Intervention de Patrice Debré

Réunion du jeudi 16 avril 2020 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Patrice Debré, président du Comité des affaires internationales, président de la commission « Biologie – Génétique – Technologies biomédicales » de l'Académie nationale de médecine :

a expliqué que trois stratégies ont cours en matière de vaccins. Deux sont « historiques », construites autour de deux types de vaccins : ceux qui préviennent les infections et luttent contre les pathogènes – par exemple le vaccin contre la poliomyélite – et ceux qui luttent contre la maladie, contre les conséquences du pathogène – par exemple les vaccins contre la diphtérie ou le tétanos. Les recherches actuelles de vaccins contre le coronavirus empruntent ces deux directions, une majorité relevant de la lutte contre le pathogène. Une troisième direction est née de l'hypothèse d'efficacité du BCG ; elle est intéressante car elle ouvre sur une dimension de l'immunologie qui a été relativement négligée jusqu'ici.

Il existe deux types de défenses immunitaires : les défenses innées, qui préexistent à toute introduction d'un pathogène dans l'organisme, et les défenses acquises, qui s'installent après une telle introduction. On sait que 95 % des vertébrés n'ont que des défenses innées ; seuls 5 % des vertébrés, dont l'homme, bénéficient aussi de la capacité de développer des défenses acquises. Le BCG stimule l'immunité innée en l'absence de pathogène ; cette vaccination a donc un mode d'action très différent de la vaccination anti-grippale, qui crée une défense acquise, une immunité adaptative ( a priori, on n'attend donc pas d'une vaccination anti-grippale qu'elle protège contre le coronavirus). La voie du BCG est intéressante et assez facile car le vaccin est disponible depuis longtemps, de nombreuses personnes dans le monde sont déjà immunisées, et si le BCG n'est plus obligatoire en France depuis 2007 l'on y a donc treize ans de recul au regard de la présence de personnes non vaccinées. Des travaux récemment conduits en Afrique du Sud ont montré que les personnes immunisées par le BCG sont protégées de certaines affections respiratoires, mais ces travaux ne concernaient pas le Covid-19. Plusieurs protocoles relatifs au coronavirus ont débuté, notamment en Australie et en France, ou sont projetés. La voie du BCG sera probablement la plus rapide, mais sans doute insuffisante et incomplète.

En matière d'immunité sérologique, c'est-à-dire par anticorps, il faut rappeler que les anticorps protecteurs dans les tissus, notamment respiratoires, ne sont pas ceux que l'on dose habituellement dans le sang. Or, de façon assez curieuse, toutes les études sérologiques ont été faites sur deux classes d'anticorps sanguins et pas du tout sur la classe des anticorps présents dans les tissus – les IgA –, qui semblent pourtant importants en termes de protection.

S'agissant du polymorphisme, il peut exister des disparités entre individus, qui dépendent de nombreux facteurs, comme les récepteurs d'antigènes. Cependant, il est un polymorphisme connu depuis les années soixante en matière de réponse immunitaire : tout le monde ne réagit pas de la même manière à un même virus, une même bactérie ou un même champignon. C'est lié au système HLA (« complexe majeur d'histocompatibilité »), un groupe de gènes qui gouverne le système de « reconnaissance du soi » présent chez la plupart des vertébrés et qui a un rôle majeur dans la configuration de la réponse immunitaire. On peut donc envisager qu'un déterminant génétique intervienne dans la réponse à une infection par le coronavirus ; il semble cependant qu'aucune étude immunogénétique n'ait été entreprise sur ce sujet.

Un point continue d'intriguer, la disparité de la gravité de la maladie selon l'âge. Comme de nombreuses autres caractéristiques physiologiques, le système immunitaire évolue au cours de la vie. Or il n'existe actuellement aucune étude qui établisse un lien entre cette évolution et ce qui apparaît comme une sensibilité particulière des personnes âgées. On évoque souvent la présence de co-morbidités, mais c'est autre chose ; on dit souvent des sujets âgés qu'ils sont « plus sensibles », mais c'est très vague. Il serait donc intéressant de mettre en relation l'évolution du système immunitaire et les différences de réactivité vis-à-vis du virus entre les sujets jeunes et les sujets âgés.

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