La réunion

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Audition de représentants des principales associations d'élus : M. Guy Geoffroy, président des maires de Seine-et-Marne, maire de Combs-la-Ville, représentant l'Association des maires de France ; M. Bernard Schmeltz, directeur général de l'Assemblée des départements de France, M. Jérôme Briend, conseiller affaires juridiques, et Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère relations avec le Parlement ; M. Jules Nyssen, délégué général de Régions de France.

La séance est ouverte à dix-sept heures.

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Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir les représentants des principales associations d'élus locaux.

Nous accueillons ainsi M. Guy Geoffroy, représentant de l'Association des maires de France (AMF), président des maires de Seine-et-Marne et maire de Combs-la-Ville, accompagné de Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement ; M. Bernard Schmeltz, directeur général de l'Assemblée des départements de France (ADF) ; M. Jérôme Briend, conseiller affaires juridiques de l'ADF, et Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseillère chargée des relations avec le Parlement, et M. Jules Nyssen, délégué général de Régions de France.

Cette audition est ouverte à la presse, retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et fera l'objet d'un compte rendu.

Je précise que nous avions sollicité l'Association des maires ruraux de France (AMRF), qui n'a pas été en mesure de répondre à notre invitation, et que M. Marc Goua, vice-président de l'Association des maires Ville & Banlieue de France, maire de Trélazé, a eu un empêchement de dernière minute.

Je cède la parole aux représentants des associations d'élus pour leurs propos liminaires.

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Guy Geoffroy, président des maires de Seine-et-Marne, maire de Combs-la-Ville, représentant de l'Association des maires de France (AMF)

Je tiens à préciser que l'AMF ne s'est pas penchée de manière précise et approfondie, dans le cadre d'un travail au long court mené au sein d'une commission thématique, sur la question de l'abstention et de la participation électorale. Les seuls éléments pouvant être considérés comme provenant de l'AMF sont relatifs à la sensibilisation effectuée par l'association auprès de la population sur le fonctionnement et l'organisation des communes et intercommunalités et de leurs élections.

Aussi, bien qu'étant missionné par François Baroin et notre bureau national pour être à vos côtés, je serai prudent dans mes propos, qui pourront m'être attribués en ma qualité de maire plutôt qu'en ma qualité de représentant de l'AMF.

Avec les scrutins des élections municipales 2020 et des élections régionales et départementales de juin 2021, nous avons constaté un effondrement considérable de la participation électorale. Les élections municipales n'avaient jamais connu cette désaffection. Néanmoins, la crise sanitaire n'explique pas le phénomène de façon exhaustive.

En effet, la dégradation de la participation de nos concitoyens à toutes les élections se poursuit depuis une trentaine d'années.

Concernant l'élection présidentielle, le second tour assez improbable de 2002 constitue le dernier scrutin pour lequel la participation a dépassé les 80 %. Le réveil des citoyens pour ce second tour était apparu comme une heureuse surprise avant que les taux de participation ne chutent à nouveau aux élections présidentielles suivantes, bien que ces taux restent fort corrects. Depuis le début de la Ve République, le taux de participation avait rarement connu une défaillance particulière.

La participation électorale aux élections législatives a toujours été un peu moindre que pour l'élection présidentielle, sauf dans des circonstances exceptionnelles comme en 1968. Toutefois, cette participation restait correcte.

Les élections régionales, souvent jumelées à d'autres élections, suscitaient un intérêt mitigé mais donnaient aux électeurs souhaitant s'engager politiquement la possibilité de le faire grâce au scrutin proportionnel. L'intérêt de nos concitoyens pour les élections régionales a été tel que le pourcentage de votants n'a jamais été catastrophique.

Pour les élections cantonales puis départementales, le taux de participation a toujours été traditionnellement beaucoup plus bas que pour toutes les autres élections, y compris il y a quarante ou cinquante ans et avant que les départements ne deviennent des collectivités territoriales.

Une dégradation permanente est engagée depuis une quarantaine d'années. Elle a été aggravée et accélérée par les derniers évènements sanitaires.

La raison de cette dégradation n'est pas le manque d'information car les Français n'ont jamais été aussi informés. En effet, le volume d'informations disponibles est bien plus important aujourd'hui qu'il y a cinquante ans.

La manière dont nos concitoyens appréhendent le bien public et ceux qui le servent constitue l'un des éléments sur lesquels nous devons réfléchir. Il ne s'agit pas pour nous, maires, de remettre en cause les médias mais d'établir des constats. Les médias prétendent relayer l'opinion mais nous pouvons nous demander s'ils sont les mieux placés pour cela. Les élus, en tant que représentants des Français, semblent être dotés d'une légitimité supplémentaire.

Le ressenti de nos concitoyens concernant leurs représentants à tous les niveaux s'est donc dégradé progressivement, laissant la place à un « aquabonisme ». Notons que les difficultés connues par la France — soit la fin des trente glorieuses et les trente années ayant suivies ou encore la difficulté d'action des décideurs — jouent un rôle dans ce ressenti, aggravé très probablement par l'image donnée à ceux que l'on appelle les politiques.

Dans cette assemblée, nous avons connu des débats sur le cumul des mandats. Employer ce terme de « cumul » est le meilleur moyen d'obtenir la suppression de l'exercice simultané de deux mandats (un national et un local). En effet, lorsque la question leur est posée, les Français indiquent ne pas aimer les « cumulards ». Pourtant, lorsque j'ai été député-maire pendant quinze ans, personne ne m'a dit qu'il était honteux que je le sois. La question du cumul des mandats est liée à celle du cumul des rémunérations. Ce point joue certainement un rôle dans le ressenti des Français.

