Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 3 décembre 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 3 décembre 2020

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Audition publique, ouverte à la presse, sur « Matières et déchets nucléaires : le cas de l'uranium appauvri » (Thomas Gassilloud, député, et Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteurs)

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Mesdames, messieurs, chers collègues, je vous remercie de participer aujourd'hui à cette audition publique consacrée à l'enjeu des réserves françaises de matières nucléaires, tout spécialement à l'uranium appauvri, et notamment à sa classification.

Nous aimerions commencer cette audition par un hommage à Valéry Giscard d'Estaing qui nous a quittés cette nuit à l'âge de 94 ans. Nous retiendrons notamment sa volonté de moderniser le pays, alors qu'il fut élu Président de la République en 1974, juste après le choc pétrolier de 1973. C'est notamment sous sa présidence que la construction de plus d'une quarantaine de nos 58 réacteurs actuels a commencé, et que celle d'une douzaine s'est achevée. Cet exploit industriel étonne encore aujourd'hui beaucoup de pays étrangers. C'est aussi sous sa présidence qu'est entré en service le réacteur de quatrième génération Phénix et qu'a été lancée la construction de son grand frère, le réacteur Superphénix.

Stéphane Piednoir et moi avons pris l'initiative de cette audition, qui intervient dans le cadre de l'étude sur les conséquences de l'arrêt du programme du réacteur nucléaire ASTRID, que nous a confiée l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Cette étude a été lancée pour répondre à une saisine du Bureau de l'Assemblée nationale. En effet, à partir des réserves d'uranium appauvri dont dispose aujourd'hui notre pays, des réacteurs conçus sur les principes du projet ASTRID, s'ils étaient un jour largement déployés, pourraient nous permettre de produire notre électricité pendant plusieurs milliers d'années sans devoir importer de matières. Notre pays complèterait ainsi son autonomie industrielle par une autonomie énergétique totale en matière d'électricité.

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Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteur

Merci pour cette introduction, cher collègue. Cette audition intéresse également directement nos collègues rapporteurs chargés par l'Office d'évaluer le futur Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), encore en cours de finalisation. Il s'agit de la députée Émilie Cariou et du sénateur Bruno Sido, qui auront sans doute des questions à poser sur ce sujet tout à l'heure.

L'audition est ouverte au public et diffusée sur le site Internet de l'Assemblée, puis sera disponible sur le portail de vidéo à la demande. Je rappelle que l'uranium appauvri est appelé ainsi parce qu'il contient moins d'uranium 235, isotope indispensable à nos réacteurs actuels, que l'uranium naturel. Ce dernier en contient environ 0,7 % : cette proportion est insuffisante et doit être accrue pour que l'uranium puisse être utilisé dans les réacteurs ; c'est ce que l'on appelle « l'enrichissement ». L'uranium appauvri est le sous-produit de l'enrichissement.

Que faire de l'uranium appauvri ? Le sujet n'est pas tranché. Il est actuellement entreposé sur plusieurs sites, ce qui fait évidemment débat. Il nous a semblé essentiel d'organiser une audition, dans le cadre de la mission mentionnée par Thomas Gassilloud à l'instant, afin d'informer le Parlement et d'évaluer les conséquences à long terme des décisions qui pourraient être prises sur l'avenir énergétique de notre pays. À cette fin, nous avons choisi de réunir aujourd'hui les principaux acteurs institutionnels, sans toutefois ignorer le rôle essentiel des acteurs industriels impliqués, au premier rang desquels nous trouvons les groupes Orano et EDF. Nous les avons interrogés sur leurs positions et nous sommes entretenus avant-hier avec Jean-Michel Romary, directeur Maîtrise d'ouvrage démantèlement et déchets du groupe Orano.

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En introduction de cette table ronde et en complément des propos de Stéphane Piednoir, je rappelle que, depuis trente ans, le Parlement joue, notamment au travers de son Office scientifique, un rôle de premier plan dans la définition de la stratégie française en matière nucléaire, et plus particulièrement pour la gestion des matières et déchets liés à cette forme d'énergie. La représentation nationale a défini, par plusieurs lois, les grands principes qui régissent de façon cohérente le cycle de l'énergie nucléaire, en se basant sur les principes de l'économie circulaire et du développement durable. Elle a notamment fixé les objectifs en termes de gestion des matières et déchets nucléaires, tendant à minimiser ces derniers et à utiliser au mieux le potentiel énergétique des premiers.

La loi du 28 juin 2006 définit les matières nucléaires comme des substances radioactives pour lesquelles une utilisation ultérieure est prévue ou simplement envisagée, le cas échéant après traitement. Le législateur a ainsi clairement souhaité éviter que ces matières au fort potentiel énergétique puissent être abandonnées, simplement en raison d'une absence d'utilisation certaine à court ou moyen terme.

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Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteur

Au moment où les modes de gestion des matières nucléaires sont discutés, il nous semblait naturel que le Parlement soit informé et intervienne si nécessaire dans ce débat, ce qui explique la tenue de cette audition.

Pour commencer, je donne la parole à Aurélien Louis, sous-directeur de l'industrie nucléaire au ministère de la Transition écologique.

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Aurélien Louis, sous-directeur de l'industrie nucléaire

Merci pour cette invitation. En introduction de mon propos liminaire, voici quelques éléments de contexte. Vous avez très bien rappelé l'essentiel, je vais donc simplement apporter quelques compléments.

La qualification en « matière » ou en « déchet », qui est centrale, a été définie par le Parlement. C'est la loi qui définit les notions de matière et de déchet. Qu'est-ce qui, concrètement, différencie dans leur gestion les matières et les déchets ?

Les matières et les déchets, du point de vue de la sûreté, sont gérés de la même manière : je fais référence au contrôle de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Il est important de garder en tête qu'il n'y a pas de divergence d'exigences entre les matières et les déchets au regard de leur gestion, notamment pour leur entreposage.

Ce qui distingue leur gestion respective est le fait que les propriétaires de déchets doivent travailler à l'identification de solutions de gestion définitives – c'est-à-dire de stockage – appropriées aux caractéristiques radioactives et de durée de vie de ces déchets. Les matières ayant vocation à être réutilisées, leur propriétaire n'a pas à travailler sur cet aspect.

C'est le premier point, essentiel. Il en découle éventuellement des différences dans le traitement comptable. Je dis « éventuellement » car la distinction entre matière et déchet est prise en application du code de l'environnement et que les règles comptables répondent à leur propre logique de prudence, indépendante de ce code. Il peut parfois y avoir des divergences, mais à partir du moment où nous considérons qu'un déchet radioactif doit in fine être stocké, les exploitants ou détenteurs de ces déchets doivent provisionner dans leurs comptes le coût de ces solutions de gestion définitive, ce qui peut entraîner pour eux des conséquences financières ou comptables.

La qualification première de la substance en matière ou déchet relève de l'exploitant ou du détenteur de la substance : il dit s'il envisage ou prévoit une valorisation. Mais cela se fait sous contrôle de la puissance publique : la loi a donné la faculté au Gouvernement de requalifier une matière en déchet ou un déchet en matière, après avis de l'ASN. Pour l'heure, c'est une faculté que nous n'avons pas encore employée.

Concernant l'uranium appauvri – je pense que cela sera confirmé par mes collègues – nous disposons d'un stock d'environ 350 000 tonnes, essentiellement détenues par Orano. Aujourd'hui, l'uranium appauvri est utilisé dans la fabrication du combustible MOX. Il en est le support principal. Cela représente un débouché relativement faible par rapport à la quantité produite. D'autres usages pourraient être envisagés, notamment si nous engageons, comme la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) le prévoit, le multi-recyclage en réacteur à eau pressurisée (REP). Dans ce cas, l'uranium appauvri serait également utilisé en tant que support dans ces futurs combustibles et, à plus long terme, en support des combustibles des réacteurs à neutrons rapides (RNR). C'est une première catégorie d'usage en vigueur actuellement : l'utilisation de l'uranium appauvri dans des combustibles qui entrent dans un cadre de recyclage ou de multi-recyclage.

Le deuxième type d'usage – Orano a dû vous en parler – est le réenrichissement, à savoir la possibilité d'introduire de l'uranium appauvri dans des cascades d'enrichissement, afin de refaire de l'uranium enrichi destiné à être utilisé dans des combustibles classiques. Aujourd'hui, ce n'est pas une voie utilisée en France. Elle pourrait l'être si les conditions économiques étaient différentes, puisque cela relève d'un arbitrage de l'exploitant entre le coût de l'uranium naturel et celui de l'enrichissement. Pour réenrichir de l'uranium appauvri, il faut beaucoup plus d'enrichissement que pour enrichir de l'uranium naturel. Les conditions économiques ne s'y prêtent pas, les cours de l'uranium naturel étant très faibles. Néanmoins, c'est une possibilité technique.

Le sujet avait été regardé par le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) en son temps, qui avait produit un excellent rapport sur le cycle du combustible. Nous avions pu déterminer que le ré-enrichissement du stock actuel de 350 000 tonnes serait équivalent à la production de près de 60 000 tonnes d'uranium naturel, ce qui correspond à huit années de fonctionnement du parc nucléaire français.

