présente les réflexions du groupe de travail consacrées à la recherche, dont les diapositives ont été préparées avec Christian Boitard, professeur de diabétologie et directeur de l'institut thématique multi-organismes (ITMO) « Physiopathologie, métabolisme, nutrition » de l'INSERM.
La recherche est un sujet fondamental, sur lequel l'Académie est intervenue à plusieurs reprises. Elle a publié un communiqué soulignant l'insuffisance de la part des crédits de recherche attribués en France au domaine biologie-santé, de l'ordre de 18 %, en regard de celle qui lui est consacrée en Angleterre ou en Allemagne, de l'ordre de 50 %.
Un premier objectif doit être d'assurer une bonne coordination, associant programmation, évaluation et mise en œuvre. Actuellement, un grand nombre d'appels d'offres sont lancés par différents organismes, structures ou agences, sans véritable coordination. Valable pour la recherche sur le coronavirus, ce constat l'est aussi pour la recherche dans son ensemble, notamment en biologie-santé. De plus, un suivi politique européen et international est indispensable, car les moyens seraient beaucoup mieux utilisés dans le cadre d'appels d'offres et de projets européens, permettant à toutes les équipes de travailler ensemble, en particulier sur toutes les approches épidémiologiques ou fondamentales. Les enjeux sont les mêmes dans les domaines de l'innovation, de la recherche sur les vaccins ou la recherche thérapeutique, de la communication et de l'éducation.
Quelles sont les actions immédiatement envisageables ? Cette situation inédite pour la recherche touche à la fois les domaines de la santé publique et de la biologie-santé. Il faut absolument se doter de méthodes permettant une identification précoce des épidémies, qui fassent appel aux équipes de santé publique afin de les modéliser correctement, et obtenir les données permettant de nourrir et calibrer les modèles. L'étude des comorbidités est essentielle afin d'identifier les facteurs favorisant la pathologie, par exemple l'obésité et le diabète, ce qui permet de caractériser des populations à risque, y compris par des études génomiques. Enfin, il convient de stimuler la recherche sur les thérapeutiques antivirales et les vaccins.
Pour réussir les phases II et III de sortie de crise, il faut soutenir ces différentes actions afin de comprendre les formes graves non attendues de la maladie, dans le cadre d'une stratégie coordonnée de recherche et d'une approche essentiellement multidisciplinaire. Dans les phases précoces de l'épidémie, un grand nombre d'équipes de recherche hospitalière ou fondamentale en France et en Europe se sont réorientées pour répondre à l'urgence diagnostique et thérapeutique. De nombreuses initiatives ont vu le jour, au niveau local – métropoles ou régions – ou national. Mais cette approche était désordonnée, provoquant une dispersion des moyens et une multiplicité des gouvernances des projets. Les appels à projets qui ont été lancés ont été prioritairement orientés vers les étapes précoces du processus infectieux en négligeant les pathologies associées. La crise du Covid-19 démontre bien qu'il n'existe pas d'opposition entre les recherches fondamentale, translationnelle et clinique. La recherche clinique permet de clarifier l'épidémiologie et d'aller vers la recherche fondamentale pour comprendre les mécanismes de la maladie dans une perspective thérapeutique, afin de revenir vers la recherche translationnelle ou clinique pour tester les différents vaccins ou les autres solutions thérapeutiques.
Les actions en recherche biologie-santé devraient d'abord consister à renforcer la structure de pilotage unique, portée par l'Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN), à savoir le consortium multidisciplinaire REACTing, qui permet de coordonner les appels à projets, les cohortes et l'affectation des moyens. Il faudra aussi remettre dès que possible en ordre de marche les laboratoires, dont bon nombre sont actuellement fermés, mutualiser et soutenir les infrastructures épidémiologiques existantes, notamment les cohortes populationnelles, les biobanques nécessaires pour tester les anticorps, les entrepôts de données de santé et la Plateforme des données de santé (Health Data Hub), ainsi que les plateformes analytiques.
Par ailleurs, il faudra développer des actions propres au Covid-19, des cohortes dédiées sur les survivants, les contaminés asymptomatiques, les soignants, etc., coordonner les études épidémiologiques, phénotypiques et génétiques – sans oublier les sciences humaines et sociales – et mettre en réseau toutes les ressources biologiques dont dispose la recherche : les centres de ressources biologiques, les biobanques, et les collections d'échantillons.
Une stratégie nationale, européenne et internationale doit viser à développer des contre-mesures face aux menaces nouvelles, car l'épidémie de Covid-19 appelle aussi à réfléchir au futur. Après le SARS, beaucoup d'études avaient été entreprises, mais la plupart ont été abandonnées par la suite. Après cette épidémie, il faudra donc prévoir des programmes et des financements spécifiques, avec une véritable stratégie européenne. Le tissu de recherche européen doit être renforcé, avec des stratégies de veille épidémiologique, pour arriver à développer des biomarqueurs, des vaccins, et des traitements ciblés, à l'image de ce qui se fait dans d'autres domaines, par exemple l'aéronautique.