En tant qu'élu et citoyen, j'ai été très blessé par l'affaire dite Cahuzac. L'appréciation, par la population, de tous les élus de la République a totalement changé par le simple fait, pas anodin, que Jérôme Cahuzac a commis des irrégularités incontestables à une époque où il n'était pas élu de la République. La reconnaissance des faits par l'intéressé a conduit à toutes les lois dont l'objectif était la moralisation de la vie publique. Les irrégularités de Jérôme Cahuzac étaient avérées mais n'avaient rien à voir avec l'exercice de responsabilité dans la vie publique. Avec le recul dont nous bénéficions aujourd'hui, je pense que ce qui a suivi l'affaire a été une véritable erreur. Nous avons voulu donner des gages à l'opinion. Cependant, était-il nécessaire de le faire sous cette forme et de pointer des personnes du doigt, avec un appétit qui nourrit la suspicion généralisée ? Ce sujet me semble au cœur de la problématique. La démocratie représentative souffre du fait que les représentants sont de plus en plus vus et présentés à l'opinion publique comme des gens plus intéressés à leur carrière et à eux-mêmes qu'au bien commun.

Lorsque, par ailleurs, le concept de démocratie participative est évoqué, le citoyen a plutôt intérêt à participer à l'autoproclamation de sa compétence à exercer une orientation dans le pays plutôt qu'à jouer le jeu d'une démocratie représentative qui serait vacillante. Je caricature un peu mais il me semble que cette idée possède un fond de vérité. J'ai toujours pensé que la démocratie participative était d'abord la participation aux élections. Mettre en avant la démocratie participative comme une alternative à la démocratie représentative, alors même qu'elle passerait sous silence le premier acte de participation d'un citoyen à la vie de ce pays, à savoir la participation aux élections, montre le trouble de la période que nous vivons. Si j'espère que la démocratie représentative n'est pas en péril, elle est en tout cas en difficulté.

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Bernard Schmeltz, directeur général de l'Assemblée des départements de France (ADF)

L'ADF n'a pas, à ce jour, produit une analyse précise concernant la chute de la participation électorale. Je ne m'exprimerai donc pas en portant des positions établies par l'ADF.

L'ADF a mis en place, en 2019, une commission « démocratie et citoyenneté », chargée de réfléchir à ces sujets. La commission a peu produit depuis sa création. Néanmoins, elle a été remise en place dans la perspective du congrès des départements du 1er au 3 décembre prochains. Cette commission sera sans doute en mesure de produire à la fois des analyses et des propositions.

La question de la chute de la participation lors des scrutins locaux relève à l'évidence de questions de fond, largement explorées par les politologues et les sociologues. Mon propos n'est pas de me substituer à ces derniers.

Certes, dans la période la plus récente, des éléments conjecturaux ont pu jouer un rôle, sans que nous sachions si ce rôle a été positif ou négatif. Ces éléments sont la crise économique, l'effet report des élections, le regroupement des scrutins régionaux et départementaux, les dysfonctionnements sur la distribution de la propagande électorale mais aussi les assouplissements accordés aux modalités de vote. Ce point mériterait sans doute d'être analysé plus finement, ce que je ne suis pas en mesure de faire.

Chez nos voisins européens, des taux de participations supérieurs à ceux que nous avons connus en France ont été maintenus, en dépit de la crise pandémique. Un phénomène français existe donc, qui renvoie à des analyses de plus long terme.

Les éléments que nous pouvons évoquer sont connus. L'abstention peut être liée au défaut d'inscription, qui concernerait environ 10 millions de citoyens, volontaire, par opposition de principe au système électoral, due à un désintérêt pour la chose publique, causée par un manque d'intégration sociale et de culture politique, qui touche toutes les classes d'âge.

À ces causes, nous pouvons éventuellement ajouter une absence de visibilité de l'action des collectivités, sur fond de brouhaha public. Autrefois, la façon de susciter l'intérêt des électeurs s'opérait par des vecteurs bien identifiés, auxquels il était aisé de se référer. La situation est plus compliquée aujourd'hui. Les réseaux sociaux occupent une part beaucoup plus importante dans la formation de l'opinion, notamment chez les jeunes. Ces réseaux sociaux sont plus difficilement le relai de l'action des pouvoirs publics et des institutions. Il peut être difficile de faire le lien entre le geste de mettre un bulletin dans une urne et le constat du bon fonctionnement des services publics sur le terrain.

Un autre élément pouvant être considéré est le décalage entre de nombreux sondages qui tendent à démontrer que nos concitoyens sont toujours attachés aux institutions locales, à la région, au département et à la commune et le désintérêt de ces citoyens pour manifester leur opinion au moment de conférer la légitimité à ces institutions afin qu'elles exercent leurs missions de service public. Ce décalage renvoie à l'idée que le lien se tisse plus entre l'acte de voter et la mise en œuvre des politiques publiques.[LB1]

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Jules Nyssen, délégué général de Régions de France

Je constate que l'abstention n'est pas équivalente pour toutes les élections. Les élections présidentielles, locales et européennes constituent trois niveaux pour lesquels cette question de l'abstention s'apprécie différemment. Concernant les élections locales, les élections municipales ont débuté en plein contexte de pandémie, ce qui rend la comparaison difficile. Les élections départementales et régionales ont sans doute été moins affectées par ce phénomène.

Personne ne peut donner assurément les explications de cette situation. Toutefois, du côté des régions, je constate une forme de désenchantement dans l'action publique. Ce désenchantement nourrit l'abstention, qui nourrit à son tour le désenchantement, créant un cercle vicieux. Ce dernier éloigne les Français de l'acte citoyen du vote et amène certains d'entre eux à préférer des modalités différentes d'expression, parfois sous la forme de protestations plus véhémentes.

