Oui. Je souhaite d'abord répondre à quelques-unes des questions qui ont été posées et apporter des informations complémentaires. Je souhaite aussi préciser notre état d'esprit et l'état des propositions que nous avons mises sur la table sur la gestion des matières, pour ne pas laisser d'ambiguïtés sur la position du ministère à ce stade sur ce sujet.
Pour répondre à la question posée par le président Cédric Villani, les cours de l'uranium sont relativement déprimés. C'est lié aux conséquences de l'accident de Fukushima qui a conduit à l'arrêt d'un certain nombre de réacteurs dans le monde, ou à des prévisions d'arrêt de réacteurs. Cela a aussi entraîné des recalibrages de programmes nucléaires dans le temps. Aujourd'hui, nous ne nous attendons pas à de fortes remontées des cours à un horizon de cinq à dix ans. Le consensus est que les niveaux actuels vont perdurer pendant encore cinq à dix ans. Les perspectives à plus long terme tablent sur une remontée progressive, avec la mise en service d'un certain nombre de réacteurs. D'ailleurs, de nombreux programmes d'exploration et de mise en service de mines ont dû être décalés, du fait de la déprime des cours.
Ce qui déterminera vraiment la remontée des cours est la mise en œuvre envisagée de programmes nucléaires. La Chine redémarre, un certain nombre de pays ont des ambitions en la matière.
Concernant la position actuelle du ministère et les propositions qu'il a mises sur la table, je souscris – c'est la position du ministère – au fait que nous ne sommes pas sur un sujet urgent. La manière dont l'uranium appauvri est entreposé a été décrite. Je laisserai l'ASN compléter, mais c'est un entreposage qui est relativement simple sur un plan technique et qui ne pose pas d'enjeu de sûreté immédiat. Nous ne pouvons pas dire qu'il y a urgence à gérer différemment ces matières. L'uranium appauvri est une problématique de long terme, et cela pose les difficultés classiques en termes de prise de décisions raisonnables, raisonnées, proportionnées, avec les incertitudes déjà évoquées : économiques, technologiques, etc. Il est très complexe de prendre des orientations raisonnées et proportionnées.
Le mot-clé de la politique du Gouvernement pour les matières, en particulier pour l'uranium appauvri, est la prudence. Cela joue dans les deux sens. Un certain nombre d'intervenants, ainsi que Monsieur le ministre Longuet, ont fait remarquer qu'une requalification en déchets brutale peut entraîner des conséquences. Requalifier en déchets a un caractère irréversible. Il convient donc de considérer une éventuelle requalification avec toute la prudence nécessaire.
La prudence fonctionne aussi dans l'autre sens. Lorsque nous disons que l'uranium appauvri est une matière, nous faisons le pari que des solutions techniques permettront de valoriser l'intégralité du stock, qui est assez important. Aujourd'hui, ce n'est pas complètement acquis, car cela dépend de technologies futures. Le réenrichissement pose la question de l'uranium très appauvri. Qu'allons-nous en faire ? Ces sujets sont encore ouverts sur un plan technique.
La position du Gouvernement consiste donc à dire qu'une gestion prudente appelle peut-être à ne pas requalifier immédiatement. En revanche il est crucial d'avancer concrètement sur les actions de recherche visant à la valorisation de ces matières et de l'uranium appauvri. C'est un élément clé. En parallèle, il faut progresser dans l'étude des concepts de stockage si nous devons requalifier un jour : du temps sera gagné si nous avons au préalable avancé sur les concepts de stockage et réfléchi à la manière dont une gestion définitive de l'uranium appauvri alors considéré en déchet pourrait être mise en œuvre concrètement ; nous serons aussi plus réactifs et plus souples. Tant que nous ne faisons qu'étudier les concepts et rechercher des sites, la démarche reste parfaitement réversible.
En matière de R&D sur la valorisation des matières, je tiens à préciser que la voie des réacteurs à neutrons rapides n'est pas abandonnée. Le gouvernement a donné instruction au CEA de poursuivre la R&D dans ce domaine.
En revanche, le positionnement d'un éventuel prototype a été recalé dans un horizon de temps plus cohérent avec notre stratégie industrielle nucléaire et avec le niveau des prix de l'uranium, qui ne montre pas de signe de pénurie immédiate. Le CEA va continuer à investir 40 millions d'euros par an sur la R&D en matière de RNR, pour préserver des compétences d'ingénierie et de développement, pour avancer sur la physique fondamentale et les enjeux de sûreté associés aux RNR, et pour lever les verrous techniques qui existent encore. Nous allons continuer à avancer sur les RNR, nous avons simplement repositionné un prototype dans le temps, au regard des réalités industrielles et économiques.