Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 17h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Guy Geoffroy, président des maires de Seine-et-Marne, maire de Combs-la-Ville, représentant de l'Association des maires de France (AMF) :

Tout en adhérant presque mot à mot à tout ce qui a été dit, j'aimerais néanmoins souligner que, si nous pouvons bien sûr répondre par d'éventuelles propositions concernant nos niveaux de collectivités, il faut garder à l'esprit que le phénomène de l'abstention grandissante touche également les élections nationales.

Lors de l'élection municipale dans ma commune en 2014, j'avais été frappé que, pour la première fois, nous eussions à peine dépassé 55 % de votants, alors que nous disions à l'époque que l'élu préféré des Français était le maire. C'est à se demander si l'une des raisons du tassement de la participation aux élections municipales n'est pas que, les habitants des communes étant globalement satisfaits de leur maire, ils ne voient pas l'intérêt de voter.

Par ailleurs, dans mon agglomération, deux communes ‑ très proches de la mienne et à peu près de même importance ‑ disposent de machines à voter. Leur taux de participation en 2020 a été strictement identique dans ma commune et dans les communes voisines. La commodité apportée par la machine à voter n'a aucun impact sur la participation.

Je suis assez partagé quant au lien entre les taux de participation et les autres modalités de vote, ainsi que concernant les modes de scrutin. Nous avons connu tout type de scénarii d'élections depuis trente ans. Pourtant, nous n'avons jamais constaté de différence selon le type de scénario. Des regroupements d'élections ont eu lieu un nombre considérable de fois. Aucun élément ne permet de dire qu'un regroupement des élections pourrait réamorcer un mouvement d'adhésion au scrutin.

J'entends beaucoup d'habitants des deux communes utilisant des machines à voter dire qu'ils apprécient l'isoloir et le dépouillement. Ces moments constituent des respirations de l'instant de la démocratie locale, auxquels nous parvenons quel que soit le dispositif retenu.

Concernant un mode de scrutin similaire pour les départements et les régions, une des réponses à l'interrogation sera peut-être de revenir au dispositif du conseiller territorial. La caractéristique de ce dispositif était de permettre clairement la désignation des mêmes personnes pour exercer simultanément des fonctions aux échelles départementale et régionale. Je rappelle qu'avant les lois Defferre, lorsque les régions ont été créées, les conseillers régionaux étaient des représentants des départements et des représentants des maires. La représentation découlait des autres strates territoriales. Nous devons peut-être réfléchir à nouveau à cette idée, sans modifier les binômes.

La piste d'un même élu, sur le plan départemental et régional, pourrait permettre une plus grande clarté dans la répartition des compétences. Je rappelle que les deux seules collectivités dotées d'une compétence générale sont l'État et les communes. Les autres collectivités peuvent prendre des initiatives en dehors de leurs compétences, mais ce ne sont que des initiatives pour venir en appui des politiques menées par les communes.

Le regroupement des élections est donc aussi positif que négatif. L'idée n'est pas non plus impertinente. La difficulté que nous avons rencontrée lors des élections n'était pas relative aux locaux mais aux grandes peurs liées à la crise sanitaire, rendant la recherche de candidats assesseurs plus difficile. Le regroupement des élections a effectivement pu encourager le vote pour les départementales dans les secteurs urbains et, inversement, pour les régionales dans les secteurs ruraux.

Concernant le parcours citoyen et l'exemplarité des élus, nous devrions trouver le moyen d'affirmer que l'écrasante majorité des élus sont engagés et agissent pour le bien public. Nous devrions cesser de faire de chaque affaire, qui surgit de temps en temps, le sujet obligeant encore la classe politique à courber le dos et donner du grain à moudre, alors que ces affaires produisent déjà suffisamment de dégâts. Les élus devraient peut-être se forcer à ne pas accepter que le débat s'oriente systématiquement vers la polémique. Ils devraient éventuellement refuser de participer à cette politique spectacle.

Par exemple, j'ai été sidéré de constater comment les médias, y compris les plus grands médias nationaux, ont essayé d'instrumentaliser des événements malheureux survenus dans un lycée de ma commune. Il a pourtant été démontré que cet évènement unique ne peut pas caractériser l'établissement ni la catégorie d'établissements. J'ai été invité à une émission de Cyril Hanouna, où je me suis bien gardé de me rendre, afin d'évoquer ces questions.

Tant qu'existent des émissions qui dévoient la puissance de l'action publique et tant que des élus acceptent d'y participer, nos actions ne fonctionneront pas. Nous devrions éventuellement être unis par une volonté collective, au-delà des différences politiques, pour faire valoir que les élus de la nation, où qu'ils siègent, sont des femmes et des hommes qui méritent plus le respect que l'opprobre, nonobstant tout ce qui a pu affecter — et peut-être affectera encore — notre corporation.

Par ailleurs, la verticalité existe. De plus, elle est davantage descendante que dirigée dans les deux sens. Hier, j'ai été auditionné par l'Inspection générale, qui conduit l'évaluation de la mise en place de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Les élus devraient pouvoir dire que l'ANCT est un outil utile dans les petites communes pour disposer d'une ingénierie. Or il a découlé de ma discussion avec le corps de l'Inspection générale que l'ANCT constitue malheureusement un élément de plus dans la confusion de notre lecture de la conduite des politiques publiques par l'État. En outre, la mise en cohérence apparait beaucoup plus aléatoire que l'objectif de l'État ne l'avait laissé apparaitre.

Ne pas avoir spontanément à l'esprit, lorsque nous lançons une politique publique, la nécessité de se donner les moyens de l'évaluer est un mal français. Je ne jette la pierre à personne mais il existe un nombre considérable de lois — y compris celles que j'ai dû voter en ma qualité de député — votées avant même que la loi précédente n'ait pu produire tous ses effets et être évaluée. Nous ne progresserons pas sur le fond tant que notre vision de l'efficacité des lois sera superficielle.

La politique spectacle s'est introduite dans notre pays, avec les réseaux sociaux notamment. Ces derniers ne sont plus utilisés comme outils mais ont tendance à nous manipuler et nous utiliser comme vecteurs, ce qui ne favorise pas la confiance de nos concitoyens.

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