Table ronde sur les réseaux sociaux : M. Thierry Vedel, chargé de recherche CNRS au CEVIPOF ; Mmes Elisa Borry-Estrade, responsable affaires publiques de Facebook France, Béatrice Oeuvrard, responsable Affaires Publiques, et Clémence Dubois, responsable des partenaires institutionnels ; M. Stéphane Harrouch, responsable relations institutionnelles de YouTube France, et Mme Charlotte Radvanyi, chargée de relations institutionnelles chez Google France ; M. Jean Gonié, directeur des affaires publiques de Snapchat, et Mme Sarah Bouchahou, responsable affaires publiques pour la France ; M. Yohann Bénard, directeur des affaires publiques Europe du Sud d'Amazon, et Mme Philippine Colrat, responsable des affaires publiques d'Amazon.
La séance est ouverte à 10 heures 45.
Présidence de M. Xavier Breton, président.
Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous propose que nous débutions cette table ronde concernant les réseaux sociaux et les questions relatives à la participation électorale. Les réseaux sociaux jouent un rôle important, notamment auprès des plus jeunes.
Nous accueillons M. Thierry Vedel, chargé de recherche CNRS au CEVIPOF ; Mme Élisa Borry-Estrade, responsable affaires publiques de Facebook France ; Mme Béatrice Oeuvrard, responsable affaires publiques de Facebook France ; Mme Clémence Dubois, responsable des partenaires institutionnelles chez Facebook France ; M. Stéphane Harrouch, responsable relations institutionnelles de YouTube France ; Mme Charlotte Radvanyi, chargée de relations institutionnelles chez Google France ; M. Jean Gonié, directeur des affaires publiques de Snapchat ; Mme Sarah Bouchahoua, responsable affaires publiques pour la France de Snapchat ; M. Yohann Bénard, directeur des affaires publiques Europe du sud d'Amazon et Mme Philippine Colrat, responsable des affaires publiques d'Amazon. Aucun responsable de Twitter n'a pu se rendre disponible mais ils adresseront une contribution écrite à la commission.
Cette table ronde est ouverte à la presse, retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et fera l'objet d'un compte rendu.
Je cède la parole aux représentants des réseaux sociaux.
, responsable affaires publiques de Facebook France. La participation électorale constitue l'un des piliers fondamentaux de l'approche de Facebook concernant l'intégrité des élections, qui est l'une des priorités de notre entreprise depuis plusieurs années.
Nous croyons que nos plateformes peuvent favoriser l'engagement citoyen et la participation électorale car elles donnent une voix à des personnes de tout âge et de toute conviction, mais également à des candidats ayant accès à nos outils de manière gratuite.
Pour promouvoir la participation électorale et l'engagement citoyen, nous déployons des outils à destination du public et des candidats, tels que des modules rappelant les grandes modalités du vote, notamment les dates limites d'inscription sur les listes électorales. Lors des élections municipales de 2020, nous avions ainsi redirigé près de 500 000 clics vers le site de service public consacré aux élections. Nous effectuons également, le jour du vote, un rappel dans le fil d'actualité des utilisateurs. De plus, dans le cadre des élections européennes et régionales, nous avons proposé des stickers, disponibles sur Instagram dans l'outil créatif « stories », permettant de rediriger vers des sites d'information et de renseigner, par exemple, sur l'emplacement d'un bureau de vote.
Nous collaborons avec le service d'information du gouvernement afin de nous assurer que nous avons inclus, parmi les informations données, les points les plus pertinents pour nos utilisateurs.
Pour les élections présidentielle et législatives de 2022, nous avons déjà mis en ligne un espace élections, accessible à tous les candidats et au grand public et regroupant toutes nos recommandations de bonnes pratiques concernant le contenu créatif et les enjeux de cybersécurité. Plusieurs autres partenariats et produits sont à l'étude mais ne peuvent être encore évoqués.
Ce travail sur la participation électorale fait partie de notre approche globale de l'intégrité des élections. Nous travaillons sur plusieurs aspects : assurer la protection de nos utilisateurs et des candidats ; lutter contre les tentatives d'ingérence dans le processus électoral ; lutter contre la propagation de fausses informations ; assurer une transparence accrue des contenus, notamment publicitaires.
Concernant la protection des utilisateurs, nous supprimons les contenus qui violent les standards de la communauté. Nous interdisons par exemple les appels à la haine et à la violence. Dans le cadre des élections, nous interdisons les fausses informations concernant le processus électoral, qui risqueraient de l'entraver.
Nous détectons ce type de contenus sur signalement de nos utilisateurs mais également grâce à l'intelligence artificielle. Plus de 40 000 personnes travaillent aujourd'hui pour assurer la sécurité et la sureté de la plateforme, parmi lesquels environ 15 000 modérateurs.
De nombreux outils servent à empêcher les piratages de comptes et les usurpations d'identité, tels que l'authentification à deux facteurs.
