Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
Jeudi 16 avril 2020
La réunion est ouverte à 9 h 35.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques s'est réuni, le jeudi 16 avril 2020, en visioconférence, afin d'avoir un échange avec les membres du groupe de travail constitué par l'Académie nationale de médecine sur la sortie de crise du Covid-19 : MM. Jean-François Allilaire, Secrétaire perpétuel de l'Académie nationale de médecine, Raymond Ardaillou, Yves Buisson et Bernard Charpentier, membres titulaires, Bruno Clément, membre correspondant, Patrice Debré, président du Comité des affaires internationales, président de la commission « Biologie – Génétique – Technologies biomédicales », Arnold Migus, ancien directeur général du Centre national de la recherche scientifique, membre du groupe de travail, Patrick Netter, président de la division « Sciences biologiques et pharmaceutiques », membre du conseil scientifique de l'Office, et Bernard Nordlinger, membre titulaire.
s'est associé au président Gérard Longuet pour remercier les membres de l'Office de participer à cet échange par visioconférence avec les membres du groupe de travail constitué par l'Académie nationale de médecine sur la sortie de crise du Covid-19. Avec le président Gérard Longuet, il a remercié les académiciens et les autres membres de ce groupe de travail pour leur disponibilité et pour leur très grande implication sur un sujet qui occupe une place centrale, sinon unique, dans l'actualité.
, a indiqué que l'Académie nationale de médecine était très honorée de cette audition par l'Office. L'Académie a fermé son siège de la rue Bonaparte le 13 mars et ses activités se poursuivent intensément depuis sous forme de télétravail. Elle a notamment créé une cellule de veille dédiée au Covid-19, placée sous la présidence de Yves Buisson, qui a mobilisé une centaine d'académiciens organisés autour de groupes thématiques qui ont produit une trentaine d'avis et de communiqués, à la fois sur des sujets d'actualité et sur des sujets de fond, assortis de recommandations très concrètes. Il est très heureux que l'Académie de médecine ait pu poursuivre sa mission dans les circonstances actuelles.
Patrick Netter va organiser les prises de parole des membres du groupe qui présenteront les travaux de celui-ci et répondront aux questions que les parlementaires ne manqueront pas de poser.
, a souligné que le travail réalisé dans le cadre du petit groupe constitué par l'Académie de médecine continue à évoluer et que les documents présentés retracent l'état des connaissances à ce jour.
Ce travail vise à construire une vision globale des différentes phases de sortie de crise, notamment celles qui vont suivre le confinement et qui pourraient durer, pour lesquelles notre connaissance du virus est incomplète et évolutive.
Le groupe de travail a été fortement accompagné par Jean-François Allilaire, Didier Houssin et Yves Buisson ; interviendront aujourd'hui Arnold Migus, qui présentera les phases de sortie de crise, Christian Boitard, qui parlera de la recherche, Patrice Debré, qui évoquera la dimension thérapeutique, Bernard Nordlinger, qui développera les apports du numérique, Bernard Charpentier, qui présentera quelques réflexions sur l'Europe, ainsi que Raymond Ardaillou et Bruno Clément.
, a indiqué qu'il n'était pas membre de l'Académie de médecine, mais que, physicien avec une formation d'ingénieur, il était invité depuis un an comme expert dans différents groupes de travail, dont celui-ci. C'est cette culture d'ingénieur qui explique la présence de plusieurs organigrammes dans la présentation relative aux phases de la sortie de crise. Etant également magistrat honoraire de la Cour des comptes, il est sensible aux questions budgétaires et au coût extrêmement élevé de la crise sanitaire, ce qui explique que l'analyse des phases de sortie de crise se soit attachée à identifier les critères minimaux qui permettraient d'assurer cette sortie.
Il faut à nouveau souligner que le virus est mal connu et la situation évolutive. Nous disposons aujourd'hui d'une « photographie », un mois après le confinement, à partir de laquelle est construite une vision des étapes à venir.
Nous sommes actuellement dans ce qui a été appelé la phase I, qui consiste à ralentir l'épidémie. La phase II devrait commencer le 11 mai avec le déconfinement partiel ; il est cependant possible que l'on soit obligé de revenir en partie à la phase I et il faut donc plutôt réfléchir région par région. L'idée d'un éventuel retour à la phase I n'est pas une vue de l'esprit, puisque Singapour connaît une évolution similaire.
La phase I consiste donc à ralentir la propagation de l'épidémie dans le but de sauver des vies en ralentissant la transmission du Covid-19, en augmentant la capacité de dépistage et en s'assurant que le système de santé a la capacité de traiter les patients Covid-19 et les autres pathologies. On est entré dans cette phase parce que l'on a été débordé (c'est ce que l'on appelle l'« élément déclencheur »). La réussite de la phase I doit permettre d'assouplir les mesures de distanciation sociale et de passer en phase II.
La phase I est caractérisée par certaines spécifications, comme le fait de maintenir une distanciation sociale, l'accroissement de la disponibilité des tests de diagnostic, la remontée rapide des données, la fourniture accrue d'équipements de protection individuelle ou l'obligation de porter des masques – mesure à laquelle l'Académie de médecine est très favorable. Il faut une vision nationale, mais l'Académie estime que le niveau local doit avoir un rôle important, autour du préfet et de l'agence régionale de santé.
En phase I, plusieurs problématiques qualitatives et quantitatives doivent être abordées, comme la disponibilité de tests biologiques individuels par PCR qui soient fiables et en nombre suffisant pour le dosage individuel des sujets contacts, ou encore l'investissement dans des outils permettant de communiquer efficacement les résultats des tests et de rendre les données facilement accessibles aux responsables de la santé publique et aux chercheurs.
Au regard de l'« élément déclencheur » du passage en phase II, quatre critères cumulatifs ont été identifiés.
En sens inverse, pour retourner de la phase II à la phase I, il suffirait que l'on constate une augmentation soutenue de nouveaux cas pendant cinq jours ou l'impossibilité pour les hôpitaux de traiter en toute sécurité tous les patients nécessitant une hospitalisation.
La phase II consisterait en un déconfinement partiel, région par région. Cette phase a pour objectif de sauver des vies en levant de façon prudente les mesures de distanciation sociale strictes, en permettant à la majorité des entreprises et des écoles d'ouvrir et en continuant à contrôler la transmission du virus afin de ne pas revenir à la phase I.
Certaines étapes sont néanmoins requises. Par exemple, il faut garder l'obligation des masques dans l'espace public et les transports, mettre en œuvre des interventions basées sur des cas individuels (comme cela s'est fait dans l'Oise au début de l'épidémie), ou encore identifier les personnes immunisées qui pourraient alors retourner au travail, occuper des postes à haut risque ou aider les personnes encore soumises à des mesures strictes de distanciation sociale. Il y a cependant de nombreux questionnements sur l'immunisation des personnes guéries ; de ce fait, les étapes suivantes sont difficiles à préciser et c'est pourquoi le groupe de travail a voulu bâtir une démarche logique. En phase II, il faut également accélérer le développement des thérapeutiques et utiliser à grande échelle les outils numériques. La communication politique devient très importante : la confiance des citoyens envers la science a pu être affectée par des controverses publiques – on voit d'ailleurs des patients refuser de participer à des essais cliniques randomisés lorsqu'ils apprennent qu'ils pourraient être dans un bras de l'essai où l'on ne leur administrera pas d'hydroxychloroquine – et il faut donc maintenir des principes éthiques, même en temps de pandémie. Les temporalités de la recherche et de la politique ne sont pas les mêmes et la prudence exige d'expliquer que la recherche ne peut pas tout.
Le passage vers la phase III pourra intervenir lorsqu'on disposera de thérapeutiques efficaces ou que la population aura acquis une immunité, naturellement ou grâce à un vaccin.
, a indiqué qu'il était immunologiste, spécialiste des épidémies, en particulier depuis l'apparition du virus du SIDA et que c'était la raison pour laquelle il prenait en charge la présentation des réflexions du groupe de travail portant sur le développement des thérapeutiques. Ce développement poursuit plusieurs objectifs.
Le premier a une portée très générale : il s'agit d'accélérer la recherche, le développement et la production de produits thérapeutiques sûrs et efficaces. En découlent trois autres objectifs, complémentaires les uns des autres : le premier vise à éviter la maladie et a fortiori le risque de décès ; le deuxième à prévenir, lorsque la maladie survient, l'apparition de signes de gravité et le risque de décès ; le troisième à éviter la progression de l'infection et à réduire, par conséquent, l'épidémie. Pour réussir, il faut des stratégies de développement efficaces et des investissements précoces dans la fabrication à l'échelle commerciale de médicaments qui vont d'abord recevoir une autorisation d'utilisation transitoire, puis une autorisation de mise sur le marché, si les essais démontrent qu'ils répondent aux normes applicables.