Il y a cependant un bémol : le ré-enrichissement produit de l'uranium très appauvri. Dès que nous enrichissons, nous obtenons ce sous-produit, partie appauvrie de la matière entrée dans les cascades d'enrichissement. C'est donc un usage qui produirait des substances dont la qualification de matière serait à examiner. Orano a peut-être dû vous en parler : le groupe et d'autres acteurs travaillent à des voies de R&D pour trouver des valorisations possibles de l'uranium très appauvri.

Pour conclure mon propos, voici un point sur l'état de nos réflexions. Nous sommes en train de préparer la prochaine édition du PNGMDR. Il était ressorti du débat public mené en 2019 que la qualification des matières et déchets serait un sujet central du prochain PNGMDR. Dans le cadre de la concertation post-débat public, nous avons proposé des modalités de gestion nouvelles, rénovées, de cette qualification des matières et déchets. Nos propositions sont sur le site Internet de la concertation. Nous avons commencé à en débattre avec les parties prenantes. Nous envisageons de renforcer le contrôle effectué par la puissance publique sur les recherches de pistes de valorisation menées par les exploitants. C'est particulièrement vrai pour l'uranium appauvri. J'évoquais les pistes de R&D suivies par Orano sur la valorisation de l'uranium appauvri et de l'uranium très appauvri. Nous voulons qu'Orano s'engage sur des jalons précis de son programme de R&D, que la puissance publique et toutes les parties prenantes puissent suivre. Les délais de gestion étant très longs, il est important de se fixer collectivement des jalons clairs et un plan d'action qui pourrait être suivi, pour s'assurer que nous progressons bien vers des voies de valorisation de ce qui est identifié aujourd'hui comme matière.

Notre implication va au-delà de l'action de contrôle. Dans le cadre du plan de relance, nous comptons lancer un appel à projets pour financer des projets de R&D en vue d'identifier des solutions innovantes de gestion des déchets, et nous inclurons dans cet appel à projets un volet sur la valorisation des matières. L'idée est aussi d'accompagner les programmes de R&D menés par les exploitants avec un soutien de l'État, dans le cadre du plan de relance.

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Merci pour votre exposé. Je passe la parole à Jean-Luc Lachaume, commissaire de l'ASN, accompagné de Anne-Cécile Rigail, directrice générale adjointe, qui vont nous présenter la position de l'autorité de sûreté. Celle-ci a émis, le 8 octobre dernier, un avis sur la gestion des matières radioactives et l'évaluation de leur caractère valorisable.

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Jean-Luc Lachaume, commissaire de l'ASN

C'est notre deuxième rencontre, et c'est un plaisir pour nous d'être devant vous ce matin pour évoquer le sujet des matières valorisables et, plus spécifiquement, celui de l'uranium appauvri.

L'ASN a rendu un avis le 8 octobre sur le sujet des matières en général, dans le cadre de la préparation du cinquième PNGMDR 2021-2025, préparé actuellement par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), dont Aurélien Louis vient de parler.

Ce qui guide l'ASN en matière de gestion de déchets est que l'ensemble des déchets dispose d'une filière de gestion, et que cette gestion soit sûre à chaque étape. À cette fin, nous intervenons, d'une part en contrôlant les installations de stockage des déchets, comme le centre de stockage de l'Aube ou celui de la Manche, exploités par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), et d'autre part en évaluant régulièrement la stratégie de gestion des déchets des exploitants.

Nous contribuons activement à l'élaboration du PNGMDR, notamment par les avis que nous rendons, sujet par sujet. C'est ainsi que cet été nous avons rendu des avis sur les déchets de très faible activité (TFA) et sur les déchets de faible activité à vie longue (FAVL).

Je ne vais pas revenir sur la définition des matières. Aurélien Louis insistait sur un point important, à savoir que la qualification de matière en déchet est bien du ressort du Gouvernement.

Notre avis est élaboré sur la base de nombreuses études remises dans le cadre du quatrième plan, qui couvrait la période 2016-2018. Nous avons également pris en compte les éléments sortis du débat public de 2019. Le sujet des matières a d'ailleurs été assez discuté pendant le débat, qui a montré le besoin de renforcer la transparence et de préciser les conditions de valorisation des matières.

Nous avons souhaité éclairer notre appréciation du caractère valorisable des matières. La définition d'une matière valorisable n'est pas très précise, donc éminemment sujette à interprétation. Nous avons essayé de préciser quelques critères sur ce qui, de notre point de vue, rend une matière valorisable ou pas. La valorisation d'une matière est plausible s'il existe une filière industrielle d'utilisation réaliste à un horizon d'une trentaine d'années et si elle porte sur des volumes cohérents avec les stocks des matières détenues et prévisibles. Pour une perspective allant au-delà de trente ans, il est nécessaire d'anticiper les besoins d'entreposage dans des conditions sûres et d'étudier la gestion possible de la substance en tant que déchet. En tout état de cause, si à l'échelle d'un siècle il n'y a pas de perspectives d'utilisation, cela doit conduire à la requalification d'une substance en déchet.

Nous pointons également le fait que si des perspectives de valorisation apparaissent alors qu'une matière a été qualifiée en déchet, il faut pouvoir faire en sorte que ce soit réversible, c'est-à-dire avoir une procédure qui permette de requalifier un déchet en matière.

Nous passons en revue les différentes matières détenues en France. Les principales matières sont issues de la filière uranium-plutonium, donc de l'industrie électronucléaire. Il existe d'autres matières non liées à cette dernière, telles que les matières thorifères, qui ne font pas l'objet de la table ronde. L'uranium naturel est enrichi en vue d'une utilisation dans les centrales. Mécaniquement, l'enrichissement de l'uranium produit à la fois de l'uranium enrichi et de l'uranium appauvri, dans un rapport de 85 % à 15 % à peu près. Il existe aussi en France un retraitement des combustibles usés sortant des centrales nucléaires, ce qui produit mécaniquement de nouvelles matières, qui sont l'uranium de retraitement et le plutonium.

L'uranium appauvri est emblématique en ce qui concerne les matières. Les quantités sont importantes. L'inventaire de l'ANDRA recense 318 000 tonnes d'uranium appauvri à fin 2018. Mécaniquement, par l'enrichissement, 6 700 tonnes nouvelles d'uranium appauvri sont produites par an en France. Au regard des critères d'appréciation des matières valorisables, une quantité substantielle de cet uranium appauvri doit être dès à présent requalifiée en déchet. Une fraction de cet uranium est valorisable, mais les flux prévisionnels d'utilisation ne sont pas en adéquation avec les quantités détenues et les flux prévisionnels de production. Un des débouchés de l'uranium appauvri aujourd'hui est la fabrication de combustibles MOX, à hauteur d'une centaine de tonnes par an. Il est également possible de ré-enrichir l'uranium produit par le retraitement. Ce n'est pas possible sur plusieurs cycles, mais si nous ré-enrichissons, nous produisons une quantité importante d'uranium appauvri. Cela ne change donc pas complètement la donne sur le total d'uranium appauvri. Existerait aussi la perspective d'utilisation de cet uranium dans une filière de réacteurs à neutrons rapides. Mais il n'y a pas de perspective industrielle de développement d'ici 2050. C'est pourquoi il nous semble qu'il faut travailler dès aujourd'hui à des perspectives de stockage sûr pour l'uranium appauvri.

La nécessité de travailler sur la faisabilité du stockage d'uranium appauvri n'est pas une nouveauté. Cela a déjà été envisagé, dès le premier PNGMDR 2007-2009. Dans les prescriptions consécutives au précédent plan, il avait été demandé à l'ANDRA de réfléchir à la faisabilité d'un tel stockage. Je ne vais pas aller plus loin sur l'uranium appauvri. Voilà notre position, précisée dans notre avis du 8 octobre.

Dans cet avis, d'autres sujets sont abordés, notamment, d'une part la nécessité d'un entreposage sûr des combustibles usés – en effet, d'ici à 2030, si rien n'est fait pour augmenter les capacités d'entreposage, nous allons arriver à une saturation, et d'autre part le lien entre le PNGMDR et la politique énergétique. Nous demandons que lors de la prochaine PPE il soit donné des indications claires sur la poursuite du retraitement des combustibles usés. Aujourd'hui, il est dit que le retraitement est poursuivi jusqu'à l'horizon 2040. Concernant les matières et déchets, nous sommes dans le domaine du temps long. Cela met du temps à se mettre en place, il faut donc anticiper dès à présent.

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Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteur

Merci, monsieur Lachaume, pour cet exposé complet qui suscitera un certain nombre de questions, puisque nous sommes au cœur du sujet de l'uranium appauvri.

Je donne maintenant la parole à Stéphane Sarrade, directeur des programmes Énergies du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), responsable du projet de réacteur ASTRID, au cœur de la mission que nous menons avec Thomas Gassilloud.

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Stéphane Sarrade, directeur des programmes Énergies du CEA

Je vous remercie de cette invitation. Je vais être amené à revenir sur des choses qui ont déjà été évoquées, mon objectif étant de les placer dans un contexte scientifique et technique, correspondant au point de vue du CEA.

