Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du vendredi 11 décembre 2020 à 12h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Vendredi 11 décembre 2020

La réunion est ouverte à 12 h 40.

Audition publique : Pr. Emmanuel Rusch, président de la Conférence nationale de santé (CNS) ; M. Christian Saout membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), président de la Commission sociale et médico-sociale et du Conseil pour l'engagement des usagers de la HAS ; M. Gérard Raymond, président de France Assos Santé.

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L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), organe bicaméral, instruit des dossiers scientifiques et politiques à la fois, dans le but d'informer le Parlement et d'évaluer les politiques publiques. La stratégie vaccinale contre la Covid-19 est justement un sujet très scientifique et très politique : il s'agit d'une question de société, abondamment débattue dans les médias mais aussi par les citoyens.

Les quatre rapporteurs nommés par l'OPECST reflètent le caractère transpartisan de cet organisme. Ce sont Florence Lassarade, sénatrice Les Républicains, Sonia de La Provôté, sénatrice Union centriste, Gérard Leseul, député socialiste, et Jean-François Eliaou, député La République en marche.

Plus de douze auditions ont été organisées cette semaine. Les premières conclusions seront publiées le 15 décembre, pour nourrir le débat parlementaire qui aura lieu à l'Assemblée nationale le 16 décembre et au Sénat le 17 décembre. Elles seront le prélude à une veille constante de l'Office sur ce sujet.

L'audition qui s'ouvre est particulièrement importante : elle réunit des associations et des institutions représentant des usagers, qui auront un rôle clé dans le contact avec les personnes qui décideront de se faire vacciner. Le débat sur le vaccin est certes un débat logistique, au plus près du terrain, mais il est aussi un débat sur la confiance et sur les rapports entre le système de santé et les usagers.

Je vais sans tarder laisser la parole à mes collègues rapporteurs ici présents.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

Bonjour à tous. Merci d'avoir accepté d'échanger avec nous. Comme cela vient d'être souligné, le point de vue des usagers est essentiel. Le contexte français montre un grand scepticisme vis-à-vis de la vaccination en général, et de celle-ci en particulier. Nous aimerions voir avec vous quels sont les chemins qui permettraient de gagner des points pour augmenter la confiance de nos concitoyens.

Ma première question est vaste, mais essentielle : qu'est-ce qui, dans la parole publique, nationale ou locale, peut créer de la confiance dans la façon dont nos concitoyens voient la campagne vaccinale qui va débuter en janvier ? Quels sont les meilleurs vecteurs de l'information ? Le rôle des médecins traitants et, plus globalement, des soignants est-il primordial ?

Enfin, quels sont les questionnements que vous retrouvez le plus souvent chez nos concitoyens ? Quelles vous paraissent être les raisons du scepticisme ? Voyez-vous à l'inverse, chez vos adhérents, une part de personnes plutôt confiantes et proactives vis-à-vis de la politique vaccinale ? Pour quelles raisons ?

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Dans votre diversité, vous représentez un point de vue qui est pour nous absolument fondamental, car il va bien au-delà des auditions scientifiques et techniques que nous avons conduites jusqu'ici. Il y a une vraie interrogation sur l'acceptabilité de la stratégie globale, que ce soit pour le choix des vaccins ou pour la définition des priorités. Êtes-vous suffisamment bien représentés auprès des instances de décision ? La concertation avec les acteurs de terrain a-t-elle été suffisante ? Pensez-vous que demain, il vous faudrait absolument participer au comité d'orientation qui se dessine ? L'échelon de proximité, qui peut être le département plus que la région, ne doit-il pas devenir un maillon essentiel pour organiser cette concertation citoyenne et professionnelle dont vous portez la nécessité ?

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

Merci d'apporter votre contribution à ces auditions qui s'avèrent passionnantes. Nous avons absolument besoin d'avoir le point de vue des usagers. Comment percevez-vous la rapidité avec laquelle les vaccins ont été mis au point, alors qu'il n'en existe toujours aucun pour le sida ? Est-ce une chance, ou au contraire une difficulté au regard de l'hésitation vaccinale si importante en France ? Je ne sais d'ailleurs pas si cette arrivée est si soudaine que cela, puisque nous risquons d'attendre ces vaccins plusieurs mois, voire plusieurs trimestres… En tant que pédiatre, je pense que l'apparition d'un vaccin est une chance et je vois tout l'intérêt d'une vaccination à grande échelle, jusqu'à l'éradication de la maladie – ce qui ne semble pas être le sujet pour la Covid.

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Gérard Raymond, président de France Assos Santé

Je vais tout d'abord présenter France Assos Santé, dont je suis actuellement le président. France Assos Santé est l'union des associations agréées du système de santé, créée par la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016. C'est l'un des piliers de ce que nous appelons la démocratie en santé, c'est-à-dire la représentation et la formation des « usagers en santé » dans les établissements. Nous avons aussi pour mission d'être force de proposition dans l'évolution du système de santé. Il est important pour nous d'être associés à la stratégie vaccinale pour faire face à la crise de la Covid.

Je suis accompagné par la vice-présidente, Claude Rambaud, ainsi que par Jean-Pierre Thierry, conseiller médical et scientifique, et Yann Mazens, expert des questions de médicaments et d'organisation. Ils répondront aux questions plus précises que vous poserez.

L'important n'est pas seulement que nous soyons associés aux concertations, mais que nos propositions et nos interrogations soient entendues, écoutées et intégrées à la réflexion de ceux qui ont à prendre des décisions. En mars dernier, la démocratie en santé a été elle aussi totalement confinée, et l'on s'est appuyé, pour prendre des décisions politiques, sur des scientifiques et quelques autres politiques « sachants ». Nous-mêmes, les usagers de la santé, avons été maintenus très loin des prises de décision, que ce soit dans les établissements de soins avec les commissions des usagers de la santé ou en région avec les conférences régionales de la santé. Le professeur Rusch pourra confirmer que rien n'a été demandé non plus à la Conférence nationale de santé.

Nous nous sommes forcément sentis frustrés puisque toutes les décisions qui étaient prises l'étaient pour nous, mais il fallait les subir. Nous n'avions pas le droit de faire des commentaires ou des appréciations. Petit à petit, nous nous sommes mobilisés pour pouvoir aider et protéger les plus fragiles. Nous avons tissé des liens très forts avec le ministère de la Santé, le ministère des Affaires sociales et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) pour mettre en place des mesures sociales de protection des plus fragiles. Nous pouvons nous féliciter que des mesures exceptionnelles aient permis à ce moment-là de protéger l'ensemble de nos concitoyens, et particulièrement ceux qui travaillaient – par exemple, ils pouvaient se mettre en arrêt de travail en téléchargeant simplement un formulaire sur Ameli.fr, le portail de l'assurance maladie. Peu de pays ont autant fait pour protéger leurs concitoyens. C'est important. Et nous avons été à la manœuvre, y compris sur les problèmes informatiques ou numériques : nous avons participé à la mise en place d'outils comme Contact-Covid.

