Intervention de Pierre Cordier

Réunion du mercredi 8 décembre 2021 à 14h35
Mission d'information visant à identifier les ressorts de l'abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Cordier :

Il est vrai que le calendrier pose problème en raison de la proximité des élections législatives et présidentielle. En outre, la commission des Lois réalise, sur la même question, des travaux concomitants aux nôtres.

Je comprends que notre rapporteur se soit montré prudent, estimant que c'était aux formations politiques de formuler, précisément à l'occasion des prochains scrutins, des propositions courageuses dans ce domaine. Mais nous devons prendre nos responsabilités et, si le calendrier a été fixé de manière à nous permettre de faire des propositions à quelques mois des prochaines élections, pourquoi ne pas être allé plus loin ? Il est vrai, monsieur le rapporteur, que, dans ce cas, nous aurions eu des arguments faciles pour nous opposer à votre rapport.

Cela dit, je m'étonne que les propositions qu'il contient reprennent des choses qui existent déjà. Je citerai quelques exemples.

« Inviter les personnes nouvellement inscrites sur les listes électorales à tenir un bureau de vote » : de nombreuses communes mènent déjà des expérimentations de ce type.

« Systématiser la remise des cartes électorales aux jeunes majeurs lors de cérémonies de citoyenneté » : dans tous les départements, des maires organisent une cérémonie, avant les élections, en espérant peut-être que les gamins voteront pour eux – nous ne sommes pas des lapins de six semaines…

« Mobiliser les mouvements d'éducation populaire pour former à la citoyenneté » : de nombreuses associations sensibilisent déjà la jeunesse à l'importance du vote.

« Renforcer l'éducation à la citoyenneté dans le parcours scolaire » : au collège, notamment dans les cours d'histoire et géographie, certaines heures sont déjà réservées à l'éducation civique, avec pour objectif de sensibiliser les jeunes à la citoyenneté.

« Prévoir la diffusion de clips de campagne sur les réseaux sociaux et les applications » : les élus que nous sommes savent que les réseaux sociaux sont importants. Ainsi, j'ai pu constater, lors des dernières élections cantonales et régionales, que des candidats utilisaient Facebook ou Twitter.

« Élargir la réalisation de spots de campagne aux élections régionales » : là encore, lors des derniers scrutins, j'ai vu, à la télévision, des clips expliquant à quoi servent le département et la région.

« Créer une plateforme de la vie démocratique permettant aux citoyens d'interpeller les élus, à tous les niveaux » : j'ai été maire, conseiller départemental, vice-président d'une intercommunalité, président d'un service départemental d'incendie et de secours : quel que soit mon mandat, j'ai toujours reçu les citoyens qui souhaitaient me voir. Et, en tant que députés, nous les accueillons avec plaisir dans nos permanences, pour écouter leurs doléances et leurs souhaits.

Bref : beaucoup de choses existent déjà. Peut-être faut-il mettre l'accent sur certaines d'entre elles, je n'en disconviens pas, mais j'ai le sentiment qu'on réinvente l'eau chaude.

Quant à la proposition n° 17, elle a trait à l'amélioration de l'ancrage local des parlementaires. Pour ma part, je n'aurais pas pu comprendre beaucoup des questions qui sont discutées à l'Assemblée si je n'avais pas eu un parcours d'élu local : j'ai beaucoup appris, au contact de nos concitoyens. Or, récemment, la majorité a rejeté abruptement une proposition de loi organique favorisant l'implantation locale des parlementaires. Il s'agissait pourtant de leur permettre notamment d'être maire, non pas d'une ville de 500 000 ou d'1 million d'habitants, mais d'une petite commune, pour qu'ils puissent mieux appréhender les problèmes de leurs concitoyens.

Après les dernières élections départementales et régionales, j'ai demandé aux gens pourquoi ils n'étaient pas allés voter – dans mon canton, très urbain, la participation n'a été que de 30 %. Ils m'ont répondu qu'ils ne comprenaient plus rien ! De fait, le redécoupage cantonal réalisé sous la précédente législature, parfois motivé par des préoccupations politiciennes, a fait exploser les anciens cantons. Auparavant, chacun d'entre eux était organisé autour d'un chef-lieu de canton, et les électeurs pouvaient rencontrer facilement leur conseiller général, qui était à portée d'engueulade. Par ailleurs, avant la création de la région Grand Est, qui a la même superficie que la Belgique et qui a pour capitale Strasbourg – il me faut trois heures trente pour m'y rendre depuis les Ardennes ! –, notre région était la région Champagne-Ardenne, elle avait pour capitale Châlons-en-Champagne et il y avait une forme de proximité des conseillers régionaux. Les gens n'y comprennent plus rien, à cause des réformes dévastatrices de François Hollande.

Quant à l'inscription automatique sur les listes électorales, des jeunes me disent qu'ils s'en moquent : de toute façon, ils ne veulent pas voter. On a augmenté la base électorale mais, de ce fait, comme l'a dit Erwan Balanant, 15 % des inscrits ne votent pas. Or on n'obligera pas ceux qui sont réfractaires au vote – et il y en a toujours eu – à mettre un bulletin dans l'urne. Même la prise en considération du vote blanc ne les inciterait pas à se déplacer : cela ne les intéresse pas.

Ces remarques n'enlèvent rien à la qualité du travail réalisé. Je comprends la prudence de Stéphane Travert, qui n'a pas voulu trop s'avancer, mais je vous donne rendez-vous, mes chers collègues, aux scrutins des mois d'avril et de juin prochain.

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