Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 10 décembre 2020 à 11h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 10 décembre 2020

La réunion est ouverte à 11 h 35.

Audition publique du Professeur Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

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. – Bienvenue à cette audition publique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), qui se tient en amont du débat parlementaire sur la stratégie vaccinale contre la Covid‑19 qui aura lieu le 16 décembre à l'Assemblée nationale et le 17 décembre au Sénat.

L'Office est une structure bicamérale qui a pour tradition de travailler de manière transpartisane, ce qui revêt une importance particulière dans le cadre du sujet de ce jour : la stratégie vaccinale contre la Covid‑19. Le choix de l'équipe de rapporteurs reflète cette volonté de travail transpartisan, avec les députés Jean-François Eliaou et Gérard Leseul et les sénatrices Florence Lassarade et Sonia de La Provôté, issus de quatre groupes politiques différents.

Le sujet des vaccins est l'un des grands thèmes à la fois scientifique, politique et médical du moment. Les auditions de l'Office ont pour objectif d'éclairer les parlementaires qui débattront de ce sujet dans quelques jours, ainsi que les citoyens dans leur ensemble.

Nous entendons aujourd'hui le professeur Alain Fischer. Médecin, chercheur, professeur d'immunologie pédiatrique et membre de l'Académie des sciences, il a été membre du Comité consultatif national d'éthique et a participé à de nombreuses instances liées à la science et à l'action publique. Il a également été amené à conseiller l'OPECST. Le Premier ministre Jean Castex lui a tout récemment confié la charge de constituer un conseil d'orientation sur la stratégie vaccinale.

Je vais à présent céder la parole aux rapporteurs afin qu'ils puissent poser leurs questions au professeur Fischer.

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. – Je suis très heureux de pouvoir discuter avec le professeur Fischer, que je connais depuis de nombreuses années. Cette audition est fondamentale, compte tenu de l'actualité vaccinale et politique.

Professeur, quelle sera la mission et la composition du comité que vous allez devoir animer ? A priori, ce comité se chargera de contrer la « décommunication » et la désinformation.

De quelle manière comptez-vous coordonner le travail de ce comité avec les autres parties prenantes, les différents services ministériels et le Parlement ? L'Office doit avoir connaissance des moyens qui seront mis en œuvre, être averti et informé. Au titre de l'article 24 de la Constitution, le Parlement doit en effet procéder à l'évaluation des politiques publiques et au contrôle du Gouvernement.

Enfin, je rappelle l'importance de la confiance en la vaccination anti SARS‑Cov2. Celle‑ci passe par la transparence des informations qui seront délivrées au grand public. Il s'agit en effet d'une démarche collective, qui relève davantage d'une question de citoyenneté que de simple vaccination de la population. De quelle manière comptez‑vous mettre en œuvre la transparence des informations, dans un contexte où des messages contradictoires voire pessimistes, émis par des professionnels de santé, appellent à la prudence ?

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

. – D'habitude les vaccins sont destinés prioritairement aux enfants et il n'est alors pas difficile de persuader la population de la nécessité de la vaccination.

Dans le cas actuel, la possibilité de la mise à disposition aussi rapide d'un vaccin n'était même pas évoquée il y a quelques mois. L'espoir que suscite aujourd'hui le vaccin est éclipsé par les préoccupations liées à la rapidité de son développement et par une forme de méfiance délétère vis‑à‑vis de l'industrie pharmaceutique.

Quelles seront les modalités d'organisation logistique que préconisera le comité ? Celles‑ci vont constituer un facteur déterminant de la réussite de la vaccination. Les syndicats de médecins et les professionnels expriment encore des hésitations. La phase d'attente de la livraison des vaccins pourrait être mise à profit pour traiter la question des autorisations en maisons de retraite, celle des congélateurs, etc.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

. – Quelles sont les personnes que le comité envisage de mobiliser afin d'en faire des ambassadeurs du vaccin ? Vous aviez évoqué, Professeur, les médecins généralistes et les pharmaciens. Les élus locaux n'ont pas été mentionnés. Or, les maires, qui conservent une aura vis‑à‑vis de leurs administrés, pourraient également tenir ce rôle.

Par ailleurs, 50 % des citoyens se déclarent opposés au vaccin. Cela pose la question de la population cible envisagée pour mettre en œuvre la vaccination.

Enfin, dans une intervention, vous aviez appelé à « éviter les arguments d'autorité et les injonctions venant de responsables sanitaires. » Est‑ce que cela signifie qu'en‑dehors des responsables sanitaires, il faudrait concevoir un mode d'information ad hoc qui offrirait une parole plus indépendante et plus crédible à nos concitoyens ?

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. – Je vous remercie de prendre du temps pour permettre aux parlementaires de mieux comprendre la situation.

Certains s'inquiètent de la date d'arrivée des vaccins, d'autres de leur fiabilité et de leurs éventuels effets secondaires, d'autres encore s'y opposent frontalement. Les auditions qui se sont tenues hier ont montré que le sujet avait complètement envahi les consultations de généralistes et de professionnels de santé.

Quels sont, selon vous, les moyens à mettre en œuvre pour que la parole publique soit entendue et comprise ? La concertation et la participation des citoyens et de leurs représentants paraissent essentielles pour une bonne pédagogie et une acceptation sociale importante.