Concernant les fausses informations, nous réduisons la visibilité de certains contenus, ne violant pas les standards de la communauté mais nuisant à l'authenticité de l'information sur la plateforme. Dans ce but, nous travaillons avec un réseau de partenaires externes à l'entreprise, qui sont des vérificateurs d'informations. En France, nous comptons sur le partenariat du Monde, de France 24, de 20 minutes et de l'Agence France-Presse (AFP) depuis plusieurs années. Nous réduisons la visibilité des informations qu'ils jugent fausses, informons nos utilisateurs en étiquetant clairement ces contenus et incluons un lien vers un article contradictoire rédigé par l'un de ces fact-checkers.
Par ailleurs, chaque annonceur souhaitant diffuser de la publicité politique, électorale ou ayant trait à un sujet d'intérêt général doit désormais suivre un processus strict d'autorisation sur Facebook. L'annonceur ne peut cibler un public que dans le pays où il est se trouve. Les publicités diffusées de cette manière sont labellisées avec une étiquette précisant l'origine de leur financement. Elles sont ensuite réunies dans une bibliothèque publique, accessible à tous, y compris les personnes ne disposant pas d'un compte Facebook. Nous donnons dans cette bibliothèque des informations tels que le montant dépensé et le public atteint par ces publications.
Ces éléments nous aident à lutter en partie contre le processus d'ingérence électorale. Depuis 2016, une équipe est consacrée à la lutte contre les comportements inauthentiques ou coordonnées, soit les opérations visant à manipuler les débats publics dans un but stratégique en s'appuyant notamment sur des réseaux de faux comptes. Nous avons massivement investi dans la mise au point de meilleures technologies mais également dans les ressources humaines pour enquêter, analyser ces réseaux, les supprimer de la plateforme et réaliser des adaptations régulièrement. Depuis la création de cette équipe, 150 opérations de ce genre ont déjà été retirées du réseau, ce qui donne chaque fois lieu à la publication d'un rapport sur la newsroom de Facebook.
À ce jour, nous n'avons pas constaté de signe d'opérations de ce type visant les élections françaises mais nous restons évidemment particulièrement vigilants. Nous continuons à travailler étroitement avec les autorités à ce sujet.
Nous vous remercions de cette invitation sur ce sujet clé de la lutte contre l'abstention et du renforcement de la participation électorale. En tant qu'entreprise à dimension internationale, nous avons eu l'occasion de travailler en collaboration avec plusieurs équipes gouvernementales et autorités publiques sur ces thématiques, comme récemment aux États-Unis et en Allemagne.
Au cours de ces différentes échéances électorales, nous avons mis nos produits au service de l'information des électeurs. Des développements spécifiques ont été créés sur le moteur de recherche Google et la plateforme de partage de vidéos YouTube.
L'accès à l'information constitue le cœur de la mission de Google. Évidemment, l'acuité de cette mission est toute particulière en période d'élection.
Nous échangeons avec les autorités françaises à propos de prochaines échéances. À l'aune de ces échanges, nous souhaitons proposer des produits et programmes spécifiques pour aider les citoyens à prendre part au vote et à effectuer un choix informé, sécuriser nos réseaux et contribuer au bon déroulement des élections, et publier des ressources numériques accessibles à tous.
J'ajoute que nos réflexions et efforts porteront à la fois sur les élections présidentielle mais aussi législatives, sur lesquelles l'enjeu de l'abstention risque d'être plus prégnant.
Concernant l'information des élections, notre objectif est de faire écho aux différents moments clés de la campagne (en étroite collaboration avec le ministère de l'Intérieur). Nous diffuserons notre information en amont, afin d'inciter les personnes à s'inscrire sur les listes électorales ; durant toute la campagne, pour permettre aux électeurs de s'informer sur les modalités de vote ; au moment des résultats.
Nous songeons par exemple à faire apparaître, sur la page de résultats pour les requêtes Google liées au vote, des « boites info » avec des réponses à des questions clés. Nous travaillerons à nouveau avec le ministère de l'Intérieur sur ces thématiques.
Les jours des votes, nous informerons les utilisateurs sur les résultats disponibles en direct, avec des visuels spécifiques aux élections. En Allemagne, ces produits ont été vus des millions de fois.
En complément, nous souhaitons promouvoir le vote et les échéances clés directement sur la page d'accueil du moteur de recherche, éventuellement avec des logos customisés de Google et des liens de redirections vers des sources faisant autorité, parmi lesquelles celle du ministère de l'Intérieur.
La plateforme YouTube est utilisée chaque mois par 80 % de la population française âgée de 18 ans et plus. Ce chiffre nous confère une responsabilité en matière d'élections.
Un rapport du cabinet Oxford Economics indique qu'en France, 45 % des utilisateurs de la plateforme YouTube regardent régulièrement des vidéos d'actualités et d'informations. Cette réalité s'est fortement accrue avec la pandémie.
Nous travaillons régulièrement avec le service d'information du gouvernement afin de travailler sur des campagnes d'information, notamment concernant la crise sanitaire liée au Covid-19. Nous sommes à l'entière disposition des pouvoirs publics pour envisager des collaborations, qui ont déjà commencé.
Lors des très récentes élections allemandes, YouTube a proposé des « boites info » ou des panneaux, avec des informations sur des sujets relatifs aux élections, qui redirigent vers le moteur de recherches. YouTube a hébergé et promu les débats officiels des candidats à la chancellerie. Ces débats ont été vus plus de 3 millions de fois sur la plateforme. De plus, le jour des élections, des bannières avec les résultats renvoyaient vers Google. Enfin, le jour de l'élection, la plateforme a effectué la promotion et la diffusion en direct de chaînes médias allemandes.