Aujourd'hui, le gouvernement et le ministère de la Santé ont un peu de mal à créer de la confiance autour de la stratégie vaccinale. Nous avons alors été sollicités pour être un relais de cette communication. Il faut savoir que notre communication est totalement indépendante. Bien que les campagnes de vaccination soient un élément majeur de la sortie de crise sanitaire, elles soulèvent beaucoup d'interrogations. Nous publions aujourd'hui un sondage qui montre que jour après jour la méfiance – pour ne pas dire la défiance – monte chez nos concitoyens vis-à-vis des vaccins et de la stratégie vaccinale. Il est donc important que notre association obtienne des réponses à ses interrogations auprès de toutes les cellules ou comités en train d'être mis en place, pour que notre communication soit cohérente avec celle du gouvernement et que puisse se mettre en place un système de confiance et de transparence vis-à-vis de nos concitoyens.

Nous travaillons aujourd'hui à pouvoir co-construire cette communication, à condition d'obtenir des réponses à des interrogations de plus en plus prégnantes auprès de nos concitoyens.

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Merci beaucoup pour cette première réponse. Vous pouvez poursuivre librement.

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Claude Rambaud, vice-présidente de France Assos Santé

Comme l'a dit Gérard Raymond, je suis vice-présidente de France Assos Santé et je suis également membre de l'association Le Lien, qui est active dans la lutte contre les infections nosocomiales. Je suis donc très engagée pour la sécurité du patient, notamment dans tout ce qui relève de l'infectiologie.

La démocratie sanitaire est très liée à la communication, que vous avez déjà évoquée dans vos introductions. C'est au cœur de la confiance, qui est elle-même un des piliers de la réussite de la politique vaccinale.

Les responsabilités que chacun doit assumer – aussi bien vous, les parlementaires, que nous, les associatifs – nous obligent à assurer la pertinence, la justesse et l'efficacité de cette communication. Elle va être très importante. L'épidémie est naissante, ou très récente, par rapport à d'autres « ravageuses » mieux maîtrisées, et nous ne savons pas tout. Nous devons apprendre à dire la vérité aux Français. Nous payons cher les insuffisances passées en matière de transparence. Aujourd'hui, l'information ne circule plus de la même façon. Aussi bonnes soient les intentions, puisque la campagne vaccinale va durer, cacher des informations peut avoir un effet extrêmement négatif et aggraver l'hésitation vaccinale.

Nous ne pouvons pas prendre le risque de rater le rendez-vous de la vaccination. C'est un immense espoir. Nous avons donc besoin de toutes les compétences réunies, et je pense tout particulièrement, au-delà des médecins et des professionnels de proximité, aux institutionnels qui détiennent des outils utiles : la CNAM avec son dispositif de facturation, mais aussi de traçage, qui va travailler avec l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à renvoyer sur ce dispositif la déclaration des événements indésirables éventuels ; l'ANSM qui va être chargée d'autoriser la mise sur le marché, de diffuser les bonnes informations aux patients et de centraliser la remontée des événements indésirables. À leurs côtés, les acteurs de la démocratie sanitaire et les citoyens feront vivre la participation.

Il existe déjà une technologie interactive qui permet aux citoyens de s'engager dans une vigilance proactive : c'est celle du carnet de vaccination électronique. Il permet un meilleur suivi de la vaccination, mais pas seulement : il offre la possibilité de diffuser en temps réel des informations, quand il en est besoin, tant vis-à-vis des pathologies que de la remontée des incidents de vaccination – même légers –, et il permet aussi, par les messages et les applications qui en découlent, de déconstruire les rumeurs et fake news. Si nous n'agissons pas en temps réel sur les informations qui circulent, cela peut aggraver l'hésitation vaccinale.

En 2016, j'étais vice-présidente du comité d'orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination, présidé par le professeur Alain Fischer. Nous avons vu à quel point la France a payé cher dans l'hésitation vaccinale le fait de ne pas avoir combattu suffisamment les fausses rumeurs.

Le message de mon introduction est donc clair : si le patient est mieux informé, acteur de sa santé et participe à l'effort national pour une meilleure transparence, il peut être un allié pour établir la confiance.

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Pr. Emmanuel Rusch, président de la Conférence nationale de santé

Je suis médecin de santé publique, praticien hospitalier au CHU de Tours, enseignant-chercheur à l'université de Tours et directeur d'une équipe de recherche « Éducation, éthique et santé ». Je représente ma région à la Conférence nationale de santé, dont je suis le président. Je suis également, en tant que représentant de la Conférence nationale de santé, président du comité de contrôle et de liaison sur la Covid-19. Ce comité a été créé au printemps dernier pour associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l'épidémie par suivi des contacts ainsi qu'au déploiement des systèmes d'information prévus à cet effet. Enfin, je préside la Société française de santé publique.

En préambule, je souhaite dire la primauté que nous accordons aux principes de responsabilisation et de renforcement de l'autonomie des personnes. C'est pour nous un axe majeur et une constante. Le renforcement de l'autonomie de la personne s'appuie sur une information loyale et un accompagnement bienveillant, éducatif, et sur le respect des droits des usagers du système de santé.

Sur la question de la vaccination et de la stratégie vaccinale, je vais développer trois points très rapidement.

La stratégie vaccinale est une démarche essentielle dans le cadre d'une stratégie globale de lutte contre la pandémie de Covid-19. Il ne faut pas oublier cette cohérence générale : ce n'est pas parce qu'on s'occupe de vaccination qu'il faut délaisser les autres éléments de la lutte contre la pandémie. On sait bien que c'est le maillon le plus faible qui détermine la résistance ou la faiblesse de l'ensemble de la chaîne de mise en œuvre. Il est donc important de mettre en cohérence la stratégie vaccinale avec les autres stratégies de lutte contre la pandémie et, à l'intérieur de la stratégie vaccinale, de veiller à la cohérence entre stratégie, logistique, mise en œuvre opérationnelle, adhésion des populations et des professionnels, etc.

Établir la cohérence oblige à conforter et légitimer les instances et les organisations existantes – sauf défaillances évidentes, bien sûr. Notre pays dispose de plusieurs organisations et agences de sécurité sanitaire – l'ANSM, la Haute Autorité de santé (HAS), Santé publique France, le Haut Conseil de santé publique (HCSP) ; y ont été ajoutés le Conseil scientifique et le Conseil d'orientation sur la stratégie vaccinale. La visibilité et la lisibilité de ces organisations doivent être posées vis-à-vis des acteurs qui interviennent dans la stratégie vaccinale.

