Intervention de Alain Fischer

Réunion du jeudi 10 décembre 2020 à 11h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Alain Fischer, président du conseil d'orientation de la stratégie vaccinale :

. – Sur la question de la logistique et de l'organisation de la vaccination, je précise que ma lettre de mission parlera de mise en œuvre de la politique vaccinale et non de la stratégie vaccinale. Si la distribution des vaccins et des matériels nécessaires devait connaître des ratés ou des retards, la vaccination pourrait faire l'objet de doutes accrus, c'est certain. C'est en ce sens que la logistique doit être complètement assurée. Les services réalisent un travail énorme pour faire en sorte que celle-ci se déroule correctement.

Le fait de débuter la vaccination à petite échelle, dans un nombre limité d'établissements, permettra de s'assurer, en vie réelle, du bon déroulement de celle‑ci. Si certains aspects ne s'avèrent pas adéquats, ils seront rectifiés rapidement. La progressivité représente un élément clé de la sécurité, de la possibilité de vacciner efficacement et de convaincre nos concitoyens de l'intérêt de la vaccination.

Sur la question de la démocratie sanitaire, je confirme que le conseil d'orientation intègrera des personnes émanant d'associations de patients atteints de maladies chroniques et des usagers de santé. Il y aura une interface avec les comités évoqués précédemment, notamment le comité de citoyens.

Plusieurs questions ont été posées sur les sujets de l'éthique et du consentement. Un avis du comité consultatif national d'éthique doit être rendu public dans les prochains jours. Il est hors de question de ne pas recueillir le consentement avant la vaccination : soit de la personne elle‑même lorsque cela est possible, soit par ses proches lorsque la personne ne se trouve pas en état de le donner. En l'absence de consentement, aucune vaccination ne sera pratiquée. Cela peut poser des problèmes d'organisation mais c'est un prérequis absolu, on ne pourra y déroger.

Aucun philosophe ni aucun juriste ne participera au conseil. Toutefois, certains membres du conseil disposent de la capacité de réflexion nécessaire et ont une expérience de l'éthique en santé, notamment à travers la participation à des comités de protection des personnes.

La question de l'éventuelle imprudence liée au fait de débuter la vaccination par des personnes vulnérables s'est évidemment posée. La HAS a raisonné avec l'idée d'obtenir le meilleur gain possible de la vaccination, c'est‑à‑dire en ciblant en priorité les personnes qui conjuguent tous les risques : vulnérabilité et exposition. Il serait évidemment plus sûr de commencer par vacciner les plus jeunes.

Mais avant que quiconque soit vacciné, 23 000 personnes âgées entre 18 et 90 ans ont reçu le vaccin Pfizer en guise de test, pour lesquelles on a désormais un recul supérieur à trois mois. Les données ont été largement publiées, notamment sur le site de la Food and Drug Administration (FDA). Aucun effet indésirable n'a été observé en‑dehors des réactions immédiates de post-vaccination. Les données semblent donc rassurantes pour les personnes âgées mais tout cela doit être pris encore avec prudence car cela repose sur ce que l'on sait aujourd'hui. L'étape d'évaluation par les autorités réglementaires européenne et française sera cruciale en la matière. Ces autorités sont le garde‑fou, elles se fonderont sur les essais de phase 3 et évalueront la sécurité des produits.

Ce qui est attendu du comité citoyen est une réflexion et des propositions sur la problématique de la vaccination : il ne sera pas décisionnaire en matière de communication et je ne pense pas qu'il y ait un risque qu'il « phagocyte » la communication. Les citoyens auront des interactions avec notre conseil et il est important que cette expression citoyenne ait lieu. Elle avait été très utile lors de la mise en œuvre de la vaccination obligatoire des enfants.

La rapidité du développement des vaccins est effectivement liée au fait que des moyens considérables ont été mis en œuvre, en particulier aux États-Unis. Les pouvoirs publics ont massivement investi pour aider à la mise au point des vaccins et à leur production. Ceci explique que des vaccins aient pu être développés en moins d'un an.

Les deux professionnels de santé qui ont fait une réaction allergique assez sévère présentaient des antécédents allergiques importants. Ces allergies ont néanmoins pu être contrôlées et ces deux personnes vont bien. Des leçons doivent être tirées de ces événements. À ce stade, il y a probablement une contre-indication à la vaccination chez les sujets ayant des antécédents allergiques sévères. Il est donc nécessaire qu'existe un environnemental médical adéquat pour vacciner. Ce n'est ni nouveau ni inattendu.

Sur les propos, que je n'ai pas entendus, d'Éric Caumes relatifs à la grande abondance d'effets secondaires liés au vaccin à ARN messager, je suppose qu'il fait référence au fait que dans les 24 à 48 heures suivant la vaccination, le vaccin peut entraîner des maux de tête, des malaises, des frissons, voire quelques douleurs musculaires. D'après les chiffres que j'ai pu voir, ces effets sont légèrement supérieurs à ceux de nombreux vaccins, mais pas énormément plus que les vaccins pratiqués habituellement.

Les personnes vaccinées devront être informées du fait qu'elles pourront développer, dans les 24 à 48 heures, des manifestations de ce type, sans gravité et transitoires. Celles‑ci peuvent probablement être contrôlées par la prise de paracétamol de manière préemptive. Il conviendra de ne pas confondre les événements immédiats de type « réactogénicité » sans gravité, et les événements indésirables graves.

La question de l'éventuelle rapidité de mise en œuvre du vaccin sera toujours susceptible d'être posée, quelle que soit la date fixée pour le début de la vaccination. La France la met en œuvre légèrement après la Grande-Bretagne, en même temps que ses voisins, mais si l'on essaye de se projeter fin décembre 2021, cette question ne sera plus d'actualité : ce sont le nombre de personnes protégées et la réduction du virus qui seront considérés.

Si les conditions sont réunies, il faut commencer la vaccination mais de manière prudente, en commençant pas un petit nombre d'EHPAD et en surveillant de manière attentive l'évolution de la situation afin de s'adapter et, si nécessaire, d'améliorer la procédure dans le cadre des étapes suivantes.

Sur la question de l'efficacité du vaccin chez les personnes âgées, on attend toujours une publication scientifique pour le vaccin Pfizer, qui ne devrait cependant pas tarder, alors qu'on a cette publication pour le vaccin Astra-Zeneca. Une efficacité du vaccin Pfizer a toutefois d'ores et déjà été démontrée chez les personnes âgées jusqu'à 75 ans, ce qui est plutôt encourageant. La vaccination pourrait s'avérer moins efficace chez les personnes encore plus âgées, en raison du vieillissement de leur système immunitaire.

Quant à la stratification des personnes à risques en fonction du niveau de risque, elle est envisageable en théorie. Néanmoins, il faut raisonner en termes pratiques de réalisation de la vaccination au quotidien. Il serait souhaitable que les personnes qui présentent des comorbidités (pathologies cardiaques ou pulmonaires, diabète, obésité, cancers récents, etc.) soient vaccinées quasi-simultanément.

La surveillance et la pharmacovigilance, qui revêtiront une importance particulière, s'exerceront de la même façon pour l'ensemble de ces personnes. Il convient donc d'être attentif aux facteurs de risques, tout en ne construisant pas une « usine à gaz » avec un nombre de catégories trop important, qui rendrait la pratique de la vaccination trop complexe.

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