Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 10 décembre 2020 à 17h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 10 décembre 2020

La réunion est ouverte à 17 h 35.

Audition publique du Pr. Jérôme Salomon, directeur général de la santé

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. ‑ Mes chers collègues, Mesdames et Messieurs, merci à toutes et tous pour votre présence à cette audition de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), organisée en vue du débat qui se tiendra le 16 décembre à l'Assemblée nationale et le 17 décembre au Sénat. Notre ordre du jour est consacré à la stratégie vaccinale, qui nous occupe beaucoup en ce moment, avec de nombreuses auditions. L'OPECST livrera ses premières conclusions en début de semaine prochaine, en amont du débat parlementaire. Cette audition est publique et les citoyens connectés peuvent également poser leurs questions en ligne.

Aujourd'hui, nous ne parlerons pas de l'ensemble de la stratégie de lutte contre l'épidémie de Covid-19, mais plus spécifiquement des vaccins. Ce sujet fait intervenir des questions non seulement scientifiques et logistiques, concrètes, mais aussi les notions de confiance et de défiance, que les sciences humaines et sociales nous aident à mieux comprendre. De nombreux comités se penchent sur cette question. Nous avons ainsi récemment auditionné Alain Fischer, et nous entendrons demain le comité scientifique sur les vaccins, avec Marie-Paule Kieny.

Professeur Salomon, vous êtes directeur général de la Santé. Après votre propos liminaire, je donnerai la parole aux quatre rapporteurs, les sénatrices Sonia de La Provôté et Florence Lassarade pour les groupes de l'Union Centriste et Les Républicains, et les députés Jean-François Eliaou et Gérard Leseul, respectivement du groupe La République en Marche et du groupe Socialiste et apparentés. Cette pluralité des appartenances politiques traduit bien le caractère transpartisan et bicaméral que l'OPECST a choisi pour mener avec beaucoup de rigueur ces travaux.

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Pr. Jérôme Salomon, directeur général de la Santé

. ‑ Je suis très heureux de m'exprimer devant vous, en particulier dans cette configuration bicamérale. Je suis professeur de maladies infectieuses et de santé publique, et la vaccination est au cœur de mon exercice. J'ai en effet beaucoup vacciné, mais j'ai également animé un centre de vaccination international et j'ai pu constater personnellement les bénéfices de la vaccination, notamment au sein des différents Instituts Pasteur du réseau international.

Il me semble important de rappeler plusieurs éléments, notamment l'impact des vaccins sur le devenir des maladies infectieuses au cours du XXe siècle. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) estime qu'il s'agit du principal progrès pour la santé humaine au cours de ce siècle, marqué par un effondrement de l'incidence des maladies infectieuses. Dans l'esprit du grand public, celles‑ci ont quasiment disparu, alors que nos grands-parents et arrière-grands-parents savaient combien elles étaient dangereuses. Des maladies comme la variole ont été totalement éradiquées, et d'autres comme la poliomyélite sont sur le point de l'être. Ces maladies étaient particulièrement dangereuses, et s'accompagnaient de séquelles définitives. De même, en France, nous n'avons quasiment plus de tétanos, de diphtérie ou de coqueluche. Le BCG, une vaccination française, a beaucoup diminué les formes graves de tuberculose. Nous savons aussi que l'hépatite B causait des ravages, sous sa forme aiguë ou chronique.

En France, nous avons en outre fait face à de véritables difficultés médiatiques. Une polémique très importante est née à la fin des années 1990 sur un lien potentiel entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue de scléroses en plaques. De nombreuses interrogations sur l'information avant la vaccination, la recherche de contre-indications, le consentement des patients, ont été soulevées lors de cette polémique. Aucune étude nationale ou internationale menée sur ce sujet n'a montré de sur‑risque après la vaccination. Des interrogations identiques ont surgi lors de la mise sur le marché du vaccin contre le papillomavirus, en particulier parce qu'il touchait la même cible des adolescents. Ce vaccin reste insuffisamment pratiqué selon les spécialistes, alors qu'il offre une bonne prévention des lésions pré-cancéreuses chez la jeune fille et le jeune garçon. Enfin, la vaccination contre la grippe H1‑N1 a entraîné quelques effets graves de narcolepsie et catalepsie, qui donnent lieu à une indemnisation par la solidarité nationale dans le cadre de l'Oniam (Office national d'indemnisation des accidents médicaux).

Nous parlons en revanche peu des dispositifs efficaces. J'en citerai deux : la vaccination des nourrissons, d'une part, qui se déroule dans de très bonnes conditions actuellement, depuis la mise en place de son caractère obligatoire, avec un fort soutien des médecins généralistes, des pédiatres, mais aussi des familles, et l'ensemble des vaccinations tropicales, d'autre part. Je souhaitais également vous faire part d'un succès plus récent, celui des campagnes locales de vaccination en réponse à des épidémies. Nous l'avons fait pour des épidémies de rougeole ou de méningite, auprès de jeunes, scolaires, collégiens et lycéens. Enfin, je mentionne le succès de la vaccination contre la grippe cette année. 80 % des personnes ciblées par cette campagne vaccinale ont été vaccinées. Année après année, la conviction sur l'utilité de ce vaccin augmente chez les personnes fragiles, âgées, touchées par une affection de longue durée (ALD), obèses, etc. ainsi que les femmes enceintes.