Ce qui a été évoqué est la stratégie française du cycle du combustible. Les éléments relatifs aux flux ayant été partiellement exposés, je vais les préciser. Le flux d'uranium naturel en France représente à peu près 8 000 tonnes par an, traitées, puis enrichies de manière à produire 6 700 tonnes d'uranium appauvri et un peu moins de 1 000 tonnes d'uranium enrichi, qui va être utilisé en centrale nucléaire. Cet uranium enrichi, une fois devenu combustible usé, sera retraité pour récupérer du plutonium destiné au combustible MOX. Dans ce cycle annuel, un peu plus d'une centaine de tonnes d'uranium appauvri sont mobilisées pour la fabrication de ce combustible MOX. Cela donne une idée des flux annuels.

À l'heure actuelle, le stock est d'environ 318 000 tonnes. Ce sont les chiffres donnés par l'ASN fin 2018. Cet uranium appauvri est sous la forme d'un oxyde stable, l'octaoxyde de triuranium (U3O8). Certains pays, comme les États-Unis, stockent leur uranium appauvri sous forme gazeuse : l'hexafluorure d'uranium (UF6), mais nous avons fait le choix de mettre cet uranium appauvri sous une forme stable. Il est stocké dans les centres de Bessines et de Pierrelatte.

Je vois deux grandes temporalités pour le devenir de ce stock. La première est plutôt une vision à court ou moyen terme – soit sur les dizaines d'années à venir. Quelles sont les options possibles ? Un consortium français, les industriels et le CEA, travaillent sur une option de R&D : le multi-recyclage en réacteur à eau pressurisée, qui mobiliserait des quantités non encore définies d'uranium appauvri. Ce projet bénéficie dans le plan de relance d'un financement qui va accélérer son avancée. Une autre option est présentée par Orano : le réenrichissement. De quoi parlons-nous ? D'un uranium appauvri contenant environ 0,25 % d'isotope fissile, l'uranium 235. L'objectif est de ré-enrichir cet uranium, de manière à pouvoir générer de l'uranium « naturel » qui sera remis dans le système.

Cette option a été évoquée par Aurélien Louis : 350 000 tonnes d'uranium appauvri permettraient de générer 60 000 tonnes environ d'uranium naturel, ce qui représente pour la France un stock d'un peu plus de huit ans. Ce qui va gouverner les options industrielles d'Orano est que cette opération est fortement liée au contexte économique. Selon Orano, ré-enrichir ce type d'uranium ne peut s'imaginer qu'à un coût de l'uranium compris entre 30 et 45 dollars la livre. La contrainte économique sera de toute façon très importante pour justifier ces éléments.

D'un point de vue technique, ce qu'évoque Orano a déjà été fait, par Orano et dans des usines d'enrichissement russes. Leur stratégie serait liée au fait que, dans les quarante années à venir, notre besoin en uranium naturel sur un parc stable est de l'ordre de 300 000 tonnes. L'objectif d'Orano, dans la mesure où le coût de l'uranium atteindrait des valeurs suffisamment élevées pour justifier le réenrichissement, serait de traiter chaque année 15 000 tonnes d'uranium appauvri, pour produire plus de 3 000 tonnes d'uranium naturel. Cela signifie que sur les 300 000 tonnes d'uranium nécessaires, 100 000 tonnes pourraient être produites dans un délai de quarante ans.

Le fait de ré-enrichir l'uranium appauvri va générer – en 2060, si nous suivons le scénario présenté par Orano – un stock d'uranium appauvri, qui aurait une teneur inférieure ou égale à 0,1 % en isotope 235, et ne serait donc pas intéressant en termes de ré-enrichissement. Le déploiement des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium implique la mobilisation de ce type de ressources. À l'équilibre, pour un parc français qui produirait environ 400 térawattheures, nous imaginons une utilisation d'uranium appauvri comprise entre 40 et 50 tonnes par an. En regard du stock prévisible, cela signifie que nous aurions une autonomie, en termes de matières, de plusieurs milliers d'années.

L'uranium appauvri a des voies de valorisation alternatives : on évoque à l'heure actuelle la réalisation de blindages radiologiques, par exemple pour le médical, ou le développement de matériaux utiles aux énergies nouvelles : pour le stockage de chaleur, pour les panneaux photovoltaïques, pour les batteries, en tirant profit des propriétés semi-conductrices de l'uranium. Il est aussi proposé de développer des procédés de catalyse. Ces voies ont été précisées et certaines pourraient mobiliser des volumes annuels importants. Le niveau de recherche et développement consacré à ce sujet est encore assez faible.

L'uranium appauvri est une ressource qui a une valeur stratégique. En termes de souveraineté, c'est important. Ce qui est au cœur de la discussion est la gestion adaptée de cette ressource sur des temporalités à deux niveaux : quelques dizaines d'années ou des milliers d'années. Des travaux ou des réflexions seront nécessaires pour identifier la gestion de ce type de ressources.

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Merci, monsieur Sarrade. La répétition était intéressante car elle a permis de préciser les options d'usage de l'uranium appauvri.

Virginie Wasselin, chef du service Stratégie filières à l'ANDRA, va maintenant nous présenter les solutions qui permettraient de stocker à très long terme une matière telle que l'uranium appauvri.

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Virginie Wasselin, chef du service Stratégie filières à l'ANDRA

Merci de votre invitation. Quelques planches ont été préparées. En premier lieu, nous voulions rappeler comme M. Lachaume qu'une démarche pour le développement du stockage des matières a été entamée, notamment dans le cadre du PNGMDR 2010-2012, à titre de précaution. Les producteurs et l'ANDRA ont travaillé sur des options de stockage. Dans la suite de ces travaux, à titre conservatoire, le PNGMDR 2016-2018 a demandé à l'ANDRA de poursuivre les études de faisabilité du stockage des matières, notamment l'uranium appauvri, l'uranium de retraitement et les matières thorifères, au cas où celles-ci seraient classées en déchets radioactifs. Ces études sont menées en collaboration avec les propriétaires des matières. La prochaine étape majeure pour nous est un livrable attendu dans le cadre de la cinquième édition du Plan.

Quels sont les enjeux autour de la faisabilité d'un stockage pour l'uranium appauvri ? C'est d'abord un enjeu de volume, mentionné par les intervenants précédents. Dans l'édition nationale de l'inventaire, l'uranium appauvri représente un volume de 115 000 mètres cubes. L'inventaire de la catégorie des déchets de faible activité à vie longue, aux caractéristiques similaires, s'élève à 90 500 mètres cubes.

Un autre enjeu est celui de la sûreté. Ces matières présentent une faible activité, mais contiennent des radionucléides à vie longue, voire très longue. L'uranium appauvri est principalement composé d'uranium 238, qui a une période de 4,5 milliards d'années. Pour ces matières, les horizons de temps peuvent dépasser le contrôle sociétal.

Des similitudes avec les déchets FAVL avaient été mises en avant dans l'avis de l'ASN. Il s'agissait notamment de rapprocher, dans le cadre de nos études, celles faites pour les FAVL et celles faites pour les matières.

En termes de filières de gestion, que regardons-nous ? Les études prennent en compte les filières actuelles de gestion de déchets de l'ANDRA. Nous avons des centres en exploitation dans l'Aube, pour les déchets de très faible activité (TFA) et les déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMAVC). Les caractéristiques des matières dont nous parlons font que ces centres ne peuvent pas les accepter. Des filières sont en projet, notamment le projet CIGÉO, pour les déchets de haute et de moyenne activité à vie longue. Nous conduisons aussi des études pour le développement d'un stockage à faible profondeur pour les déchets FAVL.

Il est ressorti des études que les enjeux des matières se rapprochent fortement de ceux des déchets FAVL. Si nous faisons un focus sur ces travaux relatifs aux déchets FAVL, parmi l'ensemble des options examinées, il existe une étude pour le développement d'un stockage en faible profondeur sur la communauté de communes de Vendeuvre-Soulaines, qui pourrait recevoir une partie de ces déchets. Ainsi qu'il avait été indiqué dans un avis de l'ASN sur les déchets FAVL, les déchets prioritaires pour ce centre sont notamment des déchets de graphite et des déchets radifères. Compte tenu de sa capacité volumique, ce site ne pourra prendre en compte l'ensemble des déchets FAVL et n'aura pas vocation à stocker in fine des matières.

Nous pouvons conclure qu'il n'existe pas, pour l'instant, d'études visant à stocker des matières dans l'un des centres de l'ANDRA existant ou en projet avancé. Pour les déchets FAVL qui ne pourront pas être stockés dans le centre de Vendeuvre-Soulaines, et pour les matières, il est donc nécessaire de développer une filière dédiée et de rechercher un site, ce qui est un long processus, compte tenu du retour d'expérience que nous avons à l'agence.

