Je suis médecin de santé publique, praticien hospitalier au CHU de Tours, enseignant-chercheur à l'université de Tours et directeur d'une équipe de recherche « Éducation, éthique et santé ». Je représente ma région à la Conférence nationale de santé, dont je suis le président. Je suis également, en tant que représentant de la Conférence nationale de santé, président du comité de contrôle et de liaison sur la Covid-19. Ce comité a été créé au printemps dernier pour associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l'épidémie par suivi des contacts ainsi qu'au déploiement des systèmes d'information prévus à cet effet. Enfin, je préside la Société française de santé publique.
En préambule, je souhaite dire la primauté que nous accordons aux principes de responsabilisation et de renforcement de l'autonomie des personnes. C'est pour nous un axe majeur et une constante. Le renforcement de l'autonomie de la personne s'appuie sur une information loyale et un accompagnement bienveillant, éducatif, et sur le respect des droits des usagers du système de santé.
Sur la question de la vaccination et de la stratégie vaccinale, je vais développer trois points très rapidement.
La stratégie vaccinale est une démarche essentielle dans le cadre d'une stratégie globale de lutte contre la pandémie de Covid-19. Il ne faut pas oublier cette cohérence générale : ce n'est pas parce qu'on s'occupe de vaccination qu'il faut délaisser les autres éléments de la lutte contre la pandémie. On sait bien que c'est le maillon le plus faible qui détermine la résistance ou la faiblesse de l'ensemble de la chaîne de mise en œuvre. Il est donc important de mettre en cohérence la stratégie vaccinale avec les autres stratégies de lutte contre la pandémie et, à l'intérieur de la stratégie vaccinale, de veiller à la cohérence entre stratégie, logistique, mise en œuvre opérationnelle, adhésion des populations et des professionnels, etc.
Établir la cohérence oblige à conforter et légitimer les instances et les organisations existantes – sauf défaillances évidentes, bien sûr. Notre pays dispose de plusieurs organisations et agences de sécurité sanitaire – l'ANSM, la Haute Autorité de santé (HAS), Santé publique France, le Haut Conseil de santé publique (HCSP) ; y ont été ajoutés le Conseil scientifique et le Conseil d'orientation sur la stratégie vaccinale. La visibilité et la lisibilité de ces organisations doivent être posées vis-à-vis des acteurs qui interviennent dans la stratégie vaccinale.
Cela ne vous étonnera pas : cette stratégie vaccinale doit faciliter, favoriser, associer les différents processus démocratiques. Vous en êtes les représentants avec la démocratie représentative. Il y a aussi la société civile organisée, que l'on retrouve notamment dans la Conférence nationale de santé, mais pas seulement. Des dimensions de démocratie directe, citoyenne, peuvent également être mobilisées. Pour traverser au mieux ce qui nous attend dans les prochains mois – on aurait souhaité que ce soit aussi le cas dans les phases précédentes – il est important de privilégier une approche multilatéraliste, et non pas une succession de bilatéralismes.
Il me semble très important de garder en perspective cette nécessité d'une cohérence d'ensemble.
La communication est au service d'un processus éducatif ou formatif. On peut s'interroger sur la culture scientifique ou de santé publique qui prévaut aujourd'hui dans la population et chez les professionnels, mais ce n'est pas le sujet le plus urgent dans les semaines ou les quelques mois qui viennent. C'est un sujet de « longue haleine ». Sur la communication proprement dite, je relève un premier point, si ce n'est d'étonnement en tout cas d'attention. Une stratégie de communication se construit autour d'une équipe forte et structurée, au service d'une communication transparente, honnête, scientifiquement établie, qu'il faut diffuser et partager sur les différents médias, très nombreux aujourd'hui.
Deuxième point : nous souhaitons que la communication privilégie l'autonomie plutôt que les commandements, car cela nous semble être plus efficace. Une telle démarche est justifiée par des données probantes tirée des études réalisées sur la communication dans le domaine de la santé. Il est également très important d'inscrire le discours dans une histoire : celle-ci serait avant tout une histoire autour d'une catastrophe naturelle qui affecte la planète et notre pays – une catastrophe naturelle, avec cependant des interventions humaines. Il vaut mieux avoir une approche positive autour des notions d'esprit d'équipe et de challenge à relever, et pas forcément un discours guerrier, une métaphore guerrière. C'est ce que disent les études dans les domaines de l'éducation et de la communication. Certes, il est des moments où l'on peut avoir besoin d'approches différentes, mais sur le moyen ou long terme, les semaines ou les mois, il est important d'ancrer l'événement dans une histoire qui puisse être racontée, qui puisse donner du sens à l'expérience vécue par tous. Il faut bien sûr s'appuyer sur les citoyens et la société civile. C'est essentiel.
Le troisième point concerne le système d'information qui est mis en place. Je ne peux qu'appuyer ce qui vient d'être dit sur le carnet de vaccination numérique. Pour accompagner la stratégie vaccinale, nous avons besoin d'un système d'information robuste, efficace, efficient, pour garantir les droits des usagers, poursuivre l'accroissement de la couverture vaccinale et contrôler ou suivre les éléments relevant de la sécurité sanitaire autour de la campagne de vaccination. Cet élément fondamental doit être construit et évoqué avec la société civile et, plus généralement, avec la population.