Intervention de Stéphane Travert

Réunion du mercredi 8 décembre 2021 à 14h35
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert, rapporteur :

Je vous remercie pour vos remarques. Je ne me formalise jamais que l'on ne vote pas un rapport : la politique est ainsi faite, et il faut assumer ses choix. Certes, nous pouvons considérer que ce n'est pas le grand soir, mais pour faire ce grand soir, encore faut-il avoir la matière permettant de résoudre le problème de l'abstention. En juin dernier, lorsque nous étions sollicités par les journalistes pour commenter les chiffres de l'abstention, qui étaient énormes, nous avons tous dit la même chose, que nous venions de gagner ou de perdre l'élection : nous nous sommes bornés à regretter le faible niveau de participation. Cela fait des années que je suis personnellement engagé en politique, et à chaque fois que je commente les résultats d'un scrutin, je fais le triste constat de la hausse de l'abstention et nous promettons tous de tout faire pour que pareille situation ne se reproduise plus. C'est le jour sans fin, l'éternel recommencement. Nous aurions pu « casser la baraque », changer de République, revoir tous les modes de scrutin, ou encore supprimer les départements pour donner de l'air au millefeuille territorial, mais aurions-nous obtenu un consensus, y compris au sein de nos familles politiques respectives ? À titre personnel, je suis favorable à la suppression des départements, mais je ne l'ai pas proposée car je sais bien que cela ne recueillera pas l'approbation de tout le monde.

Un certain nombre de propositions ont été formulées. Je ne les survends pas : elles sont en vitrine, et ce rapport n'est qu'un appel à travailler. C'est maintenant aux mouvements politiques de faire leur part de travail et, à partir des constats que nous avons dressés, de reprendre et de développer certaines des solutions que nous avons proposées. Bien évidemment, nous ne sommes pas prêts dans de nombreux domaines : c'est la raison pour laquelle nous proposons d'engager des expérimentations. Par exemple, nous ne sommes pas prêts à autoriser le vote par correspondance parce que nous avons besoin de sécuriser les choses ; pour ce faire, nos successeurs devront peut-être constituer une mission d'information ou un groupe de travail chargé de définir les conditions dans lesquelles les électeurs pourront voter par correspondance en confiance. Le même constat vaut pour le vote par anticipation et pour le vote électronique – le représentant de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) que nous avons auditionné a insisté sur le fait que chaque électeur devait avoir une identité numérique, qui n'existe pas encore et qui nécessitera un immense travail de préparation. Je préconise donc de mener des actions volontaires, dans certains territoires, qui permettront de tester les différentes solutions envisagées. Les Républicains ont récemment procédé à un vote électronique pour désigner leur candidat à l'élection présidentielle : ce scrutin s'est bien passé, mais le périmètre des électeurs était très restreint. Comment peut-on garantir le même fonctionnement, la même sécurité et la même sincérité pour un scrutin à 45 millions d'électeurs ? Quoi qu'il en soit, nous devons avancer sur l'ensemble de ces sujets.

Comme vous, je suis favorable à une amélioration des modalités de vote – en effet, il est souhaitable de régler le problème des mal-inscrits et de partir d'un taux de participation de 100 % plutôt que d'un taux de 85 % –, mais il ne s'agit que d'outils techniques. La consultation en ligne que nous avons organisée et qui a recueilli plus de 170 000 contributions a bien montré que le problème de fond était celui de la confiance, ou plutôt de la défiance vis-à-vis des institutions politiques. J'ai entendu dire que nous aurions pu nous pencher davantage sur le rôle des parlementaires, mais je m'en suis abstenu parce que je savais que la présidente de la commission des Lois, madame Yaël Braun-Pivet, menait des travaux sur ce sujet avec la fondation Jean-Jaurès, et parce que je ne voulais pas non plus que ce rapport paraisse trop nombriliste.

Travailler sur la question de la confiance, c'est faire en sorte que les électeurs considèrent que leur vote va changer les choses. Pour ce faire, nous devons être exemplaires, dire ce que nous faisons et faire ce que nous disons. Nous devons utiliser les institutions de la démocratie représentative et les outils de la démocratie participative pour entraîner derrière nous nos concitoyens. Il ne s'agit pas ici de faire des propositions, mais d'agir au quotidien. C'est aussi ce que j'ai voulu esquisser dans ce rapport.

Nous sommes nombreux à nous méfier des outils numériques. Les plateformes sont utiles mais viennent en complément de ce qui existe déjà. Nous devons utiliser tout un panel de solutions permettant d'avoir des résultats probants pour l'ensemble des élections.

J'ai été très sensible à l'initiative prise par Ouest-France et La Croix, qui se sont interdit de commenter les sondages. En effet, un sondage à huit jours de l'élection ne porte pas sur le fond des programmes mais uniquement sur la personnalité des candidats. Or, pour réfléchir et déterminer sa position politique, un électeur a besoin de revenir au fond. Alors que notre société s'individualise de plus en plus et que l'on nous demande d'avoir une pensée ramassée, exprimable en 140 signes, nous devons aider nos concitoyens à construire leur pensée et à faire des choix totalement éclairés. Je ne rejette pas la faute sur les sondages, car chacun doit assumer ses responsabilités, mais ces études doivent rester des outils d'aide à la décision et non geler l'offre électorale.

C'est donc sur l'amélioration des commodités de vote et sur le rétablissement de la confiance que nous avons à travailler. Les travaux de notre mission d'information ont été de bonne tenue et nos débats ont été très cordiaux, ce qui ne peut que nous inciter à poursuivre nos réflexions et à inviter les mouvements politiques à se saisir de nos propositions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.