Nous souhaitons aider les électeurs à s'informer sur les sujets de campagne. À ce titre, nous lancerons un microsite avec Google Trends, accessible à tous. Ce microsite permettra de mettre en avant les tendances de recherches sur les sujets ayant trait aux élections.
Par ailleurs, nous souhaitons soutenir les rédactions et les accompagner sur le volet numérique. Google a par exemple lancé très récemment un programme avec Ouest Medialab. En amont des élections présidentielle et législatives, 1 800 journalistes de rédactions de médias locaux et nationaux seront accompagnés sur différents sujets numériques tels que la vérification ou encore le data journalism.
Le deuxième volet de notre engagement dans le cadre des élections est essentiellement axé autour des problématiques de protection et de sécurité, ce qui inclut la lutte contre la désinformation.
Des actions de la plateforme YouTube sont pensées autour de ce que nous appelons les quatre R, soit :
Sur ce dernier point, le programme « Le partenaire YouTube » nécessite, pour en bénéficier, de disposer d'un minimum de 1 000 abonnés et de plus de 400 heures de visionnage.
Nous souhaitons rappeler que nous sommes soumis à l'obligation, dans le cadre de la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information, de remettre un rapport détaillé des actions de Google et YouTube au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), que je vous invite à consulter.
Enfin, nous mettons en œuvre des campagnes de sensibilisation. Nous lançons cette semaine une campagne sur la désinformation et les moyens de lutter contre cette dernière auprès du grand public. Des vidéos sont disponibles sur notre plateforme et dans les médias. Un petit livret a été créé pour prodiguer des conseils à l'utilisateur et mettre en avant une vingtaine de chaînes YouTube fiables.
Parallèlement à ce travail sur la désinformation, pour les élections, nous mettons au point des processus rigoureux afin d'être en mesure de réagir très rapidement et en permanence aux demandes des candidats ou d'autorités.
Enfin, nous souhaitons apporter notre aide sur la dimension numérique de la campagne. L'information des électeurs et le processus démocratique passent aussi par une bonne visibilité des candidats et des partis en ligne.
Aussi, nous lancerons prochainement un site avec des ressources et des vidéos accessibles à tous, pouvant être utiles aux équipes de campagne. Nous proposons plusieurs thématiques ayant trait à la sécurité en ligne, aux moteurs de recherche ou encore à YouTube.
L'application Snapchat est très populaire en France. Chaque jour, plus de 17,5 millions de Françaises et de Français se connectent à l'application. Parmi eux, plus de 80 % ont plus de 18 ans. Nous avons ainsi un rôle à jouer dans le cadre des élections pour les encourager à s'inscrire et à voter.
Comme les autres plateformes, nous avons soumis un rapport d'activité au CSA, dont je vous invite à regarder particulièrement les chiffres.
Snapchat est une plateforme de communication privée, telle que WhatsApp. Une partie de l'application ressemble à un kiosque à journaux, contenant la version Snapchat d'une soixantaine de médias français dont, par exemple, le Monde et le Figaro et des dizaines de médias internationaux. Ces médias publient des news spécialement conçus pour Snapchat. Le niveau d' infox est extrêmement faible sur l'application, qui ne s'y prête pas.
Afin d'encourager la participation électorale et d'éviter l'abstention des jeunes, nous avons effectué de nombreuses actions.
Un premier exemple est la création de partenariats, dans le cadre de l'élection présidentielle américaine, avec des associations civiques locales afin que les jeunes comprennent ce qu'est une élection. Plus de 30 millions d'Américains ont utilisé ces outils mis à leur disposition. Parmi eux, 1,2 million ont voté via l'application de l'organisation non gouvernementale (ONG) locale TurboVote. Le New York Times a évoqué le poids de l'application Snapchat pour des jeunes se désintéressant de la politique et des élections.
Un deuxième exemple est le lancement de l'outil Run For Office, visant à aider des jeunes souhaitant se présenter à une élection. Des millions d'Américains ont téléchargé tous les modules, concernant autant les élections locales que les élections pour être juge ou sénateur.
Un troisième exemple est la création d'un compte à rebours, dans le cadre des récentes élections législatives en Allemagne, qui visait à rappeler aux jeunes l'échéance du vote. Snapchat est la seule application à avoir été partenaire avec l'agence fédérale pour l'engagement civique allemande. Des outils adaptés au public, comme des lens ou des filtres, ont été proposés. De plus, des rappels ont été envoyés chaque semaine pour les inciter à voter. Nous pensons que ces outils ont eu un réel impact.
Un quatrième exemple est le partenariat avec le Parlement européen, à l'occasion des élections européennes de 2019. Cette initiative a connu un grand succès. Beaucoup d'élus se sont adressés à l'application quand ils ont appris l'impact du partenariat.
Nous agirons évidemment pour l'élection présidentielle française de 2022. Comme mes collègues des autres plateformes, nous sommes régulièrement invités dans plusieurs ministères afin de réfléchir ensemble et partager nos projets. Les 17,5 millions d'utilisateurs de Snapchat sont sensibles aux initiatives que nous mettrons en place.