Définir une solution de stockage pour les matières nécessite notamment de connaître les inventaires de ces matières : caractéristiques radiologiques et chimiques, et volumes associés. Nous avons aussi besoin de connaître les chroniques, c'est-à-dire la temporalité selon laquelle ces matières seront requalifiées en déchets et devront alors être prises en charge dans les stockages ; les conditionnements qui pourront être associés à ces matières devront notamment être définis.

Par ailleurs, il faudra passer par une démarche de recherche de site. Nous réfléchissons aux caractéristiques que devrait avoir un tel site d'accueil, notamment la roche hôte et la profondeur à laquelle pourrait être implanté le stockage.

Avec l'ensemble de ces éléments nous construisons différents scénarios. Ils seront comparés sur les plans de la sûreté, de l'environnement et de la dimension économique, afin d'identifier des solutions de stockage proportionnées aux enjeux. Comme l'a signalé Aurélien Louis, l'ensemble de ces travaux sera partagé avec les parties prenantes. À l'étape du livrable du PNGMDR que j'ai mentionné au début de mon propos, nous envisageons d'identifier deux scénarios pour approfondissement ultérieur.

En conclusion, pour ces matières, quelle que soit l'option du cycle – il en a été fait état dans les interventions précédentes, elles sont diverses et à des stades de maturité différents – une réflexion doit être menée sur leurs conditions de stockage ou d'entreposage, d'une part pour se prémunir des effets à long terme en cas de perte de contrôle par la société, et d'autre part pour conduire une démarche prudente de développement de solutions de stockage dont les principes sont les mêmes que pour les déchets.

Ainsi, une démarche progressive est en cours. Elle vise à démontrer la faisabilité du stockage des matières. Elle comprendra des étapes de concertation avec les parties intéressées. Toutes les options techniques possibles doivent être étudiées et sont pour l'instant sur la table. Cela nécessitera in fine un processus de recherche de site. Pour dimensionner le stockage, il faudra, le jour venu, un inventaire précis des matières qui in fine seront requalifiées en déchets, avec la temporalité des besoins.

Voilà les différents éléments que nous voulions porter à votre connaissance.

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Stéphane Piednoir, rapporteur

Merci, madame Wasselin, de cette présentation.

Pour conclure cette série d'interventions et ouvrir le débat, nous allons donner la parole à l'association Sauvons le climat qui va nous faire une présentation à deux voix : d'une part, Hervé Nifenecker, président - fondateur de l'association, et d'autre part Jean-Pierre Pervès, ancien directeur du centre CEA-Saclay et membre du conseil scientifique de l'association.

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Jean-Pierre Pervès, membre du conseil scientifique de Sauvons le climat

Je vous remercie. Nous allons surtout regarder ce sujet à l'aune du climat. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le fait que nous sommes face à une réserve stratégique considérable. Pour donner deux ordres de grandeur, si nous remplacions toute la potentialité de cet uranium par du charbon, ce serait équivalent à 60 années des émissions mondiales actuelles de CO2. En termes d'énergie, cela représente 500 fois la quantité de charbon utilisée depuis le XIXe siècle pour produire de l'électricité. C'est considérable. Tant le Président de la République que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) ont identifié le nucléaire comme un potentiel de réduction massive à long terme des émissions de gaz à effet de serre. Il ne faut pas l'oublier.

Quel est le problème ? Une quantité de matière relativement minime – l'U3O8 – solide, chimiquement stable, incombustible, insoluble, non corrosive et légèrement radioactive. Nous ne sommes pas du tout face à ce que nous appellerions un produit dangereux. Il existe aujourd'hui deux entreposages, sous forme d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), de 5 000 mètres carrés. Pour donner un ordre de grandeur l'entreposage de ces milliers de tonnes représente moins qu'un terrain de football, qui fait 9 000 mètres carrés. Nous ne sommes pas face à un problème majeur nécessitant une décision urgente.

Pourquoi estimons-nous qu'une requalification en déchet n'est pas appropriée ? Les différentes utilisations possibles ont été énumérées précédemment. Mais le rôle d'un État est de gérer des risques. Nous avons déjà connu un risque d'approvisionnement de pétrole, à différentes époques. Il peut y avoir un jour un tel risque pour l'uranium, puisque nous savons que plusieurs pays ont engagé des programmes nucléaires sensibles.

Que représente ce stock d'uranium ? Il s'agit de huit, dix, douze ans de production de toute l'électricité française. Nous parlons d'une réserve stratégique importante, ce qui est unique. Pour le gaz, elle est de trois mois ; pour les autres matériaux énergétiques, elle est négligeable. C'est le seul stock stratégique important que nous ayons sur le territoire et dont nous sommes propriétaires. Au-delà, on pense aux usages futurs pour les réacteurs de quatrième génération, qui offrent des quantités d'énergie considérables.

Pourquoi requalifier l'uranium appauvri en déchet ? Le ministère nous parle de sûreté nucléaire et d'enjeux urgents. Je ne vois pas pourquoi. L'ASN, prudemment, nous dit qu'il faut dès à présent requalifier en déchet. Je ne comprends pas non plus pourquoi « dès à présent », s'agissant d'une ICPE trois fois plus petite que le moindre stockage d'Amazon. Une telle décision fait courir un vrai risque. On affirme pouvoir faire d'une matière un déchet, puis d'un déchet une matière. Je connais la réglementation française et les usages administratifs. Une fois que vous aurez transformé la matière en déchet, je vous promets un cauchemar, en cas de choc sur l'uranium, pour en refaire une matière. Cela ne me paraît pas prudent. Les critères sont contestables. On a parlé du délai de trente ans. Ce délai repose sur la loi sur la transition énergétique. Vous devriez relire ce qu'écrivait la Cour des comptes en 2018 sur la qualité de cette loi et son incapacité à offrir un cadre prévisible et consolidé en matière énergétique pour les trente ans à venir. Est-ce là-dessus que nous allons nous appuyer ?

Par ailleurs, quand nous parlons d'une vision à cent ans, je rappelle que le problème climatique est multi-centennal, avec toujours de grandes incertitudes. Quel va être l'effet du dégel du permafrost ? Quel va être l'effet de la fonte des glaces du Groenland ou de la disparition des glaces de mer dans l'Arctique ? Ces faits sont connus, modélisés, mais avec un grand niveau d'incertitude. Dans quinze ou vingt ans, nous pourrions avoir besoin d'actions décisives, comme celle de Pierre Messmer en 1973.

Il est très difficile de comprendre l'urgence alléguée. Nous sommes dans une crise économique majeure. Est-ce le moment de lancer des études sur le stockage profond d'une matière qui pourrait être réutilisée ? Les prochains gouvernements doivent garder toute souplesse d'accéder à une réserve stratégique rapidement. Il faut le plus possible laisser ouverte aux générations futures l'utilisation des ressources. Aujourd'hui, le risque présenté par l'installation d'entreposage ne justifie pas d'efforts considérables.

En conclusion, l'uranium appauvri est une bonne réserve d'énergie. En faire un déchet, n'est-ce pas un écocide, pour suivre les mots à la mode aujourd'hui ? En termes politiques, il faudra se demander un jour qui est propriétaire d'une matière utilisable durant 300, 400 ou 500 ans. Ou si, plutôt que d'en faire un déchet, il ne vaudrait pas mieux la vendre aux Chinois qui l'utiliseront intelligemment pour le climat. Nous pouvons nous poser de telles questions, nous sommes dans la politique. Où est notre vision à très long terme de l'énergie ? Cette vision à très long terme va bien au-delà des objectifs du PNGMDR.

La France a été l'un des leaders du nucléaire. Quel message allons-nous faire passer au monde en disant que l'uranium appauvri est un déchet ? Je pense que c'est désastreux. Il faut regarder ce que sont aujourd'hui nos efforts sur le climat. Les émissions de CO2 liées à la consommation d'énergie ont encore augmenté de 1,1 % par an au cours de la dernière décennie. Dire que nous progressons sur le climat est loin d'être parfaitement exact.

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Hervé Nifenecker, président - fondateur de l'association Sauvons le climat

J'ai commencé ma carrière au CEA avec Georges Vendryes qui était à l'origine du programme de réacteurs à neutrons rapides, commencé par Rapsodie, puis Phénix et Superphénix. Ces gens avaient vu le potentiel du nucléaire. À l'époque, nous ne parlions pas encore beaucoup du réchauffement climatique, mais il fallait faire face aux besoins de l'humanité en matière d'énergie. En voyant l'arrêt de Superphénix, et maintenant la suppression du programme ASTRID, je ne comprends plus très bien. Que cherchons-nous ? De quoi avons-nous peur ? Qui intervient ?

Pour apprécier l'importance de la production d'électricité dans le bilan d'émission du CO2, il faut se mettre au niveau du monde, car c'est à ce niveau que nous pourrons gérer le réchauffement climatique, et pas au niveau de la région parisienne. Actuellement, les émissions totales sont d'environ 33 milliards de tonnes de CO2, et les émissions liées à la production d'électricité sont de 14 milliards de tonnes. Ceci peut expliquer pourquoi les Allemands produisent 719 millions de tonnes de CO2 et la France 308 millions de tonnes. Les émissions de CO2 sont largement dues à la production d'électricité et aux modes de production d'électricité.