À ces trois objectifs correspondent trois stratégies différentes. La première correspond à des traitements dirigés contre le virus lui-même, qui tentent de limiter sa réplication. À l'heure actuelle, différents types de substances sont à l'essai, soit pour inhiber la fixation du virus sur son récepteur, soit pour inhiber sa réplication, directement par des anti-ARN ou en visant des enzymes utiles à la réplication virale. Il peut également exister une action directe contre les virions, par des anticorps neutralisants spécifiques, monoclonaux – en cours de production dans les laboratoires – ou polyclonaux – par exemple avec des sérums de sujets immunisés –, ou par d'autres cytokines, telles les interférons.
La deuxième stratégie, moins connue, consiste non à lutter contre l'infection elle-même, mais à contrôler ses conséquences physiopathologiques afin de limiter la gravité de la maladie. L'une d'elles est particulièrement importante : il s'agit de l'« orage cytokinique », qui consiste en des sécrétions anormales et dérégulées de cytokines, contre lesquelles sont à l'étude des traitements inhibiteurs des interleukines ou de leurs récepteurs. Une autre est l'insuffisance d'oxygénation de l'organisme, contre laquelle des traitements visent à faciliter le transport de l'oxygène, en cas de défaillance respiratoire, ou limiter le risque thrombotique (anticoagulants).
La troisième stratégie est une immunoprophylaxie. Pour éviter la propagation du virus, on peut faire appel à des vaccins ou, ponctuellement, à une immunothérapie monoclonale ou polyclonale, comme une sérothérapie ; on peut aussi chercher à développer une immunité non spécifique, qui pourrait améliorer la résistance des individus à une agression virale – le BCG pourrait contribuer à une telle immunité. Ce moyen est à l'étude dans plusieurs pays. On retrouve donc en matière de prophylaxie les deux axes complémentaires identifiés pour les thérapies curatives : par le vaccin ou d'autres traitements, essayer de diminuer la diffusion du virus, ou l'apparition et la gravité des manifestations physiopathologiques de la maladie.
Quelle que soit la stratégie considérée, la réussite nécessite un partage d'informations entre le secteur public et le secteur privé, afin de faire progresser rapidement les thérapies et prophylaxies prometteuses et de s'assurer que les meilleures ressources possibles y sont consacrées.
présente les réflexions du groupe de travail consacrées à la recherche, dont les diapositives ont été préparées avec Christian Boitard, professeur de diabétologie et directeur de l'institut thématique multi-organismes (ITMO) « Physiopathologie, métabolisme, nutrition » de l'INSERM.
La recherche est un sujet fondamental, sur lequel l'Académie est intervenue à plusieurs reprises. Elle a publié un communiqué soulignant l'insuffisance de la part des crédits de recherche attribués en France au domaine biologie-santé, de l'ordre de 18 %, en regard de celle qui lui est consacrée en Angleterre ou en Allemagne, de l'ordre de 50 %.
Un premier objectif doit être d'assurer une bonne coordination, associant programmation, évaluation et mise en œuvre. Actuellement, un grand nombre d'appels d'offres sont lancés par différents organismes, structures ou agences, sans véritable coordination. Valable pour la recherche sur le coronavirus, ce constat l'est aussi pour la recherche dans son ensemble, notamment en biologie-santé. De plus, un suivi politique européen et international est indispensable, car les moyens seraient beaucoup mieux utilisés dans le cadre d'appels d'offres et de projets européens, permettant à toutes les équipes de travailler ensemble, en particulier sur toutes les approches épidémiologiques ou fondamentales. Les enjeux sont les mêmes dans les domaines de l'innovation, de la recherche sur les vaccins ou la recherche thérapeutique, de la communication et de l'éducation.
Quelles sont les actions immédiatement envisageables ? Cette situation inédite pour la recherche touche à la fois les domaines de la santé publique et de la biologie-santé. Il faut absolument se doter de méthodes permettant une identification précoce des épidémies, qui fassent appel aux équipes de santé publique afin de les modéliser correctement, et obtenir les données permettant de nourrir et calibrer les modèles. L'étude des comorbidités est essentielle afin d'identifier les facteurs favorisant la pathologie, par exemple l'obésité et le diabète, ce qui permet de caractériser des populations à risque, y compris par des études génomiques. Enfin, il convient de stimuler la recherche sur les thérapeutiques antivirales et les vaccins.
Pour réussir les phases II et III de sortie de crise, il faut soutenir ces différentes actions afin de comprendre les formes graves non attendues de la maladie, dans le cadre d'une stratégie coordonnée de recherche et d'une approche essentiellement multidisciplinaire. Dans les phases précoces de l'épidémie, un grand nombre d'équipes de recherche hospitalière ou fondamentale en France et en Europe se sont réorientées pour répondre à l'urgence diagnostique et thérapeutique. De nombreuses initiatives ont vu le jour, au niveau local – métropoles ou régions – ou national. Mais cette approche était désordonnée, provoquant une dispersion des moyens et une multiplicité des gouvernances des projets. Les appels à projets qui ont été lancés ont été prioritairement orientés vers les étapes précoces du processus infectieux en négligeant les pathologies associées. La crise du Covid-19 démontre bien qu'il n'existe pas d'opposition entre les recherches fondamentale, translationnelle et clinique. La recherche clinique permet de clarifier l'épidémiologie et d'aller vers la recherche fondamentale pour comprendre les mécanismes de la maladie dans une perspective thérapeutique, afin de revenir vers la recherche translationnelle ou clinique pour tester les différents vaccins ou les autres solutions thérapeutiques.
Les actions en recherche biologie-santé devraient d'abord consister à renforcer la structure de pilotage unique, portée par l'Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN), à savoir le consortium multidisciplinaire REACTing, qui permet de coordonner les appels à projets, les cohortes et l'affectation des moyens. Il faudra aussi remettre dès que possible en ordre de marche les laboratoires, dont bon nombre sont actuellement fermés, mutualiser et soutenir les infrastructures épidémiologiques existantes, notamment les cohortes populationnelles, les biobanques nécessaires pour tester les anticorps, les entrepôts de données de santé et la Plateforme des données de santé (Health Data Hub), ainsi que les plateformes analytiques.
Par ailleurs, il faudra développer des actions propres au Covid-19, des cohortes dédiées sur les survivants, les contaminés asymptomatiques, les soignants, etc., coordonner les études épidémiologiques, phénotypiques et génétiques – sans oublier les sciences humaines et sociales – et mettre en réseau toutes les ressources biologiques dont dispose la recherche : les centres de ressources biologiques, les biobanques, et les collections d'échantillons.
Une stratégie nationale, européenne et internationale doit viser à développer des contre-mesures face aux menaces nouvelles, car l'épidémie de Covid-19 appelle aussi à réfléchir au futur. Après le SARS, beaucoup d'études avaient été entreprises, mais la plupart ont été abandonnées par la suite. Après cette épidémie, il faudra donc prévoir des programmes et des financements spécifiques, avec une véritable stratégie européenne. Le tissu de recherche européen doit être renforcé, avec des stratégies de veille épidémiologique, pour arriver à développer des biomarqueurs, des vaccins, et des traitements ciblés, à l'image de ce qui se fait dans d'autres domaines, par exemple l'aéronautique.
, a indiqué qu'il lui revenait de présenter les réflexions du groupe de travail sur l'utilisation à grande échelle des outils numériques, étant impliqué de longue date dans l'étude des liens entre la santé et le numérique et ayant codirigé avec Cédric Villani le groupe de travail « Santé et intelligence artificielle » de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie des sciences.
Comme toutes les grandes crises, la crise sanitaire actuelle va probablement avoir pour effet d'accélérer les progrès, notamment dans le développement des technologies du numérique, dans le droit fil des réflexions échangées lors du colloque organisé sur ce sujet en 2018 par Cédric Villani. La présente réunion s'inscrit d'ailleurs dans cette tendance, même si l'on peut s'interroger sur la préservation de la confidentialité des données personnelles de ses participants.
, est convenu que cela poserait en effet avec plus d'acuité encore, au sortir de cette crise, la question de la souveraineté numérique européenne
a estimé que l'intelligence artificielle aiderait probablement à connaître l'évolution de la présente crise, mais qu'elle pourrait surtout être utile pour se préparer à la suivante, dont il faut espérer qu'elle ne sera pas trop proche. Pour l'heure, elle vient au soutien des recherches engagées pour mettre au point des moyens de diagnostic précoce, qu'il s'agisse d'identifier de nouvelles molécules ou de relever des « signaux faibles » chez les patients auxquels on administre des molécules déjà connues.
