Le résultat de notre mission d'information est un peu paradoxal. Nous pouvions d'ailleurs déjà pressentir ce dilemme lors de notre réunion constitutive en juillet : soit nous traitions des modalités de vote, mais les mesures que nous aurions proposées n'auraient pas eu beaucoup d'impact, soit nous nous attaquions à la crise de la représentation, mais il aurait alors fallu que notre mission d'information travaille plus longtemps, tant cette crise est ancienne et a des causes multiples et profondes. N'étant pas des surhommes, nous sommes malheureusement restés prisonniers de cette difficulté. J'ajouterai donc à mes remarques positives relatives à la qualité de nos travaux des réserves et des critiques assez fortes, qui n'ont rien de personnel, monsieur le rapporteur – c'est la situation qui est compliquée.
Nous sommes tous conscients de l'importance des enjeux que nous avons abordés. La discussion a été très fluide et nous avons réussi, dans une certaine mesure, à dépasser les clivages sur un certain nombre de sujets, comme le président et le rapporteur nous y ont incités. Nous avons organisé de nombreuses auditions, dont certaines étaient très intéressantes. Pour ma part, j'ai été particulièrement intéressé par l'intervention des spécialistes des États-Unis, qui nous ont montré à quel point les lieux communs véhiculés sur ce pays sont éloignés de la réalité. Monsieur Sciarini, professeur à l'université de Genève, a également bien expliqué la dimension culturelle du vote et la différence entre les situations française et suisse. Je remercie donc monsieur le président et l'ensemble de mes collègues, avec lesquels j'ai été très heureux de partager ces réflexions.
S'agissant des modalités du vote, certaines propositions ne posent pas de difficultés – je pense à l'inscription automatique sur les listes électorales, à la généralisation de la faculté d'établir deux procurations, ou encore à la possibilité pour les électeurs de voter dans la commune de leur choix. Il en va de même du renforcement des outils à la disposition des parlementaires afin de leur permettre de contrôler l'application des lois et l'action du Gouvernement à l'échelle de leur circonscription.
En revanche, monsieur le rapporteur, le décalage entre les grands axes que vous avez cités et la réalité me paraît saisissant. Vous voulez « repenser la démocratie représentative » et « réenchanter la pratique démocratique ». J'adhère pleinement à ces formules formidables mais, au regard du contenu de votre rapport, je suis désolé de vous dire qu'il y a tromperie sur la marchandise ! Certaines propositions ne me paraissent pas mûres ou très ambiguës ; j'ai l'impression que vous n'en êtes vous-même pas très convaincu mais que vous les avez formulées parce que vous n'aviez pas grand-chose à dire. Cette remarque concerne notamment l'expérimentation du vote par correspondance, le développement des systèmes permettant d'envisager un vote en ligne, l'expérimentation territorialisée du vote par anticipation, ou encore la mise en œuvre du jugement majoritaire. S'il est utile de travailler sur ces sujets, il est indéniable que ces propositions ne sont pas mûres. Laisser croire à nos concitoyens que de telles mesures permettront de simplifier les choses s'apparente à de la vente abusive. Cela m'amène à porter un jugement assez négatif sur votre rapport.
Les sujets de fond n'ont été qu'entraperçus de temps à autre. Aussi le rapport ne répond-il pas complètement à la question qui nous était posée. La résolution du malaise démocratique ambiant passe sans doute par une réarticulation entre les pouvoirs locaux et nationaux, que vous avez évoquée sans aller plus loin. En Suisse, le taux de participation aux différentes consultations électorales est très différent selon les questions posées : quand les citoyens perçoivent les enjeux, ils votent. Pourquoi les Français ne sont-ils plus conscients des enjeux des scrutins ? Pourquoi les électeurs pensent-ils que la politique ne change rien ? Pour répondre à toutes ces questions, nous aurions dû poursuivre les travaux de notre mission d'information. Un sujet aussi lourd et difficile devait-il être traité en fin de législature, alors que les uns et les autres pouvaient être soupçonnés de nourrir des arrière-pensées sur telle ou telle question ?
Parce que certaines propositions nous paraissent hasardeuses et parce que le rapport ne répond pas aux questions de fond, le vote des membres du groupe Les Républicains de cette mission sera négatif, mais il vise à nous inciter à continuer notre travail sur tous ces sujets.