Intervention de Céline Braconnier

Réunion du jeudi 21 octobre 2021 à 9h05
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Céline Braconnier, directrice de Science Po Saint-Germain-en-Laye et professeure de science politique :

Sur la question des outils de campagne, notre collègue Abel François pourra répondre sans doute de façon plus précise.

On sait que les campagnes électorales ont du mal à produire des effets sur les orientations électorales. En revanche, lorsque les campagnes sont relayées par des médias grand public, elles intéressent les citoyens et produisent un entraînement très fort.

Dans nos grandes démocraties, c'est encore la télévision qui produit les effets les plus massifs de mobilisation et qui est capable de faire participer des individus qui sont très peu politisés et très peu intéressés par la politique au quotidien. Ils sont entraînés dans la participation par les membres de leur entourage qui suivent la campagne électorale telle qu'elle est diffusée quelques semaines avant le scrutin lorsqu'il s'agit d'une élection présidentielle.

Les campagnes électorales sont d'autant plus efficaces et aptes à mobiliser les électeurs qu'elles reposent sur des supports variés et s'adaptent à des populations qui se mobilisent différemment.

De la même manière qu'il serait utile de diversifier les modalités de participation électorale, de maintenir le vote à l'urne, rituel du dimanche, il faudrait ouvrir les possibles et permettre un vote sur Smartphone pour les plus jeunes qui neutraliserait l'éloignement du lieu d'inscription le jour du vote. Il faudrait être capable d'adapter nos modalités de vote à la diversité de situations.

De la même façon, il faut être ouvert à la diversité des supports de mobilisation et de campagne électorale. La digitalisation des outils n'a pas fait ses preuves, car elle dépend du type de citoyen visé. La catégorie de population qui s'informe en politique et qui est mobilisée politiquement par des outils digitaux, est une population extrêmement réduite qui diversifie ses moyens de politisation. La grande majorité des citoyens cependant reste assez peu affectée par ces outils.

Anne Muxel pourra compléter ma réponse, car elle a également travaillé sur la question du vote en famille. Bien sûr, nous votons en famille. Des travaux très intéressants aux États-Unis ont même montré que les recompositions familiales et les séparations dans nos sociétés entraînaient mécaniquement de l'abstention. Lorsque des couples se séparent, il est très fréquent que l'un des conjoints cesse de voter, notamment la femme dans les milieux populaires. En revanche, dans les milieux favorisés, la séparation n'a pas d'impact sur la participation électorale.

La participation prolonge en quelque sorte les évolutions structurelles de la société, que nous pouvons essayer de compenser par des procédures de facilitation et des campagnes d'incitation à la mobilisation. Or, en France, nous n'avons pas de tradition de campagne électorale en faveur de la participation, qui débuterait au stade de l'inscription.

Depuis la réforme de 2019, il est possible de s'inscrire jusqu'au sixième vendredi précédant le scrutin, au lieu du 31 décembre de l'année précédant le scrutin. Or, cette réforme n'a pas produit d'effet, car les acteurs politiques et les pouvoirs publics n'ont pas investi ce nouveau calendrier pour inventer des campagnes électorales en faveur de l'inscription. Si nous n'investissons pas ce temps pour inciter les concitoyens à s'inscrire et à voter, avant de voter pour un candidat en particulier, nous nous privons d'un moyen d'entraînement à la participation.

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