Cela ne vous étonnera pas : cette stratégie vaccinale doit faciliter, favoriser, associer les différents processus démocratiques. Vous en êtes les représentants avec la démocratie représentative. Il y a aussi la société civile organisée, que l'on retrouve notamment dans la Conférence nationale de santé, mais pas seulement. Des dimensions de démocratie directe, citoyenne, peuvent également être mobilisées. Pour traverser au mieux ce qui nous attend dans les prochains mois – on aurait souhaité que ce soit aussi le cas dans les phases précédentes – il est important de privilégier une approche multilatéraliste, et non pas une succession de bilatéralismes.

Il me semble très important de garder en perspective cette nécessité d'une cohérence d'ensemble.

La communication est au service d'un processus éducatif ou formatif. On peut s'interroger sur la culture scientifique ou de santé publique qui prévaut aujourd'hui dans la population et chez les professionnels, mais ce n'est pas le sujet le plus urgent dans les semaines ou les quelques mois qui viennent. C'est un sujet de « longue haleine ». Sur la communication proprement dite, je relève un premier point, si ce n'est d'étonnement en tout cas d'attention. Une stratégie de communication se construit autour d'une équipe forte et structurée, au service d'une communication transparente, honnête, scientifiquement établie, qu'il faut diffuser et partager sur les différents médias, très nombreux aujourd'hui.

Deuxième point : nous souhaitons que la communication privilégie l'autonomie plutôt que les commandements, car cela nous semble être plus efficace. Une telle démarche est justifiée par des données probantes tirée des études réalisées sur la communication dans le domaine de la santé. Il est également très important d'inscrire le discours dans une histoire : celle-ci serait avant tout une histoire autour d'une catastrophe naturelle qui affecte la planète et notre pays – une catastrophe naturelle, avec cependant des interventions humaines. Il vaut mieux avoir une approche positive autour des notions d'esprit d'équipe et de challenge à relever, et pas forcément un discours guerrier, une métaphore guerrière. C'est ce que disent les études dans les domaines de l'éducation et de la communication. Certes, il est des moments où l'on peut avoir besoin d'approches différentes, mais sur le moyen ou long terme, les semaines ou les mois, il est important d'ancrer l'événement dans une histoire qui puisse être racontée, qui puisse donner du sens à l'expérience vécue par tous. Il faut bien sûr s'appuyer sur les citoyens et la société civile. C'est essentiel.

Le troisième point concerne le système d'information qui est mis en place. Je ne peux qu'appuyer ce qui vient d'être dit sur le carnet de vaccination numérique. Pour accompagner la stratégie vaccinale, nous avons besoin d'un système d'information robuste, efficace, efficient, pour garantir les droits des usagers, poursuivre l'accroissement de la couverture vaccinale et contrôler ou suivre les éléments relevant de la sécurité sanitaire autour de la campagne de vaccination. Cet élément fondamental doit être construit et évoqué avec la société civile et, plus généralement, avec la population.

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Christian Saout nous a rejoints. Je vous propose de vous insérer dans le flux de la conversation, en demandant aux rapporteurs de lancer une nouvelle salve de questions.

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Je partage ce qui a été dit sur un certain « confinement » de la citoyenneté, au moins pendant les premiers mois de la crise. Comme vous, nous ne sommes pas les décideurs – c'est l'exécutif –, mais nous devons évaluer la stratégie qui va être mise en place. Quelles sont les principales recommandations concrètes que vous pourriez formuler ?

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

J'ai fait précédemment le parallèle – qui est plutôt une asymétrie – entre l'arrivée rapide du vaccin contre la Covid et le fait qu'on n'a jamais réussi à développer un vaccin contre le sida. Cette rapidité – qui a créé une certaine sidération et qui peut conduire à un rejet de la vaccination – vous étonne-t-elle, ou considérez-vous, au contraire, que c'est une chance ou un espoir ?

Je suis particulièrement sensible à cette question car j'étais jeune interne pendant les premières années de l'épidémie de sida et Dieu sait que nous avons contaminé énormément d'hémophiles – j'étais interne en pédiatrie donc je ne vais pas dire que j'ai du sang sur les mains… J'ai commencé ma carrière professionnelle avec le sida et je l'ai terminée comme pédiatre avec le coronavirus, qui heureusement n'atteint pas les enfants de façon grave.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

Je rebondis sur plusieurs questions précédentes. Quelles sont les raisons de la réticence, du scepticisme à l'égard du vaccin ? Est-ce particulièrement lié à la situation actuelle ? Le « confinement de la démocratie sanitaire » y a-t-il contribué ? Voit-on chez nos concitoyens une évolution vis-à-vis du vaccin contre la Covid, une sensibilité plus grande ? Sur quels sujets l'information et la communication devraient-elles mettre l'accent pour pouvoir engager à nouveau le dialogue ?

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J'ai le sentiment que nous partageons le constat de la défiance. Je vois intervenir sur les réseaux sociaux des personnes qui s'inquiètent de la fiabilité du ou des vaccins ainsi que des effets secondaires ; d'autres personnes s'inquiètent que nous ne soyons pas prêts, qu'il n'y ait pas assez de doses disponibles, que nous soyons derrière les Anglais ; d'autres encore considèrent que, de toute façon, elles n'iront jamais se faire vacciner. Le message qu'il faut faire passer est donc très complexe : il doit être unique, cohérent, mais s'adresser à une population dont les ressorts psychologiques sont pluriels.

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Christian Saout, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), président de la commission sociale et médico-sociale et du conseil pour l'engagement des usagers de la HAS

Je suis magistrat administratif et je suis surtout connu pour avoir présidé l'association AIDES de lutte contre le sida pendant près d'une décennie, au moment où les trithérapies sont arrivées. J'ai donc connu l'« avant » et l'« après ». J'ai aussi présidé le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), avant qu'il ne devienne France Assos Santé. Après ces états de service militant, j'ai été nommé au collège de la HAS, dont je suis le premier non-scientifique.

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Christian Saout, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), président de la commission sociale et médico-sociale et du conseil pour l'engagement des usagers de la HAS

Nous ne sommes pas très nombreux, parmi les militants associatifs, à avoir intégré les autorités sanitaires. Cela offre une expérience dont je peux témoigner devant vous.

Beaucoup d'informations ont été données par Emmanuel Rusch et Claude Rambaud. Nous savons qu'en santé publique, quand on implique les populations, c'est toujours mieux que quand on ne le fait pas. Ceci a été amplement démontré par des travaux scientifiques en sciences de l'organisation, en sciences sociales ou sciences sanitaires pures. Il n'y a pas à douter de cette question. Du point de vue de ce qu'on appelle la démocratie en santé, impliquer des populations dans la définition des stratégies est efficace. La demande en a été faite par la Conférence nationale de santé et le Conseil scientifique Covid-19 – le président Delfraissy avait adressé une note à Matignon qui est restée sans effet. Le conseil pour l'engagement des usagers de la HAS, que je préside, avait également indiqué dès le début qu'il fallait associer les populations concernées aux enjeux de la lutte contre la Covid.

