Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 10 décembre 2020 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • microplastique
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  • pollution
  • pollution plastique
  • polymère

La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 10 décembre 2020

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Examen du rapport sur la pollution plastique (Philippe Bolo, député, et Angèle Préville, sénatrice, rapporteurs)

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. – Je remercie le Sénat d'accueillir l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dans le cadre de ses réunions transpartisanes et bicamérales. L'actualité est dominée par la stratégie vaccinale liée au Covid. C'est toutefois par un autre sujet, à savoir la pollution plastique, que débute la séance de ce matin. Il a fait l'objet d'une étude très poussée par des rapporteurs engagés puisque le rapport examiné est le fruit de 140 auditions. Il est présenté par ses rapporteurs, un député, Philippe Bolo, et une sénatrice, Angèle Préville.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – En introduction, je souhaite préciser que cette étude a été menée entre le 11 septembre 2019 et la fin du mois de juillet 2020. Pendant le confinement, les auditions liées à ce rapport se sont intensifiées.

Si j'ai souhaité que soit lancée une mission sur la pollution plastique, en sollicitant la saisine de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, c'est parce que ce sujet me paraît particulièrement préoccupant. La consommation plastique connait un essor sans précédent et présente un coût pour l'environnement. À chaque minute, l'équivalent d'un camion poubelle de déchets plastiques se déverse dans les océans.

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. – Je remercie Angèle Préville de m'avoir donné l'occasion de participer à cette mission et de m'intéresser à cette question. Comme l'évoquait Cédric Villani, 139 auditions et 18 visites ont été réalisées, ce qui représente 240 heures d'écoute des experts du domaine. Au total, 458 personnes se sont exprimées. Cinq enquêtes ont également été menées (auprès de communes, départements, instituts de recherche ou ambassades), auxquelles 190 personnes ont participé.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – Je rappelle que le plastique est une matière constituée de polymères. Il s'agit de micromolécules (monomères), telles que l'éthylène. Ces petites molécules, par réaction chimique de polymérisation ou de polycondensation, sont accrochées les unes aux autres pour former une longue molécule, qui comprend un nombre très important d'atomes de carbone. Le matériau plastique est également constitué d'autres éléments : des charges, des plastifiants et des additifs. Le polyéthylène correspond donc à une formulation et à des additions. Il existe des centaines, voire des milliers de formulations différentes, à partir d'un même polymère.

Les polymères sont classés en deux catégories : les thermoplastiques et les thermodurcissables. Un matériau thermoplastique peut être fondu pour être réutilisé, et est donc recyclable. En revanche, un matériau thermodurcissable ne peut être fondu, et n'est donc pas recyclable.

Depuis peu, il est apparu une autre forme de classement, qui s'appuie sur l'origine des atomes de carbone. Les polymères d'origine fossile sont composés d'atomes de carbone qui proviennent des hydrocarbures. Quant aux polymères à base de biomasse, ils sont nommés « biosourcés ». Ceci étant, ce sont des molécules qui présentent exactement les mêmes propriétés que les polymères d'origine fossile.

Un autre classement plus récent distingue les polymères biodégradables des polymères non biodégradables. Lorsqu'un polymère est à la fois biosourcé et biodégradable, on parle de « biopolymère ».

Les matériaux plastiques possèdent des propriétés multiples, à commencer par la légèreté. C'est l'une des raisons de leur grande utilisation, en plus de leur stabilité et de leur résistance. De plus, leur coût est très faible, étant fabriqués à 99 % à partir du pétrole.

Ces qualités ont permis des innovations technologiques qui n'auraient pu voir le jour sans les matériaux plastiques. Ils se sont peu à peu imposés dans l'ensemble des filières industrielles et ont envahi tous les modes de consommation.

Néanmoins, le plastique se casse et se déchire. Or lorsque ce matériau est cassé ou déchiré, il n'est plus réutilisable.

La production de plastique est devenue exponentielle au cours du temps, en particulier depuis le début du XXIe siècle. Depuis l'année 2000, elle est aussi importante que toute celle qui a été réalisée auparavant. Le plastique est le troisième matériau le plus fabriqué au monde, après le ciment et l'acier.

En 2018, la production s'est établie à 359 millions de tonnes. En y ajoutant les fibres textiles et les caoutchoucs synthétiques, on atteint le chiffre de 438 millions de tonnes. Au rythme actuel, cette production devrait doubler d'ici à 2050.

En 1950, la production mondiale s'élevait à 2 millions de tonnes. Elle s'établit au‑delà de 400 millions de tonnes en 2020. La production correspondait à 800 grammes par habitant et par an en 1959, c'est 60 kilogrammes à l'heure actuelle.

À l'origine, les plastiques ont été conçus comme des matériaux devant être résistants et de longue durée. Paradoxalement, au fur et à mesure, ils ont été de plus en plus utilisés pour des usages uniques et de courte durée. Ainsi, la forte croissance des plastiques s'explique par leur utilisation dans l'emballage - dont la part de marché atteint 36 % au niveau mondial - et par le développement des usages uniques. Le taux d'emballages et de plastiques à usage unique qui, au bout d'un temps très court, deviennent des déchets, s'établit à 80 % environ.

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. – Je tiens à préciser que tous les plastiques ne sont pas égaux vis‑à‑vis de la pollution. Certains se retrouvent dispersés dans l'environnement, et d'autres non. Les plastiques que l'on retrouve dans l'environnement peuvent être associés à des modes de gestion défaillants des objets plastiques en fin de vie. 100 millions de tonnes d'objets plastiques en fin de vie sont ainsi retrouvés dans l'environnement chaque année. Les raisons en sont multiples : des systèmes de gestion perfectibles, les mauvaises habitudes, des modes de consommation ne facilitant pas la récupération des déchets, les décharges sauvages, etc.

Le sujet de l'exportation des plastiques revêt une importance particulière. Plutôt que de trouver une solution de gestion des déchets, certains plastiques consommés dans les pays développés sont exportés dans d'autres pays ; la charge de la masse supplémentaire de déchets plastiques à gérer est alors reportée sur ces derniers.

Dès lors que les déchets sont présents dans la nature, ils se déchirent et se cassent en morceaux : ce sont des macro-déchets. Ces déchets, qui mesurent plus de 5 millimètres, sont en général visibles. S'ajoute à cette pollution une autre pollution plus insidieuse car moins visible : la pollution par les microplastiques. La durabilité des plastiques fait qu'ils se cassent sans pour autant disparaître. En outre, des facteurs extérieurs attaquent le plastique qui se retrouve dans la nature : les ultraviolets du soleil, l'oxygène de l'air, l'eau, les forces mécaniques (vent, frottements, etc.) et les micro-organismes.

La troisième et dernière forme de pollution, qui apparaît comme la plus préoccupante, est la pollution invisible, qui a été découverte récemment par la science. Il s'agit de la pollution par les nanoplastiques. La quantité de ce type de pollution fait l'objet de nombreuses interrogations. L'une d'entre elles concerne le « mystère du plastique manquant » : le bilan de masse de ce qui est produit est beaucoup plus élevé que celui qui est retrouvé en mer. Certains scientifiques affirment que la quantité manquante pourrait se présenter sous forme de nanoplastiques (dans les organismes vivants, sédimentation, suspension, etc.). La superficie de la pollution des nanoplastiques représenterait 180 millions de kilomètres carrés si l'on prend comme hypothèse que 3 % des 200 millions de tonnes de plastiques accumulés dans les océans se sont dégradés en particules de 100 nanomètres.