La direction générale de la santé (DGS) est chargée de la politique de santé, donc de la politique vaccinale. Depuis plusieurs décennies, elle a une approche de santé publique, c'est-à-dire une approche bénéfices/risques, à la fois dans l'animation de la commission technique des vaccinations (CTV) auparavant rattachée au Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et désormais à la Haute Autorité de santé (HAS), et dans l'approche individuelle et collective. Nous avons récemment travaillé avec Alain Fischer, mais aussi à la demande des ministres Marisol Touraine puis Agnès Buzyn, sur un comité de suivi citoyen, rassemblant les professionnels de santé et les élus pour partager de façon transparente les connaissances sur la balance bénéfices / risques des vaccins.

Nous assurons la tutelle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui est chargée de la pharmacovigilance et de la vaccinovigilance. Elle étend cette activité à la vaccinosurveillance, qui est plus large : la vaccinovigilance s'intéresse aux effets secondaires directement liés au vaccin, la vaccinosurveillance concerne tout effet lié à la vaccination au sens large (oubli du rappel, mauvaise dose, mauvaises conditions de l'injection, etc.). La vaccinovigilance et la vaccinosurveillance seront particulièrement renforcées pour la vaccination contre la Covid-19.

L'autre tutelle est celle de Santé publique France, qui focalise son action sur l'aspect populationnel, du point de vue de l'efficacité vaccinale, que nous pouvons calculer, et de l'échappement vaccinal, qui est assez fréquent, c'est‑à‑dire la capacité de l'agent infectieux à s'adapter au vaccin. Ce dernier élément, important, est porté par le Centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires, qui associe l'Institut Pasteur et les Hospices civils de Lyon. Je vous ai également parlé de la relation avec la commission technique des vaccinations de la HAS. Ces relations s'inscrivent dans une approche globale de stratégie de santé publique et de priorité internationale pour la France.

Mi-janvier, le séquençage du virus avait été effectué par le CNR, par l'équipe de Sylvie Van der Werf. Plusieurs équipes se sont alors lancées dans des travaux de recherche de vaccins, en lien avec l'OMS et avec d'autres chercheurs de l'Union européenne. Nous avons depuis poursuivi notre politique d'échange entre les acteurs (HAS, ANSM, Santé publique France, Comité consultatif national d'éthique, Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), assemblées citoyennes). Il est en effet indispensable de poursuivre la démarche de transparence totale et de communication à propos des vaccins. Je préfère d'ailleurs parler de vaccins au pluriel, puisque ceux-ci n'ont pas les mêmes spécificités techniques ni indications potentielles. L'indépendance de l'expertise est également primordiale. Tous les professionnels sont référencés dans la base de données publique Transparence - Santé, qui permet de vérifier tout lien d'intérêt déclaré par les industriels.

Nous avons conscience de l'importance des sciences humaines et sociales pour comprendre les raisons de la défiance, de la méfiance, de l'hostilité, de l'activité des réseaux sociaux, etc. Des enjeux sociologiques et psychologiques sont fondamentaux dans la relation à la vaccination, et influeront sur le rapport bénéfices/risques. Nous nous inscrivons de ce point de vue dans une logique de rigueur scientifique, puisque nous travaillons uniquement sur la base de publications, ne souhaitant pas nous intéresser aux communiqués de presse des industriels. Nous avons prôné cette approche dès le début de la crise, en lien étroit avec le ministère de la recherche, en créant une cellule de suivi de la recherche clinique, avec l'appui du Comité analyse, recherche et expertise, porté par Françoise Barré‑Sinoussi, qui a étudié l'ensemble des innovations dès le printemps, à la demande de la ministre de la recherche.

Nous suivons les vaccins au niveau international mais aussi français, la France étant impliquée dans des essais de phases 1, 2 et 3. Une plateforme spécifique, Covireivac, animée par le professeur Odile Launay, suit de près les réponses immunitaires cellulaire et humorale, avec une approche « One Health », c'est‑à‑dire en regardant l'animal, compte tenu des relations étroites entre l'infection chez l'animal et chez l'homme sur un plan physiopathologique. La DGS accorde une attention particulière à l'efficacité, à la durée et à la sécurité de la vaccination. Nous avons notamment beaucoup discuté du fait que nous disposions de données sur l'efficacité des vaccins sur les formes cliniques et les formes graves de la maladie, mais pas nécessairement sur le portage et la transmission du virus. Une priorité est également accordée à la sécurité des vaccins, avec une interrogation sur la durée des effets, qui peuvent être retardés, ainsi qu'à l'impact sur la santé publique de la vaccination. Celle‑ci peut notamment entraîner une modification dans le respect des mesures barrières, comme l'ont constaté certaines études.