Dans le cadre de cette transparence, comment prévoyez-vous de rendre publics et lisibles les rapports et les avis scientifiques sur le sujet de la vaccination ? Des confusions sont apparues dans le passé, en lien avec la question des masques ou bien pour les vaccins anti-grippe, ce qui contribue à une forme de défiance et au sentiment d'une gestion non maîtrisée de la crise. De plus, on voit apparaître sur les réseaux sociaux une inquiétude concernant les conditions financières des négociations actuellement menées entre la France, l'Europe et les laboratoires.

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. – Je rappelle que le Professeur Fischer a présidé il y a quelques années la concertation citoyenne qui devait rendre un avis sur l'extension de l'obligation vaccinale des enfants. Pouvez-vous comparer cette expérience et celle qui s'annonce ? Quels sont les points communs et les différences entre ces deux missions ? Quels sont les enseignements tirés de l'expérience de 2016 ? Que dire en particulier sur le débat vaccination obligatoire – non obligatoire ?

Vous avez pris position récemment contre le prix trop élevé de certaines thérapies innovantes. En 2019, vous avez cosigné une tribune dans la revue Nature Medicine, avec Michel Goldman et Mathias Dewatripont, pour proposer notamment que les universités qui réalisent une recherche publique imposent aux industriels des clauses de prix raisonnable. Avez‑vous toujours à l'esprit cette clause de prix raisonnable dans le cadre du débat sur la vaccination contre la Covid‑19 ?

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Alain Fischer, président du conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – Merci, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les rapporteurs, de votre intérêt pour la question importante de la vaccination contre la Covid‑19, avec à la fois les espoirs et les craintes qu'elle suscite.

En réponse aux questions posées par monsieur Eliaou sur la composition et les missions du comité, je précise qu'il s'agit d'un conseil d'orientation sur la stratégie vaccinale, placé auprès du Premier ministre et du ministre des solidarités et de la santé.

Sa mission, qui apparaîtra dans la lettre de mission en cours de finalisation, consiste à appuyer le gouvernement pour la conception et la mise en œuvre de la politique vaccinale. Le conseil doit également assurer la préparation de la communication pour les aspects scientifiques de la vaccination, la communication étant un volet très important.

Compte tenu de ses missions, la composition de ce conseil est pluridisciplinaire et sera finalisée dans les prochains jours. Le conseil réunira d'abord des médecins et des chercheurs qui connaissent bien la vaccination. Il comprendra quelques membres du comité vaccin présidé par Marie‑Paule Kieny, qui a pour fonction d'auditionner les industriels qui produisent les vaccins, d'évaluer les vaccins et de transmettre son évaluation aux autorités gouvernementales pour les aider dans leur politique d'achat et de négociation. Le conseil inclura également plusieurs chercheurs dans le domaine des sciences humaines et sociales, dont certains travaillent sur la question de l'hésitation vaccinale depuis de nombreuses années. Une troisième composante rassemblera des professionnels de santé qui interviennent quotidiennement sur le terrain dans le domaine de la vaccination. Il s'agira de deux médecins généralistes dont l'un intervient dans le domaine gériatrique, d'un pharmacien qui a présidé des comités de protection des personnes (CPP) et d'une infirmière qui intervient dans le domaine de la santé et du travail. La quatrième et dernière composante du conseil comprendra des personnes de la société civile, qui réfléchissent, notamment au sein d'associations de patients atteints de maladies chroniques, aux modalités de la vaccination et à la communication.

Le conseil devrait être opérationnel en début de semaine prochaine.

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. – Je précise que Marie‑Paule Kieny, présidente du comité vaccin, sera auditionnée par l'Office demain. Les professionnels de santé et les chercheurs en sciences humaines et sociales sur le fait vaccinal font également partie du périmètre des auditions de l'Office.

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Alain Fischer, président du conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – Sur la question qui a trait à la coordination entre les diverses parties prenantes, je rappelle que le conseil est indépendant et exempt de connotation politique particulière. Par définition, il doit travailler avec les décideurs et toutes les institutions qui jouent un rôle dans le domaine de la vaccination.

Quatre séries de parties prenantes sont concernées. La première est le ministère de la Santé avec, en particulier la Direction générale de la Santé. Puis vient la Haute Autorité de Santé, qui a défini les priorités de vaccination telles qu'on peut les envisager aujourd'hui avec le début de la vaccination des personnes âgées dans les EHPAD et des personnels de santé présentant des facteurs de risques, au mois de janvier. La troisième catégorie d'interlocuteurs est le Parlement, ses commissions et en particulier l'OPECST : le conseil répondra à toutes les demandes d'audition. Enfin, nous travaillerons avec les groupes mis en place par le gouvernement ou à travers le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Parallèlement au comité vaccin, seront en effet mis en place un comité des parties prenantes composé de professionnels de santé, un comité des élus locaux et, dans le cadre du CESE, un comité de citoyens. Le conseil devra interagir avec ces comités et recueillir leurs avis.

La troisième question que vous m'avez posée est celle, centrale, de la confiance et de la transparence. Il faut que nos concitoyens puissent acquérir les connaissances leur permettant de prendre une décision avec un libre-arbitre raisonné, dans le sens, on l'espère, de la vaccination.