Concernant les risques d'interférence et de publicités politiques, nous nous sommes audités nous-mêmes en 2016 aux États-Unis et lors du vote du Brexit en Angleterre. Nos résultats montrent qu'il n'existe aucune interférence étrangère car l'application ne s'y prête pas.
Néanmoins, nous avons élaboré, dès 2018, une charte visant à limiter et surtout contrôler les publicités politiques. Dès qu'un utilisateur effectue une publicité politique sur Snapchat, une bibliothèque apparaît et indique le montant payé ainsi que le pays d'origine de la publicité. Nous sommes très souvent à Bruxelles pour évoquer ce sujet avec la Commission européenne. Notons que Snapchat est la seule plateforme utilisant de la modération humaine pour les publicités politiques.
La plateforme Twitch, créée en 2011, est entrée au sein du groupe Amazon en 2014.
En France, plusieurs personnalités politiques sont apparues sur la plateforme au cours de l'année écoulée. Toutefois, Twitch est essentiellement une plateforme dédiée aux jeux vidéo et se prête donc assez mal à des exercices de désinformation politique.
Twitch compte aujourd'hui 5 millions d'utilisateurs réguliers en France. À ce jour, nous n'avons pas vécu de précédent en matière de campagne de désinformation politique. Nous serons naturellement très vigilants.
Nous avons publié un rapport sur la sécurité en 2020. Avant la fin de l'année, nous mettrons en place une nouvelle politique contre la désinformation, qui permettra de traiter tout risque à cet égard.
La littérature sur la participation électorale et l'abstention est particulièrement abondante. Tous les facteurs pouvant jouer sur la participation électorale ont été étudiés. Il était donc assez naturel de s'intéresser au rôle des réseaux sociaux et d'internet.
Deux hypothèses peuvent être formulées. La première hypothèse est qu'internet permet une meilleure information, une intensification des discussions politiques et qu'il favorise la participation électorale. La deuxième hypothèse est qu'internet diffuse de fausses informations, antagonise la discussion politique et détourne de ce sujet à cause du flot d'informations. Dans ce cas, nous verrions comme effet une baisse de la participation électorale.
Il n'existe pas de conclusion définitive des recherches.
Lorsqu'internet n'était pas encore aussi utilisé qu'aujourd'hui, les recherches montraient plutôt qu'il détournait des élections à cause de son pouvoir d'attraction et de la multitude d'informations et de divertissements proposés, qui détournaient les potentiels électeurs de la politique.
Aujourd'hui, les études proposent des résultats divergents. Par exemple, une étude italienne montre que l'exposition accidentelle à l'information politique trouvée sur les réseaux sociaux favorise la participation électorale, notamment chez les catégories participant peu. Toutefois, une autre étude, très célèbre, réalisée pendant les élections américaines de 2008, montre que le fait de poster sa participation au vote sur Facebook incite les autres utilisateurs à voter également. Dans ce cas, nous ne savons pas si l'information en elle-même ou la force des interactions entre les individus est à l'origine du résultat.
Il est difficile de synthétiser une recherche. Les conclusions sont souvent ambivalentes et nuancées.
J'entends souvent que les réseaux sociaux favorisent, par nature, la participation électorale des jeunes générations. Si presque tous les jeunes utilisent les réseaux sociaux, ces derniers semblent être l'espace à investir pour les intéresser à la politique et les encourager à voter. Vous avez mentionné l'utilisation de Twitch.
Cependant, les jeunes s'intéressent peu à la politique. Depuis toujours, l'intérêt pour la politique et la participation électorale est faible dans les catégories jeunes et croît progressivement avec l'âge. Soulignons que, si nous sommes très occupés par d'autres activités que la politique à l'âge de 20 ans, nous nous intéressons à certains sujets en prenant de l'âge, tels que la fiscalité, ce qui nous implique davantage dans les élections.
Par ailleurs, les utilisateurs d'internet qui s'intéressent à la politique étaient déjà intéressés par la politique. Dans ce cas, l'intérêt pour la politique est premier et constitue la raison de l'utilisation d'internet et des réseaux sociaux.
Enfin, le vote par internet était d'actualité au début des années 2000 mais l'intérêt pour ce sujet est aujourd'hui retombé. De volumineuses questions techniques sont posées, souvent résumées par l'acronyme C.I.A. pour confidentialité, intégrité et authenticité.
Le vote par internet est probablement envisageable pour des élections à faible enjeu et très localisées. S'il avait été possible de voter par internet pour l'élection présidentielle française de 2002, personne n'aurait cru aux résultats du premier tour. Tous les hackers du monde, voire des agences étrangères déjà intervenues dans d'autres pays, se donneront rendez-vous le jour où la France organisera son vote par internet pour mettre ce système à bas.
Nous pensons aussi que le rituel républicain, auquel sont attachés les Français, constitue un obstacle contre le vote par internet en France.