La question centrale est de savoir s'il est possible de substituer des machines à des êtres humains pour certaines tâches, au moins temporairement – car, dans le domaine de la santé, il est tout de même nécessaire d'établir un rapport humain entre patients et soignants – afin de réduire le risque de transmission interhumaine du virus. Par exemple, les applications pour smartphones peuvent contribuer au traçage des personnes contagieuses tout en réduisant les risques de contamination. De nombreuses jeunes pousses (start-up) se développent dans le domaine.
Il s'agit de maintenir une partie des activités par le travail à distance tout en aidant à la distanciation sociale. Le télétravail doit donc être maintenu, amplifié et sécurisé car c'est lui qui permet à l'activité économique du pays de se maintenir actuellement quelque peu.
Les outils numériques et mathématiques sont indispensables pour modéliser le développement de l'épidémie. Dès le mois de décembre, la start-up canadienne Bluedot avait observé à Wuhan des signes d'apparition d'une épidémie, plusieurs semaines avant que cela ne soit rendu public par les autorités chinoises.
Les technologies numériques ouvrent de nouvelles possibilités d'applications dans le domaine médical. On peut penser à la télémédecine et au télédiagnostic, qui ne remplacent pas la présence humaine mais peuvent éviter les risques de transmission du virus et méritent donc d'être développés. Des imprimantes 3D peuvent être utilisées pour fabriquer des écrans protecteurs, des masques ou encore des embouts de respirateur – j'entendais ce matin qu'un constructeur automobile était passé à la production de ces derniers et j'imagine qu'il recourt pour cela à l'intelligence artificielle. L'analyse automatique des tests virologiques et sérologiques permettra de pratiquer le dépistage à plus grande échelle. De nombreux projets de recherche vont même, actuellement, dans le sens d'une analyse automatique des scanners thoraciques pour diagnostiquer la pneumonie due au Covid-19.
Le numérique offre la possibilité de développer la pharmacie par Internet, permettant aux patients de commander des médicaments sans avoir à se rendre en officine. On peut aussi envisager leur dispensation par robot, par exemple dans les EHPAD, afin d'y réduire les risques de contamination.
Les données publiques de santé peuvent être exploitées grâce à des algorithmes et grâce à l'intelligence artificielle, pour mieux comprendre la maladie, ses facteurs de risque, etc. Tel est le rôle de la Plateforme des données de santé (Health data hub), auprès de laquelle ont déjà été déposés plusieurs projets visant à explorer quels facteurs aggravent la maladie ou vont en sens contraire. Il faut pour cela impérativement raccourcir les délais de remontée des informations des hôpitaux, dans le cadre du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), qui sont actuellement de plusieurs mois. Pour l'instant, la Plateforme n'a pas encore reçu les données relatives aux patients infectés par le Covid-19.
Des robots permettent de réduire les risques de transmission d'agents pathogènes. Ils peuvent être par exemple utilisés à la désinfection des surfaces, à la gestion des déchets ou à la collecte des prélèvements nasopharyngés – car les soignants qui manipulent aujourd'hui les écouvillons ne sont pas à l'abri d'une contamination. Les robots peuvent également servir comme automates de laboratoire ou être employés à la recherche du virus dans les eaux usées.
Il faut donc, si l'on peut dire, profiter de l'opportunité pour accélérer encore le développement des outils numériques.
a alors abordé les réflexions du groupe de travail sur la troisième phase de l'épidémie, soulignant qu'elle peut être envisagée de différentes façons et a suscité des discussions approfondies. Les thérapeutiques vont-elles venir d'abord ? Ou bien est-ce que ce sera le vaccin ? Les thérapeutiques ou le vaccin suffiront-ils ? Certains récusent cette approche et pensent qu'il faudra rechercher l'acquisition d'une immunité de groupe.
Nous avons exploré les trois possibilités. Une phase III.A se définirait comme une phase où des actions thérapeutiques ou vaccinales seraient possibles ; mais encore faut-il avoir un vaccin. S'il n'y en a pas ou si l'horizon d'un vaccin est trop lointain, le groupe de travail a cherché à caractériser une phase III.B organisée autour d'une stratégie d'acquisition volontaire d'une immunité.
La phase III.A vise donc à établir des protections thérapeutiques et vaccinales pour lever les contraintes de distanciation physique. Il conviendrait de prévenir l'infection, de traiter les personnes atteintes précocement pour éviter de mauvaises suites, de fournir une prophylaxie aux personnes exposées à l'infection. Dans le cas où un vaccin existerait, il faudrait renforcer l'immunité de la population contre le virus afin de réduire la maladie et la mortalité et d'arrêter ou de ralentir considérablement la propagation. L'« élément déclencheur » d'une entrée en phase III.A serait la capacité de fabriquer le vaccin à grande échelle, de planifier les priorités vaccinales ou thérapeutiques lorsque l'offre est limitée ou de passer à la vaccination de masse lorsque l'offre est abondante.
Les vaccins et produits thérapeutiques pourraient être fabriqués tant par des acteurs publics que privés. Ils ne seront sans doute pas disponibles en grande quantité au début, ce qui obligera à définir des priorités. Une fois que l'offre sera abondante, la vaccination de masse devient possible. Cependant, elle ne sera pas forcément aisée, au vu de la persistance d'un certain « populisme médical » : des enquêtes récentes ont montré qu'une partie non négligeable de la population refuserait le vaccin. En ce domaine, la parole politique a donc toute son importance, surtout que les réticences s'observent tant chez les plus jeunes que chez les plus de 75 ans, où elles concerneraient 15 % des personnes interrogées.
Le problème du vaccin n'est pas un problème national, mais international. La France doit donc travailler non seulement avec l'OMS, mais avec les organisations internationales du vaccin : le GLOPID-R (Global Research Collaboration for Infectious Disease Preparedness), la coalition internationale CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations), le GAVI (Global Alliance for Vaccines and Immunization), etc. Tous les efforts doivent être coordonnés pour mettre au point, tester et produire les vaccins, et pour définir la manière dont les États plus riches doivent aider les autres États à acquérir ces vaccins et à lancer des campagnes de vaccination.
Enfin, des études sérologiques seront nécessaires pour déterminer l'immunité de la population.
Le groupe de travail s'est demandé si la phase III.B ne devrait pas plutôt s'appeler « phase III.A » au vu des difficultés rencontrées en matière de vaccins… Cette phase se fonde sur une stratégie assumée d'acquisition volontaire et sélective d'immunité de groupe.
En effet, de nombreuses données sont désormais accessibles sur la grande disparité de dangerosité de la contamination par le coronavirus. Il faudra les analyser afin d'identifier correctement les populations à bas risque, région par région, pour les laisser retourner à une vie normale ; en parallèle, identifier les populations à haut risque permettra de les séparer des précédentes et de les orienter vers un confinement volontaire sélectif plus durable. Il faudra ensuite calculer le risque acceptable du degré de contamination de la population à bas risque afin de ne pas saturer les hôpitaux et, surtout, suivre par sondages représentatifs le taux de contamination de la population à bas risque et lever le confinement une fois que ce taux est suffisamment élevé.
L'« élément déclencheur » d'une entrée en phase III.B est la non-disponibilité à court terme d'un vaccin efficace et sûr ou un temps trop long de vaccination de la population. Il y a donc un risque et quelques inconnues en matière de prise de décision.
La phase III.B passe par quelques étapes nécessaires. Il faut réaliser des sondages par analyse sérologique sur une fraction représentative de la population française – il est assez étonnant que ce ne soit pas fait – afin d'avoir une « photographie » de l'immunité acquise, même région par région, et il faut le faire en continu. Des études virales extensives permettront de rechercher d'éventuelles mutations du virus, dans le cas de réémergences isolées de l'infection. Il faut en parallèle avoir des thérapeutiques pour atténuer les effets du virus. Des études sérologiques permettront de déterminer la fin de l'épidémie.
Une telle stratégie ne devra pas être mise en œuvre de façon subreptice mais devra être bien expliquée, y compris ses risques, à la population par les autorités politiques pour obtenir son adhésion.
Il ne faut pas négliger le suivi psychologique des personnels de santé et des EHPAD, qui est valable pour toutes les étapes. Comme dans toute catastrophe, un traumatisme va apparaître sur le long terme pour tous les personnels qui « montent au front », comme les soldats qui reviennent souvent avec un choc post-traumatique.
