Intervention de Anne Muxel

Réunion du jeudi 21 octobre 2021 à 9h05
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Anne Muxel, directrice de recherches en sociologie et en science politique au CNRS :

Bonjour. Je suis également ravie de participer à cette audition.

Je ferai deux remarques liminaires sur lesquelles nous reviendrons en détail.

Premièrement, cette expression de l'abstention s'inscrit dans le cadre d'une crise majeure de la représentation politique, d'une crise de confiance envers les institutions. Depuis une trentaine d'années, le rapport au vote considéré comme un devoir d'expression des citoyens s'est érodé et a été affecté par la défiance à l'égard de la démocratie représentative. Le vote intermittent est à présent devenu la nouvelle norme, et peut se transformer chez certaines catégories de la population par une abstention systématique.

L'élection présidentielle est également affectée, même si elle reste encore l'élection qui enregistre les taux de participation les plus élevés. Au premier tour des élections de 2017, un tiers des 18-25 ans n'a pas voté, alors que pour la première fois, l'un des candidats en lice était très jeune et offrait la perspective d'une nouvelle donne politique.

Un nouveau modèle de citoyenneté s'est installé, articulé sur trois piliers que sont la défiance, l'intermittence et une diffusion de la culture politique protestataire. Les citoyens cherchent à s'exprimer par d'autres vecteurs dans le cadre, non pas d'une démocratie représentative, mais d'une démocratie directe sans la médiation des organisations politiques traditionnelles.

Les chercheurs ont vu émerger une abstention de nature critique, qui permet à des citoyens de s'exprimer au travers d'un message politique de colère adressé à l'ensemble de la classe politique. Cette affirmation de la citoyenneté critique représente sans doute la part la plus dynamique de l'abstention qui explique sa montée depuis ces trente dernières années. L'abstention est devenue un outil citoyen parmi d'autres pour s'exprimer.

Deuxièmement, de toutes les formes de participation politique, l'abstention reste la forme la plus répandue, y compris parmi les jeunes et dans les milieux populaires. On vote plus que l'on ne manifeste. Même si les participations non conventionnelles ont gagné en légitimité, elles ne sont pas simplement réservées à la culture politique de gauche. L'opinion soutient très majoritairement les mouvements d'expression protestataire, comme les Gilets jaunes.

Enfin, il n'existe pas de déconnexion entre la participation électorale et les autres formes de participation. Les personnes qui votent participent à d'autres formes de participation non conventionnelle ou protestataire. La palette des usages démocratiques s'est élargie et les citoyens s'en saisissent en fonction des enjeux, afin de mieux se faire entendre. En ce sens, le vote peut se trouver limité.

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