S'agissant de la mise en œuvre de cette mission, je ne peux pas encore apporter de réponse précise. Celle‑ci passera nécessairement par des messages dont les émetteurs devront être nombreux pour cibler des groupes distincts de concitoyens.

Le premier groupe de nos concitoyens qui doit recevoir un message, puis le porter, est celui des professionnels de santé eux‑mêmes. Ils apparaissent en effet dans les deuxième et troisième priorités de vaccination. Ce sont eux qui porteront la parole auprès des autres personnes et qui seront les vecteurs d'explication. Il convient de les aider à acquérir une information de qualité puis à porter les messages auprès des différents groupes de la population.

D'autres émetteurs seront également parties prenantes. Toutes les personnes qui se sentent concernées par les questions de santé et de vaccination, en premier lieu les associations de patients atteints de maladies chroniques, pourront être ambassadeurs de la vaccination à travers leur propre expérience.

Je serais donc plutôt enclin à favoriser une communication « horizontale », parallèlement à l'information émanant des autorités de santé au plus haut niveau de l'État. Le travail de réflexion et d'élaboration des outils doit débuter dès à présent, même si nos concitoyens seront vaccinés dans plusieurs mois.

En réponse à madame Lassarade, je confirme qu'il n'est pas difficile de convaincre de vacciner les enfants. Si cela est vrai aujourd'hui, ce n'était toutefois pas nécessairement le cas il y a cinq ans. La décision de la ministre de la Santé en 2018 de rendre obligatoires les vaccins chez les jeunes enfants a porté ses fruits. Selon les données communiquées par Santé publique France il y a quelques semaines, les taux de vaccination des enfants de moins de deux ans atteignent près de 95 %. C'est un succès qui n'allait pas de soi.

La rapidité de mise au point du vaccin suscite des réactions totalement contradictoires. Elle est le fruit d'un travail de recherche et de développement industriel sans précédent qui a eu lieu au cours de l'année 2020. Il en résulte certaines craintes, notamment celle de prendre des risques excessifs. Cette rapidité n'est toutefois pas associée à un effritement des règles de reconnaissance de la possibilité d'administrer un vaccin.

Les autorités réglementaires européennes et françaises réalisent leur travail avec les mêmes critères et la même rigueur qu'à l'égard d'autres vaccins. Le vaccin Pfizer vient de recevoir son autorisation en Grande-Bretagne et au Canada. Cela pourrait être le cas en Europe au cours des prochaines semaines. Il sera suivi par le vaccin de Moderna. Il faut convaincre nos concitoyens que les processus de certification n'ont pas été accélérés.

La rapidité observée est liée au fait qu'un grand nombre d'équipes de recherche ont été mobilisées sur le vaccin, après que la séquence du virus a été identifiée. Par ailleurs, les technologies qui ont été élaborées, notamment à l'occasion des développements de vaccins contre Ebola au cours des dernières années, sont aujourd'hui utilisables. C'est notamment le cas pour les vaccins à adénoviraux comme celui d'Astra Zeneca ou même pour les vaccins à ARN, déjà utilisés depuis plusieurs années dans le traitement de cancers. Des patients reçoivent aujourd'hui des médicaments à base d'ARN à des doses bien supérieures à celles des vaccins, qui sont bien tolérées.

Cette question renvoie à celle de la communication et des craintes. 50 % de la population exprime des doutes liés à la vaccination, ce qui n'est pas illégitime dans le contexte de la grande nouveauté du développement de ces vaccins. La responsabilité collective impose de répondre à ces hésitations afin que les gens réfléchissent de façon informée et qu'ils acceptent la vaccination.

S'agissant de la logistique, je ne suis pas le mieux armé pour répondre aux questions. De plus, ce domaine ne sera pas couvert par le conseil. Les questions de logistique sont placées sous la responsabilité de Santé publique France, appuyée par la DGS. Malheureusement, les aspects logistiques resteront complexes, au moins dans un premier temps.

En effet, le vaccin à ARN est très fragile et doit être transporté à ‑70 degrés, et pendant quelques heures au maximum. À 4 degrés, il ne reste stable que quelques jours. De ce fait, il est très complexe de mettre en place un réseau d'approvisionnement adéquat, au bon endroit et au bon moment, avec les aiguilles et les seringues. Les équipes concernées travaillent ardemment sur cette question.

J'en viens aux vecteurs d'information évoqués par madame de La Provôté. Il s'agit d'abord des personnels de santé eux‑mêmes, qu'ils vaccinent ou non. Les pharmaciens et les infirmiers peuvent jouer un rôle d'information important, les associations de patients et les autres associations du domaine de la santé également. Quant aux élus locaux, ils auront deux fonctions : informer leurs populations, et pour cela ils devront être aidés notamment par les agences régionales de santé (ARS) ; organiser la vaccination, par exemple en mettant en place des centres de vaccination qui pourront être des structures adaptées dans certains endroits.

Les deux accidents allergiques survenus hier montrent que la prudence, à côté de la transparence, est essentielle dans le développement de la stratégie vaccinale. Il est sage de vacciner par paliers successifs un nombre croissant de personnes choisies au fur et à mesure de l'obtention des informations. Les toutes premières vaccinations du mois de janvier auront lieu dans un nombre restreint d'EHPAD, qui serviront de test pour s'assurer que tout fonctionne, ce qui permettra d'adapter la vaccination et de la rendre la plus fluide possible.

