. Elle a été aggravée et accélérée par les derniers évènements sanitaires.

La raison de cette dégradation n'est pas le manque d'information car les Français n'ont jamais été aussi informés. En effet, le volume d'informations disponibles est bien plus important aujourd'hui qu'il y a cinquante ans.

La manière dont nos concitoyens appréhendent le bien public et ceux qui le servent constitue l'un des éléments sur lesquels nous devons réfléchir. Il ne s'agit pas pour nous, maires, de remettre en cause les médias mais d'établir des constats. Les médias prétendent relayer l'opinion mais nous pouvons nous demander s'ils sont les mieux placés pour cela. Les élus, en tant que représentants des Français, semblent être dotés d'une légitimité supplémentaire.

Le ressenti de nos concitoyens concernant leurs représentants à tous les niveaux s'est donc dégradé progressivement, laissant la place à un « aquabonisme ». Notons que les difficultés connues par la France — soit la fin des trente glorieuses et les trente années ayant suivies ou encore la difficulté d'action des décideurs — jouent un rôle dans ce ressenti, aggravé très probablement par l'image donnée à ceux que l'on appelle les politiques.

Dans cette assemblée, nous avons connu des débats sur le cumul des mandats. Employer ce terme de « cumul » est le meilleur moyen d'obtenir la suppression de l'exercice simultané de deux mandats (un national et un local). En effet, lorsque la question leur est posée, les Français indiquent ne pas aimer les « cumulards ». Pourtant, lorsque j'ai été député-maire pendant quinze ans, personne ne m'a dit qu'il était honteux que je le sois. La question du cumul des mandats est liée à celle du cumul des rémunérations. Ce point joue certainement un rôle dans le ressenti des Français.

En tant qu'élu et citoyen, j'ai été très blessé par l'affaire dite Cahuzac. L'appréciation, par la population, de tous les élus de la République a totalement changé par le simple fait, pas anodin, que Jérôme Cahuzac a commis des irrégularités incontestables à une époque où il n'était pas élu de la République. La reconnaissance des faits par l'intéressé a conduit à toutes les lois dont l'objectif était la moralisation de la vie publique. Les irrégularités de Jérôme Cahuzac étaient avérées mais n'avaient rien à voir avec l'exercice de responsabilité dans la vie publique. Avec le recul dont nous bénéficions aujourd'hui, je pense que ce qui a suivi l'affaire a été une véritable erreur. Nous avons voulu donner des gages à l'opinion. Cependant, était-il nécessaire de le faire sous cette forme et de pointer des personnes du doigt, avec un appétit qui nourrit la suspicion généralisée ? Ce sujet me semble au cœur de la problématique. La démocratie représentative souffre du fait que les représentants sont de plus en plus vus et présentés à l'opinion publique comme des gens plus intéressés à leur carrière et à eux-mêmes qu'au bien commun.

Lorsque, par ailleurs, le concept de démocratie participative est évoqué, le citoyen a plutôt intérêt à participer à l'autoproclamation de sa compétence à exercer une orientation dans le pays plutôt qu'à jouer le jeu d'une démocratie représentative qui serait vacillante. Je caricature un peu mais il me semble que cette idée possède un fond de vérité. J'ai toujours pensé que la démocratie participative était d'abord la participation aux élections. Mettre en avant la démocratie participative comme une alternative à la démocratie représentative, alors même qu'elle passerait sous silence le premier acte de participation d'un citoyen à la vie de ce pays, à savoir la participation aux élections, montre le trouble de la période que nous vivons. Si j'espère que la démocratie représentative n'est pas en péril, elle est en tout cas en difficulté.

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