La mise en place du conseil citoyen vient un peu tardivement, et sur le seul segment de la vaccination. On peut se réjouir de sa création, mais on peut aussi penser que l'on n'a peut-être pas choisi la forme la plus agile : il est logé au Conseil économique et social ; il faudra passer un marché pour sélectionner les 30 citoyens par un opérateur de confiance ; il faudra les former, mettre en marche le conseil et ainsi de suite. Le conseil citoyen ne sera pas vraiment opérationnel avant mars-avril, c'est-à-dire au moment où la vaccination va concerner un cercle de population élargi, avant la vaccination générale offerte à tous. Cependant, nous aurions pu gagner beaucoup en impliquant les citoyens depuis le début sur l'ensemble de la chaîne, depuis les signes cliniques, les prises en charge, les tests, les dépistages jusqu'à la vaccination. C'est un premier point. Ces deux branches sont très importantes : impliquer les populations dans l'orientation stratégique – c'est l'intérêt d'un conseil citoyen – et impliquer les populations dans l'organisation de la vaccination – c'est plutôt « Monsieur Vaccin » et son conseil d'orientation qui vont pouvoir le faire. Tout cela est un peu tardif, mais c'est bien de le faire.

Pourquoi les Anglais nous précèdent-ils ? Tout simplement parce qu'ils se sont émancipés de l'Union européenne et qu'ils ne passent pas devant l'Agence européenne des médicaments (EMA). Ils ont donc pu examiner de leur propre fait, avant nous, la pertinence scientifique des vaccins proposés. Nous sommes tributaires du passage par l'EMA, qui devra avoir donné sa validation scientifique.

Pourquoi autant d'empressement pour obtenir un vaccin par rapport à ce que l'on a connu pour le sida ? Parce que le sida est un rétrovirus et que la construction d'une réponse vaccinale en devient compliquée. Pourtant, beaucoup d'argent a été investi. Nous sommes probablement confrontés à un écueil scientifique majeur qu'on ne sait pas traiter. Je me suis moi-même prêté à l'un des très nombreux essais vaccinaux qui ont été organisés en France et dans le monde. La vérité est qu'on est devant une difficulté scientifique majeure. Ce n'est pas le cas pour les vaccins contre la Covid, parce que nous connaissons bien ces virus et parce qu'au-delà du vaccin à ARN, qui est une innovation, les autres vaccins en projet sont assez classiques. La recherche peut donc aller beaucoup plus vite. Je ne pense pas que cette rapidité ait concerné les essais cliniques : ni la phase 1, ni la phase 2, ni la phase 3 n'ont été « grillées ». Nous nous sommes mis en situation de raccourcir les phases administratives. Tout le monde était prêt. La HAS était prête depuis longtemps.

L'information dont on dispose sur les vaccins suscite-t-elle des doutes et des interrogations ? Probablement, comme toujours, comme sur tous les médicaments. Ce n'est pas parce qu'un essai a été réalisé sur 35 000 personnes qu'il n'y aura pas d'aléas nouveaux sur la population générale. Lorsque la vaccination porte sur 2 millions de personnes, on observe probablement plus d'effets secondaires que sur les 35 000 de l'essai. Tous les documents relatifs à ces vaccins sont aujourd'hui sur la place publique dans une transparence que nous n'avions jamais vue, même s'il faut parfois cultiver et l'anglais et la connaissance scientifique.

Ce qui complique la crédibilité du processus, c'est probablement ce phénomène nouveau que constitue la fabrication de la science à la télévision devant les citoyens. La science est le résultat d'un débat, d'une confrontation entre sachants. C'est assez facile quand 1 égale 1 ; mais quand 1 égale 0,97 ou 0,98, il faut se mettre d'accord, et la situation devient beaucoup plus délicate. C'est l'essence de la confrontation scientifique. Cette fois, elle s'est faite sous l'œil des caméras, quand des scientifiques qui avaient l'habitude de débattre entre eux, dans des revues, des cercles spécialisés, ont été amenés à prendre position dans les médias. C'est tout à fait nouveau, et cela a d'ailleurs pu donner l'impression que, en même temps que se manifestait l'intérêt pour la science, se cultivait aussi une certaine infodémie nuisible à l'acceptabilité sociale des vaccins.

Le collège de la HAS a fait le point hier sur les informations relatives à la vaccination. Il n'y a pas moins d'une douzaine de sites Internet publics – je ne parle pas de ressources privées – qui informent sur la Covid-19 et les enjeux de la vaccination, et qui vont perfectionner leur mode d'information dans les semaines à venir. Comment nos concitoyens vont-ils s'emparer de cela ? Probablement dans le cadre des sphères auxquelles ils appartiennent. Quand ils sont membres d'une association de patients, c'est plus facile pour eux de savoir comment faire parce qu'ils sont aidés. Quand il y aura peut-être, pour une même indication, deux vaccins, il faudra accompagner le choix de nos concitoyens. Nous ne convaincrons probablement pas les 30 % de gens qui sont contre, ces fameux sceptiques ou rétifs à la science. Mais il nous faut gagner ceux qui se posent légitimement des questions sur la vaccination. D'ailleurs, pour la Haute Autorité, l'urgence, l'enjeu majeur, est de publier un document d'aide à la décision de vaccination plutôt qu'au choix d'un vaccin. L'aide à la décision pour un citoyen est l'une des missions de la HAS. Nous allons donc publier ce document.

Chacun doit prendre sa part à la progression de la vaccination. Je fais partie de la génération qui, comme certains d'entre vous, avait en classe des copains qui avaient la polio. On voyait très vite la différence entre être vacciné ou pas vacciné… Aujourd'hui, malheureusement ou heureusement – comme on voudra, en tout cas malheureusement pour la communication – tout le monde fait l'objet de vaccinations obligatoires et l'on ne voit plus les dangers de la non-vaccination. Il serait peut-être utile de les rappeler. Nos principaux gains d'espérance de vie viennent beaucoup de la vaccination – la cause est multifactorielle, bien sûr : l'hygiène, le niveau de richesse, de culture, etc. mais il faut rappeler les principes de bon sens.

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Merci beaucoup pour ce témoignage. J'aimerais que vous reveniez sur le conseil citoyen et sur son mode opératoire tel que vous l'avez vu ou ressenti, pour que nous comprenions aussi comment ce conseil est appelé à travailler avec les autres comités, en particulier le conseil d'orientation confié à Alain Fischer. Nous voyons actuellement une certaine surabondance de comités, et le conseil d'Alain Fischer inclut aussi des personnes issues de la société civile.