Comme indice de la « qualité climatique » d'une économie, nous pouvons utiliser le rapport entre les émissions de CO2 et le PIB. L'Allemagne est à 0,2, la France à 0,1 – soit deux fois moins – et le monde à 0,4. Si le mix énergétique de la France était étendu au monde, nous aurions pratiquement réglé le problème du CO2, puisque les émissions actuelles seraient divisées par quatre.

Des scénarios du GIEC comportent plus ou moins de nucléaire. Un de ces scénarios – qui est plus exactement celui de l' International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA), l'institut de Vienne travaillant pour le GIEC – s'appelle Efficiency. C'est un scénario particulièrement sobre en énergie, qui limite les émissions de CO2 pour se conformer à ce que demande le GIEC, soit 1,5 degré d'augmentation de la température. Ce scénario, bien que très sobre, utilise beaucoup la technique de capture et stockage du CO2, au point que, jusqu'en 2100, la quantité de CO2 séquestrée serait de 800 milliards de tonnes, qu'il faudra mettre sous terre.

Un autre scénario, fondé sur le développement des surgénérateurs – sinon, nous n'y arriverions pas – limiterait la séquestration à 276 milliards de tonnes. Si nous n'utilisons pas le nucléaire, nous envoyons dans l'atmosphère 1 270 milliards de tonnes ; si nous l'utilisons avec à des réacteurs surgénérateurs, nous envoyons 627 milliards de tonnes. Les émissions globales d'ici 2100 sont divisées par deux grâce à l'utilisation du nucléaire sous la forme de la surgénération.

Alors que d'autres pays continuent dans cette voie, la France ne sait plus très bien ce qu'elle veut. Il suffit d'écouter le CEA pour en être convaincu. Des pays comme la Chine, la Russie, l'Inde et la Corée restent fidèles à cette perspective et développent des réacteurs surgénérateurs. Pour ces pays, il est évident que l'uranium que nous appelons appauvri – en réalité essentiellement de l'uranium 238 – est une ressource fondamentale. L'efficacité d'utilisation de l'uranium naturel est pratiquement 100 fois meilleure quand on utilise des surgénérateurs que quand on utilise des réacteurs thermiques ou à neutrons lents, comme ceux dont nous disposons actuellement. Si nous n'utilisons pas les surgénérateurs, il faudra stocker sous terre des milliers de milliards de tonne de CO2.

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Merci beaucoup pour vos deux interventions qui vont permettre d'ouvrir le débat, en complément de celles des acteurs institutionnels.

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Merci beaucoup pour l'organisation de cette audition. Les intervenants se sont bien complétés et certaines des questions qui surgissaient tout naturellement à l'issue des premiers exposés ont déjà trouvé leur réponse dans d'autres exposés. J'avais en particulier des interrogations sur les caractéristiques physiques et concrètes du stockage : surface, volume, etc. Il y a été en bonne partie répondu.

Dans ces présentations, nous voyons d'un côté les problèmes scientifiques – quelles sont les options et les filières possibles – et de l'autre les problèmes techniques, pratiques, les problèmes d'ingénieur, qui sont très importants.

La question du cours de l'uranium naturel a été évoquée. Qu'est-ce qui influe aujourd'hui sur ce cours ? Quelles sont les perspectives ? Dans les circonstances actuelles, l'exploitation de l'uranium appauvri ne serait rentable pour Orano qu'en cas de variation significative du cours de l'uranium naturel. Quels sont les facteurs ? Que pouvons-nous envisager dans cette hypothèse ? Est-ce très lointain, improbable sauf événement majeur ? Que pouvons-nous savoir sur cette externalité qui a une influence importante ?

Nous avons bien compris que derrière la classification en matière ou en déchet, et derrière la question du Plan – faut-il considérer comme déchet ce qui n'est pas exploitable à l'échelle du siècle ? – existent des dispositifs permettant de stocker, et des dispositifs permettant en partie d'exploiter la ressource. J'aimerais en savoir plus sur ces dispositifs de stockage. Nous avons parlé de sites de stockage et de leur volume. Si nous devons en construire de nouveaux ou augmenter les capacités des sites actuels, combien de temps cela prendrait-il ? Selon quel processus ? Quel est le coût technique, le coût en matière de débat public ? Il s'agit d'avoir ces éléments par rapport à l'évolution éventuelle de nos moyens.

Il faut que nous discutions de cette question, quel que soit le sort d'ASTRID, qui est l'origine de la saisine de l'OPECST. Que faisons-nous en matière d'exploitation sur le long terme, dans un contexte où le projet ASTRID a été abandonné ?

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Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office

Je voudrais comprendre quelle est l'importance – qui n'est pas un problème technique – que la France donne aux stocks stratégiques et à la sécurité d'approvisionnement. Le nucléaire a été choisi pour assurer la sécurité d'approvisionnement après la crise de Suez de 1956. Nous avons survalorisé l'indépendance et l'autonomie, en payant pendant de très nombreuses années une énergie électrique nucléaire plus cher que l'énergie fossile. Mais la décarbonation de l'économie et le prix de l'énergie fossile après les chocs pétroliers ont rendu ce choix pertinent.

Je suis très sensible à l'argument de M. Pervès sur le fait que transformer une matière en déchet a un caractère irréversible. Prendre cette décision aujourd'hui me paraît extrêmement dangereux – c'est un problème politique et non un problème technique. Les deux facteurs qu'Orano a évoqués, le prix de l'uranium et, d'une façon générale, le prix de l'énergie, sont des facteurs extraordinairement insaisissables, erratiques, avec des variations spectaculaires. Le baril de pétrole a oscillé entre 30 et 100 dollars ces dernières années. À certains moments, nous imaginions qu'il atteindrait les 200. Aujourd'hui, il est très bas.

Quant à la PPE, sans susciter de passion particulière, le Président de la République – et je le soutiens – a repoussé de dix ans l'échéance de la baisse de la part du nucléaire dans le mix énergétique électrique français de 70 à 50 %. Il est tout à fait plausible que le sens des réalités amène le Président, ou son successeur, à prendre à nouveau une décision du même type. C'est la raison pour laquelle j'ai tendance à dévaloriser les paramètres strictement économiques de court terme, ne les sentant pas très opérants sur le long terme. En effet, ce qui apparaît avec force quand une décision est prise, est qu'elle est prise pour le très long terme.

Je souhaiterais que Stéphane Piednoir, dans sa réflexion, donne les éléments techniques sur l'entreposage et le stockage. Pour vivre la gestion lente mais certaine et solide du stockage en couche géologique profonde des déchets à forte activité et à vie longue dans mon département, en Meuse, je sais que nous maîtrisons ces sujets. Le stockage est plus rassurant sur le temps sociétal, l'éternité, que l'entreposage. Mais il a un caractère assez peu réversible – même si tout est possible techniquement. À ce moment-là, la matière devient définitivement un déchet, ce qui serait se priver d'une opportunité.

Je n'ai pas, à proprement parler, de question à poser. J'appelle à valoriser la préoccupation stratégique, qui est la préoccupation de long terme, dont le coût doit être acceptable au regard de la solidité que nous donne ce stock stratégique.

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Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteur

Merci pour ces deux interventions. Gérard Longuet est évidemment très concerné par le sujet du stockage des déchets à vie longue, le projet CIGÉO étant situé dans son département, et connaît fort bien les questions liées au nucléaire, et à l'énergie d'une manière générale.

Bruno Sido, spécialiste du nucléaire, en particulier du débat sur les déchets suit actuellement avec Émilie Cariou l'élaboration du prochain PNGMDR.

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Bruno Sido, sénateur

J'ai beaucoup apprécié toutes les interventions, mais singulièrement les trois dernières : celles de Jean-Pierre Pervès et Hervé Nifenecker, de l'association Sauvons le climat, et celle de Gérard Longuet. Ils résument tout à fait ce que je pense.

Quel est le problème avec l'uranium appauvri ? Il est moins radioactif que l'uranium naturel. Après tout, nous pourrions le remettre dans une carrière d'uranium naturel, et l'on n'en parlerait plus. Nous irions le rechercher afin de l'utiliser pour ASTRID ou pour un autre surgénérateur, qui représentent l'avenir.

Transformer une matière en déchet, connaissant la velléité des Français et de nos décideurs, me semble irréversible. Si nous les qualifions de déchets, ils ne redeviendront jamais des matières réutilisables, parce que les écologistes nous en empêcheront. L'opinion publique aura peur : « pourquoi les avoir mis en déchets si nous pouvons les réutiliser ? ». C'est l'erreur majeure à ne pas faire. Il faut les conserver comme matières, peut-être en créant un stockage léger, pour qu'elles soit bien confinées.

L'uranium appauvri est une richesse. Quatre cents ans de production d'électricité pour le monde entier, c'est énorme, et nous réglerions ce problème du CO2.

Cette audition éclaire l'erreur que commet le Gouvernement en voulant arrêter le programme de surgénérateur ASTRID. C'est très grave, et je pense qu'il faut revenir sur cette décision.