Nous sommes en lien étroit avec nos homologues européens, et nous avons organisé un dispositif de vaccinovigilance renforcé au niveau de l'ANSM, afin de surveiller l'ensemble de la campagne de vaccination. Nous avons également défini un protocole de pharmacoépidémiologie, dans le cadre d'un étroit travail entre la CNAM et l'ANSM sur le suivi des données de santé. L'INSERM a construit une cohorte de personnes vaccinées, pour suivre sur le long terme les personnes qui le souhaiteraient. La direction générale de l'offre de soins (DGOS) est en lien étroit avec les établissements et les professionnels de santé en première ligne, et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) l'est avec les directeurs d'EHPAD et des autres établissements d'accueil pour personnes âgées ou handicapées. Nous avons en outre une relation avec la direction de la Sécurité sociale (DSS) et la CNAM, impliquées depuis plusieurs mois dans le suivi des patients et l'élaboration éventuelle de bons de vaccination pour les personnes prioritaires. La démarche que nous menons, en lien étroit avec Alain Fischer, le porte-parole de cette campagne, qui sera très attentif à la concertation et à la communication, requiert beaucoup d'humilité, car nous ignorons encore de nombreux éléments.

Tous nos concitoyens, dans les prochaines semaines, doivent en savoir le plus possible. Se posent également des questions de priorité de la vaccination et de lutte contre les inégalités. En effet, la Covid-19 a dessiné des inégalités de santé et d'accès à la santé, et a créé des difficultés dues à la promiscuité ou la précarité. Nous devons être très attentifs à ces populations précaires, aux personnes âgées, aux personnes atteintes d'un handicap, et il faut pour cela ouvrir un dialogue très étroit avec les élus. Nous participons ainsi à des concertations avec des représentants de l'Association des maires de France (AMF), de l'Assemblée des départements de France (ADF) et de Régions de France, et avec les élus nationaux que vous êtes. La France fait partie des pays européens qui ont le plus développé la concertation territoriale, avec notamment l'organisation du débat citoyen en 2016 à propos de la vaccination obligatoire. La France est très engagée au niveau international, à la fois dans le partage des données et dans le partage des produits, puisque le Président de la République s'est engagé à soutenir les pays en voie de développement, notamment pour l'accès à l'innovation, à la science et aux vaccins.

Nous portons trois priorités : réduire la morbi‑mortalité, protéger le système de santé, qui reste aujourd'hui fortement sollicité, et assurer le plus haut niveau de sécurité sanitaire. La première étape sera de vacciner les résidents des EHPAD. La deuxième population éligible sera celle des personnes âgées et atteintes de comorbidités. Nous élargirons progressivement la vaccination aux autres tranches de la population, en appliquant deux principes retenus par le gouvernement : le caractère non obligatoire et le caractère gratuit de cette vaccination. Trois piliers de la stratégie se poursuivront en 2021 : les mesures barrières et l'hygiène, l'isolement, notamment précoce, et l'impact de la vaccination sur la cinétique épidémique.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

. _ Toutes les personnes que nous avons auditionnées sont demandeuses d'une explication claire et lisible. Il s'agit de convaincre, puis de prioriser. Un traçage de la vaccination sera ensuite nécessaire. Que pouvez-vous nous dire sur les doses commandées ? Quelles informations allez‑vous donner au corps médical et au grand public ? Avez‑vous une visibilité en fonction des différents vaccins proposés ?

Quel sera le protocole de vaccination pour ceux qui ont déjà contracté la maladie, notamment dans les maisons de retraite ? Ces personnes seront-elles d'ailleurs vaccinées ? Dans certaines maisons de retraite, les personnes ont été malades mais non testées. Les médecins ont insisté sur l'importance de relancer le carnet de vaccination électronique.

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. ‑ Vous nous avez expliqué l'importance de la vaccinologie. Nous avons interrogé des chercheurs en sciences sociales, et j'ai été frappé par le propos d'un sociologue qui invitait, dans la campagne vaccinale qui s'ouvre, à éviter tout amalgame avec les autres vaccins, au risque d'atteindre l'adhésion déjà partielle des Français à la vaccination. Il recommandait donc de se centrer sur le seul traitement de la Covid-19 et sur les quatre ou cinq vaccins arrivés sur le marché.

À propos de ces vaccins, pouvez-vous faire un point sur le calendrier que vous envisagez ? Quid du vaccin français, en termes de procédure, de technologie et de test ?

Enfin, les phases de la campagne définies par la HAS intégraient une préoccupation particulière pour les personnes exclues, donc vulnérables. Envisagez-vous des dispositifs spécifiques pour cette population ? Les médecins généralistes feront le maximum, mais ne pourront pas tout faire de leur propre initiative.