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Christian Saout, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), président de la commission sociale et médico-sociale et du conseil pour l'engagement des usagers de la HAS

Je n'en sais pas grand-chose. Tout cela découle de la convention d'Aarhus qui a installé l'idée de consultation citoyenne, de débat public sur les orientations stratégiques. C'est ce modèle qui a été retenu, identique à celui de la convention citoyenne sur le climat, avec un choix par tirage au sort comme l'a indiqué le président de la République. Il faut bien qu'un opérateur du tirage au sort se mette en place. Alain Fischer m'a dit qu'il ne serait pas le président du conseil citoyen, qu'il irait évidemment devant ce conseil pour s'exprimer, mais que c'était un conseil véritablement citoyen. Il m'a dit qu'il avait pour mission d'organiser la vaccination et qu'il le ferait avec le conseil d'orientation stratégique qu'il met en place.

La HAS dispose d'une commission technique de la vaccination dont le mandat est fixé par des textes réglementaires. Elle a vocation à s'exprimer sur les différents vaccins qui vont arriver devant elle, ainsi que sur la stratégie vaccinale et l'organisation de la vaccination. Il faudra probablement être prudent. Le dialogue entre Alain Fischer et la présidente de la HAS montre que nous avons plutôt envie de travailler ensemble. Le risque de contradictions n'est pas mince dans un contexte où l'on multiplie les organismes – c'est le simple bon sens et non un procès d'intention. Pour l'instant, sur l'ensemble de la chaîne Covid-19, il n'y a pas eu de contradictions entre les producteurs de recommandations scientifiques ou de recommandations de prise en charge. Espérons que cela continue ainsi.

La HAS a publié en 2019 un rapport d'analyse prospective sur l'implication des citoyens en santé. Ce rapport appelait notamment à mettre en place d'un côté le débat public, de l'autre des mécanismes d'implication des citoyens dans l'organisation de la vaccination. Alain Fischer m'a dit qu'il veillera à ce que son conseil d'orientation inclue des citoyens, probablement plutôt instruits de la chose parce qu'ils appartiendront à des associations ou que leur CV témoignera d'une capacité à saisir les sujets concrets d'organisation de la vaccination. Pour le reste, voyez comment le jeu peut se faire. La HAS a demandé au Conseil pour l'engagement des usagers de dialoguer avec la commission technique de la vaccination. Dans le processus scientifique de cette dernière commission, il y a toujours à un moment donné un dialogue, soit avec des parties prenantes sélectionnées à cet effet, soit avec l'ensemble des citoyens, comme nous l'avons fait récemment pour la première recommandation vaccinale. Celle-ci a été mise en ligne et a été adoptée par la HAS après discussion par l'ensemble des citoyens. Tout le monde pouvait donc s'exprimer sur le projet d'orientations relatives à la stratégie vaccinale proposé par la HAS.

Parfois, en raison de l'urgence, on ne peut pas faire ces consultations, ou on ne peut pas les faire par Internet. Vous savez que la HAS est saisie quasiment au jour le jour, les pouvoirs publics lui demandant de rendre un avis dans les 48 heures. C'est dans ce cadre contraint qu'il faut organiser une concertation. Ce n'est pas difficile avec France Assos Santé car les 85 associations membres sont organisées. Par contre, consulter l'ensemble des citoyens peut se révéler difficile. Les neuf usagers membres du Conseil des usagers de la HAS se sont mis à la disposition de la commission technique de la vaccination pour pouvoir, s'il en est besoin, donner en urgence un avis sur tel ou tel aspect de la saisine gouvernementale. Il reste cependant difficile de combiner l'urgence et le temps du débat, de la confrontation, de l'échange, du dialogue avec la société civile. Toutes les institutions cherchent à faire cela : la HAS a son Conseil pour l'engagement des usagers, l'Institut national du cancer (InCa) a un conseil équivalent, Santé publique France a, je crois, un comité de dialogue avec la société. C'est très important, pour les raisons qu'a dites Emmanuel Rusch : pas de santé publique sans population impliquée, et pas de santé publique sans stratégie délibérée avec elle.

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Merci beaucoup. Ce n'est pas toujours simple, mais avec votre aide, on y voit plus clair. Comme vous le dites, c'est un mouvement majeur. Vous avez parlé à juste titre de la convention d'Aarhus et du travail qui a été accompli au cours des dernières décennies sur l'implication citoyenne dans les analyses et les prises de décision. L'OPECST a d'ailleurs analysé la contribution du comité citoyen qui avait fait un excellent travail sur la loi de bioéthique, avec des éclairages et des conclusions extrêmement bien organisés, nuancés, en n'étant pris en otage ni par la méconnaissance des dossiers ni par l'excès d'engagement. Nous sommes convaincus à l'Office que c'est une démarche qu'il faut développer.

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Christian Saout, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), président de la commission sociale et médico-sociale et du conseil pour l'engagement des usagers de la HAS

Mais dans une temporalité qui n'était pas celle de l'urgence, ce qui change beaucoup de choses.

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Exactement. Pour la bioéthique, nous avons pris tout le temps qu'il fallait, tandis qu'actuellement les contraintes de délai engendrent de fortes pressions.

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Yann Mazens, France Assos Santé

Je souhaite intervenir sur la transparence et Jean-Pierre Thierry souhaite intervenir sur la pharmacovigilance, qui en est un élément clé.

Pour prolonger ce que disait Christian Saout, il faut mentionner un point essentiel : dès qu'on identifie des questionnements non résolus, on doit mettre clairement les éléments sur la table. Sinon, les difficultés s'accumulent. Tout serait transparent ? En fait, non. Je m'inscris en faux là-dessus. Beaucoup d'informations sont transparentes, c'est de plus en plus le cas sur les résultats des essais. Les résultats du vaccin de Pfizer ont été publiés dans une revue ; il en est de même pour Astra-Zeneca. Mais il subsiste un « nœud » : les accords d'achats anticipés de vaccins négociés par la Commission européenne. La ministre de l'Industrie a rapidement évoqué ce point en conférence de presse. Cela a été assez rapidement balayé, trop rapidement, pensons-nous. France Assos Santé est très active au niveau européen et suit ce sujet depuis le début. On voit poindre un malaise par rapport à ces achats. Les contrats ne sont pas transparents, et même les négociateurs ne le sont pas.

De quoi parle-t-on quand on dit « transparence » ? Les gens ressentent une grande confusion, qui entretient la méfiance. Dans les contrats, il y a des éléments d'ordre industriel et commercial, et il y a des éléments relatifs à l'indemnisation des personnes. Dans un contexte de développement très rapide des vaccins, les industriels ont souhaité avoir quelques garanties sur ce dernier registre. Il faut bien se mettre d'accord avec les citoyens : les questions qui se posent sur les contrats ne concernent pas du tout les résultats des essais cliniques. C'est un autre sujet, cela commence à être publié et c'est heureux.

