Intervention de Olivier Henno

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 14h00
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Olivier Henno, secrétaire général de l'Union des démocrates et indépendants (UDI) :

Beaucoup de choses ont déjà été dites. J'aimerais aborder ce sujet avec humilité car j'appartiens à une génération qui, pendant les années 1980 et 1990, ne s'est pas souciée du niveau de la participation électorale. Lorsqu'il baissait, nous n'en faisions pas un drame, considérant que les abstentionnistes avaient délégué leur droit de vote aux électeurs qui s'étaient déplacés.

Aujourd'hui, cependant, nous avons franchi le seuil d'alerte. Aux dernières législatives, le taux de participation avait déjà sensiblement diminué. Aux dernières municipales, on a évoqué la crainte du covid mais on aurait pu croire que les électeurs se seraient davantage mobilisés pour des enjeux locaux – pour encourager la participation, on avance souvent l'argument de la proximité. Aux dernières régionales et départementales, les choses ne se sont pas améliorées. La situation est grave, et je salue la création de votre mission d'information. La baisse de la participation est d'autant plus préoccupante qu'elle ne touche pas toutes les couches de la société. La mobilisation est très différenciée. Le dernier livre de Frédéric Dabi est, à cet égard, assez intéressant : l'analyse des niveaux de participation électorale révèle une fracture sociale, une fracture générationnelle et une fracture territoriale. Au-delà de la crise sanitaire, il y a donc un véritable malaise. À mon sens, l'abstention revêt une signification politique : elle exprime une protestation, et sans doute aussi parfois un désespoir.

Une fois le diagnostic posé, nous devons nous interroger sur les remèdes possibles. Je suis assez dubitatif s'agissant des solutions techniques : il est des repères – le bureau de vote, l'isoloir, l'urne – auxquels il ne faut toucher que d'une main tremblante. Je ne crains pas de paraître vieux jeu sur ces questions. La défiance d'une partie des électeurs résulte-t-elle de difficultés techniques ou est-elle plus profonde ? Quand il y a un scrutin, en démocratie, il faut que les minoritaires acceptent le résultat sorti des urnes, qu'ils le considèrent comme honnête et juste, et qu'ils ne viennent pas le contester. Or, aux États-Unis, beaucoup d'électeurs républicains sont absolument persuadés que le résultat de la dernière élection présidentielle n'est pas équitable. Ce sentiment n'est pas seulement celui d'originaux ou de complotistes : il est très répandu dans la société américaine. Si, en France, le résultat issu des bureaux de vote venait à être modifié par le dépouillement des bulletins reçus par correspondance, je ne suis pas sûr que cela renforcerait l'image et la légitimité des candidats élus ; au contraire, je crains que cela entraîne, comme aux États-Unis, des frictions très fortes et que cela accroisse encore la défiance envers la démocratie. Notre système est sans doute imparfait, mais il a au moins un mérite : la minorité ne remet pas en cause le résultat et accepte la victoire de la majorité.

J'en viens au problème des machines à voter, dont j'ai discuté avec le maire d'Issy-les-Moulineaux, M. André Santini. Nous ne sommes pas dans Le Bureau des légendes, mais si le ministère de l'Intérieur hésite à déployer cette solution, c'est parce qu'il craint que des puissances étrangères aient la capacité technique de modifier voire d'inverser le résultat, ce qui ne ferait qu'accentuer la défiance. Avant de faire de la politique, je travaillais dans le domaine des données personnelles, et je peux vous dire que je partage ces doutes.

Sur le plan des principes, nous sommes condamnés à mener une réflexion institutionnelle. L'élection présidentielle est certes la clé de voûte de la Ve République, mais elle est devenue pour beaucoup de jeunes le seul scrutin qui compte. Nous constaterons sans doute au mois d'avril une participation très forte – si tel n'est pas le cas, la situation sera encore plus inquiétante. Le bloc local est-il suffisamment compréhensible ? N'avons-nous pas accentué le millefeuille administratif ? Il est très difficile de comprendre qu'une école soit gérée par la commune, un collège par le département et un lycée par la région. Reconnaissons que nous avons créé un système complexe et assumons notre part de responsabilité.

S'agissant du calendrier, pouvons-nous vraiment organiser une élection tous les ans ? Ce faisant, ne favorisons-nous pas une forme de lassitude ? Ne devrions-nous pas regrouper toutes les élections du bloc local – les régionales, les départementales et les municipales, sans oublier le niveau intercommunal – en une seule ?

Je suis également favorable à l'instauration de la proportionnelle. Le scrutin majoritaire présente certes de nombreux avantages, notamment en termes de proximité, mais beaucoup d'électeurs considèrent que ce mode de scrutin les empêche d'exprimer un choix qui garantisse la représentation de leurs convictions et attendent donc le second tour pour aller voter.

La défiance envers les partis politiques est très ancienne dans notre pays. En 1980, j'ai fait campagne pour Raymond Barre, qui disait déjà « oui aux partis politiques, mais non à l'esprit de parti ». En 1985, Michel Rocard déclarait : « Les partis politiques sont des sociétés modérément sympathiques dans lesquelles il n'est pas facile de faire réfléchir. » Pour paraphraser l'Ecclésiaste, il n'y a rien de nouveau sous le soleil ! Les partis ont évidemment toute leur place dans la vie politique de notre pays, mais l'heure est à se poser un certain nombre de questions sur nos institutions, sur la représentativité des élus et sur la nécessité essentielle de simplifier la compréhension de notre modèle institutionnel. Voilà ce qui permettra aux élus de retrouver de la crédibilité et de la légitimité pour agir, et de lutter contre le sentiment d'impuissance qui se répand parmi nos concitoyens.

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