Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Réunion du mercredi 8 décembre 2021 à 14h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • abstention
  • électeur
  • électorale

La réunion

Source

Examen du projet de rapport et vote sur sa publication.

La séance est ouverte à 14 heures 35.

Présidence de M. Xavier Breton, président.

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Notre mission d'information a été créée par la conférence des présidents sur proposition du président de notre assemblée, Richard Ferrand, le 29 juin dernier, deux jours après le second tour des élections régionales et départementales, auquel seul un Français sur trois avait pris part. Elle est composée de vingt-six membres représentant l'ensemble des sensibilités de notre assemblée.

Nous avons tenu notre réunion constitutive le 20 juillet, commencé nos auditions le 1er septembre et les avons achevées le 1er décembre. Nous avons mené vingt-cinq auditions ou tables rondes qui ont été diffusées en direct sur le site de l'Assemblée et dont les comptes rendus y ont été mis en ligne. Nous avons ainsi pu entendre l'avis de plus de soixante-dix personnes ; nous remercions toutes celles qui ont pris part à nos travaux.

Notre mission a également bénéficié de ceux réalisés sur le sujet, à l'initiative du président Ferrand, par la fondation Jean-Jaurès et par la Fondation pour l'innovation politique.

Nous avons aussi organisé une consultation citoyenne sur le site de l'Assemblée, comme annoncé dès le lancement de notre mission. Sans revenir sur son contenu et ses enseignements, je salue son beau succès : 173 000 personnes y ont participé.

Je note aussi, au terme de nos travaux, l'assiduité des membres de notre mission, qui n'est pas toujours de règle dans les missions d'information, où l'on se retrouve parfois à deux, président et rapporteur, face aux personnes auditionnées. Il ne s'agit pas de ma part de distribuer des bons points, simplement de relever que notre mission sur la participation s'est elle-même caractérisée par une bonne participation !

Demain matin, le rapporteur et moi-même remettrons le rapport au président Ferrand. Je vous demande donc d'en garder le contenu pour vous jusqu'à ce moment – même si certains quotidiens en parleront peut-être… sans toutefois en révéler la totalité. Nous tiendrons demain à dix heures quarante-cinq un point presse auquel vous êtes tous les bienvenus.

La présente réunion n'est ni ouverte à la presse ni retransmise en direct, mais elle fera l'objet d'un compte rendu qui sera publié dans le rapport. Cela permettra à chacun de faire connaître sa position ; il n'y aura pas de contributions écrites insérées dans le rapport. À l'issue de nos échanges, nous voterons ; notre mission d'information émanant de la conférence des présidents, elle échappe à l'exercice habituel consistant à faire voter le rapport par la mission, puis l'autorisation de sa publication par la commission qui l'a commandé : nous ferons d'une pierre deux coups et notre vote sur le rapport en permettra également la publication.

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Notre collègue Balanant nous apprend que Le Monde du jour présente déjà des éléments du rapport. J'ai souvenir d'une situation comparable en commission des Lois, ce qui avait agacé sa présidente. J'en suis très étonné et chagriné, et je souhaite que le compte rendu en atteste.

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Ce sera noté. La diffusion de l'information est irrépressible ; on peut s'en agacer, mais c'est désormais la règle du jeu : on parle la veille des rapports présentés le lendemain !

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Il faut tout de même le relever ; sinon, l'exception devient la règle.

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Bien sûr, et nous regrettons tous, je crois, ces pratiques ; mais c'est ainsi, et ce qui compte, c'est que nous restions bien concentrés sur notre travail, qui, lui, portera durablement ses fruits, espérons-le.

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Je vous remercie toutes et tous de votre participation pendant ces trois mois de travail.

J'ai été surpris de recevoir par email la dépêche parue dans Le Monde ce matin. Nous avions été très sollicités pour envoyer des exemplaires du rapport, mais nous avons tenu bon ; d'ailleurs, une chaîne de télévision a appelé mon assistante pour se plaindre de voir repris dans Le Monde des éléments qu'elle nous avait demandés en vain. Il est vrai qu'il est difficile de garder un secret que connaissent plus de deux personnes…

Quoi qu'il en soit, j'ai le plaisir de vous présenter le fruit de nos travaux, qui ont été à la fois éclairants et exigeants. Nous avons couvert de nombreux aspects du sujet et abordé avec un esprit très ouvert les différentes évolutions du droit positif qui pourraient avoir un effet d'entraînement sur la participation électorale.

Nous formulons quatre principaux constats.

Premièrement, l'abstention augmente tendanciellement depuis les années 1980. En 2017, 41 % des électeurs n'ont participé à aucun tour des élections législatives. En juin dernier, près des deux tiers des inscrits ne se sont pas déplacés pour élire leurs représentants au sein des conseils départementaux et régionaux.

En s'abstenant de voter, ces citoyens renoncent à leur faculté de participer à la vie publique. Cette situation est regrettable pour les individus, pour la collectivité et pour les représentants politiques. Il faut donner aux citoyens les moyens et l'envie de revenir aux urnes – voilà qui fait l'unanimité des courants politiques et des analystes que nous avons entendus.

Les électeurs votent de moins en moins. Chez certains d'entre ceux, les « électeurs intermittents », cela reflète une stratégie électorale : ces électeurs décident de prendre part au vote en fonction des enjeux et de l'importance que ceux-ci revêtent à leurs yeux. Le professeur Pascal Perrineau évoquait ainsi l'apparition d'une « citoyenneté contractuelle et épisodique » qui remplace l'ancien rapport solennel au vote, empreint d'un sentiment de devoir. Ce vote intermittent est devenu, d'une certaine manière, la nouvelle norme, comme le rappelait la sociologue Anne Muxel.

D'autres abstentionnistes, en revanche, sont en rupture plus nette avec les urnes. Il s'agit des abstentionnistes « systématiques », qui ne se déplacent jamais pour voter, pour quelque motif que ce soit. Cette attitude traduit soit un déficit structurel d'accès au vote, soit un rejet du principe même de l'élection.

Deuxième constat : la progression généralisée de l'abstention masque des différences importantes au sein du corps électoral.

La participation électorale s'explique en effet, en grande partie, par les variables lourdes de la sociologie électorale : de manière générale, la participation électorale croît avec l'âge et le niveau de diplôme.

D'autres effets, plus structurels, sont également à l'œuvre : le renouvellement générationnel fait évoluer les modalités de participation citoyenne, et l'obligation morale que constitue l'acte de voter tend à s'étioler, cohorte après cohorte.

Le dynamisme de l'abstention a pour effet d'aggraver ce que les chercheurs appellent les « inégalités de participation électorale » : de manière générale, les gens votent de moins en moins, mais certaines catégories de population votent encore moins que d'autres. Les chercheurs que nous avons auditionnés le relevaient avec justesse : pour la plupart des scrutins, sauf la présidentielle, une forte abstention signifie que des catégories entières restent à l'écart des urnes. Par exemple, le vote des baby-boomers pèse de plus en plus dans les urnes – 1,4 fois leur poids dans la population – alors que la proportion des votes des personnes de moins de 35 ans représente la moitié de leur poids dans la population. L'abstention affaiblit ainsi la représentativité des personnes élues, donc leur légitimité.

Troisième constat : les causes de l'abstention sont multiples. L'abstention constitue, le plus souvent, un choix et un mode d'expression politique ; elle peut également être subie, car les modalités d'inscription sur les listes électorales peuvent éloigner durablement le citoyen de l'urne.

Le tableau ne serait pas complet si je n'évoquais pas les deux termes qui ont été martelés au cours de ces auditions : « défiance » et « indifférence ».

L'abstention peut s'expliquer par un manque de confiance, voire par une forme de défiance envers les élus et la démocratie représentative dans son ensemble. L'analyse des opinions des abstentionnistes fait apparaître plusieurs causes profondes : souvent, leur mécontentement vis-à-vis de la classe politique ; parfois, leur moindre adhésion à un système de valeurs fondé sur la confiance ; dans certains cas, le désaccord avec un mode de scrutin qui ne permet pas la représentation de toutes les sensibilités politiques. La défiance est une terrible sentence pour les responsables politiques dont la légitimité repose sur l'élection, donc sur l'adhésion populaire.

