Cette table ronde, à laquelle j'ai tenu à prendre part moi-même, est bienvenue, car le sujet dont vous vous occupez, absolument essentiel, mérite toute l'attention des formations politiques. On en parle beaucoup moins qu'au lendemain des élections départementales et régionales : dans le débat politique, on a la mémoire courte, une séquence chasse l'autre ; pourtant, les sondages en vue de l'élection présidentielle auxquels on s'intéresse aujourd'hui n'ont absolument aucun sens, puisqu'ils sont fondés sur une participation qui n'est pas du tout acquise. La corrélation entre élection présidentielle et forte participation n'a en effet rien de garanti.
La qualité du dialogue que nous allons nouer est importante : le sujet doit nous rassembler de façon transpartisane, en tout cas réunir toutes celles et ceux qui croient en la démocratie et souhaitent que les représentants du peuple disposent d'une capacité à agir – je vais revenir sur cette notion.
On constate aujourd'hui un cercle vicieux démocratique. La notion de démocratie doit être au cœur de nos débats, non pour parler institutions et modalités de fonctionnement, mais au sujet de notre capacité à agir. En effet, la faible participation aux élections rogne la légitimité des représentants du peuple. Ce sentiment est très alimenté par certains membres de la classe politique qui peuvent trouver un intérêt à saper les fondements mêmes de la démocratie. Ainsi, au début de notre mandat, la représentativité des élus, particulièrement de la majorité, était systématiquement remise en cause en raison de faibles taux de participation ; c'est dangereux, car c'est alors la capacité à agir des représentants qui est en question, et il y a là un cercle vicieux, car cette idée nuit à la confiance, carburant de la démocratie.
Ainsi, la crise actuelle de la démocratie est avant tout une crise de l'efficacité du politique. Si nous étions plus efficaces pour régler les problèmes quotidiens de nos concitoyens, les questions de démocratie que nous nous posons aujourd'hui passeraient au deuxième ou au troisième plan.
C'est particulièrement vrai des jeunes générations, parmi lesquelles la distance vis-à-vis des scrutins et le très faible taux de participation sont intimement liés à un jugement très dur sur la capacité des politiques à résoudre les problèmes. Frédéric Dabi le montre très bien dans La Fracture. L'idée de démocratie est désormais majoritairement associée par les jeunes à celle d'absence de résultat et à l'échec des derniers quinquennats. Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que la tentation autoritaire progresse chez les jeunes générations. Le fait qu'un tiers des jeunes ne verraient pas d'un mauvais œil l'instauration d'un pouvoir autoritaire devrait inciter tous les démocrates à s'interroger.
Au total, les causes de l'abstention sont multiples, les unes conjoncturelles, les autres structurelles. On aurait tort de les limiter à des questions d'outil, même s'il convient de moderniser les scrutins. Certaines sont profondes, sociétales. Dans La France sous nos yeux, Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely détaillent ainsi l'avènement d'une société de consommation où le client est roi, une société de bulles qui crée une sorte d'enfermement et alimente parfois une vision consumériste de la démocratie, d'où les taux de participation lors de certains votes. Aux raisons liées à la crise de l'efficacité s'ajoutent la nature et l'organisation du débat politique. Le mot qui revient le plus souvent dans la bouche de nos concitoyens à propos des partis et de la vie politique est celui de dégoût. Il doit nous heurter, nous, responsables politiques. Ce dégoût est inspiré par la violence de nos débats.
Je citerai quatre pistes d'action. Premièrement, la modernisation et la transformation du système électoral. Deuxièmement, l'organisation institutionnelle, en se concentrant sur les questions de responsabilité et de représentativité. Troisièmement, l'efficacité. Quatrièmement, la qualité de nos débats démocratiques.