Cette forme de pollution doit faire l'objet d'une grande vigilance. Par analogie avec d'autres nanoparticules, il se pourrait que les nanoplastiques possèdent la propriété de translocation, c'est‑à‑dire la capacité d'entrer dans une cellule, et donc de pénétrer dans l'ensemble des organes.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – Les auditions que nous avons menées nous conduisent à penser que la pollution plastique, qui se diffuse dans l'ensemble de l'environnement, pourrait à terme constituer une menace pour les écosystèmes et la santé humaine.

Nous nous sommes également intéressés aux sources de cette pollution. Si elle est souvent considérée comme venant de la mer et des activités maritimes, cette part n'est chiffrée qu'à 20 % environ. En effet, la grande majorité des plastiques provient de l'activité terrestre, à 80 %.

S'agissant des activités maritimes, ce sont la pêche et l'aquaculture qui sont majoritairement responsables de la pollution plastique. Ainsi, 640 000 tonnes de filets de pêche seraient abandonnées chaque année dans les océans. Ces filets poursuivent une pêche « fantôme », car les animaux marins et les poissons les ingèrent ou s'y retrouvent pris au piège.

Le transport maritime, avec ses gros porte-containers, joue également un rôle important.

En 1992, dans le Pacifique Nord, 12 containers ont été perdus, dont l'un contenait 29 000 animaux en plastique, notamment des canards. Dix mois plus tard, des canards en plastique ont commencé à s'échouer en Alaska, et dans les mois suivants, un peu partout dans le monde. Les matériaux plastiques, dans les océans et les mers, parcourent des distances importantes et perdurent des années. Le nombre de pertes de containers est estimé à 5 000 par an.

La pollution liée à l'activité terrestre est notamment matérialisée par les pertes et les fuites dans l'environnement de fibres textiles ou de microbilles contenues dans les cosmétiques et les détergents. Ces fibres sont susceptibles de se retrouver dans les réseaux d'eaux usées et pluviales. Les microplastiques provenant de l'abrasion des pneumatiques finissent dans les sols et dans les océans. Ils peuvent aussi être entraînés par l'air et le vent.

La pluie et la neige mobilisent également les microfibres de l'air, qui se retrouvent ensuite dans le sol. Les fleuves et les rivières les entraînent vers la mer. La recherche sur les microplastiques contenus dans les fleuves et les rivières reste encore balbutiante.

Les courants marins accumulent l'ensemble de ces plastiques dans les gyres. Cinq gyres ont été identifiés : deux dans le Pacifique, deux dans l'Atlantique et un dans l'Océan indien.

Les gyres, qui à l'origine ont été qualifiés à tort de « septième continent », le continent plastique, ne sont évidemment pas des continents. Le terme « continent » fait référence à leur superficie très importante ; il s'agit plutôt de « soupes » de plastiques. La quantité de plastiques contenue dans les gyres est chiffrée à 215 000 tonnes environ.

Eu égard à la quantité de plastique rejetée dans l'océan, la question du « mystère du plastique manquant » évoquée par mon collègue Philippe Bolo est posée. Celle‑ci s'explique certainement par le fait que certains plastiques ont coulé et qu'ils se retrouvent dans la sédimentation au fond des océans. De plus, l'ensemble des plastiques accumulés sur les îles et dans les terres isolées n'a pas nécessairement été comptabilisé.

Les connaissances sur le devenir de la pollution plastique restent encore parcellaires. Les recherches focalisées sur les océans se sont étendues progressivement aux fleuves et aux eaux douces. Récemment, la communauté scientifique s'est emparée de la pollution plastique dans les sols et dans l'air.

Cette pollution a des conséquences multiples, que ce soit sur l'économie, la biodiversité ou la santé humaine. Le programme des Nations Unies pour l'environnement estime que les dommages annuels causés aux environnements marins atteignent 8 milliards de dollars à l'échelle mondiale. Les secteurs les plus impactés sont la pêche, le tourisme et le transport maritime.

La pollution par le plastique a également un impact sur la biodiversité animale, par ingestion et étranglement. 1,4 million d'animaux et 14 000 mammifères marins seraient retrouvés morts chaque année en raison de l'ingestion de microplastiques.

Il existe également un risque chimique. En effet, les formulations des matières plastiques contiennent des additifs qui sont rejetés dans l'environnement lors de leur fragmentation. Étant donné qu'il s'agit parfois de polluants organiques persistants, ils provoquent des dégâts sanitaires, notamment sur les animaux qui les ingèrent.

Non seulement les déchets plastiques rejettent les additifs qu'ils contiennent, mais ils se chargent également des polluants présents dans les océans (hydrocarbures, PCB). En effet, ces polluants étant hydrophobes, ils s'adsorbent sur les matériaux plastiques. Par ailleurs, ces petits fragments de plastique servent de support physique à des espèces invasives ou pathogènes.

Compte tenu de la production croissante de plastiques et du faisceau d'indices qui en montre les dangers, il y a urgence à faire jouer le principe de précaution et à prendre des mesures adaptées pour lutter contre les fuites de plastique dans l'environnement.

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. – Les microplastiques comprennent deux catégories : primaire et secondaire. Le champ d'application de chaque catégorie fait déjà l'objet d'un débat au sein de la communauté scientifique.

Les microplastiques primaires correspondent notamment aux granulés (billes de 5 millimètres environ de polymère brut) utilisés par les industriels. La prise de conscience et la gestion de ces granulés sont différentes de celles des microplastiques introduits intentionnellement dans certains produits. Il s'agit notamment des produits cosmétiques et d'entretien, auxquels la présence de microbilles confère un caractère abrasif.

Quant aux microplastiques secondaires, ils sont issus de l'usure et de la fragmentation des objets utilisés, dont les pneumatiques et les fibres synthétiques.

La communauté internationale a commencé à prendre conscience des dangers que représente la pollution plastique pour l'environnement et la santé humaine. Cette prise de conscience a débuté par l'interdiction du rejet de déchets plastiques en mer. La convention internationale sur l'exportation des déchets semble insuffisamment respectée. La Commission européenne cherche à mettre en place une meilleure régulation de ce domaine. L'Europe a par ailleurs élaboré la directive sur la hiérarchisation des déchets, qui préconise d'éviter le déchet, de le réparer, de le recycler et de le revaloriser sur le plan énergétique.

En France, plusieurs lois faisant référence au sujet ont été votées : les lois Grenelle I et II, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (loi TECV), la loi pour l'équilibre des relations commerciales entre le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (loi EGALIM), la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (loi PACTE), la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, etc. Les collectivités se sont également emparées du sujet. La société civile est aussi mobilisée, sous l'impulsion des associations, à travers leur plaidoyer pour un meilleur respect de l'environnement et une modification de nos modes de consommation.