L'indifférence, quant à elle, évoque un mur à escalader qui ne présenterait pas la moindre aspérité : comment intéresser les citoyens à un programme s'ils ne souhaitent pas entendre parler de politique ? La démobilisation électorale peut ainsi reposer sur une indifférence à l'égard des candidats, par lassitude à l'égard des conséquences de l'alternance, voire à cause d'un sentiment d'inutilité du vote. Aux abstentionnistes mécontents s'ajoutent ainsi ceux ne parviennent pas à trouver d'intérêt à la politique en général.

L'abstention peut enfin s'expliquer par des contraintes matérielles, liées à la procédure électorale. Je pense surtout à l'inscription sur les listes électorales. Environ 6 % des Français en âge de voter n'y sont pas inscrits, tandis que 15 % des inscrits sont « mal inscrits », c'est-à-dire qu'ils sont inscrits à une autre adresse que celle de leur résidence principale, sans que cela relève d'un choix. La non-inscription ne fait pas augmenter l'abstention statistique, mais réduit le nombre potentiel de votants. La mal-inscription, de son côté, est un déterminant majeur de l'abstention.

Quatrième constat, enfin : la faible participation aux élections départementales et régionales du printemps 2021, qui a été l'élément déclencheur de la constitution de notre mission, résulte d'une conjonction de facteurs.

Le scrutin a été organisé dans un moment particulier : le contexte sanitaire difficile, la modification de la date du scrutin et le caractère limité de la campagne électorale ont pu expliquer une partie des renoncements à se déplacer dans les bureaux de vote. Ces causes conjoncturelles sont réelles, mais leurs conséquences sur la participation électorale apparaissent réduites.

Le double scrutin de 2021 aura surtout cristallisé les phénomènes dont je viens de dresser le constat. De manière particulièrement frappante, les électeurs n'ont pas perçu d'enjeu du scrutin. Cela tient peut-être au fait que les débats n'ont pas suscité suffisamment d'engouement ; cela tient sans doute également, et plus profondément, à la complexité du « millefeuille administratif » et à la faible connaissance qui en découle des compétences des collectivités.

Ces constats sont inquiétants. Ils appellent de notre part une réponse forte et globale. Il nous faut actionner tous les leviers qui sont à notre disposition pour redonner aux citoyens l'envie de voter et réenchanter la démocratie.

Il a donc fallu se plier à l'exercice, difficile mais nécessaire, de formuler des propositions pour le moyen et le long terme. Vingt-huit propositions sont ainsi nées de nos travaux. Elles suivent trois axes forts : premièrement, lever les obstacles à l'expression du suffrage ; deuxièmement, repenser la démocratie représentative ; troisièmement, encourager la mobilisation éclairée des électeurs.

S'agissant du premier grand axe, dans la lignée du souhait exprimé par le président de l'Assemblée nationale, nous nous sommes interrogés sur les moyens permettant de faciliter l'expression du vote. Ces obstacles au vote ne sont certes pas la solution à toutes les formes d'abstention, mais ils n'en demeurent pas moins bien réels.

Trois leviers peuvent ainsi être mobilisés.

Le premier consiste à remédier au manque d'information des citoyens sur les enjeux du scrutin ainsi qu'aux difficultés rencontrées lors de la distribution de la propagande électorale. Je propose pour cela d'organiser une grande campagne médiatique en amont de l'élection, qui porterait tant sur la procédure électorale que sur les compétences et le rôle de l'institution concernée. Il me paraît également nécessaire de permettre la diffusion dématérialisée de la propagande électorale, par mail ou sur une application particulière, tout en maintenant la distribution du matériel de vote chez chaque électeur.

Le deuxième levier consiste à résoudre le problème de la mal-inscription sur les listes électorales. Il me paraît ainsi essentiel de permettre l'inscription automatique sur la liste électorale de la commune du nouveau lieu de domicile de l'électeur en cas de déménagement déclaré à l'administration. Les bases de données des administrations fiscales et sociales pourraient ainsi être croisées avec le répertoire électoral unique afin de systématiser ces opérations. Le dispositif Dites-le nous une fois (DLNUF) permettrait de simplifier la procédure de changement de liste. Je précise que cette inscription devrait être proposée à l'électeur, non lui être imposée. Des campagnes d'incitation à l'inscription sur les listes électorales pourraient également être menées en amont de la campagne.

Dernier levier de ce premier axe : je vous propose d'étendre les possibilités de vote. Les études concluent que le vote dit de convenance, c'est-à-dire la facilitation du vote permettant de tenir compte des situations d'indisponibilité personnelle, a un impact statistiquement significatif sur la participation, situé entre deux et quatre points de pourcentage.

Certaines propositions paraissent simples à mettre en œuvre. Je pense notamment à la généralisation à l'ensemble des scrutins nationaux, locaux et européens de la faculté d'établir deux procurations. Je pense également à la possibilité d'établir une procuration par un système de visioconférence ou par l'intermédiaire des facteurs, ce qui éviterait un déplacement dans un commissariat, une gendarmerie ou un tribunal. Je pense enfin à l'instauration pour le jour du vote d'un service public de transport des personnes en situation de dépendance.

D'autres propositions, plus ambitieuses, méritent de faire l'objet d'une expérimentation locale avant d'être généralisées.

Je propose ainsi d'expérimenter dans les communes volontaires le vote par correspondance et le vote par internet lors de prochaines élections locales ou de référendums d'initiative locale. Le vote par anticipation, qui permettrait de voter un autre jour que le dimanche, devrait également faire l'objet d'une expérimentation territorialisée.

Ces outils permettraient de faciliter le vote pour de nombreux concitoyens, mais le risque de fraude est encore important : il nous faut avancer avec prudence.

Les avancées obtenues grâce au répertoire électoral unique devraient permettre à tout électeur de voter dans la commune de son choix à l'occasion des élections présidentielle et européennes, ainsi qu'aux référendums nationaux. S'agissant du vote en ligne, nos travaux ont montré qu'il ne pouvait actuellement être sécurisé. Je suggère donc que l'on poursuive le développement des systèmes permettant, à terme, d'envisager cette modalité pour des élections nationales, ainsi que des capacités de cyberdéfense.

Deuxième grand axe : repenser la démocratie représentative.

Nous avons longuement réfléchi ensemble aux questions du vote blanc et du vote obligatoire. La comptabilisation du vote blanc comme un suffrage exprimé est une proposition qui revient régulièrement dans le débat public, comme en témoignent les huit propositions de lois ordinaires et organiques en ce sens déposées par des députés de sensibilités politiques très diverses depuis janvier 2020. L'écrasante majorité des répondants à la consultation que nous avons menée s'y déclare favorable. Je considère pour ma part que le choix du vote blanc, comme l'abstention, doit être respecté, mais je ne suis pas favorable au décompte des votes blancs dans les suffrages exprimés, car le risque d'impasse est réel.

J'ai en revanche été sensible aux arguments en faveur du jugement majoritaire, qui présente l'avantage de mettre fin au vote utile ou par défaut. Je propose de permettre le recours à ce mode de scrutin pour les consultations menées au niveau local.

Je vous propose également de réfléchir à un rapprochement des modes d'élection des conseillers départementaux et régionaux, et de faire figurer obligatoirement la photographie du candidat tête de liste ou du binôme de candidats sur les affiches et les professions de foi, afin d'améliorer la lisibilité des élections.

La question de la démocratie participative doit également être abordée. À ce sujet, deux propositions ont émergé de nos travaux : d'une part, développer les référendums d'initiative locale, les consultations citoyennes et les ateliers citoyens ; d'autre part, créer une plateforme de la vie démocratique permettant aux citoyens d'interpeller les élus à tous les niveaux.