Hier, dans Des racines et des ailes, sur France 3, nous voyions bien que Venise est en train d'être engloutie. On dit qu'elle s'enfonce, mais c'est faux, c'est la mer qui monte. Venise va disparaître, comme beaucoup de villes dans le monde, ou comme le Bangladesh, parce que le niveau de la mer monte. Il faut absolument régler le problème du CO2, des gaz à effet de serre. Le nucléaire est une solution, et le GIEC ne dit pas le contraire.

Je repars très rassuré sur l'avenir de la filière nucléaire dans le monde. Merci.

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Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteur

Monsieur Louis, vous souhaitez peut-être répondre à un certain nombre de sujets évoqués par Cédric Villani, Gérard Longuet et Bruno Sido.

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Aurélien Louis, sous-directeur de l'industrie nucléaire

Oui. Je souhaite d'abord répondre à quelques-unes des questions qui ont été posées et apporter des informations complémentaires. Je souhaite aussi préciser notre état d'esprit et l'état des propositions que nous avons mises sur la table sur la gestion des matières, pour ne pas laisser d'ambiguïtés sur la position du ministère à ce stade sur ce sujet.

Pour répondre à la question posée par le président Cédric Villani, les cours de l'uranium sont relativement déprimés. C'est lié aux conséquences de l'accident de Fukushima qui a conduit à l'arrêt d'un certain nombre de réacteurs dans le monde, ou à des prévisions d'arrêt de réacteurs. Cela a aussi entraîné des recalibrages de programmes nucléaires dans le temps. Aujourd'hui, nous ne nous attendons pas à de fortes remontées des cours à un horizon de cinq à dix ans. Le consensus est que les niveaux actuels vont perdurer pendant encore cinq à dix ans. Les perspectives à plus long terme tablent sur une remontée progressive, avec la mise en service d'un certain nombre de réacteurs. D'ailleurs, de nombreux programmes d'exploration et de mise en service de mines ont dû être décalés, du fait de la déprime des cours.

Ce qui déterminera vraiment la remontée des cours est la mise en œuvre envisagée de programmes nucléaires. La Chine redémarre, un certain nombre de pays ont des ambitions en la matière.

Concernant la position actuelle du ministère et les propositions qu'il a mises sur la table, je souscris – c'est la position du ministère – au fait que nous ne sommes pas sur un sujet urgent. La manière dont l'uranium appauvri est entreposé a été décrite. Je laisserai l'ASN compléter, mais c'est un entreposage qui est relativement simple sur un plan technique et qui ne pose pas d'enjeu de sûreté immédiat. Nous ne pouvons pas dire qu'il y a urgence à gérer différemment ces matières. L'uranium appauvri est une problématique de long terme, et cela pose les difficultés classiques en termes de prise de décisions raisonnables, raisonnées, proportionnées, avec les incertitudes déjà évoquées : économiques, technologiques, etc. Il est très complexe de prendre des orientations raisonnées et proportionnées.

Le mot-clé de la politique du Gouvernement pour les matières, en particulier pour l'uranium appauvri, est la prudence. Cela joue dans les deux sens. Un certain nombre d'intervenants, ainsi que Monsieur le ministre Longuet, ont fait remarquer qu'une requalification en déchets brutale peut entraîner des conséquences. Requalifier en déchets a un caractère irréversible. Il convient donc de considérer une éventuelle requalification avec toute la prudence nécessaire.

La prudence fonctionne aussi dans l'autre sens. Lorsque nous disons que l'uranium appauvri est une matière, nous faisons le pari que des solutions techniques permettront de valoriser l'intégralité du stock, qui est assez important. Aujourd'hui, ce n'est pas complètement acquis, car cela dépend de technologies futures. Le réenrichissement pose la question de l'uranium très appauvri. Qu'allons-nous en faire ? Ces sujets sont encore ouverts sur un plan technique.

La position du Gouvernement consiste donc à dire qu'une gestion prudente appelle peut-être à ne pas requalifier immédiatement. En revanche il est crucial d'avancer concrètement sur les actions de recherche visant à la valorisation de ces matières et de l'uranium appauvri. C'est un élément clé. En parallèle, il faut progresser dans l'étude des concepts de stockage si nous devons requalifier un jour : du temps sera gagné si nous avons au préalable avancé sur les concepts de stockage et réfléchi à la manière dont une gestion définitive de l'uranium appauvri alors considéré en déchet pourrait être mise en œuvre concrètement ; nous serons aussi plus réactifs et plus souples. Tant que nous ne faisons qu'étudier les concepts et rechercher des sites, la démarche reste parfaitement réversible.

En matière de R&D sur la valorisation des matières, je tiens à préciser que la voie des réacteurs à neutrons rapides n'est pas abandonnée. Le gouvernement a donné instruction au CEA de poursuivre la R&D dans ce domaine.

En revanche, le positionnement d'un éventuel prototype a été recalé dans un horizon de temps plus cohérent avec notre stratégie industrielle nucléaire et avec le niveau des prix de l'uranium, qui ne montre pas de signe de pénurie immédiate. Le CEA va continuer à investir 40 millions d'euros par an sur la R&D en matière de RNR, pour préserver des compétences d'ingénierie et de développement, pour avancer sur la physique fondamentale et les enjeux de sûreté associés aux RNR, et pour lever les verrous techniques qui existent encore. Nous allons continuer à avancer sur les RNR, nous avons simplement repositionné un prototype dans le temps, au regard des réalités industrielles et économiques.

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Vous avez évoqué le stockage : 350 000 tonnes sont aujourd'hui entreposées sur deux sites, représentant une empreinte au sol d'environ 5 000 mètres carrés. Cette empreinte peut être vue comme faible. Comment la quantité aujourd'hui stockée se compare-t-elle à la capacité disponible ? Combien de temps faudrait-il pour augmenter celle-ci ? Avec quel délai ? Quelles seraient les difficultés pratiques ?

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Aurélien Louis, sous-directeur de l'industrie nucléaire

Les questions posées par le président Villani relèvent pour l'essentiel de questions de sûreté, puisqu'elles évoquent la difficulté d'autoriser des capacités supplémentaires. La présentation de Sauvons le climat montrait une photo de l'entreposage : les conteneurs ne sont pas très complexes à entreposer. La forme U3O8 sous laquelle l'uranium appauvri est entreposé est relativement stable.

Cependant, en matière d'entreposage, il faut toujours anticiper. C'est un point clé de la conclusion du précédent PNGMDR. L'ASN et la DGEC sont très vigilantes quant à l'anticipation des besoins d'entreposage supplémentaires.

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Jean-Luc Lachaume, commissaire de l'ASN

Pour répondre aux questions techniques sur l'entreposage et le stockage que posait le président Villani, l'ANDRA est peut-être mieux placée que moi.

L'uranium appauvri est aujourd'hui entreposé sous la forme U3O8 qui ne pose pas vraiment de problème car elle est très stable. L'uranium appauvri est faiblement radioactif, mais toxique, car l'uranium est un métal lourd. C'est pour cela qu'il doit faire l'objet d'un traitement spécifique.

Les entreposages du Tricastin, que nous connaissons bien parce que nous les contrôlons et ceux de Bessines, qui sont contrôlés par nos collègues de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Nouvelle-Aquitaine, sont tout à fait corrects et ne posent pas de problèmes de sûreté dans l'immédiat. Les entreposages ne sont pas des installations très complexes. Ce sont des hangars dans lesquels sont placés des fûts d'U3O8.

Le point sur lequel nous insistons dans notre avis sur la requalification de l'uranium appauvri est qu'il ne faut pas laisser de déchets aux générations futures. L'une des conséquences principales de la requalification est d'assurer le financement du stockage. Un stockage est différent d'un entreposage : c'est définitif, c'est pour l'éternité. L'entreposage convient pour des durées limitées. La requalification de matière en déchet a pour vertu principale d'imposer des précautions vis-à-vis des générations futures, afin de ne pas leur laisser la charge de définir et de mettre en œuvre un stockage dont le financement n'aurait pas été prévu.

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Virginie Wasselin, chef du service Stratégie filières à l'ANDRA

Pour apporter quelques éléments en réponse à la question de M. Villani, notamment par rapport au processus de développement d'un stockage, il faut voir qu'aujourd'hui le plan national nous demande une étude de faisabilité. Si nous comparons avec CIGÉO, cette étude est l'équivalent de ce qui a été publié en 2005, au titre de la loi de 1991. L'ANDRA s'apprête à déposer en 2021 la demande d'autorisation de création. Cela donne une idée de l'aspect réglementaire de la gestion d'un tel dossier.

Avant de conclure sur la faisabilité, des études sont en cours pour définir les options possibles pour le stockage, notamment la profondeur et la roche hôte où un tel stockage pourrait prendre place. Quand ces études seront achevées, la recherche de site pourra être lancée, sur des bases géologiques, et avec une consultation du public et des territoires.

