Intervention de Bernard Schmeltz

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 17h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Bernard Schmeltz, directeur général de l'Assemblée des départements de France (ADF) :

Je n'ai pas d'éléments d'appréciation à vous livrer concernant les machines à voter et les modalités de vote.

J'aimerais rappeler que les présidents de conseils départementaux avaient exprimé une opinion extrêmement favorable à la facilité à obtenir des procurations. En revanche, ils étaient plus que réservés à propos du vote par correspondance.

Concernant les modes de scrutin, il existe un fort attachement des conseils départementaux au système actuel, y compris au binôme paritaire. D'ailleurs, sur ce sujet, les départements sont probablement au fil des années passés d'une forme de scepticisme à une véritable adhésion, reconnaissant que la féminisation des conseils départementaux changeait positivement le travail des assemblées départementales. Les binômes paritaires fonctionnent bien. Pour cette raison, les conseils départementaux sont très attachés à garder la maille du canton, même si les limites en ont été élargies.

À propos des parcours citoyens, rappelons qu'une attention toute particulière doit être accordée à la jeunesse puisque les chiffres de l'abstention chez les jeunes atteignent des niveaux extrêmement alarmants.

Des processus de démocratie participative se développent de plus en plus dans les départements, suscitant un véritable intérêt. Un tiers des départements ont mis en place des budgets participatifs sur des domaines plus ou moins larges. Un certain nombre de départements ont réorganisé leurs services pour mettre en avant le sujet de la participation des citoyens. Ils ont recruté des chargés de mission et créé des pôles ou des directions traitant du sujet de la qualité de la relation avec les usagers et de leur participation. Ce sujet est encore émergent mais se développera probablement dans l'organisation et le fonctionnement des collectivités. En tout état de cause, il semble extrêmement prometteur. En outre, plusieurs départements associent les citoyens aux décisions de la collectivité qui les concernent au quotidien.

Je rejoins les propos de Jules Nyssen sur le mille-feuille français. Les élus locaux vivent une vraie frustration vis-à-vis des initiatives de l'État central, comme si la verticalité s'opérait de moins en moins par des normes juridiques mais par la voie d'une communication extrêmement intrusive. Cette communication est d'autant plus intrusive qu'elle intervient même sur des sujets relevant des compétences décentralisées. Cette recentralisation s'opère également via des outils tels que des appels à manifestations d'intérêt et des appels à projets, qui entrainent comme un reformatage de l'action publique locale. Ces outils contraignent les collectivités locales à faire correspondre leurs projets à des directives nationales.

Ce point participe au flou et explique la difficulté rencontrée par les citoyens à identifier, à travers leur vote, la compétence locale. Nos concitoyens reconnaissent leurs collectivités et leur utilité sans connaître réellement leurs missions. Un sondage récent a montré que 40 % des personnes interrogées croyaient que le revenu de solidarité active (RSA) était géré par l'État. S'il se généralise, ce désajustement peut être aussi générateur de ce flou et de la difficulté, pour nos concitoyens, à se repérer.

Notre approche doit être extrêmement pragmatique, presque managériale. Nous devons nous poser la question du bon niveau de pilotage et d'exercice d'une politique publique. Au niveau du territoire, nous pouvons réunir et faire travailler ensemble des citoyens qui ne partagent pas forcément les mêmes opinions mais qui sont réunis par l'intérêt commun de bien faire fonctionner le territoire auquel ils sont attachés. Une approche pragmatique, politique par politique, permettra probablement de trouver le juste positionnement et de réconcilier les électeurs avec la mise en œuvre des politiques publiques.

La concurrence s'exprimant fortement entre l'État et le niveau local s'explique par le sentiment de frustration et de dépossession des élus. Lorsqu'ils appellent de leurs vœux un nouvel élan de décentralisation, ils appellent aussi l'État — dont ils respectent les compétences — à une forme de lâcher-prise. Il faut redonner des marges de manœuvres et d'initiatives et cesser d'intervenir, y compris par des outils de communication, dans le champ des compétences décentralisées.

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