Enfin, la participation des parlementaires, avec voix consultative, aux bureaux des conseils communautaires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) situés sur leur territoire, ainsi qu'aux conférences territoriales de l'action publique (CTAP), permettrait de consolider leur ancrage local. Je propose également de renforcer les outils à la disposition des parlementaires afin de leur permettre de contrôler l'application des lois ainsi que l'action du Gouvernement à l'échelle de leur circonscription.

Troisième et dernier axe : encourager la mobilisation éclairée des électeurs.

Une bonne campagne est celle qui informe les électeurs, leur donne envie d'exprimer une opinion et leur permet de le faire en conscience. La puissance publique dispose d'outils pour encourager le pluralisme et la sincérité des scrutins, dimensions essentielles à la mobilisation des électeurs.

Je vous propose d'encadrer davantage les sondages, en faisant mieux connaître et diffuser les avis de la Commission des sondages, et d'interdire la communication des sondages d'opinion une semaine avant le premier tour de toutes les élections, et avant le second tour pour l'élection présidentielle.

Il paraît également important d'étendre aux élections régionales la réalisation de spots de campagne et de prévoir la diffusion des clips de campagne sur les réseaux sociaux et sur des applications.

Enfin, il me paraît essentiel de réenchanter la pratique démocratique pour les jeunes générations, en replaçant l'éducation à la citoyenneté au cœur du parcours scolaire et en favorisant l'attachement à l'acte de vote.

L'éducation à la citoyenneté doit ainsi être renforcée, dans le parcours scolaire, mais pas seulement. Le contenu des enseignements théoriques et leur évaluation doivent être renforcés, et il faut aussi développer l'aspect pratique. Les expériences d'engagement, telles que la participation au conseil de la vie lycéenne, et les structures permettant aux jeunes de se confronter aux réalités de la vie démocratique, telles que les conseils des jeunes, doivent être encouragées. Je propose également de créer un Parlement des collégiens et des lycéens sur le modèle du Parlement des enfants. Les mouvements d'éducation populaire doivent enfin être mobilisés pour former à la citoyenneté.

Le réenchantement de la pratique démocratique passe également par l'attachement à l'acte simple et concret, mais aussi fortement symbolique, qu'est le vote. Je propose pour cela de systématiser la remise des cartes électorales aux jeunes majeurs lors de cérémonies de citoyenneté, de renforcer l'intérêt et l'utilité de cette carte, d'inviter les personnes nouvellement inscrites sur les listes électorales à tenir un bureau de vote, une demi-journée, au cours du premier scrutin organisé après leur inscription, et de tirer au sort les citoyens assesseurs qui pourront être requis pour tenir les bureaux de vote.

Alors que nos travaux s'achèvent, je souhaite vous témoigner ma reconnaissance pour la qualité des débats qui se sont tenus au sein de cette mission. Ils m'ont conforté dans l'idée que le travail transpartisan peut avoir bien des vertus, notamment quand il porte sur des sujets qui touchent au cœur du fonctionnement des institutions et qui nous concernent tous.

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Je vous remercie de votre apport à nos travaux et du climat dans lequel nous les avons menés, caractérisé par l'envie de travailler ensemble et l'écoute mutuelle.

Voici mon sentiment personnel sur vos propositions. Il varie sensiblement selon les différents axes que vous avez présentés.

Les propositions 1 à 11, destinées à « lever les obstacles à l'expression du suffrage », sont des mesures soit techniques – les ajustements qu'il est proposé d'apporter aux modalités de scrutin –, soit expérimentales, qui vont dans le bon sens. Je songe à l'automaticité de l'inscription sur les listes électorales, à la double procuration – nous avons tous été surpris d'entendre la ministre déléguée chargée de la citoyenneté nous dire que ce système ne serait pas reconduit en 2022 ; nous aurions pu nous mettre d'accord pour le permettre, même si, ainsi qu'elle l'a rappelé en nous renvoyant la balle, nous avions nous-même encadré par notre vote l'usage des doubles procurations. La dématérialisation de la procuration, dans un premier temps grâce à la visioconférence, me paraît également indispensable.

En ce qui concerne le vote en ligne, si nous sommes très loin de pouvoir envisager un tel système pour des raisons de sécurité, ne nous interdisons pas de réfléchir à cette possibilité, vis-à-vis de laquelle je suis assez partant.

Enfin, il serait intéressant d'expérimenter le vote par anticipation, le dimanche n'étant plus – on peut le regretter – le jour réservé aux activités collectives ; j'y suis personnellement ouvert, comme à la possibilité de voter sur tout le territoire lors des élections présidentielle et européennes.

Je suis plus interrogatif s'agissant de la deuxième partie, « Repenser la démocratie participative ». S'agissant du jugement majoritaire, nous avons eu un débat approfondi et j'ai constaté que la position de ses défenseurs était argumentée, mais il me semble compliqué à mettre en œuvre. En revanche, je suis personnellement plus ouvert que vous, monsieur le rapporteur, à la reconnaissance du vote blanc comme un suffrage exprimé, même si ce n'est pas la position de mon groupe.

En ce qui concerne le rapprochement entre élections départementales et régionales, nous sommes d'accord sur l'objectif, mais non sur les moyens : je suis favorable à la formule du conseiller territorial plutôt qu'à l'alignement des modes de scrutin.

Je m'interroge aussi sur la « plateforme de la vie démocratique », car le contact avec les citoyens doit se faire à tous les niveaux et je me méfie des supports uniques et centralisés.

En revanche, vous avez tout à fait raison de proposer que nous réfléchissions au contrôle local de l'application des lois par les parlementaires – à cet objectif comme aux moyens de l'atteindre.

Enfin, mon point de vue sur la troisième partie, « Encourager la mobilisation éclairée des électeurs », est mitigé. L'interdiction de communiquer les résultats des sondages la semaine précédant le premier tour me paraît inapplicable. Il est impossible de maîtriser l'information – la fuite de votre rapport vient de nous le rappeler. Il faudrait interdire la réalisation même de sondages, à supposer que ce soit possible ; mais, s'ils restent autorisés, leurs résultats nous parviendront de l'étranger. Faisons confiance à l'information et à la maturité de nos concitoyens lorsqu'il s'agit d'interpréter ces résultats.

Je trouve intéressants la modernisation de la campagne que vous proposez par les mesures 20 et 21, ainsi que le renforcement de l'éducation, au-delà même de l'école, mais il y a là beaucoup à faire et il faudrait préciser ce que l'on entend par citoyenneté.

Enfin, nous aurions pu aller plus loin dans l'utilisation des cartes d'électeur comme outil de mobilisation et de formalisation de cette citoyenneté – un format comparable à celui des cartes de crédit et de fidélité serait préférable à celui d'une carte papier, et le renvoi systématique de la carte aux électeurs quelques semaines avant le scrutin servirait de rappel utile.

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Le résultat de notre mission d'information est un peu paradoxal. Nous pouvions d'ailleurs déjà pressentir ce dilemme lors de notre réunion constitutive en juillet : soit nous traitions des modalités de vote, mais les mesures que nous aurions proposées n'auraient pas eu beaucoup d'impact, soit nous nous attaquions à la crise de la représentation, mais il aurait alors fallu que notre mission d'information travaille plus longtemps, tant cette crise est ancienne et a des causes multiples et profondes. N'étant pas des surhommes, nous sommes malheureusement restés prisonniers de cette difficulté. J'ajouterai donc à mes remarques positives relatives à la qualité de nos travaux des réserves et des critiques assez fortes, qui n'ont rien de personnel, monsieur le rapporteur – c'est la situation qui est compliquée.

