Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du jeudi 25 juin 2020 à 8h45
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'IRSN :

Nous avons constaté, notamment après l'accident de Fukushima, une perte d'attrait pour les filières éducatives en lien avec le nucléaire. La sûreté nucléaire n'y a pas échappé. Depuis plusieurs années, nous sommes confrontés à une augmentation des démissions de l'Institut. Ce n'est pas un sujet d'inquiétude sur la capacité à atteindre la masse critique, néanmoins il s'agit d'un signal défavorable. Aussi, avons-nous engagé des mesures d'attractivité pour attirer les talents, notamment autour de la qualité de vie au travail. Le double champ d'expertise et de recherche est également déterminant pour attirer des collaborateurs au sein de l'IRSN. L'expertise peut revêtir une certaine aridité, alors que la recherche laisse davantage la place à l'innovation. Outre les actions que nous avons engagées, nous devons aussi nous poser la question de la rémunération.

Comme pour d'autres organismes similaires, notre masse salariale augmente progressivement et nous avons engagé un processus pour permettre à des agents proches de la retraite de partir en retraite. Si ce dispositif peut favoriser le recrutement de personnes plus jeunes, il convient de veiller à éviter toute perte de compétence et de connaissance. Notre action de gestion des connaissances, ambitieuse et performante, est d'ailleurs reconnue au niveau international.

Au sujet de l'intelligence artificielle (IA), je pourrais citer l'utilisation de cette technologie pour mettre à disposition des experts des outils simplifiés d'évaluation du risque incendie dans les installations. Les logiciels de simulation incendie générant énormément de résultats, une démarche de type IA permet de les exploiter quasi instantanément et très efficacement dans une expertise. Pour trois projets, nous avons été lauréats du Fonds pour la transformation de l'action publique : le projet PIREX vise à extraire des nombreux événements significatifs déclarés à l'ASN par les exploitants nucléaires français des signaux faibles qu'une analyse traditionnelle ne permet pas d'identifier ; un projet de modernisation de l'outil d'exploitation de la base de données recensant les doses reçues par les travailleurs – un million et demi y sont enregistrés ; un projet d'analyse de données massives pour affiner l'identification des situations anormales, non en regard des valeurs réglementaires mais du contexte de travail.

Le dixième anniversaire de Fukushima approche et l'IRSN aura l'occasion de revenir de manière approfondie sur cet accident. En France, les conséquences sont la mise en œuvre de mesures de sûreté durcies, intégrées dans l'amélioration de sûreté des installations, notamment des réacteurs de 900 MW à l'occasion de la quatrième visite décennale.

Au Japon, le combustible fondu dans trois réacteurs continue d'être refroidi, de même que les piscines. La température est aujourd'hui de l'ordre de 30°C et le refroidissement ne nécessite plus que quelques mètres cubes d'eau quotidiens. Le combustible de la piscine du réacteur 4 – le seul à l'arrêt – a également été évacué et, sur les trois autres réacteurs, les travaux sont en cours selon des rythmes différents. Le traitement du corium est délicat et donne lieu pour l'instant à une phase d'exploration et de définition des travaux à mener. L'IRSN est impliqué dans un travail de recherche à ce titre, en lien avec ses compétences sur les aérosols, pour quantifier les aérosols qui seraient générés par la découpe du corium au laser.

S'agissant des enjeux de sûreté, le sujet de l'eau contaminée est crucial, pour éviter de contaminer la nappe. Chaque jour un peu d'eau se contamine au tritium. Cette eau est aujourd'hui entreposée mais la capacité de plus d'un million de mètres cubes a été atteinte, le site arrivant à saturation. Le traitement de cette eau constitue donc un sujet de préoccupation, son rejet dans l'océan étant un sujet majeur pour les Japonais.

En ce qui concerne les impacts sanitaires, des suivis de cohortes ont été mis en place, ce qui n'avait pas été le cas à Tchernobyl. Aujourd'hui, le suivi de la population pour le cancer de la thyroïde, qui était le signal le plus fort à Tchernobyl, ne permet pas d'associer, à ce stade, des décès et des maladies à une origine radio-induite. L'enquête se poursuit. Des travaux ont également été menés sur les impacts non cancéreux sur la santé des Japonais, mettant en évidence des effets sur l'obésité, l'hypertension, etc.

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