Ensuite, je note le sentiment que le vote ne permet pas de produire des changements. Pour les élections départementales et régionales, ce sentiment a été très présent. Nos concitoyens se disent peut-être que le vote n'est pas utile puisque les changements ne sont pas visibles. Il est vrai que, lors de l'élection d'un nouveau gouvernement, les changements sont spectaculaires. Ils le sont moins dans un département ou une région. Pourtant, les élections produisent de réelles conséquences, parfois sur un assez long terme. Je pense notamment aux compétences régionales en matière de planification. Plutôt que l'information, c'est la perception des enjeux qui semble être en cause.

Du côté de Régions de France, nous avons essayé de communiquer auprès du grand public pendant la campagne des régionales — avec un succès plus que limité — sur des éléments extrêmement précis. Prenons l'exemple d'un demandeur d'emploi. Les régions consacrent des sommes considérables à la lutte contre le chômage. Pourtant, il est fort possible qu'un demandeur d'emploi ne voie jamais le logo d'un conseil régional pendant tout son parcours. De même, lorsque nous montons dans un train, nous avons affaire à la société nationale des chemins de fer français (SNCF). Il n'y a guère que dans le domaine de l'économie que les bénéficiaires de la politique publique régionale sont en interface directe avec le donneur d'ordre. Toutefois, les chefs d'entreprise représentent un faible pourcentage du corps électoral.

Comme l'ADF, nous avons été mobilisés par France Télévisions pour assurer une formation des rédacteurs en chef des services politiques des chaînes locales. Je trouvais cette initiative plutôt intéressante. J'ai été assez surpris que, même chez ce public, le niveau de connaissance de la réalité des responsabilités de nos collectivités respectives était finalement extrêmement faible, ce qui pose une difficulté dans la capacité de l'expliquer à nos concitoyens.

Pendant les élections régionales, de nombreux sondages ont été réalisés. Il me semble que, pour la première fois, des sondages étaient effectués à la sortie des urnes dans toutes les régions. En principe, les sondages créent le sentiment qu'une compétition se joue et attirent plutôt l'attention des électeurs. Or, dans le cas des régionales, l'attention des électeurs était attirée par l'inscription du rapport de force sur le plan national, ce qui n'a aucun rapport avec le sujet de l'élection. J'ai vu peu de sondages visant à faire exprimer un jugement sur l'action d'un président de région sortant.

Je voudrais mentionner un épisode un peu malheureux d'hésitation sur la date de ces élections départementales et régionales. La possibilité d'un report après l'élection présidentielle a été évoquée. Dans la presse, les commentateurs ont analysé cette hésitation en se demandant si celle-ci pourrait être favorable à un camp au regard des enjeux de l'élection présidentielle. Or le sujet était la prolongation d'un mandat de dix-huit mois.

L'explication majeure de ces difficultés me semble être le manque de clarté du rôle de nos collectivités.

Toutefois, je voudrais aussi formuler une distinction. Lorsque nous votons pour élire le Président de la République, nous imaginons que ce dernier pourra régler tous les problèmes de la vie courante. Après l'élection, les électeurs lui accordent en général une majorité à l'Assemblée nationale. Il existe une cohérence du corps électoral. Nous ne pouvons pas dire que les Français sont de mauvais citoyens. Au niveau communal, le taux de participation est assez élevé — hormis en 2020 où des circonstances exceptionnelles sont survenues — et une vraie responsabilité est attribuée aux maires, sans que ses missions soient forcément connues. Néanmoins, pour les départements et les régions, personne ne sait précisément à quoi servent ces collectivités, ce qui pose évidemment une vraie difficulté.

Concernant l'abstention, une exception peu commentée mérite d'être relevée. En Corse, le taux de participation a été nettement plus élevé que pour toutes les autres régions de France hexagonale mais aussi d'outre-mer. La raison de cette participation importante semble être l'enjeu politique fort autour du statut d'autonomie de la collectivité. Cet enjeu s'est exprimé dans le débat politique. Je ne pense pas que les Corses soient plus ou moins bons citoyens que les Français du continent.

Régions de France n'a pas d'avis, si ce n'est un avis très réservé, concernant le regroupement de toutes les élections locales le même jour. Soulignons que ce regroupement pose un problème logistique puisqu'il oblige à ouvrir un bureau de vote par niveau d'élection. Nous avons déjà constaté les difficultés opérationnelles créées par l'élection simultanée pour les départements et les régions. Par ailleurs, ce regroupement pose une difficulté d'identification des compétences de chacun. Ce sujet mériterait de faire l'objet d'une analyse. Il nous semble que, dans certains cas, la concomitance des élections départementales et régionales a pu entraîner un effet positif, sans doute au bénéfice des élections départementales dans les zones urbaines et au bénéfice des élections régionales dans les zones rurales, où les conseillers départementaux sont mieux identifiés. Regrouper les trois élections en un seul jour nous paraît un peu compliqué, au regard de notre système de vote.

Un autre sujet est la facilitation de l'acte de voter. À ma connaissance, aucun président de région ne soutient l'idée du vote obligatoire. En revanche, l'hypothèse d'un rappel individuel, un peu en amont des élections, auprès des citoyens inscrits sur les listes électorales avait été évoquée. Un acte d'information pourrait être assez efficace. Par ailleurs, le système des doubles procurations a semblé donner des résultats positifs.

