Nous vivons dans un contexte très défavorable à l'intégrité scientifique. Il résulte d'une tendance de fond très forte ces dernières années, tendance qui s'est accentuée pendant la période de la Covid-19. Le sujet est donc très actuel.
Le problème de l'intégrité scientifique doit son acuité tant au développement de la communauté scientifique internationale et à la montée en puissance de la Chine, qu'aux pressions à la publication s'exerçant sur les chercheurs, ou encore aux classements variés qui fleurissent dans toutes les spécialités. Les enjeux sociétaux font également sentir leur poids sur la science. Voici quelques années, un ouvrage tel que la Souris truquée évoquait déjà la fraude scientifique, en montrant qu'elle ne constituait pas qu'un épiphénomène. Or, ce phénomène s'est ensuite accru dans des proportions considérables.
Toutefois, l'intégrité scientifique concerne non seulement la fraude proprement dite, mais aussi les connivences entre auteurs, rapporteurs et experts arbitres, ou referee. Comment savoir qui est indépendant dans ce contexte d'explosion des références ? Les chercheurs sont aussi exposés à une forme de harcèlement lorsqu'ils sont entraînés dans une course effrénée à la publication. Il faut se rappeler que la science a fondamentalement besoin de temps et de sérénité, pour s'épanouir au sein d'une discussion contradictoire, privilège que l'époque actuelle tend à lui ôter.
Trop tardives et encore timides, les institutions sont indispensables pour répondre à ce mal de notre époque. L'OFIS a un rôle important. Il doit être considérablement renforcé sur le plan de l'indépendance et des moyens. Son indépendance doit trouver une base dans les textes, qui doivent aussi bien définir sa gouvernance. Il faudrait donc prévoir une meilleure répartition des rôles s'agissant de la gestion des cas individuels, et des voies de recours.
Le fait que l'INSERM comptabilise entre quatre et cinq remontées d'information par semaine traduit probablement l'existence de centaines de cas similaires dans la communauté scientifique nationale, soit des milliers chaque année. Il est donc indispensable de disposer d'une structure irréprochable. Celle-ci doit aussi autoriser la flexibilité. À l'image des recommandations que l'Office a adoptées au sujet des cultes, l'État devra, en ce domaine aussi, ne définir que des règles générales. Chaque communauté scientifique pourra alors décliner ces principes généraux en son sein, et définir ses propres règles.
Il est important qu'il y ait des exemples et des cas frappants dans le rapport. J'en profite pour mettre sur la table un cas très prégnant en 2017, celui d'Anne Peyroche, directrice par intérim du CNRS, accusée de falsification. Le feuilleton médiatique n'est toujours pas fini. Le débat est plus complexe qu'il n'y paraît. Il s'agissait tout de même de la plus haute position scientifique en France. Or, les accusations formulées sont graves. Il paraît difficile d'avancer sereinement sur la question de l'intégrité scientifique si le dossier n'est pas clos.
Concernant le calendrier, il est important de veiller au projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, dont l'examen est le prochain rendez-vous, car il serait impensable que la question de l'intégrité scientifique n'y soit pas traitée à la hauteur des enjeux, d'autant que les moyens nécessaires à l'OFIS seront minimes, par rapport aux moyens d'ensemble demandés par le Gouvernement.