Intervention de Bernard Nordlinger

Réunion du jeudi 16 avril 2020 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Bernard Nordlinger, membre de l'Académie nationale de médecine :

a estimé que l'intelligence artificielle aiderait probablement à connaître l'évolution de la présente crise, mais qu'elle pourrait surtout être utile pour se préparer à la suivante, dont il faut espérer qu'elle ne sera pas trop proche. Pour l'heure, elle vient au soutien des recherches engagées pour mettre au point des moyens de diagnostic précoce, qu'il s'agisse d'identifier de nouvelles molécules ou de relever des « signaux faibles » chez les patients auxquels on administre des molécules déjà connues.

La question centrale est de savoir s'il est possible de substituer des machines à des êtres humains pour certaines tâches, au moins temporairement – car, dans le domaine de la santé, il est tout de même nécessaire d'établir un rapport humain entre patients et soignants – afin de réduire le risque de transmission interhumaine du virus. Par exemple, les applications pour smartphones peuvent contribuer au traçage des personnes contagieuses tout en réduisant les risques de contamination. De nombreuses jeunes pousses (start-up) se développent dans le domaine.

Il s'agit de maintenir une partie des activités par le travail à distance tout en aidant à la distanciation sociale. Le télétravail doit donc être maintenu, amplifié et sécurisé car c'est lui qui permet à l'activité économique du pays de se maintenir actuellement quelque peu.

Les outils numériques et mathématiques sont indispensables pour modéliser le développement de l'épidémie. Dès le mois de décembre, la start-up canadienne Bluedot avait observé à Wuhan des signes d'apparition d'une épidémie, plusieurs semaines avant que cela ne soit rendu public par les autorités chinoises.

Les technologies numériques ouvrent de nouvelles possibilités d'applications dans le domaine médical. On peut penser à la télémédecine et au télédiagnostic, qui ne remplacent pas la présence humaine mais peuvent éviter les risques de transmission du virus et méritent donc d'être développés. Des imprimantes 3D peuvent être utilisées pour fabriquer des écrans protecteurs, des masques ou encore des embouts de respirateur – j'entendais ce matin qu'un constructeur automobile était passé à la production de ces derniers et j'imagine qu'il recourt pour cela à l'intelligence artificielle. L'analyse automatique des tests virologiques et sérologiques permettra de pratiquer le dépistage à plus grande échelle. De nombreux projets de recherche vont même, actuellement, dans le sens d'une analyse automatique des scanners thoraciques pour diagnostiquer la pneumonie due au Covid-19.

Le numérique offre la possibilité de développer la pharmacie par Internet, permettant aux patients de commander des médicaments sans avoir à se rendre en officine. On peut aussi envisager leur dispensation par robot, par exemple dans les EHPAD, afin d'y réduire les risques de contamination.

Les données publiques de santé peuvent être exploitées grâce à des algorithmes et grâce à l'intelligence artificielle, pour mieux comprendre la maladie, ses facteurs de risque, etc. Tel est le rôle de la Plateforme des données de santé (Health data hub), auprès de laquelle ont déjà été déposés plusieurs projets visant à explorer quels facteurs aggravent la maladie ou vont en sens contraire. Il faut pour cela impérativement raccourcir les délais de remontée des informations des hôpitaux, dans le cadre du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), qui sont actuellement de plusieurs mois. Pour l'instant, la Plateforme n'a pas encore reçu les données relatives aux patients infectés par le Covid-19.

Des robots permettent de réduire les risques de transmission d'agents pathogènes. Ils peuvent être par exemple utilisés à la désinfection des surfaces, à la gestion des déchets ou à la collecte des prélèvements nasopharyngés – car les soignants qui manipulent aujourd'hui les écouvillons ne sont pas à l'abri d'une contamination. Les robots peuvent également servir comme automates de laboratoire ou être employés à la recherche du virus dans les eaux usées.

Il faut donc, si l'on peut dire, profiter de l'opportunité pour accélérer encore le développement des outils numériques.

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