L'expérience montre qu'il faut du temps et beaucoup d'énergie pour trouver un site. Pour le stockage FAVL dont j'ai parlé tout à l'heure, un processus avait été mis en place et n'avait pas abouti. Si la recherche de site est fructueuse, il faut ensuite faire des campagnes de reconnaissance géologique, afin d'acquérir les caractéristiques des couches qui peuvent accueillir ces déchets, notamment pour alimenter les études. Nous entrons alors dans un processus classique de création d'installation, avec des études, un avant-projet sommaire, un avant-projet détaillé, puis une demande d'autorisation de création.

Il serait difficile de donner aujourd'hui des estimations de coûts, car nous sommes très en amont d'un éventuel projet.

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Vous parlez de huit ans de capacités potentielles en cas de réenrichissement, et de plusieurs centaines d'années en cas d'utilisation par la surgénération ? Ai-je bien compris ?

Je suis assez inquiet de l'aspect symbolique d'une requalification, un peu comme pour le projet ASTRID, même si nous avons bien compris que pour la DGEC, il s'agit d'un report et non d'un abandon. Ce côté symbolique peut avoir des conséquences en cascade sur la politique du cycle nucléaire semi-fermé que la France a choisi depuis le début du nucléaire civil. Nous avons pu échanger, par exemple avec de jeunes chercheurs, sur l'importance de cet aspect symbolique, au moment où ils choisissaient leur carrière. C'est aussi très important pour l'ensemble de la filière et pour nos partenaires internationaux.

Au-delà du côté symbolique de la requalification, l'uranium appauvri représente une réserve énergétique stratégique considérable. Il est vrai qu'au moment où l'humanité s'engage dans la lutte contre le dérèglement climatique, classer une telle matière en déchet provoquerait chez moi une certaine incompréhension. L'ASN a parlé de risques pour les générations futures. Évaluer la sûreté d'un éventuel stockage est dans votre rôle. Mais le risque climatique, ou celui de manquer d'uranium à moyen ou long terme, n'est-il finalement pas plus important que le risque très faible du stockage, d'autant que nous avons peu d'alternatives ?

Nous pourrions essayer de nous rassembler sur la durée de trente ans. N'est-elle pas beaucoup trop courte pour évaluer l'intérêt de cette matière, à un moment où se font jour des évolutions techniques importantes en France et dans le monde ? L'entreposage de ces matières ne représente que de faibles coûts de gestion et des dangers très maîtrisés, beaucoup plus faibles que le danger de manquer de matières. L'ASN serait-elle prête à rediscuter de cette question, en se plaçant sur des durées plus longues, plus cohérentes avec les cycles énergétiques, autour d'une centaine d'années ? La durée de trente ans nous semble assez restrictive par rapport à la volonté du législateur et à la définition assez large qui était prévue dans la loi du 28 juin 2006 sur la question des matières valorisables. Comment évaluez-vous ces trente ans ?

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Anne-Cécile Rigail, directrice générale adjointe de l'ASN

Nous avons beaucoup discuté d'horizons temporels. J'aimerais repositionner le débat sur les volumes. Un parc de RNR, quand bien même il fonctionnerait, utiliserait très peu d'uranium appauvri, de l'ordre de 130 tonnes par an. Cela ressemble un peu à la consommation actuelle pour le MOX. Je précise que ce n'est pas toujours de l'uranium appauvri français qui est utilisé pour les « moxages » actuels. La valorisation n'est donc pas forcément effective.

Le schéma conduirait donc à utiliser une centaine de tonnes par an d'un stock de plusieurs centaines de milliers de tonnes. La position de l'ASN ne consiste pas à spéculer – les RNR vont-ils être effectifs et à quel horizon temporel ? Elle consiste à dire que même un parc complet et immédiatement opérationnel de RNR ne résorbera pas le stock à un horizon socialement imaginable. C'est en ce sens que la position de l'ASN ne dépend pas des perspectives de construction d'un parc de RNR.

La plus grande part de l'uranium appauvri va rester sur les bras des générations futures. C'est un métal lourd, qui est faiblement radioactif mais sur de très longues durées. Notre position est donc qu'il faut travailler sur les perspectives de stockage, quoi qu'il arrive. Nous ne discutons pas de la durée : trente, cinquante ou cent ans. L'essentiel du stock devra être géré sous une forme non valorisable.

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Aurélien Louis, sous-directeur de l'industrie nucléaire

Pour revenir sur les durées, le réenrichissement du stock actuel d'uranium appauvri permettrait huit ans de fonctionnement du parc. La centaine ou le millier d'années évoqués – la centaine d'années étant par rapport à une consommation mondiale, j'avais plutôt en tête le millier d'années – correspondent à la mise en place d'un parc de RNR. Le stock actuel représenterait alors environ mille ans de production d'électricité, au niveau que nous connaissons aujourd'hui.

Je rejoins ce que vient de dire Mme Rigail. L'enjeu n'est pas tant un horizon temporel qu'une exigence de prudence. La prudence commande que nous progressions sur les modalités et la compréhension des études techniques en matière de stockage. Ce n'est pas du temps perdu. Ce n'est pas irréversible et cela nous permet d'avancer, de mieux comprendre les tenants et les aboutissants, et les enjeux techniques et économiques liés à un éventuel stockage des matières. Ce n'est pas non plus du temps perdu que chercher à faire aboutir toutes les voies de valorisation possibles. Un certain nombre d'entre elles dépendent encore d'études, de R&D. C'est important dans une optique de gestion prudente de ces substances.

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Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteur

Merci, Monsieur Louis. Une multiplicité de critères est à prendre en compte, notamment la diversité des modes de valorisation de l'uranium appauvri. La consommation de l'uranium appauvri dans un parc de RNR est relativement faible, de l'ordre de la centaine de tonnes par an. Il est possible d'envisager cela de deux façons différentes : il est inutile d'avoir un stock si considérable ou, au contraire, nous avons plusieurs centaines d'années devant nous d'un gisement disponible. Il ne s'agit pas de concilier ces deux positions, mais de trancher.

Les RNR ne sont pas la seule façon de consommer l'uranium appauvri. Le ré-enrichissement, proportionnellement, en consomme beaucoup au regard de ce qu'il produit comme combustible utile dans les centrales actuelles. Monsieur Sarrade évoquait d'autres pistes ouvertes par la R&D : l'utilisation dans les batteries, les panneaux photovoltaïques, etc. Beaucoup d'autres pistes sont sans doute à l'étude, et me font dire que la prudence serait de ne pas se priver d'un stock tel que celui-ci, en l'enfouissant de manière irréversible.

Cela soulève beaucoup de questions, notamment sur le niveau de décision. Le Parlement a été très impliqué sur le sujet des matières et des déchets. Vous en connaissez la sensibilité actuellement. La consultation du Parlement est un vrai sujet démocratique depuis quelques semaines. Une décision aussi complexe que la requalification en déchets d'une réserve énergétique nationale devrait relever d'un débat au Parlement, plutôt que d'une procédure de consultation qui a évidemment son intérêt et qui est cadrée, mais qui ne nous semble pas suffisante pour garantir que la volonté de la Nation tout entière soit respectée. J'entends le critère des trente ans, mais au regard des durées couramment évoquées dans la filière nucléaire, cela mériterait un examen approfondi au Parlement. Une question est ouverte sur le rôle du Parlement dans la classification, la définition des matières et des critères pour passer ou non d'un statut de valeur énergétique à celui de déchet.

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Jean-Pierre Pervès, membre du conseil scientifique de Sauvons le climat

Bien que je sois ingénieur, j'aimerais remettre la question sur un plan plus politique. Nous avons parlé de la temporalité. Aujourd'hui, les progrès en matière de climat sont faibles. En France, sur les cinq dernières années, nous avons progressé de 1 % par an sur le CO2, ce qui n'est presque rien, et cela est surtout dû au fait que les deux dernières années ont été très chaudes. Nous avançons donc peu, et c'est pareil au niveau mondial. Dans dix ou quinze ans, n'allons-nous pas nous apercevoir brutalement que nous n'y arrivons pas ? Auquel cas, un choc sera nécessaire. Imaginez que la Chine, l'Inde ou d'autres pays lancent de nouveaux programmes nucléaires. Nous savons ce qu'est la politique : s'ils doivent prendre le contrôle des mines pour assurer leur propre futur, ils le feront.

Qui nous garantit que nous n'allons pas connaître, pour des raisons de stratégie politique et économique, une envolée du prix de l'uranium, liée au fait que tout le monde va recourir à la même filière ? C'est pour cela que la temporalité – seulement 100 ou 150 tonnes par an pour les RNR – ne joue pas. La question à se poser pour le siècle qui vient est : de quel stock disposons-nous aujourd'hui pour faire face à une crise qui risque de durer dix, quinze ou vingt ans ? La temporalité est bien pour les réacteurs actuels. Elle ne concerne pas la technologie, ni une évolution du coût de l'uranium supposée extrêmement lisse, ni le stockage pour les générations futures dans un million d'années, mais la lutte pour le climat dans les 200 ou 300 années à venir. Il ne faut pas se tromper.

Ce dont je parle relève de l'analyse des risques politiques. Je suis donc parfaitement d'accord avec ce que vous venez de dire : cela est du domaine du Parlement et d'une stratégie énergétique à long terme de l'énergie, et cela ne relève pas du cadre assez « secondaire » du PNGMDR.

