Je voudrais comprendre quelle est l'importance – qui n'est pas un problème technique – que la France donne aux stocks stratégiques et à la sécurité d'approvisionnement. Le nucléaire a été choisi pour assurer la sécurité d'approvisionnement après la crise de Suez de 1956. Nous avons survalorisé l'indépendance et l'autonomie, en payant pendant de très nombreuses années une énergie électrique nucléaire plus cher que l'énergie fossile. Mais la décarbonation de l'économie et le prix de l'énergie fossile après les chocs pétroliers ont rendu ce choix pertinent.
Je suis très sensible à l'argument de M. Pervès sur le fait que transformer une matière en déchet a un caractère irréversible. Prendre cette décision aujourd'hui me paraît extrêmement dangereux – c'est un problème politique et non un problème technique. Les deux facteurs qu'Orano a évoqués, le prix de l'uranium et, d'une façon générale, le prix de l'énergie, sont des facteurs extraordinairement insaisissables, erratiques, avec des variations spectaculaires. Le baril de pétrole a oscillé entre 30 et 100 dollars ces dernières années. À certains moments, nous imaginions qu'il atteindrait les 200. Aujourd'hui, il est très bas.
Quant à la PPE, sans susciter de passion particulière, le Président de la République – et je le soutiens – a repoussé de dix ans l'échéance de la baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique électrique français de 70 à 50 %. Il est tout à fait plausible que le sens des réalités amène le Président, ou son successeur, à prendre à nouveau une décision du même type. C'est la raison pour laquelle j'ai tendance à dévaloriser les paramètres strictement économiques de court terme, ne les sentant pas très opérants sur le long terme. En effet, ce qui apparaît avec force quand une décision est prise, est qu'elle est prise pour le très long terme.
Je souhaiterais que Stéphane Piednoir, dans sa réflexion, donne les éléments techniques sur l'entreposage et le stockage. Pour vivre la gestion lente mais certaine et solide du stockage en couche géologique profonde des déchets à forte activité et à vie longue dans mon département, en Meuse, je sais que nous maîtrisons ces sujets. Le stockage est plus rassurant sur le temps sociétal, l'éternité, que l'entreposage. Mais il a un caractère assez peu réversible – même si tout est possible techniquement. À ce moment-là, la matière devient définitivement un déchet, ce qui serait se priver d'une opportunité.
Je n'ai pas, à proprement parler, de question à poser. J'appelle à valoriser la préoccupation stratégique, qui est la préoccupation de long terme, dont le coût doit être acceptable au regard de la solidité que nous donne ce stock stratégique.