En outre, il n'existe pas d'évidence montrant que, dans un pays comme la France, la participation électorale est liée à des questions matérielles. Rappelons que notre pays compte une extraordinaire densité de bureaux de vote. Les études concernent souvent les États-Unis, où la situation est très différente car les bureaux de vote sont parfois éloignés des électeurs.
Je cède la parole à monsieur le Rapporteur puis aux membres de la commission souhaitant poser des questions.
Je vous remercie de vos interventions.
Tout d'abord, monsieur Vedel, je m'étonne de votre vision du monde, selon laquelle les jeunes sont trop occupés pour voter et les trentenaires votent car ils se soucient de leur situation fiscale.
Votre rôle de gérants de plateformes numériques concerne le moyen de construire ensemble une société de citoyens éclairés pouvant participer au vote et effectuer des choix tout aussi éclairés, en parfaite connaissance de cause.
Des échéances électorales auront lieu dans les mois à venir. Concernant vos constats sur l'abstention et les dernières élections, comment pourriez-vous améliorer le service afin d'accroitre la participation ? Que pourriez-vous proposer afin que davantage de nos concitoyens soient informés sur les modalités, les jours de vote et la pluralité des offres politiques ? Comment pourriez-vous contribuer à améliorer la participation électorale avec vos contenus et messages ?
J'aimerais également connaître les délais moyens de suppression des fake news ou des informations sortant de la légalité.
Par ailleurs, comment luttez-vous contre les risques d'ingérences, étrangères ou non, ou les risques de piratage des comptes des personnalités politiques locales ou nationales ?
Aujourd'hui, l'écosystème de vos réseaux sociaux est un espace public. Or nous voyons que l'espace public en ligne n'a pas tout à fait les mêmes règles de vie que celles qui régissent l'espace public, alors que la loi est la même. En effet, vos standards de la communauté ne sont pas toujours similaires aux lois françaises. Sans entériner des lois inutilement, comment conformer davantage les règles de votre espace public à la loi de la République. ?
Les réseaux sociaux sont aujourd'hui des hébergeurs et non des créateurs de contenus. Or vous venez de nous décrire tout le travail d'un éditeur de contenus. En effet, vous ne faites qu'éditorialiser votre contenu. Vous réduisez la visibilité de certains contenus, vous réalisez du fact-checking, vous supprimez certains contenus et vous êtes même capables de supprimer le compte du Président d'une grande nation démocratique. Je considère donc que vous êtes des producteurs de contenus.
Pourquoi n'êtes-vous pas soumis à la loi du 31 juillet 1881, donnant des responsabilités en tant qu'éditeur ? Soumis à cette loi, les directeurs de publication des journaux sont responsables de toutes les publications, même du courrier des lecteurs.
Nous voyons bien que votre place est entre les deux fonctions. Comment pouvons-nous sortir de cette situation où, malgré tous vos efforts, que je salue, certaines pratiques ne peuvent pas être tolérées dans l'espace public ? Par exemple, si je porte une cagoule dans l'espace public et si j'insulte les passants, les gendarmes ou les policiers m'en empêcheront rapidement. Sur les réseaux sociaux, chacun peut porter la cagoule de l'anonymat et proférer des insultes.
Je suis très attaché à la neutralité d'internet. Cette neutralité s'entend pour les conseils confidentiels mais plus pour le contenu. En effet, votre contenu se trouve dans l'espace public, qui doit être républicain et démocratique.
La campagne des dernières élections municipales a duré trois mois puisque nous avons voté au premier tour en mars 2020 et au deuxième tour en juin 2020. En raison de la pandémie, les services de l'État et le ministère de l'Intérieur ont conseillé aux candidats de mener leur campagne sur internet et les réseaux sociaux plutôt que sur le terrain. Or nous nous sommes aperçus que la loi interdisait le sponsoring des contenus en pleine campagne électorale. Le sponsoring des contenus devrait au contraire être autorisé en pleine campagne sur Facebook et Twitter, tant que ces parrainages sont retracés dans les comptes de campagne. Que pensez-vous de cette interdiction ?
Monsieur Harrouch a indiqué que certains contenus, à la limite de la légalité, sont censurés. En France, nous disposons de plusieurs lois bien conçues sur ce sujet, notamment la loi de 1881. Vous adoptez donc vos propres règles, beaucoup plus restrictives que celle du juge. Or je pense que le juge doit être le seul censeur.
En outre, une fois que les 500 signatures seront déposées par les candidats, avez-vous d'ores et déjà songé à diffuser les clips officiels validés par les différentes autorités ou des interviews des différents candidats afin de limiter la forte abstention prévue pendant la campagne présidentielle ?
Vos efforts sont louables. Néanmoins, votre discours sonne vraiment faux puisque seuls comptent le profilage et le business model.
Heureusement, deux textes de l'Union européenne, le Digital Services Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA), arriveront prochainement et permettront que vous preniez vos responsabilités. Vous êtes en effet aujourd'hui des diffuseurs sans responsabilité d'éditeur.
Par ailleurs, j'aimerais connaître votre opinion sur le réseau social Truth Social, lancé par Donald Trump, qui sortira en 2022.
Je cède la parole aux représentants des réseaux sociaux afin qu'ils répondent aux questions.
Je vous prie de m'excuser car je suis contraint de quitter cette audition. M. Stéphane Travers, rapporteur, assurera la présidence en mon absence.