À quel moment les contrats pourront-ils être rendus publics ? Que contiennent-ils et quelles sont les conséquences pour les usagers ? S'il n'y a pas de faute grave de la part des industriels, l'indemnisation potentielle en cas d'effets indésirables relèvera du droit commun, et sera en l'occurrence assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Il n'y a donc pas de conséquence directe pour les usagers – même s'il est vrai que, dans le cadre français, on pourrait travailler à améliorer le fonctionnement de l'Oniam et l'indemnisation des effets indésirables des produits de santé en général, des médicaments en particulier. En revanche, il y a un flou sur le contenu des contrats et les conséquences possibles. Des résultats sont donnés au fil de l'eau sur les essais mais il y a une confusion sur les négociations des achats groupés. C'est vraiment dommage.

La commissaire européenne à la Santé, Mme Kyriakides, a été saisie du sujet par des associations européennes. Elle a donné des réponses assez maladroites : autant on peut entendre l'argument « protection des intérêts commerciaux des entreprises », autant il est plus difficile d'accepter l'argument « absence d'intérêts publics majeurs qui justifieraient d'ouvrir l'accès aux contrats ». Sans militer nécessairement pour une transparence immédiate, on pourrait au moins s'entendre sur les composantes des contrats, afin de réduire l'un des nombreux « nœuds » que va rencontrer la campagne vaccinale.

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Pouvez-vous être un peu plus précis en donnant un exemple de réponse malheureuse ?

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Yann Mazens, France Assos Santé

Je peux vous transmettre la lettre envoyée à une organisation avec laquelle nous travaillons, Corporate Europe Observatory. On y lit l'expression « absence d'intérêts publics majeurs qui justifieraient l'accès ». Je vous livre un autre élément donné par la commissaire Kyriakides : « Nous avons entendu vos préoccupations concernant la transparence. Ce que je peux vous dire est que compte tenu des contraintes contractuelles, nous sommes prêts à envisager de rendre des informations sur les contrats accessibles aux députés désignés au Parlement, avec des conditions spécifiques, une fois les négociations sensibles en cours conclues. » Il est question par la suite d'une salle de lecture où certains députés triés sur le volet viendraient examiner les contrats. Dont acte, mais le message n'est pas très bon. Sans contester le fait que les contrats puissent être en partie confidentiels, cela entretient la défiance.

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Si je résume, vous ne remettez pas en cause la transparence sur les essais et les résultats. En revanche, vous alertez sur le fait qu'il n'y a pas vraiment de transparence au niveau des contrats.

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Yann Mazens, France Assos Santé

Oui. Ce sont deux sujets différents et c'est loin d'être clair dans l'esprit des gens. Il est vrai que beaucoup de personnes ne regardent pas vraiment ce qu'il se passe au niveau européen, surtout en France. Mais la question des achats au niveau européen est un sujet qui a été largement évoqué dans les médias. De fait, il y a un peu de fake news autour de cela, et il faut rester vigilant. Dès qu'il apparaît, le sujet de l'opacité des contrats entretient une certaine défiance, alors que les résultats des essais cliniques sont un tout autre sujet. Je vous transmettrai l'ensemble des éléments.

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Pr. Emmanuel Rusch, président de la Conférence nationale de santé

Je confirme ce qui a été évoqué à l'instant, à savoir la nécessité de réduire les « nœuds » en termes de communication. Pour cela, il faut certainement disposer d'éléments de réponse compréhensibles, intelligibles et partageables avec la population.

Pourquoi le scepticisme ? Ce qui vient d'être évoqué peut y « contribuer », puisque c'est un phénomène assez classique sur les réseaux sociaux d'élargir le périmètre de la non-transparence à des sujets qui ne sont pas forcément le sujet initial. Or il faut bien distinguer d'un côté les essais cliniques, leur fiabilité, leur sécurité et leur bonne réalisation, et de l'autre un sujet tout aussi important, mais qui, pour moi, est différent : les contrats avec les industriels. Il peut y avoir une zone de recouvrement, sur des questions comme l'indemnisation et la démocratie qui doit exister aussi dans ce champ, avec de la transparence et un partage d'informations.

Je reviens sur la résistance de la population française à la vaccination. De nombreux échanges ont eu lieu lors de la concertation citoyenne de 2016. Il se peut que parmi les mesures préconisées à l'époque, qui formaient un tout, certaines aient été menées à bien et d'autres pas. Nous devons aujourd'hui gérer la situation à laquelle cet écart a conduit. Une partie de la population sera peu accessible à des explications rationnelles ou à la vulgarisation de données scientifiques. Christian Saout disait que c'était 30 %, je pense que le taux est en fait moins élevé, 15 %, mais je me trompe peut-être. Cela veut tout de même dire que la majorité de la population n'est pas fondamentalement sur le versant antivaccinal mais, au contraire, est déjà convaincue par la vaccination ou pose des questions sur la vaccination. Je trouve cela très bien. C'est légitime de se poser des questions sur la rapidité avec laquelle le vaccin a pu se mettre en place, sur les effets indésirables. Existe-t-il une plateforme réunissant l'ensemble des informations – la mission conduite par Alain Fischer pourrait-elle en mettre une en place ? L'enjeu principal consiste à savoir comment on répond à ces questions sans entrer dans des débats et des discussions qui seraient fake news et complotistes.

La résistance de la population à la vaccination est présentée de façon très négative, qui revient à dire qu'on a seulement besoin de citoyens qui exécutent des ordres : « faites-vous vacciner ». C'est faire fausse route. S'il y a des questions, si elles sont légitimes et raisonnables, on doit commencer par y répondre.

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Jean-Pierre Thierry

Je suis conseiller médical de France Assos Santé et, à ce titre, depuis cinq ans, je suis membre titulaire de la commission de la transparence de la HAS, qui évalue les nouveaux médicaments.

France Assos Santé vous livre en avant-première le résultat d'un sondage qui vient d'être réalisé. Il ne permet pas d'être aussi positif sur la position des Français que ce qui vient d'être dit. D'une manière générale, les Français surestiment les bénéfices des médicaments et sous-estiment les risques. Je rappelle que la consommation de médicaments par la population française est considérée comme très élevée. Pour le vaccin, nous trouvons exactement l'inverse : les bénéfices vont être sous-estimés et les risques surestimés. J'y reviendrai, en lien avec le système d'information.

La hiérarchie des risques est particulière en période de pandémie, mais de façon générale les risques sont mal pris en compte par le système de santé. J'ai parlé du risque médicamenteux chez les plus âgés ; je relève que les 20 % de Français qui consomment 80 % de la quantité totale d'alcool représentent 41 000 décès prématurés par an, et très peu de mesures de santé publique sont prises pour essayer de réduire ce nombre.

