Intervention de Angèle Préville

Réunion du jeudi 10 décembre 2020 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Angèle Préville, sénatrice, rapporteure :

. – Les auditions que nous avons menées nous conduisent à penser que la pollution plastique, qui se diffuse dans l'ensemble de l'environnement, pourrait à terme constituer une menace pour les écosystèmes et la santé humaine.

Nous nous sommes également intéressés aux sources de cette pollution. Si elle est souvent considérée comme venant de la mer et des activités maritimes, cette part n'est chiffrée qu'à 20 % environ. En effet, la grande majorité des plastiques provient de l'activité terrestre, à 80 %.

S'agissant des activités maritimes, ce sont la pêche et l'aquaculture qui sont majoritairement responsables de la pollution plastique. Ainsi, 640 000 tonnes de filets de pêche seraient abandonnées chaque année dans les océans. Ces filets poursuivent une pêche « fantôme », car les animaux marins et les poissons les ingèrent ou s'y retrouvent pris au piège.

Le transport maritime, avec ses gros porte-containers, joue également un rôle important.

En 1992, dans le Pacifique Nord, 12 containers ont été perdus, dont l'un contenait 29 000 animaux en plastique, notamment des canards. Dix mois plus tard, des canards en plastique ont commencé à s'échouer en Alaska, et dans les mois suivants, un peu partout dans le monde. Les matériaux plastiques, dans les océans et les mers, parcourent des distances importantes et perdurent des années. Le nombre de pertes de containers est estimé à 5 000 par an.

La pollution liée à l'activité terrestre est notamment matérialisée par les pertes et les fuites dans l'environnement de fibres textiles ou de microbilles contenues dans les cosmétiques et les détergents. Ces fibres sont susceptibles de se retrouver dans les réseaux d'eaux usées et pluviales. Les microplastiques provenant de l'abrasion des pneumatiques finissent dans les sols et dans les océans. Ils peuvent aussi être entraînés par l'air et le vent.

La pluie et la neige mobilisent également les microfibres de l'air, qui se retrouvent ensuite dans le sol. Les fleuves et les rivières les entraînent vers la mer. La recherche sur les microplastiques contenus dans les fleuves et les rivières reste encore balbutiante.

Les courants marins accumulent l'ensemble de ces plastiques dans les gyres. Cinq gyres ont été identifiés : deux dans le Pacifique, deux dans l'Atlantique et un dans l'Océan indien.

Les gyres, qui à l'origine ont été qualifiés à tort de « septième continent », le continent plastique, ne sont évidemment pas des continents. Le terme « continent » fait référence à leur superficie très importante ; il s'agit plutôt de « soupes » de plastiques. La quantité de plastiques contenue dans les gyres est chiffrée à 215 000 tonnes environ.

Eu égard à la quantité de plastique rejetée dans l'océan, la question du « mystère du plastique manquant » évoquée par mon collègue Philippe Bolo est posée. Celle‑ci s'explique certainement par le fait que certains plastiques ont coulé et qu'ils se retrouvent dans la sédimentation au fond des océans. De plus, l'ensemble des plastiques accumulés sur les îles et dans les terres isolées n'a pas nécessairement été comptabilisé.

Les connaissances sur le devenir de la pollution plastique restent encore parcellaires. Les recherches focalisées sur les océans se sont étendues progressivement aux fleuves et aux eaux douces. Récemment, la communauté scientifique s'est emparée de la pollution plastique dans les sols et dans l'air.

Cette pollution a des conséquences multiples, que ce soit sur l'économie, la biodiversité ou la santé humaine. Le programme des Nations Unies pour l'environnement estime que les dommages annuels causés aux environnements marins atteignent 8 milliards de dollars à l'échelle mondiale. Les secteurs les plus impactés sont la pêche, le tourisme et le transport maritime.

La pollution par le plastique a également un impact sur la biodiversité animale, par ingestion et étranglement. 1,4 million d'animaux et 14 000 mammifères marins seraient retrouvés morts chaque année en raison de l'ingestion de microplastiques.

Il existe également un risque chimique. En effet, les formulations des matières plastiques contiennent des additifs qui sont rejetés dans l'environnement lors de leur fragmentation. Étant donné qu'il s'agit parfois de polluants organiques persistants, ils provoquent des dégâts sanitaires, notamment sur les animaux qui les ingèrent.

Non seulement les déchets plastiques rejettent les additifs qu'ils contiennent, mais ils se chargent également des polluants présents dans les océans (hydrocarbures, PCB). En effet, ces polluants étant hydrophobes, ils s'adsorbent sur les matériaux plastiques. Par ailleurs, ces petits fragments de plastique servent de support physique à des espèces invasives ou pathogènes.

Compte tenu de la production croissante de plastiques et du faisceau d'indices qui en montre les dangers, il y a urgence à faire jouer le principe de précaution et à prendre des mesures adaptées pour lutter contre les fuites de plastique dans l'environnement.

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