Nous sommes tous conscients de l'importance des enjeux que nous avons abordés. La discussion a été très fluide et nous avons réussi, dans une certaine mesure, à dépasser les clivages sur un certain nombre de sujets, comme le président et le rapporteur nous y ont incités. Nous avons organisé de nombreuses auditions, dont certaines étaient très intéressantes. Pour ma part, j'ai été particulièrement intéressé par l'intervention des spécialistes des États-Unis, qui nous ont montré à quel point les lieux communs véhiculés sur ce pays sont éloignés de la réalité. Monsieur Sciarini, professeur à l'université de Genève, a également bien expliqué la dimension culturelle du vote et la différence entre les situations française et suisse. Je remercie donc monsieur le président et l'ensemble de mes collègues, avec lesquels j'ai été très heureux de partager ces réflexions.

S'agissant des modalités du vote, certaines propositions ne posent pas de difficultés – je pense à l'inscription automatique sur les listes électorales, à la généralisation de la faculté d'établir deux procurations, ou encore à la possibilité pour les électeurs de voter dans la commune de leur choix. Il en va de même du renforcement des outils à la disposition des parlementaires afin de leur permettre de contrôler l'application des lois et l'action du Gouvernement à l'échelle de leur circonscription.

En revanche, monsieur le rapporteur, le décalage entre les grands axes que vous avez cités et la réalité me paraît saisissant. Vous voulez « repenser la démocratie représentative » et « réenchanter la pratique démocratique ». J'adhère pleinement à ces formules formidables mais, au regard du contenu de votre rapport, je suis désolé de vous dire qu'il y a tromperie sur la marchandise ! Certaines propositions ne me paraissent pas mûres ou très ambiguës ; j'ai l'impression que vous n'en êtes vous-même pas très convaincu mais que vous les avez formulées parce que vous n'aviez pas grand-chose à dire. Cette remarque concerne notamment l'expérimentation du vote par correspondance, le développement des systèmes permettant d'envisager un vote en ligne, l'expérimentation territorialisée du vote par anticipation, ou encore la mise en œuvre du jugement majoritaire. S'il est utile de travailler sur ces sujets, il est indéniable que ces propositions ne sont pas mûres. Laisser croire à nos concitoyens que de telles mesures permettront de simplifier les choses s'apparente à de la vente abusive. Cela m'amène à porter un jugement assez négatif sur votre rapport.

Les sujets de fond n'ont été qu'entraperçus de temps à autre. Aussi le rapport ne répond-il pas complètement à la question qui nous était posée. La résolution du malaise démocratique ambiant passe sans doute par une réarticulation entre les pouvoirs locaux et nationaux, que vous avez évoquée sans aller plus loin. En Suisse, le taux de participation aux différentes consultations électorales est très différent selon les questions posées : quand les citoyens perçoivent les enjeux, ils votent. Pourquoi les Français ne sont-ils plus conscients des enjeux des scrutins ? Pourquoi les électeurs pensent-ils que la politique ne change rien ? Pour répondre à toutes ces questions, nous aurions dû poursuivre les travaux de notre mission d'information. Un sujet aussi lourd et difficile devait-il être traité en fin de législature, alors que les uns et les autres pouvaient être soupçonnés de nourrir des arrière-pensées sur telle ou telle question ?

Parce que certaines propositions nous paraissent hasardeuses et parce que le rapport ne répond pas aux questions de fond, le vote des membres du groupe Les Républicains de cette mission sera négatif, mais il vise à nous inciter à continuer notre travail sur tous ces sujets.

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Je veux souligner la grande qualité de ce rapport. Les commentateurs ne parlent malheureusement que des propositions qui ont fuité dans Le Monde, mais il faut insister sur le fait que ces dernières ne visent pas à répondre aux causes profondes de l'abstention, qui sont multiples et qui ne pourront être résolues par un coup de baguette magique. Nous y répondrons dans le temps long. Il était très important de dresser un constat précis, comme le fait ce rapport, qui développe notamment le concept de vote intermittent. On parle souvent de « ceux qui participent » et de « ceux qui s'abstiennent », alors que la situation est beaucoup plus complexe : une partie importante de nos concitoyens participent à certaines élections, parce qu'ils en perçoivent l'enjeu, et s'abstiennent à d'autres, parce qu'il leur importe peu que tel ou tel candidat l'emporte plutôt qu'un autre. En termes de communication, nous devons donc nous attarder sur le constat dressé par ce rapport et ne pas limiter ce dernier aux préconisations qu'il contient. Cela ne veut pas dire que les solutions proposées sont mauvaises – au contraire, un grand nombre d'entre elles vont dans le bon sens –, mais qu'elles ne sont pas suffisantes. En tout cas, il ne faut surtout pas s'empêcher d'explorer ces pistes et de les approfondir.

Nous sommes tous conscients qu'une réforme des modalités du vote ne permettra pas de réduire l'abstention. En revanche, l'objectif de rendre le vote plus accessible pour nos concitoyens me paraît tout à fait intéressant, et les expérimentations proposées dans ce rapport me semblent aller dans le bon sens. Nous ne sommes pas prêts à aller jusqu'au bout, pour des raisons tenant notamment à la confiance dans la sincérité du scrutin, mais les élections locales doivent nous permettre d'expérimenter certaines choses.

S'agissant des institutions, peut-être aurions-nous dû travailler plus longtemps, mais notre objectif était d'adopter un rapport assez consensuel – c'est pourquoi je regrette le vote négatif de nos collègues du groupe Les Républicains. Or il me semble compliqué, pour vous, monsieur le rapporteur, comme pour nous tous, de faire des propositions révolutionnaires, qui « cassent la baraque », sans s'éloigner du consensus. C'est dans le cadre des prochaines échéances électorales que ces questions devront être tranchées.

Je suis plutôt favorable à un certain nombre de ces propositions, mais nous aurions dû aller plus loin en termes d'équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. Je regrette que nous ne nous soyons pas plus interrogés sur notre propre rôle, alors que les élections législatives comptent parmi celles qui souffrent le plus de l'abstention. Je ne suis pas favorable à ce que les parlementaires participent avec voix consultative au bureau des conseils communautaires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), pour une raison fondamentale tenant à la séparation des pouvoirs, en l'occurrence entre le pouvoir législatif et les pouvoirs locaux. Imaginez qu'il faille inviter au bureau de la métropole du Grand Paris la cinquantaine de parlementaires concernés : il y aurait plus de parlementaires que de membres de droit ! Au-delà du principe, cette proposition pose donc un problème opérationnel. Cessons de confondre les rôles : de même que j'ai critiqué la figure du député-maire, qui était souvent davantage maire que député, j'en appelle à une séparation nette des différentes responsabilités afin que nos concitoyens comprennent clairement les compétences de chacun. Le rôle d'un parlementaire est de légiférer, non de participer au bureau du conseil communautaire d'un EPCI.

Je suis également défavorable à l'interdiction de la communication des sondages d'opinion une semaine avant le premier tour de toutes les élections. Cette proposition cède un peu à la démagogie – un défaut qui ne se retrouve nulle part ailleurs dans le rapport. Il est trop facile de toujours rejeter la faute sur les sondages ! Chacun sait que ces derniers correspondent à une photographie de l'opinion à un instant t, et que ces outils aident nos concitoyens à prendre leur décision – j'ai toujours pensé que les Français étaient très tactiques, très stratégiques, et qu'ils tenaient compte des sondages dans leurs choix électoraux. Cette information doit rester transparente : s'il est opportun d'imposer un silence républicain à compter du samedi précédant un scrutin, il est intéressant, pour les candidats comme pour les électeurs, d'autoriser la publication des sondages jusqu'au vendredi.

Je me suis concentré sur les aspects négatifs, car mon temps de parole est limité, mais je n'en suis pas moins convaincu que ce rapport va dans le bon sens. Je ne pourrai pas prendre part au vote car je dois maintenant m'absenter, mais je suis favorable à l'adoption du rapport et à sa publication.

