. ‑ Tout est basé sur la confiance entre un patient et son médecin traitant. Cet effet de proximité et cette relation bâtie sur la confiance sont fondamentaux. Nous avons une exigence d'exemplarité, et il existe un effet d'entraînement par l'exemple. Des priorités ont effectivement été définies. Le succès du dispositif dépendra beaucoup de la mobilisation générale de la population, passant par les élus, les professionnels de santé et les collectivités, en faveur de cette campagne sans précédent. L'essentiel se jouera cependant au niveau individuel.
La HAS a indiqué ne pas souhaiter tenir compte de la séroprévalence, y compris pour la définition d'une priorité régionale. Les experts ont considéré que nous ne disposions pas de données populationnelles suffisantes sur la prévalence. Il est donc difficile d'agir, en termes de santé publique, face à l'hétérogénéité régionale des taux d'incidence de la maladie – on constate ce soir un écart de 1 à 9 entre les territoires métropolitains. La question pourrait se poser pour un individu qui se dit séropositif. Les experts considèrent qu'une sérologie positive ne signifie pas que soient présents des anticorps neutralisants. De plus, nous ne connaissons pas la durée de protection des anticorps. Enfin, les spécialistes d'immunologie et de gériatrie estiment que l'immunosénescence des sujets âgés contrarie l'interprétation d'une sérologie positive car les anticorps circulants ne sont pas nécessairement les bons.
Madame Lassarade, je partage votre préoccupation sur le suivi de la vaccination, et nous serons particulièrement attentifs à la traçabilité. Il s'agit de prendre note, dans le dossier du patient, de la date d'injection et du numéro de lot. Vous avez raison : la vaccination sera multidoses et la seconde injection devra être réalisée avec le même vaccin, pour éviter toute difficulté dans l'interprétation de l'efficacité et de la sécurité du vaccin. La traçabilité sera un enjeu majeur de cette campagne.
Pour répondre au député Gérard Leseul, je pense effectivement que les vaccins sont différents. Certains sont peu efficaces, d'autres le sont de façon massive. Ils présentent également des indications particulières et des bénéfices/risques très différents. Je partage donc votre approche. Vous avez insisté sur leur arrivée échelonnée. Je suis prudent, car à ce jour, aucun vaccin n'a obtenu d'autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne. L'analyse exhaustive du dossier présenté par le laboratoire peut ainsi réserver des surprises. Par ailleurs, certains vaccins posent des problèmes techniques au stade de la production. Des accidents industriels, impuretés, rappels de lots, etc., peuvent se produire. Les industriels semblent s'être lancés dans le pari inédit de commencer la production avant même l'obtention de l'AMM. De nombreux candidats vaccins, à raison d'une cinquantaine, sont déjà en phase d'évaluation clinique. Il s'agit d'une bonne nouvelle. Nous aurons en effet besoin de très nombreux vaccins, reposant sur des vecteurs et des techniques différents. L'industrie vaccinale s'adapte aux spécificités des populations, âges, contre-indications, allergies, etc. Deux effets allergiques graves sont effectivement apparus en Grande-Bretagne. Nous avons besoin de cette diversité et de cette intensité de production pour disposer de la gamme de produits la plus étendue.
Les populations précaires sont souvent non suivies et éloignées du médecin traitant. Nous devons donc aller vers elles et les héberger dans des foyers le cas échéant. Mon inquiétude est que nous les perdions pour la seconde injection. Nous devons donc absolument sécuriser cette approche de vaccination des personnes les plus précaires.
Madame de La Provôté, les éléments que vous avez évoqués – transparence, prudence, confiance, etc. – sont fondamentaux. Les Français souhaitent la vérité. Comme tout produit de santé, le vaccin a des effets secondaires. Pour obtenir la confiance et l'adhésion, il est nécessaire de ne rien cacher. En phase 3 d'un essai clinique, 7 000 à 10 000 candidats sont retenus, le plus souvent sélectionnés (peu de contre-indications, état de santé de bon niveau, âges relativement médians). En phase 4, l'essai touche des populations beaucoup plus variées. En nombres absolus, on observera plus d'effets secondaires graves sur cette population plus importante, ainsi qu'une mortalité temporellement liée à la vaccination sans qu'elle soit causée par elle.