Les industriels, qui sont également concernés, semblent toutefois plus attachés à la réduction du poids de leurs emballages qu'à de réels changements forts. Il convient également de se méfier du « green washing », qui consiste par exemple à utiliser les déchets présents sur les plages pour en faire un composant de véhicule.

La recherche dans le domaine de la pollution plastique en est encore à ses prémisses puisqu'elle s'est réellement développée depuis 10 ans seulement. La place des États-Unis et de la Chine est dominante en termes de nombre de publications. Il reste des axes de progrès indispensables, notamment sur l'impact de la pollution plastique sur les micro-organismes et sur l'harmonisation des tailles caractérisant les microplastiques et les nanoplastiques.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – L'analyse des politiques publiques montre qu'elles se sont longtemps focalisées sur l'amélioration du recyclage, dans le cadre de l'économie circulaire.

Le recyclage permet de valoriser les déchets et de les réinjecter dans la production initiale. Or le taux de recyclage des plastiques s'avère particulièrement médiocre. En France, il s'élevait à 24,2 % en 2018 pour l'ensemble des déchets plastiques, et à 29 % en 2019.

De fortes déperditions sont observées, entre les qualités de déchets produites et collectées d'une part, et entre les quantités collectées et les quantités recyclées d'autre part. C'est la raison pour laquelle une série de mesures ont été prises dans le cadre de diverses lois. Celles‑ci visent à améliorer le taux de collecte, à assurer une plus grande recyclabilité des plastiques et à développer des débouchés.

Le recyclage se heurte toutefois à plusieurs limites, notamment d'ordre économique, liées à son absence de rentabilité. Sous l'effet de l'effondrement des prix du pétrole, les résines vierges ‑ dont le prix varie en fonction de celui des hydrocarbures ‑ sont privilégiées. Il existe également des limites techniques, liées à la dégradation des polymères lors du processus de recyclage. De plus, le procédé n'est pas infini : on ne peut recycler un plastique que quelques fois. En outre, de nombreux plastiques ne sont pas recyclables, du fait de leurs caractéristiques. C'est le cas des thermodurcissables, des multicouches et des composites par exemple. Enfin, les limites réglementaires empêchent le recyclage de certains produits plastiques mis sur le marché, parce qu'ils contiennent des additifs désormais prohibés.

Dans notre rapport, nous avons émis toute une série de recommandations auxquelles nous vous renvoyons. Pour la présentation orale de notre étude ce matin, nous avons décidé de nous focaliser sur certaines d'entre elles.

En ce qui me concerne, j'ai choisi de vous présenter les recommandations suivantes : sensibiliser, éduquer et impliquer les citoyens ; intégrer dans les parcours scolaires au moins une opération de ramassage des déchets plastiques ; accélérer l'interdiction des microbilles de plastique intentionnellement ajoutées, en les reconnaissant comme des polluants organiques persistants ; promouvoir l'utilisation des masques en tissu pour les citoyens ; favoriser le réemploi, notamment en augmentant la part des contributions perçues par les éco-organismes qu'ils doivent consacrer au réemploi (2 % actuellement) ; rendre le recyclage plus efficient ; imposer un étiquetage du produit final indiquant le taux d'incorporation de matières plastiques recyclées, même s'il est nul ; soutenir l'acquisition des connaissances et de la recherche et renforcer le rôle de la science participative ; promouvoir de nouvelles actions à l'échelon européen et international, en vue d'élaborer un traité mondial visant à réduire la pollution plastique.

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. – En ce qui me concerne, je souhaite me concentrer sur trois préconisations parmi l'ensemble des préconisations émises.

D'abord, il me paraît indispensable de définir une liste hiérarchisée des plastiques à réduire, en tenant compte de la qualité des plastiques, de leur durée de vie, de leur substituabilité, de leur évitabilité, etc. Ensuite, il faut faire appliquer la réglementation internationale sur les exportations de déchets plastiques vers les pays tiers en renforçant leur suivi et leur traçabilité. Enfin, il convient de s'assurer de la bonne application des textes votés au Sénat et à l'Assemblée nationale. Lors des débats liés à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, une ambition et une volonté ont été portées. Dans la transcription de la loi et à travers ses décrets d'application, cet esprit devra être conservé, et les délais pour adopter les textes d'application ne devront pas être exagérément longs.

En conclusion, j'insiste sur le caractère particulièrement préoccupant de la situation actuelle de la pollution plastique. Certaines zones d'ombre doivent être éclaircies. Le rapport va à l'encontre de nombreuses idées reçues. Ce document doit être diffusé, car le sujet reste perçu de manière très floue.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – Je tiens également à souligner l'importance du travail mené dans le cadre de ce rapport. Tous les éléments sont désormais connus afin de pouvoir légiférer en toute conscience sur les sujets liés aux déchets plastiques.

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. – Je salue une nouvelle fois l'ampleur du travail réalisé, qui s'étend au‑delà de la saisine initiale. Les 240 heures d'écoute, les enquêtes et les auditions ont donné la parole à des centaines de personnes. Le résultat est visible dans ce document, véritable condensé d'informations utiles. Un temps sera nécessaire pour que la sphère politique se l'approprie.

Certains chiffres forts résument les constats établis. D'autres sujets vont à contre-courant des réalités habituellement représentées. À chaque habitant est associée une tonne de déchets plastiques depuis le milieu du XXe siècle. Il faut penser ces déchets comme des éléments venant innerver l'ensemble des écosystèmes de la planète. Il ne s'agit pas d'un cycle, mais plutôt d'un flux, qui s'étend des gros déchets aux échelles nanoscopiques.

Le mot d'ordre qui domine l'ensemble du rapport est celui de la grande solidité et de l'indestructibilité microscopique du plastique. Cette réalité est paradoxale, car le plastique est en général considéré comme un matériau bon marché, qui se déchire, se casse et se jette. Toutefois, c'est la grande stabilité des polymères dans l'écosystème, y compris sous forme microscopique, qui pose problème.

Le rapport va également à l'encontre de l'image de « continents-plastiques ». Il ne s'agit pas de continents, mais plutôt de concentrations, de « soupes ». De plus, ceux‑ci ne représentent qu'une partie du problème. En effet, ces zones ne correspondent qu'à quelques pourcents des déchets produits. Les gisements de plastiques non répertoriés dans l'environnement sont amenés à ressurgir d'une manière ou une autre, à un moment donné.

Certaines anecdotes revêtent une force particulière, telles que les filets abandonnés, qui se comptent en milliers de tonnes, les microbilles, les canards en plastique, etc. Le rapport pointe également l'ampleur des travaux de recherche actuels pour comprendre la nature des flux de plastique et leur transformation.

La France et l'Europe pourraient être bien mieux placées dans ce domaine. La recherche à réaliser doit être multidisciplinaire, ce qui est bien différent des « grandes recherches théoriques nobles » auxquelles la France est habituée.

Les atteintes du plastique à l'environnement doivent être considérées de manière aussi sérieuse que les autres grands sujets liés à l'environnement, tels que la crise climatique. À maintes reprises, l'Office a évoqué la question des déchets nucléaires et leur devenir à long terme. La question des déchets plastiques n'est pas à prendre davantage à la légère. En effet, leur production ne cesse d'augmenter et continue à s'aggraver malgré les prises de conscience récentes.