Pour en revenir aux vaccins, il est essentiel de convaincre les Français que le bénéfice est très largement supérieur au risque. Les pays qui y arrivent le mieux – ce n'est pas notre cas, malheureusement – sont ceux qui depuis de nombreuses années disposent de systèmes d'information, notamment de registres de vaccination qui couvrent l'ensemble de la population : le Danemark, l'Australie, les Pays-Bas, la Suède, Taïwan, la Croatie, le Royaume-Uni. D'autres pays ont des registres de vaccination régionaux permanents, comme les États-Unis, le Canada, le Portugal. Nous n'en avons pas en France, où même d'autres outils pourraient être mis à profit. La position officielle du European Centre for Disease Prevention and Control est qu'un système d'information et d'immunisation est indispensable et contribue à une plus grande confiance de la population. La Food and Drug Administration (FDA) américaine a proposé à un industriel confronté à un problème d'adjuvant mercurique de faire une étude au Danemark, parce que ce pays avait l'un des meilleurs registres de vaccination au monde.

En lien avec les registres de vaccination, les médecins et, dans de nombreux pays, les citoyens accèdent à un carnet de vaccination électronique, qui couvre l'ensemble de la population vaccinée. L'Europe de l'Est n'a pas de registres de vaccination. L'Allemagne faisait partie des retardataires avec l'Autriche, la Grèce, la Finlande et la France, mais a décidé de s'engager dans un programme. Ces registres peuvent être croisés avec des données médico-économiques.

Si nous revenons sur la pharmacovigilance, une façon d'armer les citoyens est de leur fournir une application qui permette de façon proactive de saisir des informations – c'est ce que va faire le Center for Disease Control and Prevention (CDC) aux États-Unis, en plus de son portail de pharmacovigilance. Un tel système d'information permettra de démontrer qu'il y aura bien des effets secondaires inattendus qu'on ne pouvait pas déceler en ne vaccinant que 30 000 personnes, que pour la majorité des personnes il y aura bien des effets réactogènes dans les deux jours suivant l'injection, mais qu'il n'y aura pas de catastrophes et que la balance bénéfice/risque sera donc très certainement extraordinairement favorable.

Je vais vous envoyer un lien pointant vers le rapport du CDC d'Atlanta. Celui-ci fait un panorama mondial des carnets de vaccination électroniques et souligne que le Canada et la France, paradoxalement, ont potentiellement une solution des plus avancées, qui embarque un système d'aide à la décision pouvant être très utile quand le médecin veut vacciner une personne qui, par exemple, a des comorbidités.

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Gérard Raymond, président de France Assos Santé

Je voudrais revenir sur la défiance actuelle vis-à-vis de la vaccination. J'ai dit dans mon propos liminaire que nous réalisons une enquête rapide sur la perception de la vaccination par nos concitoyens. Sans dévoiler les résultats que nous publierons en fin de semaine, 25 % des personnes disent qu'elles ne se feront surtout pas vacciner et seules 14 % des personnes sont convaincues qu'elles vont se faire vacciner. Ainsi, un grand nombre de personnes sont attentives à tout ce qui se dit sur la vaccination, y compris aux débats dans les médias, et sont plus dans la défiance que dans une attitude positive. La démarche de communication et de transparence doit donc être extrêmement précise pour ne pas créer de confusion. Il nous faut, dans le cadre de la démocratie en santé, apporter ces informations précises pour essayer de gagner quelques points de confiance auprès de nos concitoyens.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

Quelles sont vos relations avec le monde médical de proximité, en particulier les médecins traitants ? Y a-t-il des relations d'ailleurs ? On a l'impression que chaque organisme travaille un peu isolément. Ce n'est peut-être pas votre cas parce que vous êtes intégrés dans nombre d'organes consultatifs, voire décisionnaires.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

Certains d'entre vous ont évoqué la diversité des portails d'information à destination du public. Les professionnels de santé aussi reçoivent régulièrement des informations. Je souligne que, parfois, l'information est touffue et qu'il faut alors plusieurs minutes de lecture avant d'être en situation d'en faire la synthèse. Ne vous paraît-il pas important de simplifier, de hiérarchiser l'information, peut-être en commençant par la conclusion avant d'aborder les développements pour ceux qui souhaitent les voir ? Pour un praticien, il peut être difficile de gérer l'information lorsqu'il reçoit dans la semaine trois communications de plusieurs pages. Pour les usagers, ce n'est pas non plus très simple, surtout quand on n'est pas issu du milieu scientifique et, a fortiori, médical.

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Pr. Emmanuel Rusch, président de la Conférence nationale de santé

Je suis d'une certaine façon mal placé pour parler du lien avec les professionnels de santé et les médecins traitants puisque, dans la Conférence nationale de santé, les professions de santé sont représentées. Nous discutons en permanence avec elles. La population des professionnels de santé est hétérogène vis-à-vis de la connaissance du vaccin et de sa représentation. Il a déjà été dit en 2016, lors de la concertation nationale sur la vaccination, qu'il fallait convaincre et intégrer un certain nombre de formations au cours des études initiales et de la formation continue des professionnels de santé. Ce travail est à poursuivre.

Aujourd'hui, les médecins traitants attendent un ensemble d'informations sur la vaccination. Les données sur les vaccins qui arrivent sont certes présentes sur diverses plateformes scientifiques et peuvent être accessibles dans The Lancet, mais il faut faciliter le travail d'appropriation par les professionnels de santé.

Quelle est la place des professionnels de santé dans la stratégie vaccinale à venir ? Elle est essentielle car ce sont des relais qui ont une très grande légitimité dans la population.

Le sujet, que vous soulevez, de la littératie en santé vis-à-vis de la vaccination est essentiel. Une fraction de la population est en capacité de s'approprier une partie de l'information, tandis que c'est plus difficile pour d'autres. La stratégie de communication que j'évoquais tout à l'heure doit intégrer des modalités de communication diversifiées en fonction des publics. C'est indispensable.

Je vais faire un petit pas de côté quant au le conseil citoyen qui va être mis en place, par tirage au sort. Il est important que, au-delà ce mode de sélection, on reste attentif aux besoins des populations vulnérables. Or il n'est pas sûr qu'un tirage au sort permette de toucher des représentants de populations vulnérables, précaires ou souffrant de problèmes de santé. C'est pour cela que j'évoquais précédemment une complémentarité entre les dispositifs et les processus démocratiques : il est bien qu'on arrive à un collectif citoyen, mais on peut aussi passer par la société civile organisée, les associations proches des populations vulnérables et précaires, pour pouvoir faire le lien avec elles.

Enfin, je rappelle qu'il existe en France un réseau de professionnels qui fait au quotidien, en permanence, 365 jours sur 365, une présentation rigoureuse et destinée au grand public des informations autour de la vaccination et des vaccins : c'est la Fédération nationale de l'éducation pour la santé et la promotion de la santé (FNES). Il faut mobiliser ce tissu associatif.

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Merci beaucoup. Nous passons à un dernier tour de questions-réponses ou d'interventions.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

C'était particulièrement riche et instructif. Parmi nos auditions, qui sont nombreuses, certaines nous retiennent plus que d'autres, et celle-ci est remarquable.