Sur la question de la défiance vaccinale et des priorités de vaccination, la communication ne doit pas être globale, mais ciblée : les professionnels de santé en priorité, puis les différentes parties de la population. Les patients à risques, les personnes âgées et les patients atteints de maladies chroniques, qui sont plus ouverts à la vaccination, devraient disposer d'informations par le réseau associatif.

La communication dépendra en grande partie de ce que permettra la vaccination et de son éventuelle fonction altruiste. Je m'explique : si le vaccin bloque la transmission du virus, il sera possible d'utiliser l'acte de vaccination à bon escient, comme acte de protection individuelle mais aussi collective. Ce serait une sorte de « contrat social » comme le qualifie un chercheur allemand.

L'articulation entre les intervenants est évidemment nécessaire. Il faudra éviter les injonctions, y compris de la part des autorités sanitaires, et coordonner les approches verticales et horizontales.

En réponse à monsieur Leseul sur la question de la parole publique, je voudrais insister sur la nécessité de la concertation. J'espère que les divers comités qui seront mis en place, notamment le comité des citoyens, apporteront des questions et des propositions visant à diffuser l'information de manière transparente, notamment sur l'analyse bénéfices-risques de la vaccination. Dans la mesure du possible, je m'efforcerai de faire en sorte que la concertation soit effective, à travers le conseil, les comités et les parties prenantes.

Les avis du conseil seront rendus publics, sur le même modèle que ceux du conseil scientifique. Les « cafouillages » ne pourront pas nécessairement être évités, car ils résultent en partie des interventions dans les médias de ceux qui y exercent leur liberté d'expression. Il faudra définir comment et jusqu'où répondre aux informations fausses ou partiellement fausses : qui doit répondre, de quelle manière, etc. La lettre de mission me demandera de m'engager personnellement sur ce point. Ce qu'il faut au minimum c'est éviter les incohérences de la parole publique. Le recours au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pourrait être une aide, cela s'est déjà vu.

Quant aux conditions financières de la négociation des vaccins, elles s'éloignent du champ de mes compétences. Cette négociation est menée par la ministre Agnès Pannier‑Runacher qui pourra donc vous renseigner. La négociation est menée à l'échelle européenne, ce qui est une bonne chose.

En réponse à Cédric Villani, des leçons ont en effet été tirées de l'expérience de concertation nationale sur l'extension de la vaccination des enfants. Comme dans la situation actuelle, on touchait à des questions fondamentales pour notre société, liées à la vaccination et à l'acceptation des politiques de santé publique.

En fonction des contextes, on peut être amené à formuler des propositions différentes. Dans le contexte de la vaccination des enfants, l'idée qui a prévalu était celle de l'obligation, parce que les vaccins étaient pour la plupart très anciens, vieux de plusieurs dizaines d'années, et donc bien connus.

Dans le cas présent, le contexte est complètement différent et entièrement nouveau. Il faut encore recueillir des informations sur la tolérance, la sécurité de ces vaccins et leur efficacité. Il convient donc d'abord d'établir la confiance, l'obligation ne constituant qu'un dernier recours.

Enfin, vous avez évoqué le sujet du prix des thérapies innovantes, auquel je me suis intéressé avec des collègues, notamment belges, en publiant un article l'année dernière. Nous avons fait une proposition consistant à promouvoir des clauses de prix raisonnable lors des négociations entre les institutions publiques de recherche et les industriels. Cette bonne idée semble toutefois difficilement applicable à court terme dans le contexte de la vaccination contre la Covid‑19. Il faut être réaliste, c'est dans un ou deux ans que des leçons pourront être tirées de ce qui se sera passé sur les vaccins.

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. – Je propose d'ouvrir à présent le débat à tous les parlementaires membres de l'OPECST.

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. – Notre collègue Anne Genetet voudrait vous interroger sur la logistique. Votre lettre de mission devrait en effet inclure la mise en œuvre de la stratégie vaccinale, qui intègre la logistique. Or la logistique représente aussi un élément de défiance ou de confiance vis‑à‑vis de la vaccination pour nos concitoyens.

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Michelle Meunier, sénatrice

. – Merci pour vos propos. J'aimerais vous interroger sur deux aspects du sujet. Le premier est celui de la démocratie sanitaire. En effet, vous avez évoqué à plusieurs reprises la participation des patients atteints de maladies chroniques et des usagers des services de santé : ceux‑ci feront‑ils partie intégrante du conseil ? Moins l'opacité sera grande, plus la confiance sera instaurée.

L'autre sujet est celui de l'éthique et de la recherche du consentement de la population âgée, notamment résidant en EHPAD. Ce sont des questions sensibles. Est‑ce que vous envisagez de consulter des philosophes ou des juristes pour traiter la question des tiers de confiance ou des représentants des personnes déficitaires ?

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Olivier Henno, sénateur

. – Je m'interroge très concrètement sur la vaccination dans les EHPAD, où se trouvent, on l'a dit, les publics prioritaires. La question du consentement, d'ordre éthique, y revêt une complexité certaine. Le fait de débuter la vaccination en EHPAD accentue le questionnement éthique sur la vaccination.

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Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l'Office

. – Votre conseil doit réfléchir à la stratégie vaccinale mais il ne semble pas remettre en cause la stratégie qui vient d'être déterminée par le gouvernement, sans que vous ayez à intervenir d'ailleurs, qui consiste à débuter la vaccination par les personnes en EHPAD et les personnes atteintes de maladies chroniques.