Avant de diffuser ce rapport, des actions spécifiques de communication devront être menées. Les recommandations du rapport incluent tous les domaines : l'économie, l'éducation, la recherche et l'entente mondiale. Cinq pays représentent plus de la moitié de la production des déchets plastiques. À cet égard, la question de la prise de conscience de ces pays est posée.

Par ailleurs, le rapport invite à porter un regard sur les lois, la hiérarchisation des problèmes et les limites du recyclage. Récemment, une loi a été votée sur l'interdiction de la production d'emballages plastiques à usage unique à l'horizon 2040. Les militants écologistes ont globalement estimé que la date de 2040 était trop tardive, eu égard à l'urgence du problème. Le gouvernement a objecté que la France était la première à fixer un tel horizon. Un éclaircissement des deux rapporteurs serait souhaitable en la matière.

La notion d'éléments plastiques invisibles représente un autre sujet important du rapport. Dans le cas des pneumatiques, un débat a lieu entre la recherche industrielle et les laboratoires de recherche, afin de déterminer quel est le devenir des particules de pneumatiques. À cet égard, le sujet du plastique mérite de s'inviter dans l'ensemble des secteurs.

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Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office

. – Je remercie les membres de l'Office pour leur travail, leur présence et leur assiduité. Je salue la qualité du travail réalisé par Angèle Préville et Philippe Bolo. Ce type d'étude replace le Parlement dans l'actualité politique et sociale du pays, à partir d'approches qui peuvent être partagées par tous. Le « mystère des plastiques disparus » ne laisse pas d'interroger, avec 350 millions de tonnes produites annuellement et 120 millions de déchets. Le stockage des objets pourrait‑il l'expliquer en partie ?

Par ailleurs, l'apport des polymères à la production énergétique, de chaleur en particulier, pose question. Souvent, dans les affaires d'environnement, il est question de sauver la planète. Or une disproportion apparaît entre les actions qui peuvent être menées et l'immensité du problème.

En ce qui concerne les matières plastiques, vous semblez montrer que l'on peut améliorer significativement l'environnement immédiat. Ainsi, le développement de stratégies nationales ou continentales, voire maritimes, pourrait avoir du sens. Il faudrait également mettre en place des politiques qui présentent un caractère exemplaire ainsi qu'un effet d'entraînement, tout en apportant des satisfactions immédiates.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – En ce qui concerne la question des plastiques manquants, je souhaite préciser que les calculs ont été effectués à partir de la quantité produite d'emballages et de plastiques à usage unique, et non à partir du plastique utilisé.

La quantité de plastiques qui se transforme en déchet et qui n'est pas retrouvée pose problème. On pense que ces plastiques se sédimentent au fond des océans. Il se peut que dans le monde, certaines accumulations n'aient pas encore été prises en compte. Dans certaines îles de l'Océan indien, où personne n'habite, les quantités de déchets retrouvées s'avèrent très importantes.

Dans le domaine de la production énergétique, nous avons visité le centre de traitement des déchets de l'agglomération de Nantes. Nous avons appris à cette occasion que les entreprises devaient payer pour qu'on leur reprenne les combustibles solides de récupération (CSR). L'argument utilisé pour justifier cette pratique est le coût important des chaudières utilisées. Un nouveau marché s'est créé dans ce domaine.

S'agissant des microplastiques produits par les pneumatiques, nous avons rencontré des chercheurs américains au Mans, il y a un an, qui nous ont montré des images de points noirs dans le corps de crevettes, correspondant à des microplastiques provenant de l'abrasion des pneus. Ceci démontre que leur présence dans l'environnement est amenée à s'accumuler, à de multiples endroits.

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. – Comme je l'ai indiqué précédemment, l'industriel Michelin affirme que les microparticules provenant de l'abrasion résultent d'un amalgame avec la route ; la proportion du plastique provenant des pneus ne serait pas aussi importante que cela. Deux visions se confrontent sur le sujet : la vision des industriels du pneumatique et celle des chercheurs. Le sujet de l'abrasion des pneus reste donc à approfondir.

Les scientifiques constatent que quels que soient les organismes vivants utilisés pour réaliser les expériences, l'ingestion du microplastique est très rapide et ce dernier reste peu de temps dans l'organisme. Néanmoins, si cette ingestion est permanente, la présence du plastique dans l'organisme devient continue. La question de la pollution chronique ou aigue revêt donc une importance particulière.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – J'ajoute que dès lors que l'on cherche du microplastique à un endroit donné (air, sol, etc.), on en trouve. Par exemple, des carottages de glace sur l'Everest ont mis en avant la présence de fibres textiles. Au Pic du Midi, on trouve des microplastiques dans les prélèvements de l'air. Il en est de même pour les molécules et les additifs : dès que les chercheurs cherchent une molécule donnée, ils la trouvent.

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. – Je souhaite revenir quelques instants sur la question du plastique manquant : le plastique pris en compte en entrée du bilan est bien celui qui arrive dans les océans, et non la quantité totale de plastique produit.

S'agissant de la part de plastique durable dans l'écosystème, 81 % des plastiques auraient une durée de vie de moins d'un an. Les plastiques plus durables ne représentent donc que 19 %.

Par ailleurs, il convient d'examiner le sujet de l'énergie sous l'angle suivant : si des polymères sont synthétisés à partir de carbone fossile (hydrocarbures), ils possèdent par définition un contenu énergétique. Ils se retrouvent ainsi dans un flacon, un véhicule, etc., objets qui rendent des services, dont certains diminuent la quantité de carbone émise par rapport à d'autres matières premières qui pourraient être utilisées. Par exemple, l'allègement du poids des véhicules, permis par l'augmentation de la part du plastique dans leur fabrication, évite des émissions de CO2. Ce paramètre doit donc également être pris en compte.

S'agissant de la conscience des pays concernés et de l'échelle des politiques à mener, la Chine a pris la décision de ne plus recevoir les déchets de l'Europe et des États-Unis, afin de ne plus jouer le rôle de « poubelle du monde ». Toutefois, dans ce pays, des secteurs informels de recyclage se sont mis en place. Il convient de lutter contre ces pratiques, qui peuvent amener des familles à vivre sur des montagnes de déchets plastiques au quotidien.

L'apport des sciences humaines et sociales revêt une importance fondamentale dans ce domaine. Au cours de notre mission, nous avons notamment rencontré un chercheur qui a étudié un modèle mathématique selon lequel l'accroissement du produit intérieur brut (PIB) allait donner lieu à une augmentation des déchets. À un certain niveau de PIB, une prise de conscience va apparaître, et la richesse sera telle qu'il sera possible de mettre en place des infrastructures de gestion des déchets. À ce modèle théorique, le chercheur a ajouté d'autres paramètres, tels que l'éducation et la lutte contre les lobbies. Il a constaté que ceux-ci amélioraient l'efficacité de la lutte contre la pollution plastique.