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Le constat dressé par le groupe Les Républicains est un peu dur. On ne peut pas demander l'impossible à un rapport rédigé à l'issue de trois mois de travaux ! Évidemment, nous avons plaisir à travailler ensemble et nous pourrions très bien continuer, mais le rapport devait dresser un certain nombre de constats et proposer quelques pistes de solution, et il le fait brillamment. Pacôme Rupin vient d'expliquer pourquoi ce rapport ne pouvait pas proposer le grand soir. Certes, la résolution de la crise démocratique nécessite peut-être une transformation plus forte de nos institutions, mais elle ne peut être entreprise par des parlementaires à ce moment du quinquennat ; ce sujet important commence à être évoqué, depuis quelques jours, dans le cadre de la campagne présidentielle.

Ce rapport dresse des constats intéressants, dont certains vont plus loin que ce que nous imaginions. Il contient des propositions sur lesquelles nous devons continuer à travailler et qui s'imposeront naturellement du fait de l'évolution de notre société. J'ai déjà dit que je n'étais pas forcément très favorable au vote en ligne, mais je remarque que certaines personnes de 18 à 40 ans ne jouent au loto que par internet et n'achètent jamais un ticket à un guichet. S'il existe une application sécurisée permettant de faire gagner 130 millions d'euros, il est forcément possible de créer une autre application permettant de voter de façon sécurisée. Je suis sûr que cette nécessité finira par s'imposer, même si je redis mon attachement à la « liturgie républicaine » du dimanche – j'utilise cette expression pour vous faire plaisir, monsieur le président.

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Le mot « rituel » me convient mieux. Ne confondons pas tout ! Après tout, vous êtes vous-même démocrate-chrétien…

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Le rapport souligne que 15 % des électeurs figurant sur les listes électorales sont mal inscrits : cela signifie que nous commençons chaque scrutin avec 85 % de participation. Il faudra y remédier.

Je regrette que ce rapport ne fasse pas l'objet d'un vote unanime – nous en sortirions pourtant tous grandis. Si je vous ai bien compris, monsieur Cornut-Gentille, vous déplorez qu'il fasse trop de promesses. Une autre rédaction de certains passages de l'introduction vous inciterait-elle à vous joindre à nous ? En tant que membre du MODEM, je considère que la représentation nationale s'honorerait à mettre collectivement un certain nombre de sujets sur la table, ce qui inciterait les candidats à l'élection présidentielle à formuler des propositions fortes visant à refonder notre République et réenchanter notre démocratie. Cela passera par une nouvelle articulation entre le désir de démocratie participative et la stabilité des institutions de la Ve République, ainsi que par un renforcement du rôle du Parlement. Nous verrons l'avènement, en quelque sorte, d'une « Ve République augmentée » ou d'une « République 5.2 », pour parler comme les jeunes.

Les membres du groupe du Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés voteront des deux mains ce rapport, et j'invite l'ensemble des membres de notre mission d'information à faire de même.

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Je vous remercie pour vos remarques. Je ne me formalise jamais que l'on ne vote pas un rapport : la politique est ainsi faite, et il faut assumer ses choix. Certes, nous pouvons considérer que ce n'est pas le grand soir, mais pour faire ce grand soir, encore faut-il avoir la matière permettant de résoudre le problème de l'abstention. En juin dernier, lorsque nous étions sollicités par les journalistes pour commenter les chiffres de l'abstention, qui étaient énormes, nous avons tous dit la même chose, que nous venions de gagner ou de perdre l'élection : nous nous sommes bornés à regretter le faible niveau de participation. Cela fait des années que je suis personnellement engagé en politique, et à chaque fois que je commente les résultats d'un scrutin, je fais le triste constat de la hausse de l'abstention et nous promettons tous de tout faire pour que pareille situation ne se reproduise plus. C'est le jour sans fin, l'éternel recommencement. Nous aurions pu « casser la baraque », changer de République, revoir tous les modes de scrutin, ou encore supprimer les départements pour donner de l'air au millefeuille territorial, mais aurions-nous obtenu un consensus, y compris au sein de nos familles politiques respectives ? À titre personnel, je suis favorable à la suppression des départements, mais je ne l'ai pas proposée car je sais bien que cela ne recueillera pas l'approbation de tout le monde.

Un certain nombre de propositions ont été formulées. Je ne les survends pas : elles sont en vitrine, et ce rapport n'est qu'un appel à travailler. C'est maintenant aux mouvements politiques de faire leur part de travail et, à partir des constats que nous avons dressés, de reprendre et de développer certaines des solutions que nous avons proposées. Bien évidemment, nous ne sommes pas prêts dans de nombreux domaines : c'est la raison pour laquelle nous proposons d'engager des expérimentations. Par exemple, nous ne sommes pas prêts à autoriser le vote par correspondance parce que nous avons besoin de sécuriser les choses ; pour ce faire, nos successeurs devront peut-être constituer une mission d'information ou un groupe de travail chargé de définir les conditions dans lesquelles les électeurs pourront voter par correspondance en confiance. Le même constat vaut pour le vote par anticipation et pour le vote électronique – le représentant de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) que nous avons auditionné a insisté sur le fait que chaque électeur devait avoir une identité numérique, qui n'existe pas encore et qui nécessitera un immense travail de préparation. Je préconise donc de mener des actions volontaires, dans certains territoires, qui permettront de tester les différentes solutions envisagées. Les Républicains ont récemment procédé à un vote électronique pour désigner leur candidat à l'élection présidentielle : ce scrutin s'est bien passé, mais le périmètre des électeurs était très restreint. Comment peut-on garantir le même fonctionnement, la même sécurité et la même sincérité pour un scrutin à 45 millions d'électeurs ? Quoi qu'il en soit, nous devons avancer sur l'ensemble de ces sujets.

Comme vous, je suis favorable à une amélioration des modalités de vote – en effet, il est souhaitable de régler le problème des mal-inscrits et de partir d'un taux de participation de 100 % plutôt que d'un taux de 85 % –, mais il ne s'agit que d'outils techniques. La consultation en ligne que nous avons organisée et qui a recueilli plus de 170 000 contributions a bien montré que le problème de fond était celui de la confiance, ou plutôt de la défiance vis-à-vis des institutions politiques. J'ai entendu dire que nous aurions pu nous pencher davantage sur le rôle des parlementaires, mais je m'en suis abstenu parce que je savais que la présidente de la commission des Lois, madame Yaël Braun-Pivet, menait des travaux sur ce sujet avec la fondation Jean-Jaurès, et parce que je ne voulais pas non plus que ce rapport paraisse trop nombriliste.

Travailler sur la question de la confiance, c'est faire en sorte que les électeurs considèrent que leur vote va changer les choses. Pour ce faire, nous devons être exemplaires, dire ce que nous faisons et faire ce que nous disons. Nous devons utiliser les institutions de la démocratie représentative et les outils de la démocratie participative pour entraîner derrière nous nos concitoyens. Il ne s'agit pas ici de faire des propositions, mais d'agir au quotidien. C'est aussi ce que j'ai voulu esquisser dans ce rapport.

Nous sommes nombreux à nous méfier des outils numériques. Les plateformes sont utiles mais viennent en complément de ce qui existe déjà. Nous devons utiliser tout un panel de solutions permettant d'avoir des résultats probants pour l'ensemble des élections.

J'ai été très sensible à l'initiative prise par Ouest-France et La Croix, qui se sont interdit de commenter les sondages. En effet, un sondage à huit jours de l'élection ne porte pas sur le fond des programmes mais uniquement sur la personnalité des candidats. Or, pour réfléchir et déterminer sa position politique, un électeur a besoin de revenir au fond. Alors que notre société s'individualise de plus en plus et que l'on nous demande d'avoir une pensée ramassée, exprimable en 140 signes, nous devons aider nos concitoyens à construire leur pensée et à faire des choix totalement éclairés. Je ne rejette pas la faute sur les sondages, car chacun doit assumer ses responsabilités, mais ces études doivent rester des outils d'aide à la décision et non geler l'offre électorale.