Vous avez dit qu'il est sage de procéder à une vaccination par paliers successifs, évoquant les deux cas graves d'allergie survenus en Grande-Bretagne. Par conséquent, allez‑vous réfléchir à la pertinence de débuter la vaccination par les résidents des EHPAD et par les personnes fragiles ? La stratégie vaccinale pourrait-elle, à l'inverse, commencer par les plus jeunes (20‑40 ans), qui prennent moins de précautions, sont plus transmetteurs et plus résistants que les personnes âgées ?

S'agissant du comité citoyen en cours de création, ne craignez-vous pas que, comme pour le climat, ce comité se croit entièrement investi du choix de la stratégie vaccinale, au point de phagocyter la communication que vous-même et votre conseil pourraient faire ?

Enfin, sur le sujet de la crédibilité des vaccins, beaucoup évoquent la rapidité avec laquelle les vaccins ont été mis au point et rendus disponibles. Cette rapidité est‑elle due au fait que les États ont investi rapidement des moyens financiers importants ? Si ce n'était pas le cas, il faudrait pouvoir l'expliquer.

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. – Est‑ce qu'à cet instant, on pourrait décrire les réactions allergiques qui ont été signalées hier ?

Dans le même ordre d'idées, le Professeur Éric Caumes a indiqué dans une interview la grande abondance des effets secondaires du vaccin, avec des mots sévères. Quel est votre avis sur ce sujet ?

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. – Compte tenu de cette polémique, de la nécessaire pédagogie qu'il convient de réaliser auprès de l'ensemble du corps médical et de la population de manière générale, et compte tenu de la nécessaire recherche du consentement avant tout acte médical, est‑ce que la date annoncée du 4 janvier ne paraît pas un peu ambitieuse ?

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. – Les politiques sont pris entre plusieurs feux : ceux qui pensent que les délais, trop contraints, ne pourront être tenus, et qui invitent à les allonger ; ceux qui affirment que la France est en retard par rapport à l'Angleterre qui débute déjà la vaccination. Quelle est la bonne temporalité ? Est‑on à un jour près, à une semaine près, à un mois près ? Quelle est la bonne échelle d'urgence ?

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Angèle Préville, sénatrice

. – J'ai cru entendre que l'efficacité des vaccins actuellement disponibles n'était pas excellente sur les personnes âgées. La pertinence de débuter la vaccination par ces personnes est donc posée.

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. – Faut‑il stratifier les personnes à risques, en incluant à la fois les personnes âgées sans trop de comorbidités et les personnes qui présentent des comorbidités et des facteurs de risques qui ne sont pas forcément âgées ?

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Alain Fischer, président du conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – Sur la question de la logistique et de l'organisation de la vaccination, je précise que ma lettre de mission parlera de mise en œuvre de la politique vaccinale et non de la stratégie vaccinale. Si la distribution des vaccins et des matériels nécessaires devait connaître des ratés ou des retards, la vaccination pourrait faire l'objet de doutes accrus, c'est certain. C'est en ce sens que la logistique doit être complètement assurée. Les services réalisent un travail énorme pour faire en sorte que celle-ci se déroule correctement.

Le fait de débuter la vaccination à petite échelle, dans un nombre limité d'établissements, permettra de s'assurer, en vie réelle, du bon déroulement de celle‑ci. Si certains aspects ne s'avèrent pas adéquats, ils seront rectifiés rapidement. La progressivité représente un élément clé de la sécurité, de la possibilité de vacciner efficacement et de convaincre nos concitoyens de l'intérêt de la vaccination.

Sur la question de la démocratie sanitaire, je confirme que le conseil d'orientation intègrera des personnes émanant d'associations de patients atteints de maladies chroniques et des usagers de santé. Il y aura une interface avec les comités évoqués précédemment, notamment le comité de citoyens.

Plusieurs questions ont été posées sur les sujets de l'éthique et du consentement. Un avis du comité consultatif national d'éthique doit être rendu public dans les prochains jours. Il est hors de question de ne pas recueillir le consentement avant la vaccination : soit de la personne elle‑même lorsque cela est possible, soit par ses proches lorsque la personne ne se trouve pas en état de le donner. En l'absence de consentement, aucune vaccination ne sera pratiquée. Cela peut poser des problèmes d'organisation mais c'est un prérequis absolu, on ne pourra y déroger.

Aucun philosophe ni aucun juriste ne participera au conseil. Toutefois, certains membres du conseil disposent de la capacité de réflexion nécessaire et ont une expérience de l'éthique en santé, notamment à travers la participation à des comités de protection des personnes.

La question de l'éventuelle imprudence liée au fait de débuter la vaccination par des personnes vulnérables s'est évidemment posée. La HAS a raisonné avec l'idée d'obtenir le meilleur gain possible de la vaccination, c'est‑à‑dire en ciblant en priorité les personnes qui conjuguent tous les risques : vulnérabilité et exposition. Il serait évidemment plus sûr de commencer par vacciner les plus jeunes.