La phase IV correspond à la sortie de crise effective : elle consiste à se préparer à une nouvelle pandémie. Cette phase poursuit plusieurs objectifs ; des investissements pour prévenir, détecter et répondre à la prochaine menace ; une organisation hospitalière fondée sur la flexibilité des structures et moins sur des spécialités cloisonnées ; développer beaucoup plus rapidement des vaccins contre des nouveaux virus, par la modélisation et l'intelligence artificielle, en France et ailleurs ; mettre en place une véritable stratégie européenne ; enfin, accroître la capacité de notre pays à utiliser la modélisation des maladies infectieuses ;
, a remercié les intervenants pour la présentation extrêmement détaillée – « à 360 degrés » – des réflexions du groupe de travail. L'ensemble des outils et des domaines qui devront être mis à contribution ont été passés en revue. Un choix devra être fait entre deux stratégies de déconfinement fort différentes, voire opposées : l'une repose sur un vaccin et un déconfinement très prudent, progressif, avec le moins de contagion possible ; l'autre repose sur l'indisponibilité d'un vaccin et vise une immunité de groupe naturelle qui sera obtenue en laissant circuler le virus aussi librement que possible parmi les personnes à bas risque. L'élément décisif est la perspective d'un vaccin, qui peut s'inscrire dans un temps long, avec des laboratoires qui ont intérêt à exagérer leur capacité à mettre au point un vaccin rapidement pour répondre aux attentes mondiales. Les ingrédients sont réunis pour que le choix ne se fasse pas dans un environnement serein.
, a remercié les académiciens et les membres du groupe de travail pour leur implication et leur engagement. La réflexion sur les phases II, III.A et III.B est essentiellement politique et il serait malavisé de la diffuser sans explications. Celles-ci doivent être précisément maîtrisées car, si la phase III.B a du sens, elle pourrait n'être pas facile à accepter par l'opinion publique. Elle revient en effet à dire : identifions les gens sensibles, confinons-les jusqu'à ce que le virus ait disparu et laissons les populations à bas risque – c'est-à-dire les jeunes – prendre des risques malgré tout, dans un contexte où aucune thérapie n'est encore connue. Nous devons donc approfondir le sujet mais aussi garder une certaine réserve dans la communication autour de cette réunion car j'ai été très sensible à ce qu'a dit Patrick Netter lorsqu'il a évoqué l'importance de la parole politique. Une parole mal comprise risque d'être inutile à la cause que veut défendre l'Office, c'est-à-dire la connaissance scientifique de cette épidémie.
, a précisé que l'adjectif « inutile » pouvait qualifier le meilleur des cas et l'adjectif « contre-productif » le pire !
, est convenu qu'il fallait faire très attention afin d'éviter tout emballement, tout en respectant le devoir de vérité.
, a jugé que la question essentielle consistait à déterminer quoi faire en attendant la vaccination et s'il serait opportun de rechercher une immunité collective. Trois autres sujets méritent quelques éclaircissements.
L'Australie a lancé, la première, une étude sur l'impact du BCG sur l'immunité individuelle. A-t-on des premiers résultats ? En France, où la vaccination contre le BCG était obligatoire jusqu'à 2007, sait-on si les quelques enfants qui ont eu le Covid-19 étaient ou non vaccinés ? La jeune fille de 16 ans qui est décédée du Covid-19 était-elle vaccinée contre le BCG ?
Les intervenants ont évoqué les populations à haut risque et les populations à moindre risque. Personne n'a parlé de deux catégories précises : les femmes et les personnes de couleur. Les femmes ne représentent que 30 % des effectifs de patients. Une étude plus poussée sur les femmes a-t-elle été menée ? Quels seraient les facteurs de cette possible immunité des femmes ? Cela peut-il avoir un impact au regard du déconfinement ? Plusieurs publications suggèrent par ailleurs que les populations à peau noire seraient plus affectées, avec une mortalité plus importante. Qu'en est-il et faut-il communiquer sur ce phénomène ?
On entend qu'il faudra un an, voire un an et demi, pour qu'un vaccin soit disponible. Il est inacceptable de penser que des gens pourraient rester confinés aussi longtemps.
, a regretté la diffusion anarchique des informations et estimé qu'il faut travailler à améliorer la centralisation des données bibliographiques et médicales. Les remontées d'information par les hôpitaux, notamment en France, sont extrêmement lentes si bien qu'il est difficile de disposer rapidement d'un tableau statistique des cas cliniques.
Plus préoccupant est le fait qu'il existe de plus en plus d'arguments suggérant que l'immunité induite par le coronavirus est faible. Si ces indications sont confirmées, cela aura des conséquences importantes en termes de protection populationnelle ou d'espoir de disposer d'un vaccin efficace, ainsi qu'en matière de signalisation des personnes infectées et de risque de rechute à la fois individuelle et collective. Il faut donc être très vigilant quant aux messages politiques à faire passer ; par exemple, il est difficile de dire qu'on va confiner des populations fragiles tout en laissant les plus jeunes s'exposer et en faisant en sorte que les hôpitaux ne soient pas saturés pour continuer d'accueillir les cas graves pendant qu'une immunité collective se construira très lentement. On doit donc réfléchir à ce que la phase de déconfinement, qui est obligatoire d'une certaine façon, soit associée à une coercition plus importante que ce qui est proposé actuellement, par exemple en faisant du Covid-19 une maladie à déclaration obligatoire. Cette idée peut provoquer une levée de boucliers car elle conduit à limiter la liberté d'aller et venir et la liberté individuelle, mais c'est ce que l'on fait par exemple pour la tuberculose. Il est important de passer à une étape où, sans grand espoir d'immunisation collective et de vaccin, il faudra confiner les personnes contaminées. Par exemple, une chaîne d'hôtels a ouvert certains de ses établissements pour accueillir les personnes dont l'infection a été confirmée, de façon à laisser les enfants aller à l'école avec une plus grande sécurité, notamment en utilisant des masques.
, s'est interrogé sur l'opportunité d'effectuer un parangonnage, c'est-à-dire d'observer ce qui se fait ailleurs pour trouver les meilleures solutions. Les pays d'Asie, touchés les premiers, sont plus avancés dans le processus de déconfinement que l'Europe, qui tâtonne. Il serait bon d'observer de près ce qu'ils ont mis en place, et leurs résultats. On a beau croire au génie français, il semble que la France serait au 54e rang pour le nombre de tests et au 4e rang en termes de nombre de décès, ce qui n'est pas très flatteur et devrait nous inciter à nous inspirer des pays qui obtiennent de meilleurs résultats.
a rappelé que, s'agissant du « génie français », quelques jours seulement avant que soit prise la décision de confiner le pays, certains scientifiques expliquaient encore que la France pourrait se passer d'un confinement.
, a observé que de nombreuses critiques, assorties de comparaisons peu pertinentes, ont été exprimées ces derniers jours sur la réouverture des écoles à partir du 11 mai. Existe-t-il des résultats fiables sur le degré de contagiosité des enfants ? En effet, les gestes barrières seront compliqués à mettre en œuvre à l'école, mais les enfants pourraient ne pas être un vecteur majeur du virus.
, a exprimé sa perplexité et son inquiétude à l'idée d'un déconfinement qui serait organisé par région ou par âge. Elle a également souhaité savoir la manière dont le groupe de travail avait articulé ses analyses avec les autres institutions scientifiques.
, a demandé s'il existait une corrélation entre le fait d'être vacciné chaque année contre la grippe saisonnière et le fait de développer les formes les plus bénignes du Covid-19.
, a souligné que le besoin d'une flexibilité accrue des structures hospitalières ne concerne pas seulement les nombres de lits et de respirateurs, mais aussi la disponibilité de personnel qualifié ayant notamment les connaissances nécessaires aux protocoles de réanimation.
, a observé que le coronavirus montre une dynamique de contamination étrange, certains cas se déclarant longtemps après les 14 jours de quarantaine, comme on l'a vu sur le porte-avions Charles-de-Gaulle ou sur le porte-avions américain Roosevelt. Il faut donc rester très prudent. La phase III.B est intellectuellement intéressante mais paraît dangereuse, car on connaît fort peu de choses sur le développement du virus, sur le profil des populations à haut risque, à bas risque et asymptomatiques, et sur la façon dont les systèmes immunitaires réagissent – certains patients, y compris jeunes, ont une charge virale très élevée dans les poumons. On balance entre l'attente d'un vaccin – mais il faudra plus d'un an pour le développer – et la tentation d'une immunisation naturelle. Mais une forme bénigne de la maladie permet-elle de s'immuniser ? Est-ce qu'être contaminé avec une faible charge virale suffit pour acquérir une immunité protectrice ? On peut en effet penser que, si la charge virale est importante, la maladie aura une forme sévère.