Tout d'abord, le module de rappel d'inscription sur les listes électorales est diffusé dans le fil d'actualité de tous les utilisateurs en France, de même que le rappel effectué le jour du vote. Un lien est publié, renvoyant en général vers un site de service public, sur les conseils du service d'information du gouvernement, avec une page relative au processus électoral. Par exemple, pour les dernières élections municipales et régionales, cet outil permettait aux utilisateurs de trouver leur bureau de vote en un clic.
Nous utiliserons à nouveau ces outils pour les élections présidentielle et législatives. Nous étudions également d'autres produits et initiatives afin d'encourager la participation des électeurs.
Concernant la lutte contre les ingérences, nous avons identifié certaines opérations dans le cadre de l'élection américaine de 2016. Nous avions déjà supprimé des milliers de faux comptes.
Une équipe est consacrée à ce que nous appelons les coordinated inauthentic behaviors, soit les missions d'influence masquées derrière de faux comptes. Cette tentative d'ingérence peut survenir dans le cadre d'élections mais aussi d'événements sportifs. Nous avons pris contact avec le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum).
Nous constatons autant d'ingérences étrangères que « domestiques ». Nous avons démantelé plus de 150 opérations. Notre rapport, publié récemment, signale l'existence d'ingérences en Iran et au Soudan, que nous sommes parvenus à démanteler.
Notre action concerne surtout la partie comportementale. Les contenus font partie des signaux importants mais ne suffisent pas. Ces organisations se coordonnent afin d'obtenir l'impact souhaité. Une personne qui poste ou reposte seulement un contenu n'a pas forcément l'intention de coordonner une action malveillante. Ainsi, nous nous penchons particulièrement sur les comportements au sein de ces organisations.
Au Soudan, 116 pages, 666 comptes, 69 groupes et 92 comptes Instagram, ciblant un public national, ont été supprimés.
Nous constatons une accélération de l'ingérence. Ainsi, nous travaillons avec les autorités et nous diffusons nos rapports publiquement, à destination de la recherche et des autorités afin que celles-ci puissent travailler sur ce que nous avons décelé. Ce sujet est l'objet de notre collaboration avec Viginum et avec l'ambassadeur pour le numérique Henri Verdier.
Par ailleurs, il est impossible de donner un délai moyen de suppression des fake news car les problématiques sont chaque fois très différentes. Je vous invite à lire notre rapport, riche d'exemples. Par exemple, le documentaire Hold Up mélangeait vrais et fausses informations. Nous disposons d'un réseau de quatre fact-checkers en France, pouvant recontextualiser les informations.
L'action de Facebook concernant les fake news consiste à supprimer, réduire et informer. Les modérateurs suppriment les contenus contrevenant aux standards de la communauté. Toutefois, ils ne jouent pas le rôle de juge.
J'entends vos propos concernant les fake news. Néanmoins, le doute n'est pas permis concernant la gestion des insultes ou des menaces de mort personnalisées publiées sur les réseaux sociaux. Ma question sur le délai moyen était relative à ce type de publications.
Je terminerai tout d'abord de répondre sur la modération des fausses informations.
Nous avions initialement essayé de créer un bouton rouge très visible indiquant qu'une information est fausse. Or les chercheurs nous ont indiqué que l'effet créé est plutôt contraire à celui que nous souhaitions. Nous avons donc changé nos dispositifs.
Vous trouverez dorénavant sur le site un petit « i » pour la partie informations et un relai des articles fact-checkés, ce qui fonctionne beaucoup mieux Ce type de dispositifs, que nous avons testé pour la Covid-19, fonctionne beaucoup mieux : 95 % des utilisateurs ne cliqueront pas sur un contenu qui a été signalé après sa vérification par un journaliste indépendant.
Concernant la modération, je suis tout à fait d'accord avec vous. Une menace de mort doit être traitée en quelques heures ou minutes, ce que nous effectuons aujourd'hui. Une menace de mort est interdite au regard de nos standards de la communauté et du droit français.
Nous travaillons étroitement avec les autorités françaises, notamment la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (Pharos), sur le sujet. Nous traitons plus de 22 000 réquisitions, uniquement en France. Je serais curieuse de savoir, parmi ces réquisitions traitées par les autorités françaises, combien concernent le harcèlement et les menaces de mort et quel est le suivi judiciaire de ces procédures.
Par ailleurs, le DSA vise à « figer » notre rôle en tant qu'hébergeur mais nous charge aussi d'une responsabilité renforcée pour instaurer des mesures volontaires. Nous comprenons l'importance de ces mesures protectrices. Une question demeure sur la façon dont ces mesures volontaires peuvent être encadrées mais aussi favorisées, sans que nous ayons la même responsabilité que pour le reste de nos obligations. Cette question constitue l'objet du débat mené dans le cadre du DSA, qui nous intéresse et que nous soutenons depuis le début. Nous avons notamment lancé la mission Facebook en France.
Concernant le réseau social de Donald Trump, je m'inquiète que ce type de dispositifs concerne uniquement un certain seuil. Par exemple, le décret pris en application de la loi relative au respect des principes républicains fixe des seuils, ce qui signifie que certains réseaux sociaux n'auront pas les mêmes obligations que d'autres. Ce point laisse beaucoup de place pour la création de certains réseaux sociaux comme celui de monsieur Trump.
