Intervention de Marie-Paule Kieny

Réunion du vendredi 11 décembre 2020 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Marie-Paule Kieny, présidente du comité scientifique sur les vaccins Covid-19 :

. – Ebola est un virus très différent du SARS-CoV-2. Comme lui, c'est un virus ARN, mais les caractéristiques et le mode de contamination sont différents. Le trait commun à mon expérience Ebola et à mon expérience Covid est que les humains sont extraordinairement ingénieux et innovants en période de crise. Pour Ebola, des vaccins étaient dans les tiroirs des médecins depuis cinq ou dix ans, c'était une maladie connue depuis longtemps. Cependant, aucun de ces vaccins n'avait passé le cap des essais cliniques et il n'y avait pas encore eu de vaccination chez l'homme. En septembre 2014, quand on a vu le désastre humanitaire que causait Ebola en Afrique, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et les États membres ont décidé qu'il n'était pas possible de faire l'impasse et qu'il fallait essayer de développer au plus vite un vaccin en prenant tous les risques économiques que cela pouvait impliquer. Les premiers essais cliniques ont commencé au mois de septembre 2014. En juillet 2015, soit moins d'un an après, nous avons pu publier des résultats d'un vaccin très efficace, qui est maintenant enregistré par la société Merck.

Alors qu'il faut normalement dix ans pour développer un vaccin, le développement clinique du vaccin contre Ebola s'est fait en moins d'un an. C'est le cas aussi pour la Covid : on a vu une extraordinaire mobilisation des chercheurs, des biotechs, des industriels, des régulateurs pour agir au plus vite afin de contrôler cette pandémie, qui non seulement cause une mortalité et une morbidité importantes, mais aussi pousse de nombreuses personnes sous le seuil de pauvreté, surtout dans les pays pauvres. La communauté internationale s'est mobilisée pour développer le plus rapidement ces vaccins qui sont maintenant à nos portes. Il faut saluer cette extraordinaire avancée et le dévouement de chacun à travailler à des heures impossibles pour développer ces vaccins le plus vite possible. Aucune étape n'a été sautée : toutes les étapes nécessaires ont été conduites en parallèle et non successivement.

J'utilise souvent la métaphore de l'accordéon : quand vous étendez un accordéon, vous en voyez toutes les feuilles. Pour les vaccins, ces feuilles sont les études animales, les phases 1 et 2 et toutes les autres études. Avec l'épidémie de Covid, on a « replié » l'accordéon, ce qui ne veut pas dire que tous les feuillets ne sont pas là. Ils sont tous là, toutes les études qui doivent être réalisées l'ont été. La seule différence est qu'elles sont conduites en parallèle et que beaucoup de résultats sont publiés simultanément. Ce qui manque, c'est le recul. Mais l'accélération du développement du vaccin est amplement justifiée par l'urgence sanitaire et sociale que crée la pandémie.

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