Souvent, la faute est rejetée sur les consommateurs et les individus. Néanmoins, ces derniers ont été conditionnés par les industriels à adopter certains comportements.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – Divers types de stratégies peuvent et doivent être mises en place. Les stratégies locales permettent d'éveiller les consciences et de faire en sorte que les comportements évoluent. La mer Méditerranée, qui ne représente que 1 % de la superficie des mers et des océans du globe, contient 7 % des déchets. À certains endroits de la Méditerranée, la concentration de déchets est largement supérieure à celle constatée dans les gyres. La France est donc touchée de très près par la pollution plastique. Peut‑être faudrait‑il mener une stratégie commune avec tous les pays qui bordent la Méditerranée afin d'améliorer l'état écologique de cette mer.

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. – Je vous propose de passer maintenant aux questions des autres membres de l'Office.

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Michelle Meunier, sénatrice

. – Quelles sont les incidences de la pollution plastique sur la santé humaine, et sur celle du vivant en général (perturbateurs endocriniens, etc.) ? Estimez-vous qu'il manque encore de la documentation sur le sujet, et pensez-vous qu'il s'agit d'un sujet à part entière sur lequel vous pourriez vous pencher dans une prochaine étude ?

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. – Je tiens à saluer la qualité du rapport et remercie les deux rapporteurs. Ma première question porte sur les technologies utilisées pour dépolluer les mers, parallèlement aux enjeux de protection de la biodiversité. En effet, en prélevant des plastiques, on prélève aussi des organismes qui vivent dans la mer. Est‑ce que vous vous êtes intéressés à ce sujet au cours de vos auditions et disposez-vous d'informations sur les technologies qui permettent de dépolluer les mers ?

Ma deuxième question concerne l'impact de la gestion de la crise de la Covid‑19 sur l'environnement. La lutte contre le virus a entrainé l'utilisation de milliards de masques à usage unique dont une partie est dispersée dans l'environnement. Même si des travaux sont en cours en vue de les recycler, ce n'est pas encore le cas. Le confinement a également amplifié l'utilisation de plastiques (plats à emporter, produits d'hygiènes, etc.). Avez-vous anticipé cette évolution dans votre étude ?

Enfin, le plan de relance inclut des financements, dont 30 milliards d'euros dans le domaine de la transition écologique. Une partie est allouée à la gestion de l'économie circulaire. Pensez-vous que ces moyens sont suffisants ou des crédits supplémentaires devraient être alloués ?

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Olivier Henno, sénateur

. – Je tiens également à féliciter les rapporteurs et le terme « bombe à retardement » utilisé pour le titre du rapport est très significatif. Il distingue la question de l'arrêt de l'aggravation de la pollution et celle de la réparation. S'il existait une volonté politique de stopper la dégradation de l'environnement ou de la réparer en mer Méditerranée ou en mer du Nord, il faudrait que celle‑ci soit associée à des moyens scientifiques. Si cette capacité n'est pas disponible à l'heure actuelle, un horizon temporel doit être défini.

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Ludovic Haye, sénateur

. – Je remercie les rapporteurs pour leur excellent travail. Dans le sud de l'Alsace, où se trouve ma circonscription, il y a de nombreuses entreprises dans le domaine de la plasturgie. Or celles‑ci sont les premières concernées par le recyclage du plastique, et sont très informées du devenir du plastique qu'elles produisent. Elles fournissent de nombreux constructeurs automobiles et participent d'une certaine manière à l'allègement du poids des véhicules, et donc à la diminution de la consommation de carburants.

Par ailleurs, il est actuellement beaucoup question de circuits courts dans la production alimentaire. Il est étonnant qu'il n'en soit pas de même dans le cadre de la gestion des déchets. Certaines entreprises ne parviennent plus à valoriser leurs déchets plastiques, voire doivent payer pour s'en débarrasser. Les entreprises spécialisées dans le recyclage doivent elles aussi payer leurs matières premières.

L'entreprise Greenrail construit des traverses de chemin de fer avec des pneus et du plastique. Cette construction présente de multiples avantages : elle limite le bruit, les vibrations, etc. Celle‑ci est très consommatrice en plastique (35 tonnes par kilomètre de traverse de voie ferrée), et donc demandeuse de cette matière.

Or elle fait face à des entreprises qui doivent payer pour se débarrasser de leurs déchets, ainsi qu'à des syndicats à vocations multiples qui gèrent la quasi-intégralité des déchèteries de France et dont les revenus sont en péril. Une simplification devrait être envisagée, afin d'éviter que les producteurs de plastique et les demandeurs aient à payer, les uns pour se débarrasser du plastique, les autres pour en faire l'acquisition.

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. – Je salue le travail remarquable effectué par Angèle Préville et Philippe Bolo. En tant que président du Conseil national de l'air, je suis également confronté à la nécessité de « rendre visible l'invisible ». Or la prise de conscience liée à ce type de sujet n'est pas évidente, comme l'illustre la question des pneus de voiture, dont une grande partie se retrouve sous forme de particules dans l'air. Pour cette raison, un véhicule électrique n'est pas propre : s'il n'émet pas d'oxyde d'azote et de CO2 à la sortie de pot d'échappement, il présente tous les autres défauts liés à la transformation des matières premières.

Dans le passé, j'ai eu l'occasion de travailler sur les matières plastiques en tant que chercheur en chimie, notamment sur les migrations de plastifiants des emballages vers les produits emballés. Mes travaux consistaient à dénoncer les phtalates, qui s'avéraient particulièrement dangereux et nécessitaient de mettre en place des mesures de correction. En 2005, j'ai reçu une lettre d'un industriel me signifiant que mes travaux pouvaient potentiellement conduire à la suppression de 93 000 emplois en France et dans les pays voisins.

Sur ces sujets, un chemin important a été parcouru. Il semble que toutes les entreprises ont pris conscience des problématiques liées aux évolutions climatiques (réduction des émissions de CO2, etc.). Je me demande donc si un cheminement similaire pourrait être envisagé dans le domaine des plastiques (neutralité plastique, sobriété, etc.), notamment dans le cadre du développement du e-commerce. Par ailleurs, quel est selon vous l'avenir des bioplastiques ?

Je souhaite également attirer l'attention de l'Office sur le recyclage chimique des plastiques. Certes, il n'est pas encore opérationnel, mais il laisse entrevoir des lueurs d'espoir.

Je vous conseille en tout cas de transmettre vos préconisations à Brune Poirson, l'ancienne secrétaire d'État qui a porté la loi sur l'économie circulaire.

Enfin, je souhaiterais revenir sur l'idée selon laquelle lorsqu'on cherche des matières, on les trouve. À mon avis, il ne faut pas oublier la problématique technologique et métrologique. La détection des molécules progresse ; certains éléments qui ne pouvaient pas être mesurés il y a 10 ans peuvent l'être désormais, notamment les particules ultrafines (inférieures à 0,1 micromètre).

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. – Je remercie notre collègue pour son témoignage édifiant sur son contact avec un industriel ayant une conception particulière de l'éthique. Ce propos a éveillé l'intérêt d'un grand nombre de parlementaires participant à cette réunion.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice-présidente de l'Office

. – Je tiens également à souligner la qualité et l'exhaustivité de ce rapport. Son sujet ne s'apparente pas à une « bombe à retardement », car il est déjà d'actualité.

