Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 10 décembre 2020 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, président de l'Office :

. – Je salue une nouvelle fois l'ampleur du travail réalisé, qui s'étend au‑delà de la saisine initiale. Les 240 heures d'écoute, les enquêtes et les auditions ont donné la parole à des centaines de personnes. Le résultat est visible dans ce document, véritable condensé d'informations utiles. Un temps sera nécessaire pour que la sphère politique se l'approprie.

Certains chiffres forts résument les constats établis. D'autres sujets vont à contre-courant des réalités habituellement représentées. À chaque habitant est associée une tonne de déchets plastiques depuis le milieu du XXe siècle. Il faut penser ces déchets comme des éléments venant innerver l'ensemble des écosystèmes de la planète. Il ne s'agit pas d'un cycle, mais plutôt d'un flux, qui s'étend des gros déchets aux échelles nanoscopiques.

Le mot d'ordre qui domine l'ensemble du rapport est celui de la grande solidité et de l'indestructibilité microscopique du plastique. Cette réalité est paradoxale, car le plastique est en général considéré comme un matériau bon marché, qui se déchire, se casse et se jette. Toutefois, c'est la grande stabilité des polymères dans l'écosystème, y compris sous forme microscopique, qui pose problème.

Le rapport va également à l'encontre de l'image de « continents-plastiques ». Il ne s'agit pas de continents, mais plutôt de concentrations, de « soupes ». De plus, ceux‑ci ne représentent qu'une partie du problème. En effet, ces zones ne correspondent qu'à quelques pourcents des déchets produits. Les gisements de plastiques non répertoriés dans l'environnement sont amenés à ressurgir d'une manière ou une autre, à un moment donné.

Certaines anecdotes revêtent une force particulière, telles que les filets abandonnés, qui se comptent en milliers de tonnes, les microbilles, les canards en plastique, etc. Le rapport pointe également l'ampleur des travaux de recherche actuels pour comprendre la nature des flux de plastique et leur transformation.

La France et l'Europe pourraient être bien mieux placées dans ce domaine. La recherche à réaliser doit être multidisciplinaire, ce qui est bien différent des « grandes recherches théoriques nobles » auxquelles la France est habituée.

Les atteintes du plastique à l'environnement doivent être considérées de manière aussi sérieuse que les autres grands sujets liés à l'environnement, tels que la crise climatique. À maintes reprises, l'Office a évoqué la question des déchets nucléaires et leur devenir à long terme. La question des déchets plastiques n'est pas à prendre davantage à la légère. En effet, leur production ne cesse d'augmenter et continue à s'aggraver malgré les prises de conscience récentes.

Avant de diffuser ce rapport, des actions spécifiques de communication devront être menées. Les recommandations du rapport incluent tous les domaines : l'économie, l'éducation, la recherche et l'entente mondiale. Cinq pays représentent plus de la moitié de la production des déchets plastiques. À cet égard, la question de la prise de conscience de ces pays est posée.

Par ailleurs, le rapport invite à porter un regard sur les lois, la hiérarchisation des problèmes et les limites du recyclage. Récemment, une loi a été votée sur l'interdiction de la production d'emballages plastiques à usage unique à l'horizon 2040. Les militants écologistes ont globalement estimé que la date de 2040 était trop tardive, eu égard à l'urgence du problème. Le gouvernement a objecté que la France était la première à fixer un tel horizon. Un éclaircissement des deux rapporteurs serait souhaitable en la matière.

La notion d'éléments plastiques invisibles représente un autre sujet important du rapport. Dans le cas des pneumatiques, un débat a lieu entre la recherche industrielle et les laboratoires de recherche, afin de déterminer quel est le devenir des particules de pneumatiques. À cet égard, le sujet du plastique mérite de s'inviter dans l'ensemble des secteurs.

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