Intervention de Corinne Narassiguin

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 14h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Corinne Narassiguin, secrétaire nationale à la coordination, à la communication et aux moyens du Parti socialiste :

Il est assez rassurant de constater que, dans les grandes lignes, nos analyses et nos propositions convergent.

Au Parti socialiste, au cours des derniers mois, nous avons eu l'opportunité de réfléchir à des propositions techniques pour lutter contre l'abstention : du fait des circonstances très particulières de l'organisation des élections en période d'épidémie, le ministère de l'Intérieur a mené des consultations et des sénateurs ont pris des initiatives qui se sont notamment traduites par la proposition de loi d'Éric Kerrouche. Il s'agissait du vote par correspondance, mais aussi de l'information publique sur l'utilité des élections et la fonction des collectivités locales. Ces éléments, proposés dans un contexte exceptionnel, indiquent plus généralement l'esprit dans lequel nous abordons la question : ceux qui veulent voter sont empêchés de le faire dans de bonnes conditions et ceux qui ne voient pas encore l'utilité du vote ont besoin d'avoir accès à une information motivante.

Cela étant, nous sommes tous d'accord sur le fait que la situation est très complexe et demande des solutions d'envergure dans le temps long. Outre la question du vote par correspondance, des propositions sont formulées sur la modernisation de l'inscription sur les listes électorales, du changement d'adresse, de l'établissement des procurations ; il faut aussi mettre sur la table le vote par internet, expérimenté depuis longtemps pour les Français de l'étranger, dont j'ai été la représentante, et qui pourrait être utilisé lors d'élections pilotes. Mais il faut avoir conscience de leur coût, ainsi que des enjeux de sécurité, auxquels mon parcours professionnel m'a sensibilisée.

Comment convaincre les gens de voter ? Aux États-Unis, lors de l'élection présidentielle de 2020, alors que le pays connaissait depuis très longtemps un taux d'abstention considérable, véritable plaie pour la démocratie, et que le contexte épidémique était bien pire qu'en France, la participation a atteint un record. Nous pouvons en tirer quelques leçons. Dans les États qui ont accru les moyens de faciliter le vote, par le vote par correspondance, le vote anticipé, l'aide aux déplacements, et là où, en amont, les réseaux associatifs et militants ont beaucoup œuvré pour faciliter l'inscription sur les listes électorales, ces démarches expliquent la forte participation. Surtout, tout le monde comprenait l'enjeu politique de l'élection.

Or, s'il faut continuer d'explorer la manière d'améliorer les processus techniques pour faciliter le vote, le problème auquel nous cherchons en vain des solutions depuis plusieurs décennies est politique. Les citoyens méprisent de plus en plus l'appareil, les représentants, les partis politiques. Certains candidats en jouent en fondant leur campagne sur le dégagisme. En outre, le fait qu'avec l'explosion des réseaux sociaux chacun peut donner son opinion sans filtre, sans différenciation entre les informations vérifiées et les fake news, a créé beaucoup de confusion, accéléré la détérioration du débat démocratique et encore facilité le dénigrement du politique.

Bien que les maires restent les élus les plus épargnés, les plus populaires, car les gens savent à quoi ils servent, le taux de participation tend à baisser même aux élections municipales, y compris avant le covid. C'est lors de l'élection présidentielle qu'il est le plus élevé, parce que tout le monde sait – ou pense savoir – à quoi sert un Président de la République. Pour les autres élections, c'est une question d'éducation civique, ce qui veut dire qu'il y a un travail à faire à l'école, mais aussi vis-à-vis de ceux qui sont déjà votants et qu'il faut ramener vers les urnes. Nous devons y réfléchir collectivement, partis, candidats, élus, mais aussi médias, qui détiennent une responsabilité dans la qualité, la conduite et les sujets du débat démocratique. Il faut s'interroger sur les moyens dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour garantir l'équité s'agissant de la représentation politique dans les médias. La régulation se heurte au fait que la communication passe désormais beaucoup par les réseaux sociaux, sur lesquels le CSA n'a pas prise. Nous devons également y réfléchir tous, non pour contrôler, mais, au contraire, pour garantir la qualité du débat.

Nous pouvons converger à propos des aspects opérationnels et techniques ; mais, au niveau politique, c'est à chacun de nos partis de prendre ses responsabilités en ce qui concerne la qualité du débat, la pratique de la politique et l'exercice du pouvoir dans le respect des corps intermédiaires et des élus. Parce que nous sommes responsables du délitement de la confiance des électeurs, nous nous devons de la reconstruire, non seulement en exerçant notre mission d'élu, mais aussi en renonçant au populisme et à la facilité du conformisme anti-élus et en assumant la nécessité de revaloriser les élus. Ils font leur travail, pour la plupart d'entre eux, et c'est difficile, surtout pour les élus locaux, qui ne touchent pas beaucoup d'indemnités, et plus généralement parce que l'on prend du temps à sa vie de famille par dévouement à l'intérêt collectif. Cette réhabilitation passe par la parole de chacun d'entre nous.

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