S'agissant de l'observation, de la quantification et de la qualification des déchets, il me paraît important d'harmoniser les pratiques au niveau international, quels que soient les déchets concernés, afin de pouvoir évaluer les filières, l'écoulement et la diffusion des déchets à l'échelle de la planète.

À ce titre, la question des plastiques me semble assez symbolique. On pourrait mettre en place une méthodologie liée aux déchets plastiques, qui serait susceptible de s'appliquer à d'autres types de déchets. En effet, de nouvelles pollutions apparaissent, sans qu'aucune méthode de suivi ne soit mise en place.

S'agissant du plastique, les questions de massification et de diversité doivent être prises en compte. Au niveau macro, il est difficile d'évaluer la pollution, et au niveau micro, de nombreux sujets restent à traiter. Il pourrait être opportun de profiter de ce rapport pour lancer une proposition d'observation internationale en matière de création des déchets, dès lors qu'un nouveau produit ou une nouvelle technologie est mis en place.

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Annick Jacquemet, sénatrice

. – Je me joins aux félicitations qui ont déjà été exprimées concernant la qualité du rapport. Est‑ce qu'une estimation des plastiques produits au sein des diverses filières et susceptibles d'être supprimés a été réalisée, et le cas échant par quoi ces derniers devraient-ils être remplacés ?

Par ailleurs, quelles sont les modalités d'accompagnement des entreprises spécialisées dans la production de plastique dans le cadre d'une reconversion ? Enfin, peut‑on imaginer qu'une partie du plastique manquant ait pu être dégradée par les micro-organismes, certains polymères étant biodégradables et biosourcés ?

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Pierre Ouzoulias, sénateur

. – Je tiens à saluer le caractère exceptionnel du rapport présenté. Étant archéologue de formation, j'ai lu ce rapport comme un rapport d'archéologie, en envisageant la relation entre le matériau (sa production, sa consommation) et sa dispersion sur la planète, ce matériau devenant le marqueur archéologique d'une certaine époque.

Dans les glaces du Groenland, l'activité économique de l'empire romain est très marquée par les dépôts de plomb. On identifie deux périodes au cours desquelles une baisse importante du plomb a été observée : la période de la peste antonine (à la fin du IIe siècle) et celle de la peste du IVe siècle. Il conviendra de vérifier, dans les futurs sondages, si l'année 2020 correspond à un moment de baisse de pollution plastique.

Selon une vision géologique, la pollution aux plastiques va s'arrêter avec la production de pétrole, qui peut être envisagée vers 2050, voire plus tôt. Le plastique tiendra lieu de marqueur archéologique d'une période débutant en 1950 et finissant en 2050. Cette réalité pourrait s'apparenter à un encouragement à ne pas agir. Il est toutefois possible de raisonner d'une autre manière, en considérant que le modèle économique et productif actuel va s'interrompre, car la ressource est amenée à disparaître.

Il est du devoir moral des politiques d'alerter la population sur la fin d'un modèle, pour commencer à réfléchir à l'après-plastique, en tentant de concevoir des modes de production et de consommation permettant de se passer de ce matériau à court et à moyen terme.

Selon moi, l'approche proposée par le rapport constitue un encouragement à sortir de ce système et à suggérer un nouveau modèle. À cet égard, les politiques doivent faire preuve d'inventivité.

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Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office

. – Je souhaite revenir sur le sujet du plastique biosourcé et vous demander quels sont les obstacles à son développement : le prix de la matière première, la compétition entre les usages alimentaires et industriels du sol ou encore des questions techniques ?

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – La faible place du plastique biosourcé se justifie par le fait qu'il ne présente aucun avantage. En effet, les plastiques fossiles sont bien moins onéreux, et il n'est pas interdit de les utiliser en grandes quantités. Le biosourcé ne peut donc résulter que d'initiatives volontaristes de la part d'entreprises. Ceci étant, sa production est en plein essor.

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. – Je rappelle que la fabrication de polymères nécessite du carbone : que celui‑ci soit fossile ou biosourcé, il s'agit du même polymère, qui présente les mêmes propriétés. Les questions à se poser sont celles de la compétitivité-prix du plastique biosourcé par rapport au plastique issu des hydrocarbures, de la concurrence entre production de plastiques biosourcés et production alimentaire ou encore de la provenance du carbone issu de la biomasse.

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Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office

. – Nous ne devons pas oublier que la France s'est développée grâce au défrichement réalisé par les moines. La forêt malaisienne et la forêt brésilienne doivent également pouvoir être cultivées. Or à ce stade, aucune solution alternative n'est proposée à ces pays pour ne pas le faire.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – En ce qui concerne nos connaissances sur l'impact des microplastiques sur la santé, il reste beaucoup à découvrir, notamment en ce qui concerne la présence des microfibres et des microplastiques dans l'air. Un professeur de pneumologie que nous avons auditionné a indiqué que quasiment aucune recherche n'avait été réalisée jusqu'à présent, mais qu'il était possible d'envisager un problème de santé lié à l'inhalation de petites particules solides. Ce champ de recherche devra être approfondi. S'agissant des autres aspects liés à la santé, un rapport d'information a été publié à l'Assemblée nationale sur les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique.

Concernant les masques en polypropylène, le nombre de masques qui se retrouveront dans l'environnement en 2020 est estimé à 1,5 milliard. Se pose également la question de la gestion de la fin de vie des vitres en plexiglas utilisées un peu partout. Ces mesures ont été prises dans l'urgence, sans possibilité d'anticipation ni garde-fous (type de résine employée, recyclage à mettre en place, etc.). Peut‑être faudra‑t‑il étudier cette question après la pandémie.

Les mesures pour lutter contre la pollution plastique ne relèvent pas toutes du même horizon temporel. Il convient d'abord de stopper le flux de plastiques. Or ce n'est pas cette ligne qui est suivie, puisque la production de plastiques croît de manière exponentielle. L'interdiction des plastiques à usage unique s'effectue sur un temps beaucoup trop long. Les industriels ont trouvé de nouvelles façons d'intégrer du plastique un peu partout, de manière insidieuse et sur de petits objets.

La gestion de ces flux pose un énorme problème. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire a suscité des amendements liés aux interdictions de fibres polaires, car d'importants problèmes sont à prévoir dans ce domaine. Le défi que représente la pollution plastique impose une révision des modes de consommation et un changement des usages. Les résines doivent faire l'objet d'une rationalisation et leur nombre doit être limité. En effet, celles‑ci présentent de nombreuses formulations ; lorsque vient le moment de les recycler, les acteurs économiques en charge de leur recyclage ignorent leur composition.

Par ailleurs, je souscris à la nécessité d'instaurer le principe de neutralité plastique. Actuellement, l'usage du polystyrène expansé se développe de plus en plus, ce qui pose un réel problème. Or il existe des solutions de renfort en carton pour le remplacer. Une des recommandations du rapport consiste d'ailleurs à interdire le polystyrène expansé pour les livraisons de colis, y compris les colis fragiles, car d'autres solutions existent.

En réponse à la question de notre collègue Sonia de La Provôté, je souhaite rappeler que certains scientifiques s'efforcent déjà de développer des cartographies du globe précisant les zones d'accumulation de la pollution plastique. Le rapport préconise d'intensifier et de coordonner ces initiatives.