Je souhaiterais aussi intégrer une dimension économique dans notre discussion.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

. ‑ Vous avez évoqué l'humilité et la pédagogie large. Nous avons entendu les termes de transparence, agilité, prudence, confiance, progression dans l'information transmise et concertation. Il faut tenir compte de tous ces éléments, l'objectif étant d'obtenir l'adhésion à la vaccination. Quel est votre avis quant à la façon dont cette confiance s'organisera, et quelles leçons tirez-vous de ce que nous avons traversé ? Comment souhaitez-vous mettre en place une pédagogie large au sein de la population ? Reposera‑t‑elle fortement sur le ministère de la Santé, ou d'autres interlocuteurs seront-ils mobilisés ? Par ailleurs, cette communication doit se décliner au niveau local. Comment les interactions avec les personnels soignants, les élus locaux, etc., sont-elles organisées ?

Sur la logistique, plusieurs personnes auditionnées nous ont renvoyés vers vous pour connaître l'organisation mise en œuvre sur le terrain, la mise à disposition des doses, etc., qui seront les conditions de la réussite de cette campagne de vaccination. La vaccination nécessite d'ailleurs deux injections, ce qui accroît la complexité. Pour la phase 1, concernant les EHPAD et structures équivalentes, nous voyons déjà apparaître un certain nombre de difficultés organisationnelles. Le délai étant réduit entre la diffusion des informations sanitaires officielles, le 29 décembre, et le début effectif de la vaccination, comment imaginez-vous la déclinaison de cette organisation ? Une réflexion est-elle conduite sur les phases suivantes, qui se dérouleront sur un mode très différent de la première étape ?

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. ‑ Mes questions portent sur la communication. Hier soir, sur une chaîne d'information continue, l'un des journalistes présents soulignait que votre arrivée devant les caméras devait traduire une certaine gravité. Au fil des événements, vous incarnez en effet la gravité et le sérieux. Vos interventions sont très écoutées. Sur quels sujets votre communication se poursuivra-t-elle ?

Le parallèle entre la vaccination anti-Covid et la vaccination pédiatrique me semble inadéquat : je ne pense pas que nous soyons dans la logique pédiatrique d'obligation, mais plutôt dans une logique d'incitation. Nous voyons d'ailleurs la progression de la vaccination antigrippale saisonnière, avec une acceptabilité croissante. Il s'agit selon moi du modèle à privilégier.

Par ailleurs, la vaccination avec les premiers vaccins ne sera pas stérilisante. Comment pourrons-nous expliquer que la vaccination ne dispense pas du port du masque ? Nos concitoyens ne le comprendront peut-être pas immédiatement.

Enfin, les personnes âgées ont une probabilité de décès de cause naturelle élevée. Il faudra être attentif aux éventuelles accusations qui viseront le vaccin lorsque les premières morts naturelles interviendront.

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Pr. Jérôme Salomon, directeur général de la Santé

. ‑ Tout est basé sur la confiance entre un patient et son médecin traitant. Cet effet de proximité et cette relation bâtie sur la confiance sont fondamentaux. Nous avons une exigence d'exemplarité, et il existe un effet d'entraînement par l'exemple. Des priorités ont effectivement été définies. Le succès du dispositif dépendra beaucoup de la mobilisation générale de la population, passant par les élus, les professionnels de santé et les collectivités, en faveur de cette campagne sans précédent. L'essentiel se jouera cependant au niveau individuel.

La HAS a indiqué ne pas souhaiter tenir compte de la séroprévalence, y compris pour la définition d'une priorité régionale. Les experts ont considéré que nous ne disposions pas de données populationnelles suffisantes sur la prévalence. Il est donc difficile d'agir, en termes de santé publique, face à l'hétérogénéité régionale des taux d'incidence de la maladie – on constate ce soir un écart de 1 à 9 entre les territoires métropolitains. La question pourrait se poser pour un individu qui se dit séropositif. Les experts considèrent qu'une sérologie positive ne signifie pas que soient présents des anticorps neutralisants. De plus, nous ne connaissons pas la durée de protection des anticorps. Enfin, les spécialistes d'immunologie et de gériatrie estiment que l'immunosénescence des sujets âgés contrarie l'interprétation d'une sérologie positive car les anticorps circulants ne sont pas nécessairement les bons.

Madame Lassarade, je partage votre préoccupation sur le suivi de la vaccination, et nous serons particulièrement attentifs à la traçabilité. Il s'agit de prendre note, dans le dossier du patient, de la date d'injection et du numéro de lot. Vous avez raison : la vaccination sera multidoses et la seconde injection devra être réalisée avec le même vaccin, pour éviter toute difficulté dans l'interprétation de l'efficacité et de la sécurité du vaccin. La traçabilité sera un enjeu majeur de cette campagne.

Pour répondre au député Gérard Leseul, je pense effectivement que les vaccins sont différents. Certains sont peu efficaces, d'autres le sont de façon massive. Ils présentent également des indications particulières et des bénéfices/risques très différents. Je partage donc votre approche. Vous avez insisté sur leur arrivée échelonnée. Je suis prudent, car à ce jour, aucun vaccin n'a obtenu d'autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne. L'analyse exhaustive du dossier présenté par le laboratoire peut ainsi réserver des surprises. Par ailleurs, certains vaccins posent des problèmes techniques au stade de la production. Des accidents industriels, impuretés, rappels de lots, etc., peuvent se produire. Les industriels semblent s'être lancés dans le pari inédit de commencer la production avant même l'obtention de l'AMM. De nombreux candidats vaccins, à raison d'une cinquantaine, sont déjà en phase d'évaluation clinique. Il s'agit d'une bonne nouvelle. Nous aurons en effet besoin de très nombreux vaccins, reposant sur des vecteurs et des techniques différents. L'industrie vaccinale s'adapte aux spécificités des populations, âges, contre-indications, allergies, etc. Deux effets allergiques graves sont effectivement apparus en Grande-Bretagne. Nous avons besoin de cette diversité et de cette intensité de production pour disposer de la gamme de produits la plus étendue.

