Intervention de Thierry Vedel

Réunion du jeudi 21 octobre 2021 à 10h45
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Thierry Vedel, chargé de recherche CNRS au CEVIPOF :

La littérature sur la participation électorale et l'abstention est particulièrement abondante. Tous les facteurs pouvant jouer sur la participation électorale ont été étudiés. Il était donc assez naturel de s'intéresser au rôle des réseaux sociaux et d'internet.

Deux hypothèses peuvent être formulées. La première hypothèse est qu'internet permet une meilleure information, une intensification des discussions politiques et qu'il favorise la participation électorale. La deuxième hypothèse est qu'internet diffuse de fausses informations, antagonise la discussion politique et détourne de ce sujet à cause du flot d'informations. Dans ce cas, nous verrions comme effet une baisse de la participation électorale.

Il n'existe pas de conclusion définitive des recherches.

Lorsqu'internet n'était pas encore aussi utilisé qu'aujourd'hui, les recherches montraient plutôt qu'il détournait des élections à cause de son pouvoir d'attraction et de la multitude d'informations et de divertissements proposés, qui détournaient les potentiels électeurs de la politique.

Aujourd'hui, les études proposent des résultats divergents. Par exemple, une étude italienne montre que l'exposition accidentelle à l'information politique trouvée sur les réseaux sociaux favorise la participation électorale, notamment chez les catégories participant peu. Toutefois, une autre étude, très célèbre, réalisée pendant les élections américaines de 2008, montre que le fait de poster sa participation au vote sur Facebook incite les autres utilisateurs à voter également. Dans ce cas, nous ne savons pas si l'information en elle-même ou la force des interactions entre les individus est à l'origine du résultat.

Il est difficile de synthétiser une recherche. Les conclusions sont souvent ambivalentes et nuancées.

J'entends souvent que les réseaux sociaux favorisent, par nature, la participation électorale des jeunes générations. Si presque tous les jeunes utilisent les réseaux sociaux, ces derniers semblent être l'espace à investir pour les intéresser à la politique et les encourager à voter. Vous avez mentionné l'utilisation de Twitch.

Cependant, les jeunes s'intéressent peu à la politique. Depuis toujours, l'intérêt pour la politique et la participation électorale est faible dans les catégories jeunes et croît progressivement avec l'âge. Soulignons que, si nous sommes très occupés par d'autres activités que la politique à l'âge de 20 ans, nous nous intéressons à certains sujets en prenant de l'âge, tels que la fiscalité, ce qui nous implique davantage dans les élections.

Par ailleurs, les utilisateurs d'internet qui s'intéressent à la politique étaient déjà intéressés par la politique. Dans ce cas, l'intérêt pour la politique est premier et constitue la raison de l'utilisation d'internet et des réseaux sociaux.

Enfin, le vote par internet était d'actualité au début des années 2000 mais l'intérêt pour ce sujet est aujourd'hui retombé. De volumineuses questions techniques sont posées, souvent résumées par l'acronyme C.I.A. pour confidentialité, intégrité et authenticité.

Le vote par internet est probablement envisageable pour des élections à faible enjeu et très localisées. S'il avait été possible de voter par internet pour l'élection présidentielle française de 2002, personne n'aurait cru aux résultats du premier tour. Tous les hackers du monde, voire des agences étrangères déjà intervenues dans d'autres pays, se donneront rendez-vous le jour où la France organisera son vote par internet pour mettre ce système à bas.

Nous pensons aussi que le rituel républicain, auquel sont attachés les Français, constitue un obstacle contre le vote par internet en France.

En outre, il n'existe pas d'évidence montrant que, dans un pays comme la France, la participation électorale est liée à des questions matérielles. Rappelons que notre pays compte une extraordinaire densité de bureaux de vote. Les études concernent souvent les États-Unis, où la situation est très différente car les bureaux de vote sont parfois éloignés des électeurs.

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