Je compte beaucoup sur le terrain. Nous avons en effet la chance d'avoir de nombreux relais de terrain, via le collège de médecine générale, les infectiologues, les acteurs du secteur médico-social et les directeurs d'EHPAD. C'est sur le terrain que tout se jouera en termes d'organisation et de logistique. La réussite de l'opération dépendra des acteurs locaux et de leur implication. Nous avons décidé de tenir compte de l'expérience du virus H1‑N1 et de ce qu'avaient fait valoir les médecins et pharmaciens.
Les vaccins suivent le circuit classique du médicament : ils arriveront dans une pharmacie à usage intérieur pour la vaccination en établissement, et dans une officine pour la vaccination de ville. Ces doses devront être livrées avec l'accord du directeur d'établissement lorsqu'il considèrera qu'il est prêt, c'est‑à‑dire lorsque les résidents et les familles auront été informés, lorsque les médecins traitants auront été approchés, lorsque la recherche de contre-indications définitives ou temporaires aura été effectuée, etc. Il est nécessaire de prendre notre temps pour que cette opération soit une réussite. Je suis favorable à une approche progressive, dans le cadre de laquelle nous apprendrons avec les acteurs locaux et réaliserons du benchmark. Je suis opposé à toute précipitation. En effet, un écart d'une ou deux semaines n'a aucun impact sur le devenir de l'épidémie. Il est préférable que la vaccination se déroule bien et que nous recueillions l'adhésion et la confiance des Français.
Monsieur Eliaou, chacun a son rôle. Le Premier ministre, chef du gouvernement, impulse cette campagne nationale, qui a des implications considérables au niveau interministériel. Olivier Véran assume sa mission de ministre de la Santé. Alain Fischer sera un « Monsieur vaccin » totalement indépendant et rigoureux. Il peut apporter cette grande sérénité et cette expérience dont les Français ont besoin. Tout le monde a un rôle à jouer, y compris les élus et les médecins traitants. Je suis partisan du fait de montrer le réel. L'Angleterre a choisi sa première candidate à la vaccination, qui s'est exprimée devant les médias. Nous devons être attentifs au choix de ces premières personnes, pour une raison d'exemplarité. L'image de terrain aura beaucoup d'importance.
Concernant le portage du virus, j'ai lu attentivement toutes les publications, dont la dernière émanant de l'Anses. Les premières phases 3 n'ont pas inclus dans leurs objectifs principaux la recherche de données sur le portage. Cela signifie que la priorité des vaccinateurs était la production d'anticorps, et surtout la réduction de la morbidité. Ils ne sont pas allés jusqu'au suivi du portage, c'est‑à‑dire la recherche de la présence du virus, notamment dans le nasopharynx, par des prélèvements. Ceci suppose d'attendre des contaminations, de réaliser des prélèvements réguliers, et de surveiller pendant un mois ces personnes vaccinées pour savoir si elles peuvent être à la fois vaccinées et porteuses du virus. Nous devrons donc diffuser le message selon lequel nous pouvons rester vecteurs du virus une fois vaccinés. Je rejoins également votre prudence sur les vaccins, qui ont une efficacité différenciée. Le vaccin BCG que la France produit depuis longtemps, mais pour lequel elle a levé l'obligation, protège très efficacement des formes graves (méningites tuberculeuses, atteintes encéphaliques, tuberculose disséminée), mais il est possible de développer une tuberculose en étant vacciné BCG. De même, le vaccin contre la grippe permet de réduire l'impact de façon très nette, mais il reste possible de contracter la grippe.
Nous observerons aussi des événements indésirables temporellement liés à la vaccination mais non causés par elle. La pédagogie de la campagne passe aussi par une information sur ce sujet. Les EHPAD comptent 400 morts par jour. Celles‑ci pourraient intervenir le même jour que la vaccination, et en seraient décorrélées. Le message prioritaire reste le suivant : l'objectif est de réduire la morbi-mortalité des personnes prioritaires, c'est‑à‑dire que l'EHPAD ayant mis en place la vaccination ne compte plus de formes graves et de morts par Covid, même si nous savons malheureusement que des morts ayant une autre cause interviendront, compte tenu de la population hébergée.