C'est donc sur l'amélioration des commodités de vote et sur le rétablissement de la confiance que nous avons à travailler. Les travaux de notre mission d'information ont été de bonne tenue et nos débats ont été très cordiaux, ce qui ne peut que nous inciter à poursuivre nos réflexions et à inviter les mouvements politiques à se saisir de nos propositions.

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Au nom du groupe Libertés et territoires, je salue la qualité de ce rapport.

Vous l'avez dit, notre société s'individualise, et la vie politique aussi s'est individualisée. Les partis n'ont plus le poids qu'ils avaient il y a encore quelques années et l'on assiste à une véritable ubérisation de la vie politique.

Les propositions contenues dans ce rapport vont dans le bon sens, mais il faudra aller plus loin et conduire une réforme constitutionnelle. Ce qu'il faut, ce n'est pas une VIe République, ni une république 3.0, compte tenu des cyberattaques qui viennent de l'étranger, mais une république des territoires, une république girondine. Les derniers travaux qui ont été remis à la présidence de l'Assemblée nationale montrent combien les Français sont attachés à l'échelon communal. C'est dans leurs élus locaux qu'ils ont le plus confiance.

Au sujet de la proposition n° 17, qui vise à améliorer l'ancrage local des députés, je ne serai pas aussi sévère que Pacôme Rupin. Nous avons essayé d'avancer, en auditionnant les associations d'élus, mais c'est une question difficile. Sur le fond, et le Président de la République l'a dit hier à l'occasion de son déplacement à Vierzon, il faudra rouvrir le dossier du cumul des mandats de député et de maire pour les petites communes. On pourrait retenir un seuil de 1 000 ou 3 500 habitants. Cela permettrait d'ancrer les parlementaires dans la vie locale.

Je souscris à la proposition n° 13, qui invite à « réfléchir à un rapprochement des modes d'élection des conseillers départementaux et régionaux ». Je crois qu'il faut aller au-delà de la réflexion et appeler à ce rapprochement, car nos concitoyens ne comprennent plus rien à ce millefeuille territorial. Il faut réfléchir par bloc de compétences : c'est ce que défend notre groupe, en ce moment même, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS).

Enfin, j'estime moi aussi que les fuites dans Le Monde sont inadmissibles.

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Nous avons eu des auditions de qualité, mais je suis très choquée que les chaînes privées de télévision n'aient pas répondu à l'invitation de la représentation nationale, alors même qu'elles jouent un rôle majeur en matière d'information politique et qu'elles ont une responsabilité dans la crise que nous connaissons.

Ce rapport vise à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, pas à régler en un claquement de doigt la crise institutionnelle que nous traversons. Il fait des constats clairs et des propositions pragmatiques, ce dont nous pouvons être fiers, car on reproche très souvent à la représentation nationale d'être déconnectée de la réalité. Je ne suis pas favorable au jugement majoritaire, mais cela ne m'empêchera pas de voter le rapport.

Cette mission a été courte, mais nous réfléchissions à ces questions depuis longtemps. J'aimerais faire une proposition à nos collègues du groupe Les Républicains : nous pourrions considérer qu'il s'agit là d'un point de départ et que c'est à nous de faire quelque chose de ce rapport, de l'utiliser comme une boîte à outils pour aller à la rencontre de nos concitoyens. C'est en tout cas ce que j'ai l'intention de faire, car j'ai hâte d'avoir des retours sur ces propositions. Elles ont vocation à alimenter les programmes présidentiels et à nourrir de futures réflexions, au cours de la prochaine législature. La mission d'information a au moins le mérite d'avoir existé, d'avoir posé des questions et d'avoir fait des propositions. Nous n'avons pas fui devant les difficultés, nous avons fait un constat clair et des propositions pragmatiques.

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Je veux, moi aussi, souligner la qualité de ce travail. Chacun est libre, évidemment, mais, comme Erwan Balanant, je trouverais presque dommage que nous ne votions pas tous ce rapport. Ce travail, qui a associé de nombreux groupes, est de très grande qualité et il doit nous aider à relever un défi majeur. Ce qui se passe, scrutin après scrutin, est presque un piège mortel pour nous tous. Je me demandais, par conséquent, si le président et le rapporteur ne pourraient pas, d'ici demain, essayer d'aboutir à un texte qui fasse consensus, en ajoutant ou en retirant une ou deux propositions, au besoin. Je crois que cela vaudrait le coup.

Évidemment, ce n'est pas le grand soir. On peut perdre la confiance en deux minutes et il faut des années pour la regagner. Nous n'allons pas régler le problème de la défiance du jour au lendemain. Mais je crois vraiment que si tout ce qui est dans ce rapport était appliqué, on pourrait inverser la tendance. On ne retrouverait peut-être pas tout de suite un niveau de participation électorale satisfaisant, mais on pourrait au moins inverser la tendance.

Toutes les propositions n'ont pas la même portée. S'agissant de la proposition n° 7, qui propose de mettre en place un transport des votants, je suis un peu méfiant, compte tenu de certaines expériences passées, et il faudrait au moins encadrer cette disposition.

Sur la proposition n° 12 et la question du vote blanc, je suis absolument d'accord avec vous : pour moi, le vote blanc est une impasse. Mais j'aimerais qu'on le démontre. Pourquoi ne pas l'expérimenter et dire par exemple que, pour telle élection, s'il y a 30 % de votes blancs, on organisera de nouvelles élections deux mois plus tard ?

Je crois au renforcement de l'ancrage local et je crois même qu'on peut aller plus loin. Je suis d'accord avec Pacôme Rupin sur le risque d'une confusion des genres, mais je crois aussi qu'on a besoin de renforcer cet ancrage. Vous avez fait deux propositions en ce sens et je pense qu'on pourrait encore en faire d'autres.

S'agissant de la proposition n° 13, je serais allé plus loin. Il y a un problème dans le problème : les électeurs ont du mal à comprendre l'enjeu des élections départementales et régionales. Faut-il revenir au conseiller territorial ? J'y suis plutôt favorable, mais peut-être faudrait-il redéfinir son rôle, dix ans après. La proposition que vous faites, en tout cas, me paraît insuffisante.

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Nous sommes effectivement face à un défi majeur et il est bien difficile de trouver la martingale. J'ai conscience qu'on aurait pu aller plus loin mais, lors de nos premiers échanges, la question a été posée de façon assez brutale : nous avions le choix entre un retour au scrutin départemental par liste, avec une prime de 25 % pour la liste qui arrive en tête, et le retour au conseiller territorial. Je crois que ce n'était pas à la mission de trancher cette question. Il faut simplifier le millefeuille territorial et clarifier les choses pour les électeurs. Il faudra faire un choix, mais ce n'était pas à nous de le faire. Je crois qu'il faut laisser la question suffisamment ouverte pour qu'une prochaine majorité puisse s'en emparer et fasse une proposition.

La mise en place d'un service public de transport le jour du vote peut être intéressante. Je comprends vos réserves, dans la mesure où cette pratique a pu donner lieu à des excès ou à des abus par le passé. Il faudrait que cela soit organisé par les services de l'État, et non par la mairie, afin d'éviter tout soupçon. L'État doit mettre en place ce service, il en a les moyens. Il suffirait aux électeurs de s'inscrire sur une application, du type de BlaBlaCar.

J'entends que la proposition n° 7, appliquée à Paris, poserait des problèmes. Mais nous sommes un certain nombre à constater qu'il y a aujourd'hui une opposition entre le bloc local et le bloc national. Le Président de la République l'a d'ailleurs rappelé dans son discours devant les maires. Or on ne peut pas continuer à avoir une opposition entre les élus nationaux et les élus locaux, car ce n'est pas de cette manière que les choses fonctionnent. Nous avons besoin les uns des autres pour avancer. Le fait de pouvoir participer à des conseils communautaires ou à des conférences territoriales de l'action publique pourrait être un moyen de remettre les parlementaires au cœur des débats locaux.