Les populations précaires sont souvent non suivies et éloignées du médecin traitant. Nous devons donc aller vers elles et les héberger dans des foyers le cas échéant. Mon inquiétude est que nous les perdions pour la seconde injection. Nous devons donc absolument sécuriser cette approche de vaccination des personnes les plus précaires.

Madame de La Provôté, les éléments que vous avez évoqués – transparence, prudence, confiance, etc. – sont fondamentaux. Les Français souhaitent la vérité. Comme tout produit de santé, le vaccin a des effets secondaires. Pour obtenir la confiance et l'adhésion, il est nécessaire de ne rien cacher. En phase 3 d'un essai clinique, 7 000 à 10 000 candidats sont retenus, le plus souvent sélectionnés (peu de contre-indications, état de santé de bon niveau, âges relativement médians). En phase 4, l'essai touche des populations beaucoup plus variées. En nombres absolus, on observera plus d'effets secondaires graves sur cette population plus importante, ainsi qu'une mortalité temporellement liée à la vaccination sans qu'elle soit causée par elle.

Je compte beaucoup sur le terrain. Nous avons en effet la chance d'avoir de nombreux relais de terrain, via le collège de médecine générale, les infectiologues, les acteurs du secteur médico-social et les directeurs d'EHPAD. C'est sur le terrain que tout se jouera en termes d'organisation et de logistique. La réussite de l'opération dépendra des acteurs locaux et de leur implication. Nous avons décidé de tenir compte de l'expérience du virus H1‑N1 et de ce qu'avaient fait valoir les médecins et pharmaciens.

Les vaccins suivent le circuit classique du médicament : ils arriveront dans une pharmacie à usage intérieur pour la vaccination en établissement, et dans une officine pour la vaccination de ville. Ces doses devront être livrées avec l'accord du directeur d'établissement lorsqu'il considèrera qu'il est prêt, c'est‑à‑dire lorsque les résidents et les familles auront été informés, lorsque les médecins traitants auront été approchés, lorsque la recherche de contre-indications définitives ou temporaires aura été effectuée, etc. Il est nécessaire de prendre notre temps pour que cette opération soit une réussite. Je suis favorable à une approche progressive, dans le cadre de laquelle nous apprendrons avec les acteurs locaux et réaliserons du benchmark. Je suis opposé à toute précipitation. En effet, un écart d'une ou deux semaines n'a aucun impact sur le devenir de l'épidémie. Il est préférable que la vaccination se déroule bien et que nous recueillions l'adhésion et la confiance des Français.

Monsieur Eliaou, chacun a son rôle. Le Premier ministre, chef du gouvernement, impulse cette campagne nationale, qui a des implications considérables au niveau interministériel. Olivier Véran assume sa mission de ministre de la Santé. Alain Fischer sera un « Monsieur vaccin » totalement indépendant et rigoureux. Il peut apporter cette grande sérénité et cette expérience dont les Français ont besoin. Tout le monde a un rôle à jouer, y compris les élus et les médecins traitants. Je suis partisan du fait de montrer le réel. L'Angleterre a choisi sa première candidate à la vaccination, qui s'est exprimée devant les médias. Nous devons être attentifs au choix de ces premières personnes, pour une raison d'exemplarité. L'image de terrain aura beaucoup d'importance.

Concernant le portage du virus, j'ai lu attentivement toutes les publications, dont la dernière émanant de l'Anses. Les premières phases 3 n'ont pas inclus dans leurs objectifs principaux la recherche de données sur le portage. Cela signifie que la priorité des vaccinateurs était la production d'anticorps, et surtout la réduction de la morbidité. Ils ne sont pas allés jusqu'au suivi du portage, c'est‑à‑dire la recherche de la présence du virus, notamment dans le nasopharynx, par des prélèvements. Ceci suppose d'attendre des contaminations, de réaliser des prélèvements réguliers, et de surveiller pendant un mois ces personnes vaccinées pour savoir si elles peuvent être à la fois vaccinées et porteuses du virus. Nous devrons donc diffuser le message selon lequel nous pouvons rester vecteurs du virus une fois vaccinés. Je rejoins également votre prudence sur les vaccins, qui ont une efficacité différenciée. Le vaccin BCG que la France produit depuis longtemps, mais pour lequel elle a levé l'obligation, protège très efficacement des formes graves (méningites tuberculeuses, atteintes encéphaliques, tuberculose disséminée), mais il est possible de développer une tuberculose en étant vacciné BCG. De même, le vaccin contre la grippe permet de réduire l'impact de façon très nette, mais il reste possible de contracter la grippe.