Concernant le vote à distance, le Sénat avait envoyé un questionnaire. Le sujet est controversé. Néanmoins, une majorité de régions étaient plutôt favorables au développement d'un système de vote à distance. Notons que le vote par correspondance pose un problème de délai entre le premier et le second tour, notamment pour des élections régionales où la problématique d'une fusion de liste peut se poser. Par ailleurs, ce vote pose la question de la fiabilité du système de distribution du courrier.

Le vote électronique avait recueilli le soutien d'un certain nombre de présidents de régions, au motif que nous gérons tous nos dossiers fiscaux par voie électronique sans que ce procédé pose de problème majeur. Toutefois, chacun mesure bien le problème de confiance posé par ce système.

La réponse au problème de l'abstention est peut-être à trouver dans l'évolution de notre système institutionnel et la clarification des compétences. Je crois que nous formaliserons tous, sous des appellations diverses, des propositions afin de les porter au débat dans le cadre de l'élection présidentielle. La clarification des compétences apparait comme un élément important, de même que celle de la réalité des pouvoirs donnés aux collectivités locales.

Au moment du congrès des régions de France, nous avons donné les résultats d'un sondage, réalisé par l'Ifop et la Fondation Jean-Jaurès sur un échantillon d'environ 3500 personnes. Ce sondage démontre l'existence d'une aspiration à plus de décentralisation. J'ignore à quel point les personnes interrogées mesurent la réalité qui se cache derrière ce mot. En réponse à une question complémentaire, une majorité importante de personnes interrogées ont déclaré que, si la région avait davantage de pouvoir, ils iraient plus volontiers voter. Ce point mérite d'être approfondi. Des pistes assez prometteuses existent sur ce sujet. Notre démocratie, un peu verticale, pourrait se porter mieux si nous lui redonnions de l'oxygène par l'échelon des collectivités locales.

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L'utilisation de machines à voter, utilisées dans certaines communes, serait-elle opportune en termes de facilité de gestion des opérations de vote ? En effet, ces machines évitent l'utilisation du papier et permettent un comptage plus rapide. Je tiens à préciser que je n'évoque pas le vote à distance par internet.

Je cède la parole au rapporteur puis à Monique Iborra afin qu'ils posent leurs questions.

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Un certain nombre d'évolutions ont eu lieu concernant les modalités de vote, sur lesquelles nous pouvons apporter des solutions telles que le vote par anticipation et le vote par correspondance (arrêté dans le passé pour cause de dérives). Pour autant, je ne suis pas persuadé qu'agir sur ce point nous permettra de revenir à des taux de participation que l'on connaissait il a quelques années. Toutefois, un certain nombre de choses sont à tenter.

Lors des dernières élections départementales et régionales, bon nombre d'électeurs ne comprenaient pas bien le rôle du département et celui de la région. Mon avis est que, malgré le travail d'information réalisé, un désordre crée ce ressenti chez les électeurs. Notons également que la constitution d'un binôme paritaire et d'un binôme de suppléants paritaire peut poser un certain nombre de difficultés dans certains territoires. Pensez-vous que le fait d'appliquer aux départements le même type de scrutin qu'aux régions (soit un scrutin mixte, de liste et à la proportionnelle avec la prime majoritaire pour la formation arrivée en tête) pourrait être une mesure de bon sens ? Cela pourrait donner davantage de visibilité.

Comment retrouver, à travers l'exemplarité et le travail des élus, le parcours citoyen et la participation citoyenne ? Comment parvenir à retrouver cet effort de participation citoyenne et ce sentiment d'appartenance à une collectivité, qui permettrait de sortir du sentiment individualiste de repli sur soi dans lequel nous sommes plongés ? Je ne juge pas les raisons de ce sentiment. Toutefois, comment redonner du sens à la démocratie représentative, au vote et à l'engagement collectif des uns et des autres ?

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Les raisons de l'abstention sont multiples. Comprendre comment améliorer cette situation, voire comment la résoudre, est difficile.

Nous constatons un problème de mille-feuille. Aujourd'hui, nous nous demandons comment nos concitoyens peuvent s'y retrouver entre les communes, les intercommunalités, les métropoles, les départements, les régions et le niveau européen. Malgré tous les efforts que nous pourrions faire, cette organisation est inexplicable. J'aimerais entendre votre avis sur ce point.

En France, nous avons très peu l'habitude de réaliser une évaluation de l'efficacité des politiques publiques, au niveau national et local. Compte tenu du brouhaha politique des dernières élections, qui est capable de présenter une politique et son efficacité ? Ce brouhaha empêche nos concitoyens de comprendre l'intérêt des élections. Ce problème n'est pas récent.

Enfin, j'aimerais entendre votre avis sur cette concurrence — qui n'est pas nouvelle mais qui s'exprime avec bien plus de force, et de violence parfois — entre le niveau national et le niveau local. Je suis élue depuis un moment. Or je n'ai jamais constaté autant de violence dans l'expression entre ces deux niveaux. Ce point peut également décourager les Français à venir voter.

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Je cède la parole aux représentants des associations d'élus locaux pour leurs réponses.

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Jules Nyssen, délégué général de Régions de France

Concernant la dernière question de madame Iborra, les congrès d'associations d'élus sont parfois l'occasion d'entendre voler quelques noms d'oiseaux ou, en tout cas, de voir des titres de journaux peu flatteurs. Il n'en ressort pas un grand esprit de responsabilité. Chacun devrait balayer devant sa porte et nous prenons notre responsabilité quant à cette situation. Nous avons vécu cinq ans de défiance, pour des raisons diverses sur lesquelles je ne reviendrai pas ici. Cette défiance n'a fait que s'aggraver, malgré des moments où nous avions le sentiment de pouvoir revenir à un fonctionnement un peu différent. Je pense que l'ensemble des échelons de collectivités locales peuvent percevoir ce manque de confiance.