La sécurité des comptes de personnalités politiques nationales ou locales est évidemment un sujet que nous prenons très au sérieux. Nous avons créé des outils pour assurer la sécurité de ces comptes et éviter toutes les tentatives de piratage, comme la possibilité de recevoir des alertes en cas de connexion non reconnue ou l'authentification à deux facteurs. Nous avons également instauré une section « où êtes-vous connecté ? » dans les paramètres de sécurité, contenant la liste des navigateurs sur lesquels le compte est connecté. Enfin, un security check permet de réaliser un audit de la sécurité de votre compte.
En plus de tous ces mesures et outils, nous sensibilisons régulièrement les partis et les personnalités politiques sur ce sujet.
Des alertes sont et seront diffusées directement dans l'application pour rappeler aux personnalités politiques et aux utilisateurs que ces outils peuvent être mis en place pour prévenir les piratages.
Concernant le sponsoring, une période de réserve est inscrite dans la loi. Nous n'avons pas d'avis sur la loi. En revanche, nous utilisons un certain nombre d'outils pour permettre plus de transparence sur les contenus publicitaires portant sur des enjeux politiques, électoraux ou sociaux. En France, un système d'autorisations existe depuis 2019 et doit être suivi pour diffuser ces publicités. L'utilisateur effectuant de la publicité portant sur un enjeu électoral doit justifier son identité. Ces publicités sont labellisées, avec une mention indiquant le parti ou la personnalité politique qui réalise et finance le sponsoring. Ces dispositifs assurent davantage de clarté pour les utilisateurs. Enfin, la bibliothèque publicitaire regroupe toutes les publicités actives portant sur un enjeu politique, social ou électoral, qui sont archivées pendant sept ans. Le public et le régulateur peuvent s'y référer. Si certains contenus vont à l'encontre de la loi, nous entamons des discussions pour les retirer.
Le retrait des contenus illégaux et potentiellement problématiques est opéré sur trois niveaux chez Twitch. Signalons préalablement que nous rencontrons très peu de difficultés en raison de la nature de cette interface.
Le premier niveau est constitué des outils de détection automatique, fonctionnant de manière à ce que les contenus illicites ne soient pas visibles.
Le deuxième niveau concerne le mécanisme de signalement par les utilisateurs, permettant un retrait dans un délai moyen de cinq minutes. En France, le cas récent de la retransmission d'une émission politique de monsieur Jean-Luc Mélenchon par un streamer a été commenté par la presse. Cette retransmission a donné lieu à un signalement puis à un retrait. Les protagonistes de cette affaire ont échangé par voie de presse. Cet événement montre que notre mécanisme de signalement a fonctionné.
Le troisième niveau concerne le fait qu'un utilisateur de Twitch peut choisir la modération de son contenu, ce qui constitue une originalité intéressante.
Concernant l'encouragement au vote visant à limiter l'abstention, nous évaluerons les possibilités. Nous avons relayé des initiatives du gouvernement sous forme d'utilisation de nos espaces publicitaires, notamment pendant la période de la crise sanitaire liée au Covid-19. Nous devrons considérer ce sujet. Toutefois, il ne s'agit pas d'une pratique que nous avons mise en œuvre sur Twitch. Je l'évoque donc sous toutes réserves.
À Paris, Google dispose d'équipes pleinement mobilisées dans le but d'améliorer la participation électorale. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de l'Intérieur sur la problématique de la lutte contre l'abstention. Des développements spécifiques ‑ que nous avons hâte de vous présenter et de voir apparaître ‑ seront proposés sur le moteur de recherche Google et sur YouTube.
Si les membres de la mission d'information pensent à d'autres pistes pour lutter au mieux contre l'abstention, nous sommes pleinement à votre disposition pour les évoquer.
Je voudrais souligner que l'outil Google Trends, accessible à tous, permet de mesurer l'appétence des Français pour différentes thématiques, notamment politiques. Un microsite sera consacré aux élections, avec les tendances de requêtes autour des candidats et les thèmes les plus recherchés, précisés à l'échelle nationale mais aussi pour chaque département. Cet outil est notamment utilisé par des médias comme le journal du dimanche soir de TF1.
Concernant les publicités politiques, nous prononcer sur l'évolution de la loi ne fait pas partie de notre rôle. En revanche, nous devons agir sur la transparence. Nous publions donc un rapport de transparence sur les publicités à caractère politique, accessible en ligne. Depuis le 20 mars 2019, 203 701 annonces à caractère politique ont été publiées en Europe, ce qui représente un budget publicitaire de plus de 22 millions d'euros.
Concernant la suppression de fake news ou de contenus illégaux, YouTube applique évidemment les lois de la République française. Simplement, nous disposons aussi de notre règlement permettant de renforcer le dispositif. Nos règles sont très spécifiques en matière d'information ou d'élection. Ces éléments sont publics. Chaque utilisateur s'inscrivant sur la plateforme a accès à ce règlement. Ce dernier concerne les spams, les pratiques trompeuses, les interactions artificielles, l'usurpation d'identité, les liens dans les contenus, les contenus violents ou dangereux, le harcèlement, la cyberintimidation et l'incitation à la haine.