Nous observerons aussi des événements indésirables temporellement liés à la vaccination mais non causés par elle. La pédagogie de la campagne passe aussi par une information sur ce sujet. Les EHPAD comptent 400 morts par jour. Celles‑ci pourraient intervenir le même jour que la vaccination, et en seraient décorrélées. Le message prioritaire reste le suivant : l'objectif est de réduire la morbi-mortalité des personnes prioritaires, c'est‑à‑dire que l'EHPAD ayant mis en place la vaccination ne compte plus de formes graves et de morts par Covid, même si nous savons malheureusement que des morts ayant une autre cause interviendront, compte tenu de la population hébergée.

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Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l'Office

. ‑ J'ai lu que la France avait commandé 200 millions de doses. Est‑ce vrai ? Si tel est le cas, pourquoi ce nombre ?

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. ‑ Ma question concerne l'efficacité du vaccin. Comptons-nous effectuer le suivi de cette efficacité par le suivi des anticorps après vaccination ? Vous l'avez rappelé, ces anticorps ne sont pas la seule donnée pertinente. Ils doivent être neutralisants, efficaces, et leur présence ne préjuge en rien d'une éventuelle immunité cellulaire. Est‑il nécessaire de prévoir, en fonction de la cinétique de diminution de ces anticorps, une deuxième voire une troisième campagne vaccinale ? Ces campagnes seront‑elles annuelles, ou basées sur l'atteinte d'un plancher pour le titre d'anticorps ?

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. ‑ Ma question porte sur la stratégie vaccinale. Le fait de commencer par les personnes les plus fragiles dans les EHPAD est compréhensible. Nous savons aussi qu'un certain nombre de personnes très âgées résident à domicile. Comment prendre en compte ces personnes elles aussi prioritaires qui ne sont pas dans nos EHPAD ?

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. ‑ Nous avons parlé d'un processus collectif mis en œuvre au niveau de l'Agence européenne du médicament. Les vaccino-sceptiques sont nombreux ; nous aurions intérêt à rappeler le rôle important de la France dans ce processus collectif. Il serait utile de mettre en œuvre une communication chiffrée de cet apport. Quelle sera l'appropriation française de cette démarche européenne ? Y aura‑t‑il une certification française, susceptible de rassurer les européano-sceptiques ?

Par ailleurs, nos concitoyens s'interrogent sur les conditions financières des négociations européennes et de la France avec l'Europe. Ce sujet nécessite un discours franc et transparent, pour les rassurer quant à l'absence totale de collusions.

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. ‑ Lors de la première vague de l'épidémie, l'Europe fut maladroite dans sa gestion : dysfonctionnement de l'essai Discovery, échec de la communication sur l'application Stop Covid… La situation semble désormais différente. C'est au niveau européen que se négocient les vaccins, ce qui emporte un certain nombre d'avantages et d'inconvénients, notamment en termes de transparence. Pourriez-vous commenter le rôle de l'Europe dans la phase actuelle ?

Nous avons évoqué la communication. Le sujet de la présentation des données est revenu au cours des derniers mois, avec l'idée selon laquelle Santé publique France ne disposait pas des bons outils en termes de communication. Les communautés de chercheurs, de médecins et de start-ups se sont parfois invitées pour fournir des outils. En ce qui concerne la stratégie vaccinale, cette question de la communication peut-elle avoir une importance ? Conduisez-vous des réflexions particulières à ce sujet ?

En ce qui concerne les rapports institutionnels, vous nous avez parlé du rôle du comité d'Alain Fischer et avez cité le Care. Il s'est créé une comitologie très importante qui s'ajoute aux nombreuses instances existantes : Santé publique France, Haute Autorité de santé, Haut Conseil de la Santé publique, etc. Au niveau ministériel, vous avez cité votre ministère, le travail d'Olivier Véran, ainsi que la taskforce. De façon générale, la discussion s'organise‑t‑elle de façon harmonieuse ou devons-nous être attentifs à des risques de malentendus ou de conflits ?

Au cours d'une audition, les syndicats de médecins ont attiré notre attention sur la différence entre le plan original de la Haute Autorité de santé et le vôtre, avec trois phases plutôt que cinq. Cette évolution s'explique-t-elle par une recherche de lisibilité ?

Enfin, sur la question du consentement, vous avez rappelé qu'il n'était pas question d'obligation. Pour les résidents d'EHPAD, le recueil du consentement peut être délicat, d'où la mise en place d'un système de personnes de confiance. La HAS privilégie un consentement oral lorsqu'il peut être suffisant, alors que les représentants des EHPAD insistent sur le consentement écrit, compte tenu d'une responsabilité importante. Où en est votre réflexion sur le sujet ? Un arbitrage devra‑t‑il être rendu, et par qui ?