, s'est interrogé sur l'état des connaissances en matière de contaminations non interpersonnelles, par exemple par contact avec des surfaces contaminées, et sur les implications possibles de ces modes de contamination sur les stratégies de déconfinement ?
, a souhaité savoir quelles informations pouvaient être déduites de la situation à Singapour et quels devaient être les principaux éléments à observer en Allemagne et au Danemark, pays qui veulent rouvrir les écoles bien avant la France et qui ont été bien moins touchés qu'elle.
Au regard du nombre de porteurs sains mais très contaminants, peut-on envisager un traitement visant à diminuer la charge virale sans présence d'aucun symptôme et a-t-on une idée précise de la stratégie de test à grande échelle qui serait la plus efficace ? En sait-on plus sur la possibilité d'une recontamination qui pourrait être associée à une faible immunisation? Qu'en est-il de l'entreprise canadienne qui avait décelé l'apparition de l'épidémie avant même sa révélation par les autorités chinoises ?
S'agissant de l'étude de la propagation du virus, un projet construit autour de l'institut IPSOS vise à évaluer précisément l'étendue des contaminations en région parisienne. Sa méthode consiste à contacter un échantillon représentatif aléatoire de 8 000 personnes par téléphone et courrier, afin de les questionner et les inviter à passer un test sérologique. C'est un processus qui demande du temps, d'autant que les tests sérologiques n'ont toujours pas fait la preuve de leur efficacité : leur sensibilité et leur spécificité ne sont pas garanties. Les résultats pourraient être influencés par le fait qu'environ 10 % des Franciliens sont partis en province juste avant le confinement et que la maîtrise de la langue française n'est pas parfaite pour une partie de la population.
a expliqué que trois stratégies ont cours en matière de vaccins. Deux sont « historiques », construites autour de deux types de vaccins : ceux qui préviennent les infections et luttent contre les pathogènes – par exemple le vaccin contre la poliomyélite – et ceux qui luttent contre la maladie, contre les conséquences du pathogène – par exemple les vaccins contre la diphtérie ou le tétanos. Les recherches actuelles de vaccins contre le coronavirus empruntent ces deux directions, une majorité relevant de la lutte contre le pathogène. Une troisième direction est née de l'hypothèse d'efficacité du BCG ; elle est intéressante car elle ouvre sur une dimension de l'immunologie qui a été relativement négligée jusqu'ici.
Il existe deux types de défenses immunitaires : les défenses innées, qui préexistent à toute introduction d'un pathogène dans l'organisme, et les défenses acquises, qui s'installent après une telle introduction. On sait que 95 % des vertébrés n'ont que des défenses innées ; seuls 5 % des vertébrés, dont l'homme, bénéficient aussi de la capacité de développer des défenses acquises. Le BCG stimule l'immunité innée en l'absence de pathogène ; cette vaccination a donc un mode d'action très différent de la vaccination anti-grippale, qui crée une défense acquise, une immunité adaptative ( a priori, on n'attend donc pas d'une vaccination anti-grippale qu'elle protège contre le coronavirus). La voie du BCG est intéressante et assez facile car le vaccin est disponible depuis longtemps, de nombreuses personnes dans le monde sont déjà immunisées, et si le BCG n'est plus obligatoire en France depuis 2007 l'on y a donc treize ans de recul au regard de la présence de personnes non vaccinées. Des travaux récemment conduits en Afrique du Sud ont montré que les personnes immunisées par le BCG sont protégées de certaines affections respiratoires, mais ces travaux ne concernaient pas le Covid-19. Plusieurs protocoles relatifs au coronavirus ont débuté, notamment en Australie et en France, ou sont projetés. La voie du BCG sera probablement la plus rapide, mais sans doute insuffisante et incomplète.
En matière d'immunité sérologique, c'est-à-dire par anticorps, il faut rappeler que les anticorps protecteurs dans les tissus, notamment respiratoires, ne sont pas ceux que l'on dose habituellement dans le sang. Or, de façon assez curieuse, toutes les études sérologiques ont été faites sur deux classes d'anticorps sanguins et pas du tout sur la classe des anticorps présents dans les tissus – les IgA –, qui semblent pourtant importants en termes de protection.
S'agissant du polymorphisme, il peut exister des disparités entre individus, qui dépendent de nombreux facteurs, comme les récepteurs d'antigènes. Cependant, il est un polymorphisme connu depuis les années soixante en matière de réponse immunitaire : tout le monde ne réagit pas de la même manière à un même virus, une même bactérie ou un même champignon. C'est lié au système HLA (« complexe majeur d'histocompatibilité »), un groupe de gènes qui gouverne le système de « reconnaissance du soi » présent chez la plupart des vertébrés et qui a un rôle majeur dans la configuration de la réponse immunitaire. On peut donc envisager qu'un déterminant génétique intervienne dans la réponse à une infection par le coronavirus ; il semble cependant qu'aucune étude immunogénétique n'ait été entreprise sur ce sujet.
Un point continue d'intriguer, la disparité de la gravité de la maladie selon l'âge. Comme de nombreuses autres caractéristiques physiologiques, le système immunitaire évolue au cours de la vie. Or il n'existe actuellement aucune étude qui établisse un lien entre cette évolution et ce qui apparaît comme une sensibilité particulière des personnes âgées. On évoque souvent la présence de co-morbidités, mais c'est autre chose ; on dit souvent des sujets âgés qu'ils sont « plus sensibles », mais c'est très vague. Il serait donc intéressant de mettre en relation l'évolution du système immunitaire et les différences de réactivité vis-à-vis du virus entre les sujets jeunes et les sujets âgés.
, a souligné que même si un traitement efficace est mis au point, sa disponibilité n'aura pas d'effet sur le cours de l'épidémie : il permettra d'éviter le décès des patients atteints de formes graves de la maladie, mais il n'enrayera pas la circulation du virus.
Certains placent leurs espoirs dans l'apparition d'une immunité collective. Or on peut douter de la possibilité de l'atteindre : l'immunisation naturelle par exposition au virus n'est pas de très bonne qualité et si l'on parvient à mettre au point un vaccin conférant une immunité adaptative, tout laisse à penser que ce ne sera pas avant un an ou un an et demi. Pour se défendre de l'épidémie, on ne dispose donc aujourd'hui que des gestes barrières, qui permettent de réduire la propagation du virus. Il faut cependant rappeler que les virus de la grippe et les autres coronavirus montrent une forte saisonnalité dans les régions tempérées : on est en droit d'espérer que l'entrée dans les mois chauds de l'année permette une chute spontanée de la circulation du virus. Il faudra mettre ce phénomène à profit pour renforcer les mesures barrières et instaurer des mesures de surveillance épidémiologique pour éviter la réintroduction d'un virus auquel la population sera toujours vulnérable.
, a souligné que, si l'immunité naturelle semble être de mauvaise qualité, la France pourrait connaître une nouvelle vague épidémique au printemps prochain quand bien même un effet de saisonnalité offrirait quelque répit.
, a évoqué son intérêt pour la dimension européenne de la réponse à l'épidémie qui se nourrit de ses fonctions passées de président de la Fédération européenne des Académies de médecine et sa participation au Mécanisme de conseil scientifique auprès de la Commission européenne.
À l'heure actuelle, il n'existe malheureusement aucune coordination en Europe. D'un côté, certains pays, que les Allemands appellent le « Club Med », avec la France, l'Italie et l'Espagne, ont une forte mortalité, un nombre insuffisant de masques, de lits de réanimation, etc. ; de l'autre, l'Allemagne se découvre en parangon de vertu, parce qu'elle a plus de lits de réanimation, qu'elle pratique beaucoup de tests, qu'elle sait produire les amorces pour la PCR, dans le cadre d'une politique de Länder, ceux-ci étant compétents en matière sanitaire.
Le 12 avril, la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, a indiqué que les personnes âgées devraient rester confinées jusqu'au 31 décembre 2020 ; on peut regretter que la commissaire Mariya Gabriel, chargée de l'innovation, de la recherche, de la culture, de l'éducation et de la jeunesse, ne soit pas en première ligne. Cela obère la coordination entre les pays européens. Aucune politique commune n'a été initiée depuis un certain temps et l'Allemagne va commencer à déconfiner, comme l'Autriche, en indiquant qu'elle se réfère à certains pays d'Extrême-Orient, avec des tests, des tests, et des tests, comme l'a dit le président de l'OMS.
