Concernant les cas, je partage complètement la démarche pédagogique que nous devons suivre vis-à-vis de nos collègues. Nous devons définir ce qu'est réellement la méconduite scientifique. Mais il y a très peu de cas rendus publics pour lesquels l'affaire est allée jusqu'à son terme. Or, c'est sur ces cas que nous pourrions bâtir un argumentaire.
Il y a toutefois le cas du biologiste Olivier Voinnet, médaille d'argent du CNRS, et médaille d'or de l'organisation européenne de biologie moléculaire (EMBO). À son époque, il a été considéré comme l'un des spécialistes mondiaux de la biologie des ARN. À la suite de différents signalements, il a rétracté huit de ses articles, et corrigé une vingtaine.
Conscient des méconduites commises, il s'est livré à plusieurs reprises, lors de séminaires, sur le mécanisme qui l'a entraîné à commettre ces fautes. Après avoir fait une dépression sévère, en parler était, pour lui, la seule façon de se sortir de cette situation, sur le plan moral et personnel. Il a décrit une situation où il était grisé par le succès. Sa renommée lui a valu d'être utilisé par les institutions qui le finançaient, pour obtenir elles-mêmes des financements. Il s'est retrouvé à encadrer une quarantaine de doctorants, répartis dans trois instituts, en France, en Suisse et ailleurs. Dans cette situation, il ne faisait plus le métier de chercheur mais « vendait du Voinnet ».
Sans juger de sa sincérité, on peut rapporter son interprétation de la survenue de la fraude : cet élan collectif pourrait avoir incité les étudiants qu'il encadrait à arranger les résultats, pour qu'ils se conforment à la pensée de leur maître et de leur laboratoire, pensée qui était reconnue à l'échelle internationale. Aujourd'hui, il continue son travail de recherche dans un seul laboratoire, et encadre quatre ou cinq étudiants. Il estime qu'il fait maintenant un bon travail de recherche et qu'il vit mieux, tout en reconnaissant que sa précédente conduite est condamnable.