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Pr. Jérôme Salomon, directeur général de la Santé

. ‑ Je vais d'abord répondre à la sénatrice Procaccia, qui a posé une question très légitime. Les négociations ne sont pas menées par le ministère de la Santé, mais au niveau européen. L'objectif n'est pas de recevoir 200 millions de doses en France, mais de les sécuriser, avec un engagement contractuel. L'enjeu était, compte tenu des incertitudes qui demeurent quant à l'obtention de l'AMM et de la capacité des industriels d'assurer dans le temps imparti l'ensemble des livraisons, de sécuriser un nombre de doses supérieur à la population européenne. Je rappelle que deux injections seront nécessaires, et que le coefficient de perte est très important. En effet, lorsque le produit est reconstitué à partir de la poudre et de la solution de dilution, nous pouvons parfois perdre une dose par une erreur de manipulation, qui est malheureusement fréquente. Par ailleurs, le flacon n'est souvent pas terminé, car il ne peut être conservé au-delà de quelques heures. Nous n'aurons donc pas 200 millions de doses effectivement injectables, mais la France, comme les autres pays d'Europe, se met en situation d'aller jusqu'à ce niveau.

Pour répondre à Monsieur Eliaou, nous sommes très attentifs à l'efficacité vaccinale. Nous aurons donc deux approches. Une approche populationnelle sera portée par Santé publique France et l'INSERM, et surveillera les personnes vaccinées. Une approche d'immunologie sera conduite en parallèle : les personnes concernées se verront proposer un suivi de leurs anticorps neutralisants, de la réaction de leurs lymphocytes RT et de la durée de l'immunité. Nous le faisons actuellement avec les personnes infectées qui le souhaitent, dans des protocoles de recherche clinique, afin de savoir, dans quelques mois, si l'immunité d'une personne infectée diffère de celle d'une personne vaccinée. Ces connaissances seront très importantes.

Nous ne connaissons pas aujourd'hui la durée de l'immunité post-infectieuse ou post-vaccinale. Les virologues estiment qu'il est possible que ce coronavirus, très bien installé aujourd'hui, devienne endémique. Il circulera alors de façon persistante, peut‑être chez les plus jeunes, ce qui peut créer une immunité de rappel, voire une immunité croisée. Nous nous sommes par exemple aperçus que certaines populations, comme les populations africaines, étaient moins touchées que prévu par l'épidémie. Or les coronavirus circulent davantage au sein de ces populations, plus jeunes que les populations européennes.

Vous m'avez interpellé sur la vaccination des populations âgées qui ne résident pas en EHPAD. Nous partageons cette préoccupation. Nous commençons par les EHPAD pour deux raisons principales. D'abord, il existe un facteur de risque spécifique lié à la vie en collectivité. La seconde raison est la chaîne du froid, au moins pour le premier vaccin Pfizer, qui nécessite une chaîne du froid très technique, puisque nous ne pouvons garder les vaccins que quelques heures en dehors du congélateur. La vaccination à domicile serait donc très complexe. Je pense que les vaccins à venir, notamment celui de Moderna, suivront un circuit classique et permettront une vaccination individuelle plus aisée. Je rappelle toutefois que nous n'avons à ce stade que des vaccins multidoses, ce qui complexifie la vaccination individuelle.

Monsieur Leseul m'a ensuite interpellé sur l'Agence européenne du médicament et sur l'Union européenne. Les experts français sont très présents au sein de cette agence, qui est extrêmement rigoureuse. Ils ont ainsi interdiction de discuter ou d'envoyer des emails tout au cours de la phase d'évaluation. La France joue un rôle très actif dans l'expertise et l'évaluation des dossiers. L'ANSM a un rôle majeur quant à la réglementation des produits de santé pour la France. La commission technique des vaccinations de la HAS sera saisie immédiatement après l'AMM pour rendre un avis français sur les spécifications du produit. Il est très important que ce rôle de la France soit connu. Le fait que l'Union européenne ait négocié avec les industriels a permis de faire prévaloir une position de force. Les industriels des vaccins sont en outre des industriels européens. L'expertise vaccinale est européenne, et la production vaccinale se fait dans des usines européennes. Jusqu'à présent, nous avons adopté une approche très régalienne de la santé. La situation a évolué et l'Europe occupe une place importante du point de vue de la surveillance, des médicaments, des commandes et des échanges avec les industriels. Nous aurons probablement un calendrier commun de démarrage de la vaccination et un programme d'échange scientifique sur les données, qui est à mon sens fondamental. Je participe à des réunions de haut niveau avec mes homologues européens pour mettre en place ce dispositif, et obtenir des données partagées en temps réel.