Concernant les régions, une distorsion semble se former entre ces grandes régions avec une élection au suffrage universel de liste, amenant les têtes de liste à être automatiquement président, et la réalité des pouvoirs d'action publique d'un président de conseil régional. Nous pouvons le mesurer par les 33 milliards d'euros de budget cumulé des régions, ce qui est peu en comparaison du produit intérieur brut ou de ce que nous pouvons observer dans d'autres pays. Cette situation crée évidemment de la concurrence politique, et donc de la méfiance, peut-être plus que pour les autres échelons des collectivités. J'ajoute que cette élection régionale attire des personnalités ayant des parcours parfois nationaux, ou aspirant à en avoir, ce qui n'améliore pas la situation. Enfin, la proximité des scrutins régionaux et présidentiel a pu entraîner un peu de confusion.

Par ailleurs, nous manquons en effet d'outils d'évaluation concernant les politiques publiques et d'instances indépendantes pouvant produire ces évaluations. Je ne crois pas aux évaluations réalisées par ceux mettant directement en œuvre les politiques publiques. Les rapports réalisés par les Chambres régionales des comptes, que nous critiquons parfois, offrent un premier éclairage, bien que celui-ci soit souvent très budgétaire et parfois un peu juridique. Un moyen d'élargir ce travail sur un plan plus qualitatif pourrait être trouvé. Néanmoins, il faudrait que cette évaluation soit vraiment crédible sinon elle sera toujours considérée comme partisane. Une piste est à creuser afin qu'elle soit plus contradictoire.

Le mille-feuille constitue aussi une difficulté. Nous sommes très loin de ce qui représenterait une organisation démocratique cohérente, avec une circonscription d'élection correspondant à une circonscription d'action publique et une circonscription de prélèvement fiscal. En effet, si nous voulons intéresser nos concitoyens à l'action publique, la question des contributions demandées et des services offerts en contrepartie compte dans un périmètre territorial de compétences donné. Aujourd'hui, la fiscalité locale n'est pas claire. Le rapport du citoyen à l'impôt local constitue un problème de fond car il est complètement déconnecté de la réalité des compétences. Ce problème est particulièrement vrai pour les régions mais sans doute aussi pour d'autres niveaux.

Concernant la situation du parcours citoyen, Guy Geoffroy a évoqué la démocratie participative. Cette dernière est magnifique en complément de la démocratie représentative. Aucun élu local ne croit possible d'agir sans consulter ces concitoyens. Cette consultation doit faire partie intégrante de l'action politique, en particulier dans les régions. Il est nécessaire de trouver les moyens — même si ce n'est pas facile, surtout pour un conseil régional — d'interpeller directement les bénéficiaires des politiques publiques. Les bénéficiaires d'une politique publique devraient être face à celui qui la délivre et non face à des intermédiaires qui effacent la responsabilité politique.

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Bernard Schmeltz, directeur général de l'Assemblée des départements de France (ADF)

Je n'ai pas d'éléments d'appréciation à vous livrer concernant les machines à voter et les modalités de vote.

J'aimerais rappeler que les présidents de conseils départementaux avaient exprimé une opinion extrêmement favorable à la facilité à obtenir des procurations. En revanche, ils étaient plus que réservés à propos du vote par correspondance.

Concernant les modes de scrutin, il existe un fort attachement des conseils départementaux au système actuel, y compris au binôme paritaire. D'ailleurs, sur ce sujet, les départements sont probablement au fil des années passés d'une forme de scepticisme à une véritable adhésion, reconnaissant que la féminisation des conseils départementaux changeait positivement le travail des assemblées départementales. Les binômes paritaires fonctionnent bien. Pour cette raison, les conseils départementaux sont très attachés à garder la maille du canton, même si les limites en ont été élargies.

À propos des parcours citoyens, rappelons qu'une attention toute particulière doit être accordée à la jeunesse puisque les chiffres de l'abstention chez les jeunes atteignent des niveaux extrêmement alarmants.

Des processus de démocratie participative se développent de plus en plus dans les départements, suscitant un véritable intérêt. Un tiers des départements ont mis en place des budgets participatifs sur des domaines plus ou moins larges. Un certain nombre de départements ont réorganisé leurs services pour mettre en avant le sujet de la participation des citoyens. Ils ont recruté des chargés de mission et créé des pôles ou des directions traitant du sujet de la qualité de la relation avec les usagers et de leur participation. Ce sujet est encore émergent mais se développera probablement dans l'organisation et le fonctionnement des collectivités. En tout état de cause, il semble extrêmement prometteur. En outre, plusieurs départements associent les citoyens aux décisions de la collectivité qui les concernent au quotidien.

Je rejoins les propos de Jules Nyssen sur le mille-feuille français. Les élus locaux vivent une vraie frustration vis-à-vis des initiatives de l'État central, comme si la verticalité s'opérait de moins en moins par des normes juridiques mais par la voie d'une communication extrêmement intrusive. Cette communication est d'autant plus intrusive qu'elle intervient même sur des sujets relevant des compétences décentralisées. Cette recentralisation s'opère également via des outils tels que des appels à manifestations d'intérêt et des appels à projets, qui entrainent comme un reformatage de l'action publique locale. Ces outils contraignent les collectivités locales à faire correspondre leurs projets à des directives nationales.

Ce point participe au flou et explique la difficulté rencontrée par les citoyens à identifier, à travers leur vote, la compétence locale. Nos concitoyens reconnaissent leurs collectivités et leur utilité sans connaître réellement leurs missions. Un sondage récent a montré que 40 % des personnes interrogées croyaient que le revenu de solidarité active (RSA) était géré par l'État. S'il se généralise, ce désajustement peut être aussi générateur de ce flou et de la difficulté, pour nos concitoyens, à se repérer.