Une proposition de loi visant à revenir partiellement au cumul des mandats a été rejetée la semaine dernière par notre assemblée. Ce n'était pas notre rôle que de proposer le retour au cumul des mandats. Je l'avais évoqué, au début de nos débats sur les propositions, pour voir quelles seraient les réactions au sein de la mission ; or ses membres étaient très partagés. Il faudra débattre de la place du parlementaire et de la manière de le remettre au cœur de l'action locale. On avait même évoqué la réintroduction de la réserve parlementaire. Je n'ai pas repris cette proposition dans le rapport, même si j'y suis favorable. Ce seront aux différents courants politiques de prendre position sur cette question et de faire des propositions au cours de la campagne.

D'une manière générale, cette mission avait aussi pour objectif de nourrir les programmes et les débats de la campagne électorale à venir. Comme madame Muriel Roques-Etienne, je m'étonne de la politique de la chaise vide des chaînes privées de télévision. Le service public s'est grandi en venant participer à nos débats. Les chaînes privées ont une responsabilité ; par leurs contenus éditoriaux, elles influent sur la manière dont est perçue la politique. Nous aurions donc aimé les entendre.

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Les propositions contenues dans ce rapport sont essentielles : grâce à celles, ce sont 15 % d'électeurs de plus qui pourraient voter.

Le retour au cumul des mandats ne figure pas dans ce rapport, alors que plusieurs personnes auditionnées l'avaient suggéré, et j'en suis ravi.

On peut être un peu déçu, car monsieur le rapporteur avait dit, lors de notre première réunion du mois de juillet, qu'il fallait ne rien s'interdire. Or nous nous sommes interdits certaines choses. Nous n'avons eu que trois mois, ce qui ne nous a pas laissé le temps de nous pencher sur la réforme des institutions, comme nous avions prévu de le faire. Nous ne nous sommes pas penchés non plus sur nos comportements d'élus, ni sur la manière dont nous faisons de la politique, alors que ces questions ont de l'importance, quand on réfléchit à la défiance actuelle de nos concitoyens pour la politique.

Je suis très satisfait de ce rapport et le voterai, car il apporte de vraies solutions.

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Les critiques que nous avons émises ne remettent pas en cause la qualité de ce travail, bien au contraire. Ce rapport est très fouillé, mais c'est sa mise en œuvre qui va poser problème.

Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que la faiblesse de la participation s'explique par trois grands types de causes. Le premier, c'est tout ce qui relève de l'organisation du scrutin et de la commodité du vote – vote par procuration, par correspondance, par internet, etc. Le deuxième ensemble, c'est que j'appelle « les trois i » : l'incompréhension, l'ignorance et l'indifférence, et c'est là que les difficultés commencent. Le troisième étage, c'est le refus, alimenté par le sentiment que cela ne sert à rien et que les élus sont tous pourris. Ne pas aller voter, c'est même leur faire un pied de nez. Plus on monte dans l'échelle et plus c'est difficile.

Vous nous dites que ce n'est qu'un début et que vous n'avez retenu ici qu'une série de mesures à peu près consensuelles. Mais si nous ne voulons pas voter ce rapport, c'est parce qu'aucune de ces mesures – même si elles sont consensuelles, et pas très ambitieuses – ne pourra entrer en vigueur avant les élections présidentielles et législatives de 2022. Ce rapport contient des idées intéressantes, mais il faut aller plus loin et être plus ambitieux. Et, de toute façon, cela ne pourra se faire qu'au cours de la prochaine législature. C'est pour cette raison que nous voterons contre ce rapport, dont je répète que nous ne méconnaissons pas la qualité.

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Je suis ravie de ce rapport, que je trouve très bien construit et très bien fait. Il contient beaucoup de mesures relatives à l'éducation des jeunes, notamment les propositions n° 22 et 23. Il est question de renforcer la proximité avec les élus. Même au sein de l'Assemblée nationale, ce n'est pas facile. Je souhaite avoir des jeunes en stage de découverte, mais l'Assemblée ne prévoit que des stages de quatre mois – j'ai dû trouver une parade, en utilisant mon assurance personnelle De même, mon apprentie stagiaire ne peut pas assister aux réunions de la commission des Affaires étrangères. Même au sein de notre assemblée, des freins empêchent de créer cette proximité.

Vous proposez aussi de « mieux reconnaître l'engagement en tant que délégué de classe ». Il y a un lycée, à Thonon-les-Bains, dont tous les délégués de classe font un voyage à Paris pour découvrir les instituions parisiennes : c'est une démarche très intéressante qui permet de valoriser ces délégués. Mais, une fois qu'ils sont bien engagés dans la démocratie, les portes se referment. Renouveau Collectif est une association transpartisane qui est très engagée et qui promeut la citoyenneté au cœur des lycées – elle a gagné deux sièges au Conseil supérieur de l'éducation. Elle aimerait être reçue au ministère pour exposer son projet, mais elle n'y arrive pas. Cela ne pousse pas les jeunes à aller voter. Je suis extrêmement favorable aux propositions qui concernent les jeunes car, une fois qu'ils décrochent, il est très difficile de les faire revenir.

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Il est vrai que le calendrier pose problème en raison de la proximité des élections législatives et présidentielle. En outre, la commission des Lois réalise, sur la même question, des travaux concomitants aux nôtres.

Je comprends que notre rapporteur se soit montré prudent, estimant que c'était aux formations politiques de formuler, précisément à l'occasion des prochains scrutins, des propositions courageuses dans ce domaine. Mais nous devons prendre nos responsabilités et, si le calendrier a été fixé de manière à nous permettre de faire des propositions à quelques mois des prochaines élections, pourquoi ne pas être allé plus loin ? Il est vrai, monsieur le rapporteur, que, dans ce cas, nous aurions eu des arguments faciles pour nous opposer à votre rapport.

Cela dit, je m'étonne que les propositions qu'il contient reprennent des choses qui existent déjà. Je citerai quelques exemples.

« Inviter les personnes nouvellement inscrites sur les listes électorales à tenir un bureau de vote » : de nombreuses communes mènent déjà des expérimentations de ce type.

« Systématiser la remise des cartes électorales aux jeunes majeurs lors de cérémonies de citoyenneté » : dans tous les départements, des maires organisent une cérémonie, avant les élections, en espérant peut-être que les gamins voteront pour eux – nous ne sommes pas des lapins de six semaines…

« Mobiliser les mouvements d'éducation populaire pour former à la citoyenneté » : de nombreuses associations sensibilisent déjà la jeunesse à l'importance du vote.

« Renforcer l'éducation à la citoyenneté dans le parcours scolaire » : au collège, notamment dans les cours d'histoire et géographie, certaines heures sont déjà réservées à l'éducation civique, avec pour objectif de sensibiliser les jeunes à la citoyenneté.

« Prévoir la diffusion de clips de campagne sur les réseaux sociaux et les applications » : les élus que nous sommes savent que les réseaux sociaux sont importants. Ainsi, j'ai pu constater, lors des dernières élections cantonales et régionales, que des candidats utilisaient Facebook ou Twitter.

« Élargir la réalisation de spots de campagne aux élections régionales » : là encore, lors des derniers scrutins, j'ai vu, à la télévision, des clips expliquant à quoi servent le département et la région.

« Créer une plateforme de la vie démocratique permettant aux citoyens d'interpeller les élus, à tous les niveaux » : j'ai été maire, conseiller départemental, vice-président d'une intercommunalité, président d'un service départemental d'incendie et de secours : quel que soit mon mandat, j'ai toujours reçu les citoyens qui souhaitaient me voir. Et, en tant que députés, nous les accueillons avec plaisir dans nos permanences, pour écouter leurs doléances et leurs souhaits.

Bref : beaucoup de choses existent déjà. Peut-être faut-il mettre l'accent sur certaines d'entre elles, je n'en disconviens pas, mais j'ai le sentiment qu'on réinvente l'eau chaude.