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Yann Mazens, France Assos Santé

La pharmacovigilance va être très importante parce qu'il y a beaucoup d'interrogations, d'inquiétudes, de zones d'ombre et d'éléments à comprendre sur l'efficacité des vaccins et la tolérance à leur administration – notamment pour les personnes âgées ou avec des comorbidités. Il y aura peu de recul et les données ne seront pas forcément complètes au moment où les premières personnes seront vaccinées. Il y a donc un gros sujet de pharmacovigilance.

En contextualisant la situation, le système de pharmacovigilance en France est sinon défaillant, du moins peu efficace, ce qui crée de la défiance. Premièrement, on estime que seuls 1 % à 5 % des effets secondaires sont remontés dans le dispositif actuel. L'obligation de déclaration de la part des professionnels – médecins, pharmaciens et infirmiers – ne fonctionne pas, ou peu, ou mal. Deuxièmement, ce n'est pas le système de pharmacovigilance qui a permis de révéler les problèmes sanitaires récents sur des médicaments – vous connaissez le Mediator, mais on peut citer le cas du Lutényl/Luteran et le tout dernier : Androcur. Y compris pour les victimes, l'information est venue d'études qui ont obtenu subitement un large écho médiatique. J'insiste là-dessus. Il en est de même pour les crises relatives à des dispositifs médicaux.

Le contexte français de la pharmacovigilance, de la matériovigilance, est donc assez compliqué, avec un historique assez lourd à porter. Nous avons eu plusieurs réunions avec l'ANSM : l'Agence veut mettre en place un système de signalement renforcé et se montre très engagée dans cette démarche. Mais le socle de la pharmacovigilance interroge et il va falloir en tenir compte. Cela va rendre les choses plus compliquées.

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Pr. Emmanuel Rusch, président de la Conférence nationale de santé

J'adhère tout à fait à ce qui vient d'être dit. La mise en place d'un système d'information renforcé de pharmacovigilance est essentielle.

L'un des enjeux de la stratégie vaccinale va être sa territorialisation : c'est avec les professionnels de santé de proximité, les structures associatives de proximité, les représentants des usagers que la stratégie vaccinale doit pouvoir se décliner sur les territoires. Le département est-il la bonne maille ? Je ne sais pas, car il y a département et département. Selon le territoire, ce sera peut-être le département lui-même, les métropoles ou des bassins de vie plus restreints. En tout état de cause, il existe au niveau du département un conseil territorial de santé. Peut-être faut-il jouer sur le multilatéralisme existant à ce niveau-là – même s'il faut certainement aussi actionner les conférences régionales de la santé et de l'autonomie, représentées au sein de la Conférence nationale de santé. Il faut mobiliser toutes les instances de la démocratie en santé et s'appuyer sur elles.

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Gérard Raymond, président de France Assos Santé

J'approuve tout à fait ce qui vient d'être dit. On peut très bien concevoir au niveau national une communication soigneusement vulgarisée pour que l'ensemble de nos concitoyens comprennent, y compris les professionnels de santé. Il faut aussi s'appuyer sur les instances territoriales que sont les conférences de territoire de santé ou la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, où se rencontrent tous les acteurs de proximité et qu'il faut certainement renforcer.

Vous demandiez tout à l'heure si nous avions des relations avec les autres acteurs de santé. Elles sont ponctuelles. C'est à nous aussi de réfléchir pour construire des relations un peu plus formalisées, en se gardant de l'écueil de la récupération. Nous devons nous aussi nous confronter à d'autres visions, notamment celles des professionnels de santé. On peut inscrire ces échanges au plus près des citoyens, dans les conférences de territoire de santé ou dans les conférences régionales de santé et de l'autonomie, là où l'on a plus de prise sur les personnes, sur les problématiques et sur les besoins d'un territoire. Associer l'ensemble des acteurs dans cette communication est une démarche essentielle pour essayer de regagner une certaine confiance et arriver à franchir le cap difficile de l'année 2021.

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Claude Rambaud, vice-présidente de France Assos Santé

Je veux à ce stade souligner l'importance du rôle direct des patients. Il faut vraiment que nous les mobilisions. Aujourd'hui, on ne se promène plus avec son ordinateur dans sa sacoche : on a sur son smartphone des applications – je parle pour les citoyens, les non-professionnels – qui permettent d'être connecté en permanence, avec une interactivité extraordinaire. Or la résistance à la vaccination est surtout affaire des plus jeunes – je vis dans le Massif central et les personnes âgées que j'interroge veulent toutes se faire vacciner, donc je ne vois pas du tout les sondages de la même façon – et les plus jeunes fonctionnent avec les applications. Cela permet de leur donner des informations exactes, de corriger les dérives qui peuvent éventuellement apparaître, mais aussi de recevoir de l'information de leur part. Je recommande donc de développer des outils plus modernes dont on sait qu'aujourd'hui les jeunes sont très preneurs. Quand je parle des « jeunes », il s'agit des moins de 70 ans : tout le monde s'en sert.

L'application « Tous AntiCovid » est un bon exemple. Le soir, une fois rentrée chez moi, je regarde les informations données par « Tous AntiCovid » et c'est très intéressant. Cela permet d'anticiper un peu, même s'il y a parfois quelques couacs – par exemple, le nombre de contaminations était un jour descendu à 3 000 avant de remonter à 11 000 le lendemain.

Il faudrait creuser cette piste des applications, car elle offre la possibilité à chacun de contribuer à l'effort collectif. Ce n'est évidemment pas le seul élément, mais on aura besoin de toutes et de tous pour sortir de cette ornière, de cette crise.

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Christian Saout, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), président de la commission sociale et médico-sociale et du conseil pour l'engagement des usagers de la HAS

Nous avons évoqué au début de l'audition l'idée que les citoyens n'ont pas confiance dans les décideurs. Dont acte. En tout cas, il est indispensable que les décideurs ne montrent pas qu'ils n'ont pas confiance dans les populations. C'est la meilleure action que nous puissions entreprendre : dire aux populations que nous comptons sur elles, que nous voulons faire avec elles et que nous allons réussir avec elles. Je ne sais pas si ce que je dis est prophétique, mais la vaccination est le dernier rendez-vous. Si nous ne réussissons pas, ça va devenir très difficile, très compliqué. Il faut vraiment parier sur les populations, elles sont intelligentes, discutent entre elles, élaborent des savoirs, y compris les savoirs critiques. Il faut absolument faire ce pari.

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Merci beaucoup, monsieur Saout. Vous connaissez peut-être l'une des maximes d'Alexis de Tocqueville parlant des Français dans un péril : « Les Français comptent toujours pour se sauver en un pouvoir qu'ils détestent et jamais sur eux-mêmes. » C'est peut-être l'occasion de faire mentir le sage Tocqueville.

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Christian Saout, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), président de la commission sociale et médico-sociale et du conseil pour l'engagement des usagers de la HAS

Absolument.

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Merci beaucoup à vous tous. C'était une audition très riche, et capitale pour la réflexion de l'Office.

La réunion est close à 14 h 10.