Il faut donc continuer à passer des messages en faveur d'une coordination européenne, au moins sur le plan de la recherche, alors que les sommes investies par l'Europe pour la recherche sur le Covid-19 sont faibles, environ deux fois 40 millions d'euros, ce qui est insignifiant par rapport aux 100 milliards d'euros actuellement prévus pour Horizon Europe. Il est également regrettable qu'à cause du Brexit, de nombreux commissariats sont désormais privés de fonctionnaires anglais efficaces et que les coordinations avec le Royaume-Uni sont désormais très ténues, voire inexistantes.
a indiqué que, selon la présidente de la Commission européenne, les personnes jeunes pouvaient supporter une contamination, alors que les groupes à risque, en particulier les personnes âgées – or l'Europe est le continent le plus âgé –, devraient rester confinés jusqu'au 31 décembre 2020, ce qui est extrêmement long. Une telle déclaration est uniquement motivée par des considérations politiques, la Commission européenne ne souhaitant pas être accusée de ne pas veiller à la santé de ses ressortissants.
En fin de semaine dernière, à l'hôpital Bicêtre – un hôpital de 1 200 lits en banlieue sud de Paris –, tous les services de réanimation étaient saturés de malades du coronavirus. Certains cas de mortalité étaient épouvantables. En particulier, pour les ECMO (circulations extracorporelles offrant une assistance à la fois cardiaque et respiratoire), la survie était pratiquement nulle. L'infection virale par le SRAS-CoV-2 donne des formes pathologiques totalement inconnues, en particulier des nécroses cutanées, comme par microvascularites. Une jeune femme de vingt-huit ans était sur le point de mourir d'une embolie pulmonaire bilatérale alors qu'elle ne présentait aucun facteur de risque. C'est une pathologie redoutable que l'on découvre, pour laquelle on donne maintenant systématiquement des anticoagulants, parce que les patients graves coagulent de façon tout à fait anormale. Actuellement, on s'en remet à une approche pragmatique, malheureusement.
a confirmé que BlueDot, une start-up créée lors de l'épidémie de H1N1, avait décelé une augmentation des cas de pneumonie dans un marché de poissons à Wuhan en décembre, en utilisant des techniques d'intelligence artificielle pour exploiter des données des autorités chinoises ; elle les a ensuite croisées avec celles de compagnies aériennes pour prédire le développement de l'épidémie. Ces « signaux » ont été rendus publics en décembre, plusieurs semaines avant que les autorités chinoises admettent officiellement l'existence d'un problème. Cela suggère qu'une telle méthode permettrait de détecter de futures épidémies. Une ou deux entreprises américaines travaillent dans le même sens.
S'agissant de la remontée de données vers le Health Data Hub pour démontrer l'efficacité d'un traitement, l'idéal est de procéder à des essais cliniques de phase 3, qui mobilisent un groupe traité et un groupe non traité. Mais en raison du tapage médiatique qui s'est développé autour de certains médicaments, les gens refusent souvent de donner leur consentement pour être placés dans un groupe témoin. Une autre méthode consiste à utiliser des données déjà disponibles. En France, les données de sécurité sociale constituent une immense richesse et le Health Data Hub va faciliter l'accès à celles-ci. Dans le cadre de la crise actuelle, il serait intéressant d'étudier si, pour les malades affectés par le virus, on peut identifier des éléments favorables chez ceux ayant reçu certains médicaments, ou aggravant pour d'autres. Il faudrait pour cela que les données des hôpitaux soient intégrées. Or, cela prend à peu près trois mois actuellement. On n'aura donc pas d'information exploitable provenant des hôpitaux avant juin 2020. Des démarches ont été engagées pour accélérer ce processus, mais les hôpitaux ne transmettent pas tout de suite, les médecins sont pour l'instant occupés à autre chose qu'à remplir des formulaires, etc. Malheureusement, nous allons devoir attendre avant de pouvoir exploiter ces données rétrospectives pourtant présentes dès aujourd'hui.
a souhaité insister sur l'importance de la recherche, sujet sur lequel l'engagement des députés et sénateurs membres de l'Office est essentiel. Dans le domaine de la recherche en épidémiologie, il manque dans cette crise des indicateurs avancés permettant de prévoir la reprise d'une épidémie et de se donner les moyens d'anticiper. Le recueil et les remontées de données ne sont pas assez bien organisés.
S'agissant de l'alternative entre les phases III.A et III.B, dans le monde entier de nombreuses équipes sont à la recherche de nouvelles solutions thérapeutiques, et beaucoup de médicaments ou d'approches thérapeutiques sont en préparation ou en essai. Ce sera évidemment une partie de la réponse à la crise.
a remarqué que, plutôt que de parangonnage, il vaudrait mieux parler de cacophonie européenne. Du moins a-t-elle l'avantage d'offrir la possibilité d'observer différents essais dans différents pays. Ainsi, la Suède impose des obligations de confinement nettement moins strictes qu'en France, puisque les écoles n'y ont pas vraiment cessé leur activité. Or il ne semble pas que le taux de mortalité y soit plus élevé qu'en France – c'est même plutôt l'inverse. L'exemple est donc intéressant.
Patrice Debré a évoqué les facteurs génétiques qui pourraient expliquer la mortalité apparemment plus importante des Afro-Américains. Il faut aussi se garder de toute confusion susceptible d'affecter l'analyse des relations de causalité. De telles confusions peuvent être dues à ce que l'on appelle des variables confondantes. Ce sont les conditions socio-économiques, telles que la pauvreté, qui font problème, et non le fait d'avoir la peau noire. Ces populations des États-Unis sont fragiles du fait qu'elles vivent dans de petits appartements, ce qui peut aussi être le cas en France, et que la pauvreté induit chez elles des phénomènes de corpulence, d'obésité et de diabète. Ces facteurs de fragilité, qui voient une surreprésentation de ces populations, expliquent la mortalité plus forte qui les affecte.
S'agissant de Singapour, on y a observé une montée du nombre de cas, qui a été attribuée aux entrées par les frontières. Il en va de même en Chine, où les autorités estiment qu'une remontée des cas est due aux entrées de Chinois qui reviennent de Russie.
, a signalé que le Conseil de l'Ordre des médecins avait pris position contre une reprise trop précoce de l'activité des écoles.
a indiqué qu'un groupe de travail de l'Académie nationale de médecine, essentiellement composé de pédiatres, étudiait cette question complexe. Il est encore trop tôt pour donner des réponses nettes. Les arguments échangés se contredisent. Les enfants semblent moins touchés par l'infection, sans que l'on sache vraiment pourquoi. Il est probable qu'intervienne une certaine immaturité des récepteurs dans leurs voies respiratoires. Peuvent aussi jouer des phénomènes d'infection croisée avec des coronavirus à l'origine de rhumes, qui leur apporteraient une certaine immunité contre celui-là. Les enfants sont-ils moins transmetteurs du virus ? Cela est également possible. La réflexion n'est pas encore assez mûre pour que l'Académie nationale de médecine puisse actuellement émettre une recommandation sur ce sujet.
a rappelé que le présent échange était fondé sur les informations disponibles les plus récentes. Le groupe de travail met à jour en permanence ses analyses et les documents synthétisant l'état de sa réflexion évolueront en fonction de l'évolution des connaissances. Pour l'instant, il n'a pas de réponse à toutes les questions.
a indiqué que l'Académie nationale de médecine avait réagi très vite à l'épidémie en créant une cellule de veille Covid-19. Confiée à Yves Buisson et Didier Houssin, cette cellule de huit personnes rassemble des spécialistes de santé publique, de virologie ou d'épidémiologie, mais aussi une vétérinaire – dans le cadre de l'approche intégrée One Health, l'avis des vétérinaires est en effet très important, d'autant qu'il s'agit au départ d'une zoonose.
Cette cellule – qui respecte la parité hommes-femmes – s'appuie sur un réseau d'une soixantaine d'académiciens, directement impliqués dans les remontées de terrain et la documentation scientifique. Ils se sont organisés en plusieurs petits groupes thématiques et se sont mis en mesure de faire remonter à la cellule quasiment deux communiqués par jour – ces communiqués incluent une prise de position et une recommandation relativement brève, d'environ une page ou une page et demie. Les groupes ont également émis deux avis, qui sont l'équivalent des rapports traditionnels de l'Académie ; le plus remarquable a fait grand bruit en préconisant très tôt le port obligatoire du masque. Cela demeure une prise de position forte de l'Académie, même si le Gouvernement ne l'a pas endossée pour l'instant.