Quant à la proposition n° 17, elle a trait à l'amélioration de l'ancrage local des parlementaires. Pour ma part, je n'aurais pas pu comprendre beaucoup des questions qui sont discutées à l'Assemblée si je n'avais pas eu un parcours d'élu local : j'ai beaucoup appris, au contact de nos concitoyens. Or, récemment, la majorité a rejeté abruptement une proposition de loi organique favorisant l'implantation locale des parlementaires. Il s'agissait pourtant de leur permettre notamment d'être maire, non pas d'une ville de 500 000 ou d'1 million d'habitants, mais d'une petite commune, pour qu'ils puissent mieux appréhender les problèmes de leurs concitoyens.

Après les dernières élections départementales et régionales, j'ai demandé aux gens pourquoi ils n'étaient pas allés voter – dans mon canton, très urbain, la participation n'a été que de 30 %. Ils m'ont répondu qu'ils ne comprenaient plus rien ! De fait, le redécoupage cantonal réalisé sous la précédente législature, parfois motivé par des préoccupations politiciennes, a fait exploser les anciens cantons. Auparavant, chacun d'entre eux était organisé autour d'un chef-lieu de canton, et les électeurs pouvaient rencontrer facilement leur conseiller général, qui était à portée d'engueulade. Par ailleurs, avant la création de la région Grand Est, qui a la même superficie que la Belgique et qui a pour capitale Strasbourg – il me faut trois heures trente pour m'y rendre depuis les Ardennes ! –, notre région était la région Champagne-Ardenne, elle avait pour capitale Châlons-en-Champagne et il y avait une forme de proximité des conseillers régionaux. Les gens n'y comprennent plus rien, à cause des réformes dévastatrices de François Hollande.

Quant à l'inscription automatique sur les listes électorales, des jeunes me disent qu'ils s'en moquent : de toute façon, ils ne veulent pas voter. On a augmenté la base électorale mais, de ce fait, comme l'a dit Erwan Balanant, 15 % des inscrits ne votent pas. Or on n'obligera pas ceux qui sont réfractaires au vote – et il y en a toujours eu – à mettre un bulletin dans l'urne. Même la prise en considération du vote blanc ne les inciterait pas à se déplacer : cela ne les intéresse pas.

Ces remarques n'enlèvent rien à la qualité du travail réalisé. Je comprends la prudence de Stéphane Travert, qui n'a pas voulu trop s'avancer, mais je vous donne rendez-vous, mes chers collègues, aux scrutins des mois d'avril et de juin prochain.

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Monsieur le rapporteur, vous abordez à très juste titre, dans le rapport, la question de l'éducation morale et civique, car la formation des jeunes est un véritable enjeu. Certes, il est prévu dans les programmes de consacrer un certain nombre d'heures à cette question, mais on ignore quels sont les sujets traités et comment ils le sont. Il faut, me semble-t-il, revoir les choses – plusieurs des personnes auditionnées l'ont dit. J'ai d'ailleurs signé, avec plusieurs de nos collègues, une tribune qui a paru dans Le Monde la semaine dernière, rédigée par un collectif d'étudiants qui alertent l'Éducation nationale sur cette question.

Je vous remercie d'avoir pris en considération un certain nombre des propositions que nous vous avions transmises lors de l'audition du président et de représentants du MODEM, propositions qui figurent également dans notre Livre blanc sur l'abstention. Je pense à la facilitation de l'inscription sur les listes électorales, à l'expérimentation du vote par correspondance et par anticipation et à l'étude sur le vote électronique.

Enfin, je suis d'accord avec vous, nos travaux doivent trouver un prolongement dans les propositions que feront, je l'espère, un certain nombre de mouvements et partis politiques lors de la campagne électorale. Du reste, je viens d'apprendre que le Président de la République s'est exprimé aujourd'hui même sur la question du cumul des mandats. C'est une bonne chose : cela signifie que nos débats intéressent l'exécutif, ce dont je ne doutais pas.

En tout cas, les propositions contenues dans le rapport permettront de nourrir la discussion à venir. Je me retrouve dans ces travaux, dont nous ferons bon usage.

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Il faut toujours prendre les critiques en bonne part, et réfléchir à la manière dont on peut améliorer la compréhension de nos propositions.

Je rejoins les propos de Charles de La Verpillière sur les trois axes du rapport. Il était indispensable de dresser certains constats pour bien comprendre les phénomènes qui contribuent à l'abstention. Il a été dit qu'aucune mesure ne pouvait être prise avant les échéances de 2022. Pour ma part, je crois qu'il est possible d'appliquer l'utilisation du répertoire électoral unique, qui permettrait de voter en tout lieu, pour l'élection présidentielle. Le deuxième tour de cette élection interviendra, je le rappelle, à une date où les trois zones seront en vacances, de sorte qu'un grand nombre d'électeurs ne seront pas chez eux et ne pourront donc pas voter. Quoi qu'il en soit, nous remettrons, la semaine prochaine, notre rapport à la ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la citoyenneté ; nous pourrons examiner avec elle si un certain nombre de nos propositions peuvent être mises en œuvre d'ici aux prochaines élections ; tel était en tout cas notre objectif pour plusieurs d'entre elles. Pour ce qui est des tests, il faudra attendre les prochaines élections locales.

Je souscris aux propos de Marion Lenne et d'Isabelle Florennes sur la question de l'éducation. Au collège, la part du programme réservée à l'instruction civique a diminué au profit d'autres enseignements. Ainsi, les enfants connaissent désormais très bien le tri sélectif. Des ambassadeurs du tri ont été désignés au sein de chaque école, et c'est une très bonne chose. Mais pourquoi n'organiserait-on pas des opérations de ce type concernant l'action citoyenne, le vote ? Nous pouvons aller plus loin dans ce domaine – je sais que le ministre de l'Éducation nationale partage ce constat. Autrefois, il existait des cours d'éducation civique qui permettaient de ne parler pendant une heure que de la vie citoyenne. Aujourd'hui, ces cours sont fondus dans ceux d'histoire-géographie. Des enseignants font bien leur travail, mais il faut redonner un peu plus d'importance au corpus citoyen dans les programmes scolaires.

Certaines des expérimentations proposées concernent, c'est vrai, des dispositifs qui existent déjà. Je connais en effet des maires qui organisent des réceptions pour la remise de leur carte électorale à des jeunes ou des conseils municipaux de jeunes. Mais ce n'est pas le cas partout, et cela se traduit, du reste, dans le taux de participation : l'abstention est beaucoup plus élevée dans les communes qui ne font rien dans ce domaine. Si les dispositifs existent, il faut les amplifier et les sanctuariser dans l'ensemble du territoire.

En ce qui concerne l'ancrage local des parlementaires, ceux d'entre eux qui font de la politique depuis longtemps n'ont pas besoin d'avoir un mandat local : les gens les connaissent. Mais ceux qui seront élus pour la première fois en 2022 et qui ne souhaitent pas avoir d'autre mandat doivent pouvoir faire leur travail de législateur tout en étant mieux intégrés dans la vie locale. Cet ancrage dépend en partie d'un travail personnel, bien entendu, mais on a besoin de structures où ils puissent prendre part à la décision et donner leur éclairage de parlementaire.

Enfin, il est vrai qu'il est plus simple, lorsqu'on est député, d'être maire d'une commune de 500 ou de 1 000 habitants que d'être maire d'une commune de 100 000 ou 150 000 habitants. Mais si l'on inscrit un seuil dans la loi, nous nous heurterons à l'obstacle du Conseil constitutionnel. C'est pourquoi le rapport ne comporte pas de proposition de ce type.

La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise ainsi la publication.

La séance est levée à 16 heures 20.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Erwan Balanant, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Jean-René Cazeneuve, M. Pierre Cordier, M. François Cornut-Gentille, Mme Isabelle Florennes, Mme Marion Lenne, Mme Muriel Roques-Etienne, M. Pacôme Rupin, M. Benoit Simian, M. Sylvain Templier, M. Stéphane Travert, M. Charles de la Verpillière