S'agissant de la biodégradabilité, les plastiques qui sont diffusés sur le marché depuis les années 1950 ne sont pas biodégradables et ne font que se fragmenter. La production plastique étant en pleine expansion, les entreprises n'ont pas été affectées par la question des reconversions. Il faudrait s'intéresser à ce sujet dans une logique globale.

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. – Je souhaite revenir sur la question de la dépollution des mers. Selon les informations que nous avons obtenues auprès de chercheurs, les bateaux chargés d'assurer cette dépollution ne capteraient in fine qu'1 % de la pollution plastique. Ce n'est donc pas à travers ces initiatives que l'humanité sera en mesure de dépolluer la mer. De plus, les montants qui sont alloués à ces projets sont énormes et seraient mieux employés en étant affectés à la recherche.

Par ailleurs, il est effectivement important de s'interroger sur la réduction des plastiques selon leur typologie. La problématique des granulés plastiques est totalement différente de celle des microplastiques intentionnellement ajoutés, qui pouraient être totalement interdits.

Quant aux microplastiques secondaires issus de macrodéchets, leur gestion relève d'une station de traitement de tri de déchets. En outre, le stock de déchets plastiques déjà présents dans l'environnement influence également le degré de pollution observé ici ou là. Une chose est sûre : la réduction à la source est indispensable pour lutter efficacement contre la pollution plastique.

En ce qui concerne la position à adopter face aux entreprises de plasturgie, la hiérarchisation des plastiques en fonction de leur utilité permettrait aux politiques de distinguer entre les industries qui produisent des plastiques indispensables et qui n'ont aucune raison de ne pas poursuivre leurs activités et celles qui produisent des plastiques inutiles.

S'agissant du circuit court de la gestion des déchets, les collectivités territoriales ont quelque peu perdu la main. Quant aux éco-organismes, ils devraient adopter un mode de gouvernance qui accorde une place plus importante aux collectivités territoriales.

Je souhaiterais également revenir sur la question de la neutralité plastique : une première réponse peut être apportée si l'on respecte la hiérarchisation suivante : réduction, réemploi, réparation, recyclage et valorisation – plutôt que de placer le recyclage en premier.

En réponse à la question liée à la biodégradabilité des plastiques, j'insiste sur le fait que les conditions d'oxygène, d'ultraviolets et de micro-organismes ne sont pas réunies au fond des océans pour permettre une dégradation des plastiques dans les meilleures conditions.

Je reconnais néanmoins que l'accompagnement des entreprises dont les produits sont condamnés à disparaître est inexistant à l'heure actuelle. C'est la raison pour laquelle nous avons émis une préconisation sur le sujet.

S'agissant de l'estimation de la quantité de plastique qui pourrait être évitée, la hiérarchisation des plastiques permettrait de l'identifier. Le rapport propose une infographie qui présente les résines et les quantités correspondantes.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. – La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire prévoit au 1er janvier 2021 l'interdiction de la distribution gratuite de bouteilles en plastique contenant des boissons dans les établissements recevant du public et dans les locaux à usage professionnel.

Le 1er janvier 2022, il sera interdit de conditionner des fruits et légumes frais non transformés et exposés dans les commerces de détail dans des emballages en plastique. La mise sur le marché de sachets de thé et de tisane en plastique non biodégradables et l'apposition d'étiquettes en plastique sur les fruits et légumes sera également interdite. Enfin, il ne sera plus permis d'expédier des publications de presse dans des emballages plastiques ni de mettre à disposition gratuitement des jouets en plastique dans le cadre des menus destinés aux enfants.

Le 1er janvier 2025, il sera interdit d'utiliser des contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique dans les services de restauration collective des établissements scolaires et universitaires, les établissements d'accueil des enfants de moins de six ans, ainsi que les services pédiatriques, d'obstétrique et de maternité.

Enfin, l'article 7 de la loi précitée fait état de la fin de la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique d'ici à 2040. Une accélération pourrait être préconisée, s'agissant de ce dernier point.

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. – Je retiens la nécessité d'avancer plus rapidement sur le sujet de la pollution plastique. Je remercie les collègues parlementaires et les rapporteurs pour ce travail et propose que le rapport soit adopté.

L'Office autorise à l'unanimité la publication du rapport sur la pollution plastique.

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. – Je précise qu'une conférence de presse se tiendra lundi sur le sujet de la pollution plastique.

Examen d'une note scientifique « Exposome » (Cédric Villani, député, rapporteur)

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. – Chers collègues, le thème de la note scientifique que je vous présente - l'exposome - est un sujet de recherche contemporain qui ne relève pas tant de la question scientifique que de la méthodologie et de la manière d'aborder les problèmes liés à l'environnement et à la santé.

Les personnes consultées dans le cadre de l'élaboration de ce travail sont notamment : Robert Barouki, membre du Conseil scientifique de l'Office, professeur de biochimie et toxicologue, distingué par le prix OPECST-INSERM, et Rémy Slama, épidémiologiste environnemental et codirecteur de l'Institut multithématique santé publique de l'Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan). L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), une délégation du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère de la recherche et le Health Data Hub (plateforme de données de santé) ont également été consultés.

Ce sujet s'inscrit dans l'actualité. Des travaux parlementaires sont en cours sur les questions de santé environnementale. De plus, le quatrième Plan national santé environnement est paru en octobre 2020. L'un de ses axes consiste à mieux connaître les expositions et les effets de l'environnement sur la santé des populations.

Pour expliquer l'exposome, on peut citer l'exemple des risques de cancer du poumon détaillé dans la note 11 du document. L'exposition au radon et le fait de fumer constituent des facteurs de risque. Néanmoins, ces deux risques ne s'additionnent pas. Pour un fumeur, l'exposition au radon est multipliée par 25. Il existe donc, non un effet additif, mais multiplicatif, des risques. Par conséquent, on ne peut pas considérer ces risques de manière distincte dans le cadre de la réglementation.

De plus, il n'est pas possible de développer une vision objective des risques qui pèsent sur la santé, à la suite de facteurs d'exposition environnementale, en considérant les facteurs séparément : il faut tenir compte de l'ensemble des expositions. Cette idée a conduit Christopher Wild, ancien directeur du Centre international de recherche sur le cancer, à proposer le concept d'exposome en 2005.

L'exposome se définit en complément du génome, en lien avec les facteurs d'exposition environnementale. On peut considérer le génome comme l'ensemble de toutes les causes innées qui sont examinées pour rechercher les facteurs de risques de développer une maladie. L'exposome est l'ensemble des risques d'exposition liés à l'environnement, qu'il s'agisse de la nourriture, l'air, l'eau, l'alimentation, l'environnement sonore, l'environnement psycho-affectif, l'hygiène de vie, les conditions socio-économiques, etc.

Tout l'enjeu de l'exposome consiste à définir ce qui peut en être rendu effectif afin de nourrir les analyses, la recherche et les réglementations.

Il convient de prendre en compte le facteur temporel, avec la durée de l'exposition. Une très petite dose instantanée, mais cumulée sur de nombreuses années, pourrait avoir un effet plus important que l'administration d'une même dose en une fois, avec une forte exposition. De même, en fonction des fenêtres d'exposition, il peut y avoir certaines périodes de la vie où l'on est plus réceptif à une cause donnée de l'environnement.

