Je suis conseiller médical de France Assos Santé et, à ce titre, depuis cinq ans, je suis membre titulaire de la commission de la transparence de la HAS, qui évalue les nouveaux médicaments.
France Assos Santé vous livre en avant-première le résultat d'un sondage qui vient d'être réalisé. Il ne permet pas d'être aussi positif sur la position des Français que ce qui vient d'être dit. D'une manière générale, les Français surestiment les bénéfices des médicaments et sous-estiment les risques. Je rappelle que la consommation de médicaments par la population française est considérée comme très élevée. Pour le vaccin, nous trouvons exactement l'inverse : les bénéfices vont être sous-estimés et les risques surestimés. J'y reviendrai, en lien avec le système d'information.
La hiérarchie des risques est particulière en période de pandémie, mais de façon générale les risques sont mal pris en compte par le système de santé. J'ai parlé du risque médicamenteux chez les plus âgés ; je relève que les 20 % de Français qui consomment 80 % de la quantité totale d'alcool représentent 41 000 décès prématurés par an, et très peu de mesures de santé publique sont prises pour essayer de réduire ce nombre.
Pour en revenir aux vaccins, il est essentiel de convaincre les Français que le bénéfice est très largement supérieur au risque. Les pays qui y arrivent le mieux – ce n'est pas notre cas, malheureusement – sont ceux qui depuis de nombreuses années disposent de systèmes d'information, notamment de registres de vaccination qui couvrent l'ensemble de la population : le Danemark, l'Australie, les Pays-Bas, la Suède, Taïwan, la Croatie, le Royaume-Uni. D'autres pays ont des registres de vaccination régionaux permanents, comme les États-Unis, le Canada, le Portugal. Nous n'en avons pas en France, où même d'autres outils pourraient être mis à profit. La position officielle du European Centre for Disease Prevention and Control est qu'un système d'information et d'immunisation est indispensable et contribue à une plus grande confiance de la population. La Food and Drug Administration (FDA) américaine a proposé à un industriel confronté à un problème d'adjuvant mercurique de faire une étude au Danemark, parce que ce pays avait l'un des meilleurs registres de vaccination au monde.
En lien avec les registres de vaccination, les médecins et, dans de nombreux pays, les citoyens accèdent à un carnet de vaccination électronique, qui couvre l'ensemble de la population vaccinée. L'Europe de l'Est n'a pas de registres de vaccination. L'Allemagne faisait partie des retardataires avec l'Autriche, la Grèce, la Finlande et la France, mais a décidé de s'engager dans un programme. Ces registres peuvent être croisés avec des données médico-économiques.
Si nous revenons sur la pharmacovigilance, une façon d'armer les citoyens est de leur fournir une application qui permette de façon proactive de saisir des informations – c'est ce que va faire le Center for Disease Control and Prevention (CDC) aux États-Unis, en plus de son portail de pharmacovigilance. Un tel système d'information permettra de démontrer qu'il y aura bien des effets secondaires inattendus qu'on ne pouvait pas déceler en ne vaccinant que 30 000 personnes, que pour la majorité des personnes il y aura bien des effets réactogènes dans les deux jours suivant l'injection, mais qu'il n'y aura pas de catastrophes et que la balance bénéfice/risque sera donc très certainement extraordinairement favorable.
Je vais vous envoyer un lien pointant vers le rapport du CDC d'Atlanta. Celui-ci fait un panorama mondial des carnets de vaccination électroniques et souligne que le Canada et la France, paradoxalement, ont potentiellement une solution des plus avancées, qui embarque un système d'aide à la décision pouvant être très utile quand le médecin veut vacciner une personne qui, par exemple, a des comorbidités.