Notre approche doit être extrêmement pragmatique, presque managériale. Nous devons nous poser la question du bon niveau de pilotage et d'exercice d'une politique publique. Au niveau du territoire, nous pouvons réunir et faire travailler ensemble des citoyens qui ne partagent pas forcément les mêmes opinions mais qui sont réunis par l'intérêt commun de bien faire fonctionner le territoire auquel ils sont attachés. Une approche pragmatique, politique par politique, permettra probablement de trouver le juste positionnement et de réconcilier les électeurs avec la mise en œuvre des politiques publiques.

La concurrence s'exprimant fortement entre l'État et le niveau local s'explique par le sentiment de frustration et de dépossession des élus. Lorsqu'ils appellent de leurs vœux un nouvel élan de décentralisation, ils appellent aussi l'État — dont ils respectent les compétences — à une forme de lâcher-prise. Il faut redonner des marges de manœuvres et d'initiatives et cesser d'intervenir, y compris par des outils de communication, dans le champ des compétences décentralisées.

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Guy Geoffroy, président des maires de Seine-et-Marne, maire de Combs-la-Ville, représentant de l'Association des maires de France (AMF)

Tout en adhérant presque mot à mot à tout ce qui a été dit, j'aimerais néanmoins souligner que, si nous pouvons bien sûr répondre par d'éventuelles propositions concernant nos niveaux de collectivités, il faut garder à l'esprit que le phénomène de l'abstention grandissante touche également les élections nationales.

Lors de l'élection municipale dans ma commune en 2014, j'avais été frappé que, pour la première fois, nous eussions à peine dépassé 55 % de votants, alors que nous disions à l'époque que l'élu préféré des Français était le maire. C'est à se demander si l'une des raisons du tassement de la participation aux élections municipales n'est pas que, les habitants des communes étant globalement satisfaits de leur maire, ils ne voient pas l'intérêt de voter.

Par ailleurs, dans mon agglomération, deux communes ‑ très proches de la mienne et à peu près de même importance ‑ disposent de machines à voter. Leur taux de participation en 2020 a été strictement identique dans ma commune et dans les communes voisines. La commodité apportée par la machine à voter n'a aucun impact sur la participation.

Je suis assez partagé quant au lien entre les taux de participation et les autres modalités de vote, ainsi que concernant les modes de scrutin. Nous avons connu tout type de scénarii d'élections depuis trente ans. Pourtant, nous n'avons jamais constaté de différence selon le type de scénario. Des regroupements d'élections ont eu lieu un nombre considérable de fois. Aucun élément ne permet de dire qu'un regroupement des élections pourrait réamorcer un mouvement d'adhésion au scrutin.

J'entends beaucoup d'habitants des deux communes utilisant des machines à voter dire qu'ils apprécient l'isoloir et le dépouillement. Ces moments constituent des respirations de l'instant de la démocratie locale, auxquels nous parvenons quel que soit le dispositif retenu.

Concernant un mode de scrutin similaire pour les départements et les régions, une des réponses à l'interrogation sera peut-être de revenir au dispositif du conseiller territorial. La caractéristique de ce dispositif était de permettre clairement la désignation des mêmes personnes pour exercer simultanément des fonctions aux échelles départementale et régionale. Je rappelle qu'avant les lois Defferre, lorsque les régions ont été créées, les conseillers régionaux étaient des représentants des départements et des représentants des maires. La représentation découlait des autres strates territoriales. Nous devons peut-être réfléchir à nouveau à cette idée, sans modifier les binômes.

La piste d'un même élu, sur le plan départemental et régional, pourrait permettre une plus grande clarté dans la répartition des compétences. Je rappelle que les deux seules collectivités dotées d'une compétence générale sont l'État et les communes. Les autres collectivités peuvent prendre des initiatives en dehors de leurs compétences, mais ce ne sont que des initiatives pour venir en appui des politiques menées par les communes.

Le regroupement des élections est donc aussi positif que négatif. L'idée n'est pas non plus impertinente. La difficulté que nous avons rencontrée lors des élections n'était pas relative aux locaux mais aux grandes peurs liées à la crise sanitaire, rendant la recherche de candidats assesseurs plus difficile. Le regroupement des élections a effectivement pu encourager le vote pour les départementales dans les secteurs urbains et, inversement, pour les régionales dans les secteurs ruraux.

Concernant le parcours citoyen et l'exemplarité des élus, nous devrions trouver le moyen d'affirmer que l'écrasante majorité des élus sont engagés et agissent pour le bien public. Nous devrions cesser de faire de chaque affaire, qui surgit de temps en temps, le sujet obligeant encore la classe politique à courber le dos et donner du grain à moudre, alors que ces affaires produisent déjà suffisamment de dégâts. Les élus devraient peut-être se forcer à ne pas accepter que le débat s'oriente systématiquement vers la polémique. Ils devraient éventuellement refuser de participer à cette politique spectacle.

Par exemple, j'ai été sidéré de constater comment les médias, y compris les plus grands médias nationaux, ont essayé d'instrumentaliser des événements malheureux survenus dans un lycée de ma commune. Il a pourtant été démontré que cet évènement unique ne peut pas caractériser l'établissement ni la catégorie d'établissements. J'ai été invité à une émission de Cyril Hanouna, où je me suis bien gardé de me rendre, afin d'évoquer ces questions.

