Intervention de Jean-Christophe Niel

Réunion du jeudi 25 juin 2020 à 8h45
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jean-Christophe Niel, directeur général de l'IRSN :

À intervalles réguliers, depuis la fin des années 1990, l'ASN demande aux industriels du nucléaire d'élaborer un document appelé « dossier impact cycle », qui permet d'avoir une vision des flux et des entreposages des installations, afin d'éviter des constats trop tardifs sur d'éventuels phénomènes d'engorgement. Il s'agit donc d'une démarche de précaution. Dans le domaine du nucléaire, une durée de dix ans constitue une bonne base pour la construction d'une installation. Dès lors, pour éviter toute situation difficile, il convient d'anticiper à cet horizon. Lors du dernier exercice de la sorte, l'IRSN avait conclu à un risque de saturation des piscines de l'établissement de la Hague à l'échéance 2030.

Le calcul de la vitesse de remplissage des piscines est multiparamétrique Des combustibles sortent des installations, à hauteur d'un peu moins de 1 200 tonnes par an, restent un certain temps dans les piscines des réacteurs, puis sont envoyés à l'usine de la Hague, où une grande partie est retraitée. De l'ordre de 66 tonnes de combustibles non retraités s'accumulent annuellement en régime permanent. De ce fait, il existe un risque de saturation à terme. Pour réduire le volume des combustibles entreposés, ORANO pourrait accélérer le retraitement, mais cela conduirait à générer du plutonium et il faudrait s'assurer que la capacité d'entreposage de ce dernier est suffisante. Par ailleurs, le retraitement est destiné à fabriquer des combustibles MOX utilisés dans les 32 réacteurs susceptibles de les recevoir. Huit combustibles usés étant nécessaires pour réaliser un combustible MOX, en fabriquer permet de désencombrer la piscine de la Hague. Aujourd'hui, la sortie des combustibles de la Hague est moins rapide en raison d'une moindre fabrication de combustibles MOX à l'usine MELOX, du fait de difficultés techniques liées aux procédés.

Il reste que l'évaluation de l'IRSN montrait qu'en régime normal, sans aléa, la saturation arriverait aux alentours de 2030. Par contre, en cas d'aléas dans l'usine MELOX ou celle de la Hague, la saturation pourrait être beaucoup plus rapide. Dans son rapport, l'ASN a ainsi rappelé la nécessité de disposer de capacités supplémentaires d'entreposage à cette échéance de 2030. Le PNGMDR prévoit qu'EDF doit déposer un dossier d'autorisation de création d'une nouvelle installation d'entreposage sous eau en fin d'année. Le ministère de l'écologie et l'ASN ont demandé qu'une étude d'entreposage à sec soit également effectuée.

Au sujet de l'impact de la pandémie sur l'entreposage des piscines, un sujet ne nous semble pas préoccupant : l'arrêt de l'usine de la Hague pendant un mois. Celle-ci n'étant pas au maximum de sa capacité, il ne semble pas qu'il y ait des difficultés à rattraper ce retard. EDF a cependant fait une annonce récente sur ses prévisions de production : 300 TWh pour 2020, 330 TWh pour 2021 et 360 TWh pour 2022, contre 420 TWh en régime normal. Sur trois ans, le manque à gagner équivaut donc à 270 TWh, soit l'équivalent de 1 500 assemblages combustibles qui ne seront pas brûlés en réacteur. Si les combustibles non consommés sont à l'uranium naturel, cette diminution réduira l'entreposage en piscines. S'il s'agit de MOX, l'effet sera inverse. Cet objectif 2030 reste donc pertinent et ne traite pas la question de l'aléa. Il y a donc un véritable besoin de capacité d'entreposage supplémentaire. Quant à l'évaluation précise du rythme de saturation des piscines, les textes prévoient que, six mois après la publication du décret relatif à la PPE, EDF remette ses prévisions à jour. Après cet épisode de pandémie, il me semble fondamental qu'EDF fasse une nouvelle évaluation de la saturation de ses piscines.

Par ailleurs, la déclaration de San Francisco appuie l'idée que le jugement sur la qualité scientifique des chercheurs ne doit pas reposer uniquement sur la volumétrie – le nombre de publications effectuées – mais doit également s'intéresser au contenu des travaux et à leur qualité intrinsèque, ce qui renvoie à des modes d'évaluation par les pairs. Nous comptons environ 300 chercheurs et 100 doctorants et, comme de nombreux autres organismes, nous adhérons à cette idée. Le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCÉRES) permettant qu'un organisme de recherche puisse se doter d'un processus d'auto-évaluation vérifié par lui, nous avons mis en place un comité de visite qui permet, sur l'ensemble de nos quinze groupes thématiques de recherche, d'assurer une évaluation qualitative par des pairs extérieurs à l'Institut, dans le respect de règles déontologiques précises. Nous espérons que cette déclaration de San Francisco aura un effet sur les publications et nous essayons de nous l'appliquer à nous-mêmes.

Le baromètre de perception des risques et de la sécurité par les Français comprend plusieurs parties, dont une évaluation d'un couple compétences/crédibilité des acteurs. Effectivement, le CNRS apparaît en tête de ce graphique. Nous avons cependant constaté cette année que les positions de l'ASN et de l'IRSN avaient progressé, ce qui est encourageant. L'amélioration de cette perception ne peut passer que par l'interaction avec les parties prenantes et une démarche d'ouverture à la société. Dans sa deuxième partie, ce baromètre suit également l'opinion que les Français ont des experts. Au travers de ce sondage réalisé sur 1 000 personnes, il ressort que cette opinion est plutôt bonne. Les Français mettent ainsi en avant la compétence des experts, l'indépendance, etc.

Le baromètre 2019 a été réalisé avant la pandémie. Nous avons toutefois souhaité reposer un certain nombre des questions en mai 2020 à 1 000 personnes par Internet, notamment celle relative à l'opinion sur les experts. Ce sondage a montré que les bonnes opinions restaient à un niveau élevé de 44 %, contre 12 % de mauvaises opinions, mais en dégradation par rapport au baromètre 2019. Il reste qu'au final, les Français conservent une bonne opinion des experts scientifiques.

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