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Hervé Nifenecker, président - fondateur de l'association Sauvons le climat

Est-ce vraiment à l'ASN seule de définir ce qu'est une matière ? L'ASN doit bien sûr surveiller la gestion des matières. Mais il serait plus logique de dire que c'est Orano et EDF qui peuvent décider si l'uranium 238 – nous disons toujours appauvri, mais en réalité c'est essentiellement de l'uranium 238 – les intéresse. Pourquoi est-ce l'ASN qui devrait le décider ? C'est une responsabilité trop lourde pour l'ASN. L'ASN doit bien sûr dire : « si vous le stockez, faites-le dans des conditions de sûreté. »

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L'ASN pourrait peut-être repréciser son rôle et la portée de l'avis qu'elle émet par rapport à la décision finale et avoir un regard sur l'implication du Parlement.

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Jean-Luc Lachaume, commissaire de l'ASN

Le rôle de l'ASN est clair. Ce n'est pas l'ASN qui a la responsabilité de qualifier une matière en déchet, parce que le champ de l'ASN est limité au domaine de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Notre rôle s'arrête là. C'est sur la base d'arguments de ce domaine que nous proposons au Gouvernement de requalifier l'uranium appauvri en déchet. La responsabilité appartient au Gouvernement. Ce n'est pas non plus aux exploitants nucléaires de décider ; en revanche ils peuvent faire toutes propositions en ce qui les concerne.

Est-ce à la représentation nationale de décider, d'être plus largement impliquée ? L'ASN n'a pas de position à ce sujet, même si nous avons un certain tropisme, puisque l'ASN rapporte au Parlement, étant indépendante du Gouvernement.

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L'ASN peut tout à fait s'exprimer sur la sûreté et la classification des déchets. Mais, en définitive, la prise en compte de critères plus globaux et d'une vision stratégique à long terme relève d'une décision politique à co-construire entre le Parlement et le Gouvernement.

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Jean-Luc Lachaume, commissaire de l'ASN

L'un des objectifs de la création de l'ASN en tant qu'autorité administrative indépendante était de distinguer la sûreté nucléaire de la politique énergétique. Ce n'est pas une spécificité française, ce sont les standards internationaux qui demandent que dans chaque État soit distingué ce qui est sûreté nucléaire de ce qui est politique énergétique. Cette dernière n'est pas le domaine de compétences de l'ASN.

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Je souscris tout à fait à ce qui vient d'être dit. Toutes les interventions nous ont montré à quel point les choix tels que la qualification en matière ou déchet relèvent, d'une part de critères techniques, scientifiques, d'ingénierie, et d'autre part de choix politiques, voire philosophiques, par rapport aux générations futures, à ce que nous voulons ouvrir comme possibilités, sur le long terme ou le très long terme. À la fin, ce sont des choix politiques. Il s'agit donc d'une mise en œuvre du Gouvernement sous le contrôle du Parlement. En matière de contrôle, l'ASN et le Parlement doivent pouvoir délibérer et décider librement, indépendamment du Gouvernement.

Nous avions déjà parlé de sûreté nucléaire dans la dernière audition. Il apparaissait que, lorsqu'on cherche à apprécier l'intérêt du nucléaire pour réduire l'empreinte carbone de l'humanité, son éventuelle généralisation dans le monde soulève tout de suite une difficulté institutionnelle et politique. Peu de pays ont une maturité institutionnelle et technique suffisante pour avoir une ASN opérationnelle et indépendante par rapport à son gouvernement, pour répondre à ces questions scientifiques, mais aussi technologiques et institutionnelles. Les trois piliers sont très importants.

Je tiens à remercier les intervenants pour la qualité de leurs contributions. Une nouvelle fois se confirme l'importance d'avoir les différents points de vue exprimés. C'est toujours beaucoup plus riche que d'avoir celui d'un seul acteur.

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Je partage tout à fait l'idée que, comme les chocs pétroliers, un choc de l'uranium ne peut être exclu dans le temps long. Les cours des matières premières sont extrêmement volatils, même s'ils peuvent paraître stables sur un horizon de dix ans. Mais cet horizon n'est pas du tout pertinent pour l'analyse du cours de ces matières. Les réserves doivent être considérées au niveau mondial puisque tous les pays sont solidaires sur la question du réchauffement climatique. Tout le monde en paiera les conséquences.

À l'échelle mondiale, pourrait-on envisager d'exporter une technique RNR en y associant la mise à disposition de matières ou, a minima, la possibilité de se fournir en matières ? Voyez-vous une possibilité de vendre l'uranium appauvri, voire de le vendre avec une technique RNR, en créant une offre globale ?

Vous avez évoqué l'option du ré-enrichissement, certes moins valorisante pour l'uranium appauvri, mais qui serait d'une certaine manière un repli moins grave que la requalification en déchet. Avec l'uranium appauvri, la France dispose d'une ressource gratuite dont l'utilisation serait pertinente si le cours de l'uranium était plus élevé . À partir de quel coût de l'uranium naturel la piste du ré-enrichissement devient-elle pertinente sur le plan économique ?

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Stéphane Sarrade, directeur des programmes Énergies du CEA

Les coûts que j'ai évoqués sont extraits de présentations d'Orano, notamment dans le cadre du PNGMDR en 2018. Des coûts situés entre 30 et 45 dollars la livre sur le prix spot de l'uranium seraient pour Orano ce qui qui permettrait de rendre économiquement viable le réenrichissement.

Ce qu'a dit Aurélien Louis est effectivement la réalité sur le long terme. Un certain nombre de mines ont fermé. Dix mines d'uranium fournissent la majorité de l'uranium naturel dans le monde et sont situées dans quatre pays. Il y a des attentes sur la montée en puissance des parcs asiatiques, notamment chinois. Nous nous situons bien dans une vision de long terme. La volatilité des cours est également à prendre en compte. Hier le prix spot de l'uranium était de 34 dollars la livre, la crise Covid ayant entraîné une légère montée.

Il y a une vision industrielle assez claire sur l'enjeu économique. La notion de disponibilité et la dimension géopolitique sont de nature différente.

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34 dollars la livre est le prix actuel. Quel est le prix à partir duquel le réenrichissement devient pertinent ? 100, 200 ?

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Stéphane Sarrade, directeur des programmes Énergies du CEA

La vision d'Orano est que cela commence à devenir intéressant entre 30 et 45 dollars.

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Nous y sommes donc déjà. Une requalification en déchets va potentiellement nous coûter de l'argent. Pourquoi, alors que le prix de marché est proche du point de basculement, ne faisons-nous pas déjà du réenrichissement ?

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Stéphane Sarrade, directeur des programmes Énergies du CEA

Je ne peux pas répondre à la place d'Orano.

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Je pensais que vous alliez nous répondre que c'était à partir de 100 ou 200 dollars.

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Stéphane Sarrade, directeur des programmes Énergies du CEA

Ce sera plus aux alentours de 50 dollars la livre que de 30. Mais je ne veux pas parler à la place d'Orano. Je ne fais que les citer.

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Je dis cela parce que le fait de dépendre d'approvisionnements étrangers soumet d'une certaine manière notre pays à des externalités stratégiques, dans nos interventions militaires ou dans notre rapport à d'autres pays. En utilisant nos propres matières, nous pouvons dépasser ces externalités stratégiques, au-delà du coût facial de la matière.

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Hervé Nifenecker, président - fondateur de l'association Sauvons le climat

Dans l'analyse des autorités de sûreté étrangères, il ne faut pas oublier l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui peut très bien aider à créer des autorités de sûreté dans des pays qui n'en avaient pas.

Puisque la France fait encore partie du G4, nous pourrions envisager de voir, dans ce cadre, quels sont les projets et les perspectives d'utilisation de l'uranium 238. L'uranium appauvri est quand même un mélange. Mais nous avons besoin de l'uranium 238 pour faire du plutonium 239 et de l'uranium 235. Si la France a encore une influence dans le G4, celui-ci serait un lieu où nous pourrions créer un marché de l'uranium pour les réacteurs rapides.

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Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteur

Nous arrivons au terme de l'audition. Les interventions et le débat qui s'est établi ont apporté des informations très complètes. Si j'osais un jeu de mots, je dirais que cela a enrichi nos connaissances sur le sujet de l'uranium appauvri. Puisque c'était une audition publique, les parlementaires et nos concitoyens pourront en prendre connaissance, et mieux comprendre les enjeux des discussions en cours sur le sujet de l'uranium appauvri et du stock énergétique que cela représente.

Je remercie mon co-rapporteur Thomas Gassilloud, les collègues de l'OPECST ayant participé à ce débat ou l'ayant écouté. C'est un débat forcément un peu technique. Merci à tous les intervenants, qui ont apporté des éclairages sur les décisions, les orientations et les critères actuellement discutés. L'audition d'aujourd'hui sera très utile pour le rapport que Thomas Gassilloud et moi-même allons produire, probablement à la fin du premier semestre 2021 – notre mission a été fortement perturbée par la crise sanitaire.

La réunion est close à 11 h 35.