Tant qu'existent des émissions qui dévoient la puissance de l'action publique et tant que des élus acceptent d'y participer, nos actions ne fonctionneront pas. Nous devrions éventuellement être unis par une volonté collective, au-delà des différences politiques, pour faire valoir que les élus de la nation, où qu'ils siègent, sont des femmes et des hommes qui méritent plus le respect que l'opprobre, nonobstant tout ce qui a pu affecter — et peut-être affectera encore — notre corporation.

Par ailleurs, la verticalité existe. De plus, elle est davantage descendante que dirigée dans les deux sens. Hier, j'ai été auditionné par l'Inspection générale, qui conduit l'évaluation de la mise en place de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Les élus devraient pouvoir dire que l'ANCT est un outil utile dans les petites communes pour disposer d'une ingénierie. Or il a découlé de ma discussion avec le corps de l'Inspection générale que l'ANCT constitue malheureusement un élément de plus dans la confusion de notre lecture de la conduite des politiques publiques par l'État. En outre, la mise en cohérence apparait beaucoup plus aléatoire que l'objectif de l'État ne l'avait laissé apparaitre.

Ne pas avoir spontanément à l'esprit, lorsque nous lançons une politique publique, la nécessité de se donner les moyens de l'évaluer est un mal français. Je ne jette la pierre à personne mais il existe un nombre considérable de lois — y compris celles que j'ai dû voter en ma qualité de député — votées avant même que la loi précédente n'ait pu produire tous ses effets et être évaluée. Nous ne progresserons pas sur le fond tant que notre vision de l'efficacité des lois sera superficielle.

La politique spectacle s'est introduite dans notre pays, avec les réseaux sociaux notamment. Ces derniers ne sont plus utilisés comme outils mais ont tendance à nous manipuler et nous utiliser comme vecteurs, ce qui ne favorise pas la confiance de nos concitoyens.

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Je cède la parole à Benoit Simian et Bruno Bilde afin qu'ils posent leurs questions.

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Beaucoup d'élus ont été, comme moi, contraints d'abandonner le magnifique mandat de maire. L'exercice simultané des mandats de député et de maire constitue, à mes yeux, une équation naturelle pour nos territoires. Dans les territoires ruraux, je constate que nos concitoyens attendent un rétablissement de cette fonction de député-maire. La nécessité de l'ancrage est importante. Nous franchissons toujours plus facilement la porte du maire que la porte du député. Cette remarque constitue ma première question.

Je suis doublement favorable au conseiller territorial. Nous avons raté une occasion rêvée aux dernières élections départementales et régionales, avec cette fenêtre de tir politique.

Je souscris totalement à vos propos sur la politique spectacle. Il y a deux ans, on m'avait invité dans une émission de Cyril Hanouna. Quelques heures plus tard, on avait appelé mon collègue, actuellement ministre des transports. J'avais refusé car je trouve que la place d'un politique n'est pas d'aller dans ce genre d'émission. Nous devons hausser le niveau, trop souvent indigent.

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Nous devons veiller à ce que l'exemplarité ne devienne pas de la démagogie. Cette dernière est inutile et, pire, nous place presque dans une situation de faiblesse. Un mandat unique a été instauré pour les députés, hormis concernant les fonctions de conseiller régional ou municipal que nous pouvons également exercer. Pouvons-nous dire que, grâce à ce mandat unique, la participation a été beaucoup plus importante ? La réponse est qu'au contraire, l'abstention n'a jamais été aussi forte.

On dit que les élus s'enrichissent grâce à leur mandat. Or certaines collectivités locales ont baissé nos indemnités de manière importante, ce qui est tout à leur honneur. Par exemple, il y a six ans, le président du Grand Est a baissé nos indemnités de 20 % à 25 %. Ce président a été réélu il y a six mois et a augmenté nos indemnités à nouveau.

Sous prétexte que les élus sont critiqués, nous devons veiller à ne pas tomber dans la démagogie, qui les affaiblit considérablement.

Par ailleurs, vous avez indiqué que de nombreuses élections ont eu lieu en même temps. Ce n'est pas tout à fait juste car ces élections simultanées se sont produites à chaque fois lorsque les élus des cantons étaient renouvelés par moitié. En réalité, nous avons voté simultanément à deux scrutins nationaux qu'en 1986, pour les régionales et législatives, et en 2021, pour les régionales et les départementales.

La séquence des élections simultanées de juin 2021 est incroyable car la présence, parmi les candidats, de conseillers départementaux sortants bien implantés et connus dans leur territoire aurait dû aboutir à une participation à la hausse. Aussi bien dans les bureaux de vote que sur les listes d'émargement, j'ai constaté que 90 % des personnes s'étant abstenu ont moins de 50 ans, quel que soit le profil socioéconomique des électeurs. Avez-vous constaté ce phénomène ?

De manière plus générale, êtes-vous inquiets par la violence importante subie par les élus locaux ? Dans ma circonscription, un maire a été attaqué de manière extrêmement violente par des gens du voyage. Avez-vous l'impression que le sentiment d'impunité appartient au climat actuel, auquel est liée l'abstention ?

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Guy Geoffroy, président des maires de Seine-et-Marne, maire de Combs-la-Ville, représentant de l'Association des maires de France (AMF)

De manière générale, je pense que le populisme apparait après la démagogie. Un danger existe lorsqu'on passe allégrement de l'un à l'autre. Nous sommes davantage sur le versant populiste que sur le versant purement démagogique. Les électeurs finissent par s'apercevoir de la démagogie tandis le populisme fonctionne car il répond à leurs attentes sourdes. Ce point est très inquiétant.