Mais avant que quiconque soit vacciné, 23 000 personnes âgées entre 18 et 90 ans ont reçu le vaccin Pfizer en guise de test, pour lesquelles on a désormais un recul supérieur à trois mois. Les données ont été largement publiées, notamment sur le site de la Food and Drug Administration (FDA). Aucun effet indésirable n'a été observé en‑dehors des réactions immédiates de post-vaccination. Les données semblent donc rassurantes pour les personnes âgées mais tout cela doit être pris encore avec prudence car cela repose sur ce que l'on sait aujourd'hui. L'étape d'évaluation par les autorités réglementaires européenne et française sera cruciale en la matière. Ces autorités sont le garde‑fou, elles se fonderont sur les essais de phase 3 et évalueront la sécurité des produits.

Ce qui est attendu du comité citoyen est une réflexion et des propositions sur la problématique de la vaccination : il ne sera pas décisionnaire en matière de communication et je ne pense pas qu'il y ait un risque qu'il « phagocyte » la communication. Les citoyens auront des interactions avec notre conseil et il est important que cette expression citoyenne ait lieu. Elle avait été très utile lors de la mise en œuvre de la vaccination obligatoire des enfants.

La rapidité du développement des vaccins est effectivement liée au fait que des moyens considérables ont été mis en œuvre, en particulier aux États-Unis. Les pouvoirs publics ont massivement investi pour aider à la mise au point des vaccins et à leur production. Ceci explique que des vaccins aient pu être développés en moins d'un an.

Les deux professionnels de santé qui ont fait une réaction allergique assez sévère présentaient des antécédents allergiques importants. Ces allergies ont néanmoins pu être contrôlées et ces deux personnes vont bien. Des leçons doivent être tirées de ces événements. À ce stade, il y a probablement une contre-indication à la vaccination chez les sujets ayant des antécédents allergiques sévères. Il est donc nécessaire qu'existe un environnemental médical adéquat pour vacciner. Ce n'est ni nouveau ni inattendu.

Sur les propos, que je n'ai pas entendus, d'Éric Caumes relatifs à la grande abondance d'effets secondaires liés au vaccin à ARN messager, je suppose qu'il fait référence au fait que dans les 24 à 48 heures suivant la vaccination, le vaccin peut entraîner des maux de tête, des malaises, des frissons, voire quelques douleurs musculaires. D'après les chiffres que j'ai pu voir, ces effets sont légèrement supérieurs à ceux de nombreux vaccins, mais pas énormément plus que les vaccins pratiqués habituellement.

Les personnes vaccinées devront être informées du fait qu'elles pourront développer, dans les 24 à 48 heures, des manifestations de ce type, sans gravité et transitoires. Celles‑ci peuvent probablement être contrôlées par la prise de paracétamol de manière préemptive. Il conviendra de ne pas confondre les événements immédiats de type « réactogénicité » sans gravité, et les événements indésirables graves.

La question de l'éventuelle rapidité de mise en œuvre du vaccin sera toujours susceptible d'être posée, quelle que soit la date fixée pour le début de la vaccination. La France la met en œuvre légèrement après la Grande-Bretagne, en même temps que ses voisins, mais si l'on essaye de se projeter fin décembre 2021, cette question ne sera plus d'actualité : ce sont le nombre de personnes protégées et la réduction du virus qui seront considérés.

Si les conditions sont réunies, il faut commencer la vaccination mais de manière prudente, en commençant pas un petit nombre d'EHPAD et en surveillant de manière attentive l'évolution de la situation afin de s'adapter et, si nécessaire, d'améliorer la procédure dans le cadre des étapes suivantes.

Sur la question de l'efficacité du vaccin chez les personnes âgées, on attend toujours une publication scientifique pour le vaccin Pfizer, qui ne devrait cependant pas tarder, alors qu'on a cette publication pour le vaccin Astra-Zeneca. Une efficacité du vaccin Pfizer a toutefois d'ores et déjà été démontrée chez les personnes âgées jusqu'à 75 ans, ce qui est plutôt encourageant. La vaccination pourrait s'avérer moins efficace chez les personnes encore plus âgées, en raison du vieillissement de leur système immunitaire.

Quant à la stratification des personnes à risques en fonction du niveau de risque, elle est envisageable en théorie. Néanmoins, il faut raisonner en termes pratiques de réalisation de la vaccination au quotidien. Il serait souhaitable que les personnes qui présentent des comorbidités (pathologies cardiaques ou pulmonaires, diabète, obésité, cancers récents, etc.) soient vaccinées quasi-simultanément.

La surveillance et la pharmacovigilance, qui revêtiront une importance particulière, s'exerceront de la même façon pour l'ensemble de ces personnes. Il convient donc d'être attentif aux facteurs de risques, tout en ne construisant pas une « usine à gaz » avec un nombre de catégories trop important, qui rendrait la pratique de la vaccination trop complexe.

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. – Je vais maintenant vous transmettre les questions posées par les internautes qui suivent l'audition en direct, dont certains journalistes.

Une première question émane d'Émilie Groyer, de RoseUp Magazine : « Est‑ce que tous les malades de cancer seront prioritaires pour la vaccination ? Est‑ce que certains vaccins, notamment les vecteurs viraux, leur seront contre-indiqués ? Concernant les malades immunodéprimés, qu'est‑il prévu, dans la mesure où l'on peut s'attendre à une moindre efficacité ? ». Je rappelle que cette question a également été évoquée dans le cadre de l'audition de la Haute Autorité de Santé.