Notons aussi que, sur YouTube, tous les utilisateurs doivent suivre les mêmes règles. Le 6 janvier 2021, la chaîne du Président Trump a été suspendue comme l'aurait été celle de n'importe quel utilisateur de la plateforme.
Pendant l'élection américaine de 2020, nous avons supprimé 8 000 chaînes car leurs vidéos étaient trompeuses pour les électeurs. Nous avons notamment identifié des vidéos donnant de fausses dates d'élections. Notons que 80 % de ces vidéos ont été supprimées avant d'avoir atteint cent vues.
Concernant la distinction entre hébergeur et éditeur, nous mettons une technologie à disposition des utilisateurs. Nous ne contrôlons pas, a priori, le contenu. Toutefois, nous nous assurons que les contenus respectent la loi française et notre règlement. Compte tenu de notre impact, il est de notre responsabilité d'être attentifs à ce qui est publié. Nous effectuons de nombreux efforts, notamment sur les informations dites de sources fiables. Par exemple, l'ONG indépendante AlgorithmWatch a indiqué que les sources d'autorité ont dominé les recommandations sur YouTube pendant la campagne électorale allemande et que YouTube ne recommande pas de contenus extrêmes.
Le seul espace public de Snapchat est la partie « Discover », dans laquelle les contenus proviennent de journaux ou d'influenceurs. Ce modèle limite grandement les infox ou les risques d'ingérence étrangère sur Snapchat.
Concernant la publicité politique, nous disposons nous aussi d'une bibliothèque. La seule différence de Snapchat avec les autres plateformes est la modération humaine pour les publicités politiques.
Par ailleurs, je suis convaincu que le DSA, pas assez ambitieux, changera peu de choses au sujet qui nous réunit aujourd'hui. Dans une lettre commune avec Spotify et d'autres entreprises européennes, nous disons qu'il est dommageable que le nombre de millions d'utilisateurs par mois serve à définir une grande plateforme. Nous estimons que les risques générés en ligne devraient être pris en compte.
En France, nous constaterons dès le 1er janvier les conséquences de la loi relative au respect des principes républicains.
Avant la loi relative aux principes républicains, la loi Avia visait déjà à lutter contre les contenus illégaux et haineux en ligne.
Dans le cadre de la prochaine élection présidentielle, les partenaires médias privilégiés, tels que le Monde ou le Point, diffuseront quelques émissions spécialisées sur ce thème dans la partie « Discover » de l'application. Snapchat n'aura aucun droit de regard sur ces contenus, qui relèvent de la liberté éditoriale de ces médias. Nous nous assurerons seulement que les contenus proposés entrent dans le cadre de la loi et de nos règles communautaires.
Nos actions de sensibilisation sont menées en trois phases. Tout d'abord, nous commencerons à sensibiliser davantage nos utilisateurs au moment de l'annonce officielle des candidats. Ensuite, nous accentuerons notre sensibilisation la veille des élections, en utilisant un compte à rebours et la réalité augmentée. Enfin, nous proposerons un filtre spécifique le jour même de l'élection.
En plus des outils décrits, des portails spécialisés seront créés dans le but d'expliquer le vote, la procuration ou le changement de bureau de vote. Nous travaillons sur ces points avec le service d'information du gouvernement.
Afin d'éviter de paraître moralisateurs, nous essayons d'être positifs, de réaliser une campagne responsabilisante et de donner du crédit aux élections.
Concernant le sponsoring, la législation française essaie de limiter le recours à la publicité lors des périodes électorales, soit en l'interdisant complètement comme à la télévision, soit en restreignant les périodes durant lesquelles elle peut être utilisée. Un groupe de travail du forum des droits sur l'internet (FDI) a beaucoup réfléchi sur cette question, tout en gardant l'esprit de la loi en tête. L'idée ayant motivé la création de cette loi est que, si la publicité politique est autorisée, ceux qui possèdent davantage de ressources financières récolteront davantage de voix.
Nous nous trompons peut-être en pensant qu'une meilleure qualité de l'information accroit la participation électorale. En effet, je ne suis pas sûr que les électeurs soient si rationnels. Parfois, c'est au contraire la mauvaise information et l'antagonisme du débat qui favorise la participation électorale. Cambridge Analytica avait stratégiquement joué sur les ressorts émotionnels, dont la colère, et mobilisé des franges de l'électorat participant peu.
Vous avez raison, monsieur Vedel, de dire que la qualité de l'information, sa fiabilité et la confiance qu'elle suscite ne sont pas les seuls éléments qui permettront de résoudre la problématique à laquelle nous faisons face. Notons l'importance de la confiance dans le message politique et dans la politique en général ainsi que le sentiment d'appartenir à un collectif où chacun se sent capable d'agir.
Je vous remercie de ces échanges.
La séance est levée à 12 heures 10.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Erwan Balanant, M. Bruno Bilde, M. Xavier Breton, Mme Marion Lenne, M. Stéphane Travert
Excusé. - Mme Muriel Roques-Etienne