Le quatrième Plan national santé environnement, actuellement en consultation publique, fait des propositions, notamment celle d'améliorer la connaissance de l'exposome par l'instauration d'une plateforme de santé, mêlant données de santé et données environnementales .

(Green data hub)

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La conscience de l'influence majeure de l'environnement sur la santé existe de longue date. On estime même que c'est le principal facteur qui influe sur la santé. La spécificité du concept d'exposome est de considérer l'ensemble des facteurs et d'intégrer leurs effets dans le temps.

La méthodologie requiert une approche pluridisciplinaire mêlant sciences de la vie, chimie analytique, statistiques, sciences humaines, technologie et données connectées. Elle doit s'accompagner de procédures d'évaluation des risques systématiques. Toutefois, il n'est pas possible d'étudier systématiquement l'ensemble des combinaisons.

Plusieurs approches sont possibles. La première est la modélisation QSAR (quantitative structure activity relationship) qui cherche à déduire les effets biologiques des molécules à partir de leur structure chimique, sans avoir besoin d'expérience sur le terrain. L'approche par AOP (a dverse outcome pathways ), vise à décomposer les effets biologiques des molécules afin de mieux identifier les chemins mécanistiques en jeu. Les études sur cohorte permettent de prendre en compte des facteurs de santé intrinsèques et des facteurs environnementaux plus larges. La mise en place de cohortes est très coûteuse, et souvent le fruit de partenariats entre instituts de recherche et agences de santé. Plusieurs projets d'envergure sont coordonnés à l'échelle européenne. Neuf nouveaux projets sont annoncés cette année dans le cadre du European Human Exposome Network.

La connaissance de l'exposome bénéficiera d'une meilleure caractérisation de l'environnement des participants aux études. La mise au point de capteurs ou de détecteurs ambulants capables de mesurer des contaminants environnementaux en constituera l'un des éléments clé.

L'avancée dans les domaines biomédicaux des « omics » (transcriptomique, protéomique, métabolomique, épigénomique) jouera également son rôle dans le perfectionnement des cohortes. La plateforme spécifique Green data hub permettra le croisement de données collectées par les autorités en matière d'environnement et par les autorités de santé, dans une approche plus ouverte et plus diverse.

Une mission de préfiguration a été lancée conjointement avec le ministère de la recherche et le ministère de la transition écologique. Des membres de cette mission ont été auditionnés ; ceux‑ci s'inspirent de l'expérience du Health data hub et travaillent à préfigurer la plateforme.

Les applications à attendre sont les suivantes : la possibilité de réaliser des prédictions en fonction des expositions ; l'amélioration de la surveillance des facteurs de risques ; la prévention des maladies (transfert des soins curatifs vers les soins de prévention).

Parmi les limites de cette méthodologie, on peut citer : son coût très important ; le fait de prendre en compte l'ensemble des facteurs ; la grande variabilité de l'exposition ; la temporalité ; l'interaction génome-environnement, qui mêle le dossier de l'évaluation des risques génomiques et l'évaluation de l'environnement.

Globalement, l'analyse génomique n'a pas donné autant de résultats que ce qui était attendu en matière de santé. La notion d'exposome pourra, au même titre, s'avérer moins fructueuse que ce que l'on peut espérer dans le cadre de la mise en place d'un plan de prévention de grande ampleur. Il n'en reste pas moins qu'il vaut la peine de développer la recherche sur ce sujet à grande échelle, en favorisant la coopération internationale pour la mutualisation des coûts et en encourageant les nouveaux modes de recherche (science ouverte et science participative).

C'est la raison pour laquelle la note recommande la mise en place d'une infrastructure dédiée à l'exploration analytique de l'exposome ainsi qu'à la surveillance et à la vérification des répercussions sur la réglementation européenne d'évaluation des risques des substances chimiques.

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Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office

- Je remercie Cédric Villani d'avoir pris en charge le travail sur cette note. 90 % des maladies étant non transmissibles, la question de leurs origines est posée. Le suivi des cohortes est lourd mais facilité par la technologie et l'intelligence artificielle.

De quelle manière peut-on distinguer les situations qui s'ajoutent les unes aux autres ? En effet, certaines personnes sont indifférentes à des agressions de l'extérieur, alors que d'autres intériorisent ces souffrances qui les minent et les détruisent. Cette approche par l'exposome permet de mettre en lumière la complexité des façons de réagir des individus.

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. – L'exposome est une méthodologie visant à mettre à jour des effets « cocktail » auxquels on n'avait pas pensé. En matière de santé, certains effets de synergie inattendus entre des substances et des conditions ont été découverts grâce à l'avènement des données massives et à l'intelligence artificielle.

L'exemple du tabac et du radon est mis en avant dans la note. Il s'agit d'un exemple plutôt simple, car l'un et l'autre sont connus comme étant des facteurs de risques de cancer du poumon. Néanmoins, les atteintes sur l'individu peuvent être très diverses, et, cumulées, peuvent présenter un impact plus important que ce que l'on attendrait.

En France, très grande consommatrice de médicaments, il est à craindre que ces effets « cocktail » soient très répandus.

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Catherine Procaccia, sénatrice, vice-présidente de l'Office

‑ Est-ce que le climat, qui a une incidence directe sur l'environnement, entre dans la grande diversité des faits pris en compte dans le cadre de l'exposome ?

Effectivement, de grandes attentes étaient nourries à l'égard de la médecine génomique. C'est toutefois au bout de 20 ans que les premiers effets sur des maladies spécifiques se font ressentir. Il pourrait en être de même pour l'exposome.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice-présidente de l'Office

– J'observe que ce sujet met en oeuvre les politiques de santé publique, notamment de dépistage des pathologies. Or, en-dehors des cohortes suivies sur le plan médical, on ne peut mettre en évidence en population générale une relation entre une pathologie et de multiples facteurs de risques que si l'on peut effectuer un suivi exhaustif des pathologies.

Ce constat pose la question des registres des cancers et d'autres pathologies, qui sont essentiels pour que l'exposome ait un véritable impact en matière de santé publique.

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. – Le climat fait partie de l'exposome, à la fois directement (impact de la température) et indirectement (pollution). Les spécialistes du climat prédisent que d'ici à 2050, les zones qui seront inhabitables du fait de l'évolution du climat correspondent à des lieux où vivent environ 1 milliard d'habitants aujourd'hui.

Par ailleurs, il est sans doute trop tôt pour dresser un bilan des apports du génome à la médecine : révolution ou impact mineur sur l'ensemble des soins de santé. La compréhension du génome et de ses fonctionnalités n'en est qu'à ses débuts. Cette question devra être posée pour l'exposome également.

La tenue de registres de bonne qualité représente effectivement un point clé. Dans le cadre du suivi des cohortes, des enquêtes systématiques sont menées et des prélèvements et des conservations sont effectués. La tenue de cette documentation constitue un enjeu majeur et occasionne un coût important.

L'Office autorise, à l'unanimité, la publication de la note scientifique « L'exposome, un défi scientifique ».

La réunion est close à 11 h 30.