Voici à présent une autre question : « Quel est le temps de résidence de l'ARN messager de la protéine S non clivable dans les cellules ? Quelles sont les cellules réservoir de la Covid‑19, notamment pour les Covid longs ? »

Une série de questions émane de Virginie Bagouet, de l'agence APM : « Les données diffusées par la FDA sur la phase 3 de Pfizer montrent que dans le sous-groupe des participants de plus de 75 ans, l'efficacité n'était pas statistiquement significative (petit nombre de Covid survenus dans cette tranche d'âge sur-représentée ; 850 dans chaque groupe sur 43 000 participants). Faut-il néanmoins vacciner les personnes de plus de 75 ans avec ce vaccin ? Comment le rapport bénéfices-risques sera‑t‑il présenté ? Cette donnée sur le fait qu'il n'y a pas de preuve solide d'efficacité au‑delà de 75 ans leur sera‑t‑elle transmise ? »

« Le conseil est-il ou sera-t-il en lien avec les autorités britanniques, et bientôt canadiennes ? Les données des campagnes conduites à l'étranger seront‑elles accessibles en temps réel ? Un réseau international de suivi des données recueillies en population est‑il prévu ? ».

Plusieurs questions s'intéressent au montage institutionnel : quels seront vos interlocuteurs institutionnels : le Premier ministre, le gouvernement, la DGS, SPF, etc. ?

Autre question : est-ce que la « task force » que vous avez évoquée correspond bien à la structure interministérielle dirigée par Louis‑Charles Viossat ? Quelle sera l'articulation entre l'action du conseil que vous présidez et celle de cette « task force » ?

Lors de son audition hier, le Professeur Bouvet, de la HAS, a estimé que les infirmières pourraient vacciner après consultation médicale préalable. Quel est votre avis sur ce point ?

Une question porte sur la fréquence de survenue des épisodes allergiques. À ce stade, les effets secondaires observés s'avèrent plutôt bénins, hormis les deux réactions allergiques importantes récentes. Que pouvez-vous dire ?

Enfin, la question de la composition du comité est posée : quels seront le nombre total de membres et celui des différents collèges ? Quand sera‑t‑il finalisé ?

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Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l'Office

. – Quand saura‑t‑on si les personnes qui ont déjà été malades du Covid ou été testées positivement pourront être vaccinées ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. – À l'occasion de votre première prise de parole après votre nomination, certains ont souligné que vous abordiez sans fard les sujets sur lesquels il y a encore doute ou hésitation et ils ont estimé que ce n'était pas ainsi que la population pourrait être convaincue, et qu'il fallait des avis clairs et tranchés pour communiquer sur le sujet. Quelle est votre opinion sur ces observations et quelles sont les modalités de communication que vous envisagez dans le cadre du comité ?

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Alain Fischer, président du conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – En réponse à la question concernant les patients atteints de cancer ou immunodéprimés, il faut distinguer les risques selon les personnes : une personne encore en traitement pour un cancer, une personne atteinte d'hémopathie maligne (le risque de Covid est plus important dans ce cas), etc. Le temps et le type de cancer influencent le facteur de risque. Après un ou deux ans, le sur‑risque décroît toutefois fortement. Ces patients seront prioritaires dans le cadre de la vaccination.

La quasi-totalité des patients immunodéprimés pourra certainement être vaccinée. Le doute lié à l'efficacité de la vaccination chez les immunodéprimés persistera certainement un certain temps avant que des réponses précises soient apportées. Cela n'empêchera toutefois pas leur vaccination.

Dans ce cadre, les différents types de vecteurs viraux doivent être distingués. Certains vecteurs sont sur le point d'être disponibles, comme celui d'Astra Zeneca, pour lequel une publication scientifique est parue dans le Lancet il y a 48 heures ; environ 10 000 personnes ont été vaccinées dans l'essai de phase 3. Le virus ne peut pas se répliquer : il disparaît du corps et ne peut pas provoquer une maladie chez les personnes immunodéprimées. Le vaccin ne présente donc pas de contre-indication.

Les éventuelles contre-indications pourraient être liées à des vaccins qui, j'espère, pourront arriver dans quelques mois, et qui sont fondés sur des vecteurs viraux susceptibles de se diviser, comme le virus de la rougeole atténué. Une équipe de l'Institut Pasteur travaille sur ce type de vaccin.

La question suivante concerne les temps de persistance de l'ARN après injection du vaccin. Des données expérimentales sur des modèles animaux montrent que l'ARN persiste très peu. Certaines cellules du système immunitaire activent les lymphocytes pour qu'ils produisent les anticorps. C'est ce que l'on attend et qui semble se produire, puisque les taux de protection observés atteignent des niveaux très élevés et même inattendus.

S'agissant du réservoir du virus, je n'ai pas connaissance de travaux démontrant la persistance du virus dans certaines cellules chez des sujets immunocompétents. Les manifestions cliniques que certains patients observent après la fin de l'infection (le « Covid long ») font l'objet de travaux actuellement. L'hypothèse prédominante consiste à considérer qu'il s'agit surtout de manifestations immunopathologiques, c'est‑à‑dire que la réponse immunitaire n'a pas lieu de manière totalement normale. C'est peut‑être une réponse de type auto-anticorps qui provoque la maladie, sans même que le virus persiste.