Lors du débat sur le cumul des mandats à l'Assemblée nationale, j'avais longtemps discuté avec Manuel Valls, à l'époque ministre de l'Intérieur. Je lui avais fait remarquer que l'association Nosdéputés.fr, qui n'a pas pour caractéristique d'adorer les parlementaires, avait réalisé un bilan à l'issue de la législature 2007-2012, avec des critères qui ne sont pas les nôtres. J'étais premier dans le classement tous critères confondus. Le deuxième était François Brottes. Or nous étions tous deux députés et maires ainsi que réélus députés. Les habitants de nos communes n'avaient pas le sentiment que nous les délaissions au profit de l'Assemblée puisque nous étions réélus comme maire également. Ce fait n'avait pas eu de poids puisque la commande politique visait la fin du cumul. En quinze ans, aucun habitant ne m'a demandé de cesser d'être à la fois maire et député.

J'aimerais que nous reparlions à nouveau de la nécessité de l'exercice simultané de fonctions nationales et locales afin d'aider le Parlement à ne pas se trouver de facto déconnecté du terrain où s'appliqueront les lois. Il existe encore heureusement, dans le Parlement, des élus ayant été élus locaux et connaissant le terrain. Au fur et à mesure, le danger de fracture et d'évanouissement potentiel de la loi dans son application locale ainsi que de la crédibilité de l'action publique sera considérable. J'encourage non pas à revenir au cumul dans son aspect péjoratif mais à travailler sur la nécessaire complémentarité dans l'exercice simultané de mandats nationaux et locaux.

Un sujet existe concernant l'âge des abstentionnistes. Les enfants sont passionnés par le fait de recevoir des élus, surtout le maire. Pourquoi, quelques années plus tard, ne transforment-ils pas la passion qu'ils éprouvaient à être avec le maire en une adhésion à la démocratie représentative ? Une alchimie est à trouver.

J'ai été victime d'agressions physiques, comme beaucoup d'élus. J'ai eu la chance que les individus m'ayant agressé physiquement et verbalement ou menacé aient été condamnés à de la prison, parfois ferme.

Nous constatons un relâchement général à l'égard de toute autorité publique. Il n'existe plus aucune autorité publique qui ne fasse peur à ceux qui sont totalement débridés et qui pensent qu'il est naturel de s'exprimer d'une manière ahurissante, mais simple, à ceux qui représentent une forme d'autorité. Je ne mets personne en cause puisque l'exemple récent prouve que la justice, lorsqu'elle est bien nourrie par de bons éléments d'information et une bonne enquête, peut très rapidement prendre les décisions qui s'imposent. Un réel sujet existe néanmoins.

Nous n'avons pas évoqué le vote blanc. Nous entendons souvent dire que les potentiels électeurs se déplaceraient plus si le vote blanc était reconnu. Cette idée n'a pas été démontrée. J'avais formulé une proposition au sein de la commission des lois de l'Assemblée, qui n'avait pas été retenue. J'invite à ce que nous y réfléchissions. Nous pourrions éventuellement prendre le vote blanc en compte dans la détermination de la majorité absolue permettant d'être élu au premier tour. Le vote blanc aurait donc une justification et une conséquence. Le vote blanc n'a aujourd'hui aucun impact, ce qui est peut-être contre-productif.

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Soyons prudents quant à cette proposition sur le vote blanc. En effet, aux dernières élections départementales, des candidats ont été élus au premier tous avec des scores incroyables. Comme une majorité d'inscrits n'avait pas participé au vote, un second tour a évidemment eu lieu. Or la participation a été encore plus catastrophique puisque de nombreux électeurs n'ont pas compris l'intérêt d'un deuxième tour après de tels scores.

Comptabiliser l'échec de la démocratie risque d'aggraver le problème. Entre les deux tours, alors que j'étais présent sur un marché, un certain nombre de personnes m'ont dit avec une grande fierté qu'elles n'avaient pas voté au premier tour et ne voteraient pas au second. Je n'avais jamais entendu cela en trente ans de campagne électorale.

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Jules Nyssen, délégué général de Régions de France

M. Travert a posé une question sur le mode de scrutin des départementales, qui s'est transformé en une discussion sur le conseiller territorial. Au sein de Régions de France, nous sommes assez défavorables à cette évolution, que nous jugeons difficile à mettre en œuvre. Les régions sont, comme les départements, attachées à leur mode de scrutin actuel. En effet, les régions mettent en œuvre des sujets stratégiques, qui s'appréhendent à l'échelle régionale. Le scrutin de liste paraît adapté à cette réalité. Dans un conseil régional, il existe bien une assemblée, mais nous désignons un exécutif.

En outre, la réalité pratique liée aux binômes paraît presque impossible, compte tenu de la taille des régions, sauf à revenir sur le découpage régional. J'imagine que personne ne souhaite revenir sur ce découpage en raison des coûts associés.

Enfin, nous nous plaignons du manque de clarté dans la répartition des compétences. Je ne suis pas certain qu'un seul élu, siégeant aux deux assemblées, contribuerait à clarifier réellement l'organisation. Une fusion des deux collectivités en une seule se produirait assez vite. Cette fusion est une autre question, qu'il faudra poser dans un autre cadre. Il ne m'appartient pas d'émettre un avis sur ce point.

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Je parlais davantage d'appliquer au niveau départemental le scrutin proportionnel mis en œuvre au niveau des régions. M. Schmeltz a répondu que l'ADF est attachée au mode de scrutin actuel, avec les cantons et les binômes. Je l'entends bien. J'ai une position personnelle sur ce point. Nous verrons les propositions qui pourront être formulées.

L'audition s'achève à dix-huit heures vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Bruno Bilde, M. Xavier Breton, Mme Monique Iborra, Mme Marion Lenne, M. Benoit Simian, M. Stéphane Travert