Depuis la création de la cellule, les 150 académiciens ont quasiment tous contribué peu ou prou à l'activité de la cellule. Celle-ci continue d'assurer à la fois une veille scientifique et une veille sanitaire. Au-delà, des groupes inter-Académies ont été créés avec l'Académie des sciences, l'Académie des technologies, l'Académie de chirurgie, l'Académie de pharmacie et l'Académie vétérinaire. Ce dispositif permet de travailler sur les questions qui naissent de l'actualité et de transmettre des réponses tant aux médias qu'aux partenaires classiques, institutionnels et politiques, de l'Académie.
La cellule réfléchit aussi, avec un horizon de moyen terme, aux futures recommandations sanitaires de l'Académie, au stade du déconfinement puis de la sortie de crise. Sur cette dernière, Patrick Netter anime un groupe de travail de l'Académie de médecine disposant d'« antennes » interacadémiques : il ne s'agit pas seulement de la sortie de la phase I ou de la phase II, mais de la sortie des phases III.A, III.B et IV, dans ses les volets sanitaires, socio-économiques et internationaux.
Cette pandémie replace l'Académie de médecine dans le contexte de sa création en 1820, lorsque le roi Louis XVIII avait souhaité que soit constituée une force de travail pour lutter contre les épidémies et les pandémies, en France et dans le monde.
, a souhaité que soient apportés des éléments de réponse sur la grande tension observée sur les effectifs dans les hôpitaux, notamment en matière de personnel qualifié et a demandé si l'Académie était en mesure de faire part de recommandations sur ce sujet. En effet, quand le confinement sera allégé, progressivement, une résurgence des cas de Covid ne manquera pas de se produire et les hôpitaux devront être prêts à accueillir les patients.
a indiqué que, sur le fondement d'informations de première main, la résurgence de l'épidémie à Hong Kong semble être due aux Européens qui, revenant sur le territoire, refusent de porter des masques ou même de respecter les gestes barrières. Cela conduit les autorités de la ville à imposer à tout nouvel arrivant, européen ou non, le port de bracelets permettant de s'assurer qu'il respecte l'obligation de confinement préalable d'une durée de quinze jours. Ces éléments peuvent éclairer la situation à Singapour.
, a fait part de ce que des médecins estiment que certains patients qui sortent de réanimation auront des séquelles assez graves, non seulement sur le plan pulmonaire, mais aussi sur le plan cérébral. Ils relèvent aussi la survenue de hernies ou des problèmes dermatologiques. Ont-ils raison de s'attendre à l'apparition, dans les hôpitaux, d'une nouvelle catégorie de patients chroniques, à l'instar des diabétiques ?
a confirmé que les études cliniques actuelles font découvrir de nouveaux phénomènes, comme les atteintes cutanées au niveau des doigts. Il faut donc travailler encore à mieux connaître le virus et la maladie, et surtout définir qui sont les personnes à risque, comme semblent l'être les personnes atteintes d'obésité ou de diabète.
est convenu que les établissements de soins éprouvent les plus grandes difficultés pour fidéliser les infirmières en réanimation. Ce sont les seuls postes où l'on constate un turn over de 30 % à 50 % au bout de dix ans. Cette déperdition considérable est due à la faiblesse des salaires et aux difficultés intrinsèques du métier. Sur le plan politique, il semble acquis que ces catégories de personnel bénéficieront d'une amélioration du statut et des salaires. Mais il ne faudrait pas oublier les aides-soignantes, qui assurent la présence au pied du lit des malades.
Il faut rappeler que les horaires des services de réanimation médicale ou chirurgicale prévoient des créneaux de douze heures d'affilée. Le rythme imposé actuellement est tout simplement infernal et le travail accompli dans ce contexte très difficile doit être salué.
En second lieu, il faudra revoir la politique française en matière de lits de réanimation. En Allemagne, il y avait 30 % de lits de plus qu'en France au début de l'épidémie. Comme la réanimation coûte cher, une vision comptable s'était imposée, à cause de laquelle il a fallu rouvrir tout à coup des lits – qui étaient d'ailleurs des lits de soins intensifs transformés en lits de réanimation. De plus, les malades qui présentent des anomalies pulmonaires telles qu'ils doivent demeurer sous ventilation pendant plusieurs semaines ont souvent des difficultés à reprendre une fonction respiratoire normale. Cela présage peut-être de l'apparition de maladies chroniques post-Covid, imposant par exemple une rééducation de ces malades dans des services dédiés, même si rien n'est encore sûr à ce stade.
En troisième lieu, l'Italo-Américain Mauro Ferrari vient de démissionner du Conseil européen de la recherche, quatre mois seulement après avoir été nommé à la tête de cette instance, qui gère l'emploi de 100 milliards d'euros. Après les deux mandats de Jean-Pierre Bourguignon, à qui Mauro Ferrari avait succédé, peut-être pourrait-on nommer de nouveau un Français. La décision revient aux États membres. Patrick Couvreur, pharmacien franco-belge, membre de l'Académie des sciences, de l'Académie de médecine et de l'Académie de pharmacie, serait un excellent candidat.
, a indiqué qu'il s'était entretenu avec Jean-Pierre Bourguignon des conditions dans lesquelles il a été mis fin aux fonctions de Mauro Ferrari.
a souhaité attirer l'attention sur l'urgence qu'il y a à remettre en ordre de marche les laboratoires de recherche. L'arrêt brutal des activités les met dans une situation très difficile. Cela s'est notamment traduit par l'euthanasie de nombreux animaux ou la mise à l'arrêt de plateformes technologiques qui nécessitent beaucoup de temps pour être remises en fonctionnement. Cela risque de retarder la reprise des travaux de recherche, y compris ceux qui pourraient être demandés à très court terme pour mieux comprendre la maladie et la nature des maladies associées. Le télétravail ne suffit pas : la recherche est aussi affaire d'expériences.
Un deuxième sujet de préoccupation est le financement des contrats à durée déterminée sur lesquels travaillent les post-doctorants et les doctorants, qui représentent nos forces vives. L'État doit se préoccuper de ces chercheurs précaires, car ce sont eux qui feront avancer la connaissance sur la maladie.
, est convenu que, dans les temps actuels, les laboratoires ne sont pas quelque chose de secondaire.
est revenu sur la communication de l'Académie relative au port du masque. La maladie se transmet par des gouttelettes de salive et l'usage généralisé du masque serait un obstacle majeur au développement de l'épidémie. On voit donc un hiatus entre la communication politique et la communication scientifique, qui tire son origine du manque de disponibilité des masques. Il faut absolument insister sur l'importance du port du masque – si possible des masques chirurgicaux ou antiviraux, mais à défaut des masques alternatifs comme le précise le communiqué de l'Académie.
, s'est associé au président Gérard Longuet pour remercier l'ensemble des intervenants pour la qualité et la richesse des informations présentées ainsi que pour la démonstration faite d'une remarquable coordination entre les Académies.
(La réunion de l'Office se poursuit entre ses seuls membres.)
, s'est réjoui que l'échange avec le groupe de travail de l'Académie de médecine ait permis de brosser un panorama complet des problématiques liées à la sortie progressive du confinement, et de montrer l'ampleur des questions qui demeurent, le très difficile choix politique – mais fondé sur la science – entre les deux stratégies de déconfinement présentées en phase III, et la difficulté d'articuler les questions scientifiques avec les dimensions logistiques et de communication, comme l'a très bien souligné le président Gérard Longuet. À cet égard, la preuve a été apportée de la confusion scientifique causée par le débat public sur l'hydroxychloroquine. L'Office ne doit pas contribuer à cette confusion. Cela signifie que, sans cacher des choses ou les travestir, il doit être prudent et rigoureux dans sa communication.
Certaines questions très actuelles restent à explorer, comme la contagiosité des enfants et les différentes manifestations de la pathologie. Cependant, la connaissance de la maladie évoluant de semaine en semaine, voire de jour en jour, il faut aussi actualiser les travaux passés. C'est l'objet du document qui a été adressé à tous les membres de l'Office hier.
Une première partie porte sur les symptômes de la maladie et évoque trois types d'évolution : bénigne, grave ou biphasique – où une amélioration des symptômes est suivie d'une aggravation subite et violente causée par un emballement du système d'immunitaire. Les facteurs de risque commencent à être mieux identifiés : maladies cardiovasculaires, obésité, diabète…, etc. d'où l'importance de continuer le suivi clinique de cohortes.
Une deuxième partie concerne les modes de transmission du virus, avec une documentation plus précise d'une transmission par aérosols. Cela met en évidence l'importance particulière d'une surveillance des ensembles confinés comme les EHPAD, les prisons, etc. Elle peut se heurter à des contraintes administratives, qu'il faut renverser pour faire face à cette situation d'urgence.