Concernant la question de l'efficacité chez les personnes âgées, j'ai rappelé que les données disponibles montrent une efficacité jusqu'à 75 ans. Au‑delà de cet âge, les données restent insuffisantes. En effet, le nombre de personnes qui ont été vaccinées s'élève à quelques centaines seulement.

Une réponse scientifique pure et dure consisterait à refuser la vaccination des personnes de plus de 75 ans, en l'absence de données directes. Toutefois, un autre point de vue, qui est celui de la HAS, consiste à faire valoir qu'il s'agit de la population la plus à risques, en raison de son âge et de son exposition. Cette logique peut être largement entendue et suivie. C'est d'ailleurs cette même logique qui prévaut dans d'autres pays.

Sur les relations internationales, la DGS est en contact direct avec ses équivalents dans les autres pays européens. Plusieurs personnes au sein du conseil entretiennent des liens avec les organisations européennes. Le conseil se tiendra informé et échangera avec les autorités et les scientifiques à l'échelle européenne et internationale, ainsi qu'avec l'OMS, notamment dans le cadre du recueil d'informations de la phase 4 (évaluation en vie réelle des personnes vaccinées).

Toutes les institutions françaises impliquées dans la vaccination sont des interlocuteurs potentiels du conseil, en premier lieu le ministère de la Santé. Des relations très fortes seront également entretenues avec la HAS et l'ANSM, en raison de leur rôle central dans la définition de la politique vaccinale (surveillance, pharmacologie, etc.). Une communication publique doit également être organisée.

S'agissant de la « task force », une concertation a débuté avec monsieur Viossat. Celle‑ci se poursuivra de manière régulière.

Selon la position défendue par la présidente du comité technique des vaccins, les infirmières doivent pouvoir vacciner après une consultation médicale préalable. A priori, le conseil suivra la même ligne, tout en s'assurant des conditions de sécurité de la vaccination. Toute mesure permettant de faciliter la vaccination et permettant au plus grand nombre d'y avoir accès le plus rapidement possible est une bonne chose. En ce sens, je suis favorable à l'implication des infirmiers dans le processus de vaccination et dans la communication liée au bien-fondé de la vaccination.

Les accidents allergiques sont connus mais demeurent rares, de l'ordre de moins d'un pour 100 000. Le fait que deux événements soient survenus le même jour est un peu surprenant dans ce contexte. Il convient d'en apprendre davantage sur ces deux cas et de s'assurer qu'il n'en apparaît pas d'autres dans les semaines à venir. Peut‑être faudra‑t‑il contre-indiquer certains vaccins pour les personnes sévèrement allergiques.

Le conseil d'orientation ne comprendra pas de collèges. Il intégrera des personnes provenant d'horizons différents. La vision scientifique, biologique, celle des sciences humaines et sociales, celle des praticiens sur le terrain et celle des usagers devront être représentées de manière équitable. Le conseil devrait être mis en place d'ici quelques jours.

Les personnes qui ont déjà été affectées par le Covid ou qui possèdent des anticorps pourront sans doute être vaccinées. En effet, dans les essais de phase 3, un contingent de plusieurs milliers de personnes avait des anticorps avant d'être vaccinées. Or ces personnes n'ont pas développé d'effets secondaires particuliers, ce qui est plutôt rassurant. Ces résultats méritent d'être confortés sur des nombres plus importants. Il devrait donc être possible de vacciner ces personnes sans avoir à procéder à une sérologie préalable.

Sur la question du doute et de la nécessité ou non d'avoir des avis tranchés, j'observe que le doute scientifique est une réalité mais qu'il ne doit pas être irraisonné. La logique de notre travail consistera donc à affirmer des faits justes et établis et à indiquer aussi les incertitudes, par exemple on ne sait pas aujourd'hui combien de temps durera la protection par le vaccin. À partir de là, on propose une stratégie et une méthodologie. Cette pédagogie me semble plus efficace que l'émission d'avis tranchés.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

. – Allez‑vous vous faire vacciner ? Si oui, quand et avec quel vaccin parmi ceux qui seront disponibles ? Il me semble important que l'exemple soit donné en matière de vaccination.

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Alain Fischer, président du conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – La réponse est oui bien évidemment, puisque j'appartiens à la fois à la tranche d'âge des 65‑75 ans et à la catégorie des professionnels de santé en contact avec des malades immunodéprimés. Je ne suis pas en mesure de répondre aujourd'hui à la question portant sur le choix du vaccin car nous ne disposons pas encore d'éléments solides d'efficacité et de sécurité sur les divers vaccins.

J'évalue cette date de vaccination entre février et avril. Au même titre que tout citoyen, je disposerai alors des informations nécessaires sur l'efficacité et la sécurité du vaccin proposé qui sera probablement un vaccin à ARN.

Les professionnels de santé devront se montrer exemplaires en la matière, afin que la vaccination réussisse à l'échelle de toute la société.

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. – Je remercie les participants et les rapporteurs dont je salue ici le travail et l'engagement. J'adresse un remerciement tout particulier au Professeur Fischer, dont l'emploi du temps est chargé actuellement, mais qui a pris le temps de répondre aux nombreuses interrogations des parlementaires, comme sa fonction à la tête du conseil d'orientation le prévoit d'ailleurs.

La réunion est close à 13 h 15.