La troisième partie s'intéresse à la protection offerte par le système immunitaire. Les indices sont assez nombreux d'une possible faiblesse de la protection immunitaire acquise du fait de l'infection ; leur confirmation ne serait pas sans conséquences sur les perspectives en matière de vaccins. Il faut donc être très prudent sur la possibilité qu'un vaccin voie le jour.
Une quatrième partie apporte des informations détaillées sur les tests sérologiques, mais aussi fait le point sur les questions en suspens : les tests développés actuellement – y compris les plus médiatisés – sont plus ou moins bons et certains ont même des performances insatisfaisantes.
Le document fait enfin le point sur les traitements antiviraux tels que l'hydroxychloroquine ou le ritonavir, certains effets indésirables potentiellement graves étant désormais mieux documentés. En matière de traitements prophylactiques, le document souligne que la question du facteur protecteur du vaccin BCG est actuellement à l'étude – sujet qui a été évoqué lors de l'échange avec le groupe de travail de l'Académie nationale de médecine.
La veille continue sur ces différents sujets. L'ampleur et la vitesse des efforts de recherche sont impressionnantes, même si un grand nombre de questions restent ouvertes.
S'agissant du traçage des cas contacts, en particulier le traçage informatique, dont il a été fait mention dans l'intervention du Président de la République, le débat politique s'est développé largement. Un tel débat est normal car le sujet dépasse le cadre scientifique, technologique, éthique et pose des questions sur l'acceptation des populations ou sur la fracture numérique. L'intervention du Président de la République a suscité des interventions assez vives ; des syndicats d'enseignants ou des médecins ont notamment réagi à la date du 11 mai annoncée pour une reprise progressive de l'école. La gestion de l'épidémie mêle donc intimement l'information scientifique et décision politique.
, a relevé que l'Académie de médecine avait insisté sur le port du masque, jugé indispensable pour protéger les autres d'une contamination et faire diminuer la contagion. Peut-être l'Office pourrait-il faire passer un message vers l'exécutif, car les Français semblent prêts à entendre une consigne claire et précise. On comprend la crainte que le port du masque puisse donner un sentiment de sécurité et faire relâcher les gestes barrières, mais c'est justement l'intérêt d'un message qui insisterait sur le caractère complémentaire des gestes barrières et du port du masque.
Par ailleurs, l'Office pourrait-il se pencher sur les conséquences systémiques de l'arrêt annoncé du financement de l'OMS par les États-Unis, notamment quant à une éventuelle résurgence de l'épidémie ?
, a estimé qu'en l'état actuel des informations disponibles, un consensus existe sur le fait que les masques protègent. On ne sait pas vraiment dans quelle mesure, mais pour la population générale, même un masque imparfait vaut mieux que pas de masque du tout, pour se protéger soi-même et pour protéger les autres – étant entendu que les masques les plus protecteurs, les masques FFP2, sont destinés par priorité aux professionnels de santé.
, a relevé que Bernard Charpentier avait nuancé l'intérêt du port généralisé du masque car cela entrave l'immunité collective. Or on sait que cette immunité est l'une des clefs de la crise puisqu'il n'y aura probablement pas de vaccin avant au moins un an. Cela peut paraître paradoxal mais la science est ainsi : il se pourrait que se surprotéger ne soit pas une solution optimale.
, a souligné que si la stratégie III.A est retenue, il faut ralentir l'épidémie au maximum dans la perspective d'un vaccin, alors que la stratégie III.B suppose le contraire. Le choix entre ces deux stratégies aura des implications quant au port du masque.
, a jugé important de communiquer sur le fait que l'Office a eu un échange avec le groupe de travail de l'Académie de médecine. Cependant, il faut laisser celle-ci libre de porter comme elle le souhaite ses conclusions dans l'espace public, d'autant qu'il paraît difficile, dans le contexte actuel, de faire comprendre qu'il pourrait y avoir un choix entre une phase III.A et une phase III.B.
Il faut néanmoins soutenir l'Académie sur sa communication en faveur du masque. En effet, celui-ci a une valeur fédérative : il permet à chacun de montrer qu'il lutte contre la dissémination du virus – même si l'on sait que celle-ci permet d'acquérir progressivement l'immunité collective. Le port du masque est en quelque sorte un acte de foi, qui est largement partagé par les élus locaux, qui seront des soutiens naturels à la diffusion de cette pratique.
Deux sujets prennent une importance politique particulière dans la perspective du 11 mai : les enfants et les catégories « à risque ». L'Office doit approfondir avec ses interlocuteurs habituels la question du caractère contaminant ou non des enfants, qui est en lien avec l'annonce de la réouverture progressive des écoles et des établissements d'enseignement. Étape indispensable dans le démarrage de l'économie, cette réouverture ne peut pas avoir lieu s'il existe un risque quelconque de contamination excessive par les enfants.
La caractérisation de populations « à risque » doit également retenir l'attention de l'Office car elle ne va pas de soi, alors même qu'elle a vocation à sécuriser la mise en œuvre d'un déconfinement progressif – à l'inverse du couperet proposé par Madame von der Leyen. Se fonder sur le seul âge serait assurément inacceptable pour nos compatriotes.
, a relevé que la France aborde la transition entre les phases I et II, telles que décrites par l'Académie, et que l'objectif reste donc de ralentir l'épidémie au maximum. C'est à l'entrée dans la phase III que se posera la question du mode d'obtention de l'immunité – vaccinale ou naturelle – donc le choix entre les propositions III.A et III.B et la politique à suivre au regard du port du masque. Pour l'instant, nous ne pouvons qu'être d'accord avec la généralisation du port du masque.
, a estimé que dans la réflexion – brillante – de l'Académie, la phase III posait un réel problème. La stratégie III.B est certainement la meilleure, mais nos concitoyens ne la comprendraient pas car elle revient à leur dire qu'il ne faut pas mettre de masque, qu'il faut se contaminer, etc. : c'est désespérant. Au contraire, le bon discours consiste à dire qu'il faut porter des masques en attendant de disposer d'un vaccin. C'est pourquoi, si elles devaient être présentées publiquement, il faudrait mettre un bémol sur la stratégie III.B et privilégier la stratégie III.A.
, a jugé souhaitable de dire les choses, quitte à mettre des bémols, plutôt que de les cacher. La force de l'immunité naturelle est très incertaine : il se peut que le taux de contamination reste faible après la vague épidémique actuelle et rien ne prouve pour l'instant que les personnes guéries développent une immunité réellement protectrice. La deuxième vague de la grippe espagnole a été bien plus meurtrière que la première. La stratégie III.B n'apparaît donc pas aujourd'hui comme une stratégie vers laquelle on peut se diriger.
Par ailleurs, les incertitudes non moins grandes sur la mise au point d'un vaccin rendent la situation objectivement assez inquiétante.
, s'est réjoui de disposer pour la première fois d'une vision synthétique des perspectives de sortie de crise. En effet, les académiciens ont fait l'effort de réunir des informations foisonnantes dans un discours cohérent et rationnel.
Les propos du président Gérard Longuet sur le port du masque sont très pertinents. Dans les Hauts-de-Seine, plusieurs maires ont pris des arrêtés pour rendre obligatoire le port du masque. Ces arrêtés ont été annulés par la justice. Ces maires voulaient simplement prendre leurs responsabilités d'élus dans la lutte contre l'épidémie et participer à un élan national de défense. Ils rejoignent en cela les personnes qui portent des masques dans la rue pour montrer qu'ils sont des citoyens mobilisés pour soutenir l'effort de la nation. Ce mouvement spontané qui part de la base pour toucher l'intégralité du corps citoyen est quelque chose de noble et d'absolument indispensable. Quand le gouvernement demandera de participer autrement à cet effort, par exemple avec des applications de traçage, le masque, même s'il n'est pas totalement efficace, aura participé de cette prise de conscience.
a estimé que les mises à jour apportées aux notes de l'Office devraient être intégrées aux documents déjà publiés plutôt que faire l'objet d'un document séparé.
, a relevé qu'aucune objection n'était avancée à cette proposition et qu'il en serait donc ainsi. Il ne faut cependant pas se fixer un rythme trop important de mise à jour et conserver les notes antérieures, à condition de les dater.
La réunion de ce jour a confirmé la grande diversité des champs disciplinaires mobilisés pour construire la réponse sanitaire à la crise. La coopération entre disciplines et la coopération internationale sont plus importantes que jamais, et la distinction entre recherche appliquée et fondamentale n'a pas lieu d'être.
La réunion est close à 12 heures.