Vous avez aussi parlé de communication. Je suis convaincu que celle-ci doit être massive, cohérente et locale. Les sources sont cependant multiples, et chacun a son rôle à jouer. Par exemple, Vaccination Info Service, le site de Santé publique France, est particulièrement consulté. Les professionnels et le grand public doivent pouvoir obtenir des informations en temps réel sur ce site. La CNAM a quant à elle un réseau très efficace de communication spécialisée avec les professionnels de santé, mais aussi avec les assurés. Je vous encourage également à consulter le portail Géodes, sur le suivi de l'épidémie, accessible au grand public. Des propositions sont soumises par les professionnels eux-mêmes. J'ai ainsi été contacté par le Centre national de gestion (CNG) des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière ainsi que par des infectiologues qui souhaitent partager au niveau national et local des données validées susceptibles d'irriguer l'ensemble du circuit des médecins généralistes et des infectiologues de terrain. Ceci me semble être une très bonne idée. Les communautés et les réseaux sociaux existent par ailleurs. Je crois beaucoup au dispositif des « ambassadeurs de la vaccination ». Les Français ont besoin de figures de référence. Si un footballeur ou une chanteuse peut devenir un ambassadeur de la vaccination, nous avancerons grandement.

La comitologie est certes importante, mais ces comités ont un rôle différent. Le Conseil scientifique Covid-19 est placé auprès du gouvernement et du Président de la République et l'éclaire sur un certain nombre d'éléments, de façon indépendante. Le Comité scientifique vaccins Covid-19 a un rôle spécifique d'évaluation et analyse l'ensemble des dossiers, les études publiées, puis se prononce sur chaque vaccin. Avec le conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, le professeur Fischer aura une triple mission : conseil du gouvernement, participation aux concertations avec les élus, les collectivités locales et les professionnels de santé, enfin communication dans les médias. Chacun joue son rôle, sans qu'il existe de distorsions. Le partage d'informations s'opère de façon fluide, grâce à des comités de pilotage quotidiens. La taskforce intervient quant à elle en appui. Les priorités d'organisation et de concertation me semblent bien engagées aujourd'hui.

Votre dernière question portait sur l'interprétation de l'avis de la HAS. Les priorités sont populationnelles, et l'organisation est quant à elle temporelle, considérant qu'il existe trois temps principaux : l'un lié à la chaîne du froid, le deuxième lié à la finalisation de la priorité des populations les plus fragiles, et le dernier lié à l'arrivée progressive de tous les vaccins, qui permettra d'élargir la couverture vaccinale à l'ensemble de la population.

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. ‑ Pouvez-vous nous répondre sur la question du consentement ?

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Ludovic Haye, sénateur

. ‑ En nous projetant dans quelques mois, une fois la population prioritaire vaccinée, et à supposer que nous disposions de suffisamment de vaccins, la France est‑elle préparée à une vaccination de masse ?

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. ‑ Les syndicats de médecins que nous avons auditionnés se sont prononcés pour que les vaccinations soient conduites au sein des cabinets médicaux, et sont opposés, sauf exception, à des centres de vaccination spéciaux. Avez‑vous le sentiment que les médecins et les dispositifs actuels sont suffisants pour répondre au besoin, ou continuez-vous à travailler à d'éventuels ajouts de lieux ou d'intervenants ?

Au sujet des doses, la commande passée est-elle ferme ? Si la commande effective est inférieure à celle prévue par le contrat, un remboursement doit-il être effectué ?

Enfin, vous indiquiez que des relais d'opinion qui se prononceraient en faveur de la vaccination pourraient être utiles. À ce stade, nous avons plutôt assisté au phénomène inverse, avec certaines personnalités affichant plutôt leur scepticisme. Comment percevez-vous ce défi de la confiance affichée par des personnalités et relais d'opinion, incarné notamment par le professeur Fischer ?

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Pr. Jérôme Salomon, directeur général de la Santé

. ‑ Nous avons, proportionnellement à la population, le même nombre de doses commandées que l'Allemagne. Les Anglais et les Allemands ont cependant un rapport à leur médecin traitant différent de celui des Français : ceux-ci sont très attachés à leur médecin traitant. Je partage cette approche. Les convocations à aller dans un centre collectif risqueraient d'être mal perçues en France, faute de relation individuelle, de confiance et d'intimité. Nous reviendrons rapidement vers des schémas classiques, avec des vaccins qui n'auront besoin que du froid classique.

Je pense que les capacités sont suffisantes. Nous avons réalisé 15 millions de vaccins contre la grippe en six semaines. Vous avez évoqué les autres intervenants. L'acte de vaccination est un acte important, médical, et administrer un nouveau vaccin doit se faire en présence d'un médecin. L'avis médical, la recherche de contre-indications définitives ou temporaires, d'allergies, voire la capacité de réagir à un effet secondaire grave sont indispensables. Pour autant, nous pouvons imaginer qu'une infirmière administre le vaccin en présence du médecin.

Sur la question du consentement, la première étape est celle de l'information la plus exhaustive possible. Je serais favorable à la mise à disposition d'une fiche, validée par les experts, abordant tous les sujets nécessaires à une bonne compréhension. Par ailleurs, nous rechercherons toutes les contre-indications temporaires. La question qui se pose ensuite est celle du caractère oral ou écrit du consentement. Le premier a l'inconvénient de ne pas laisser de trace, mais le second ne dédouane pas de la responsabilité. Nous devons être très attentifs, avec le CCNE, la CTV et les médecins, à cette question. Si un consentement écrit est nécessaire, la question qui se pose est celle de la conservation de ce document. Certaines personnes pourraient en outre être dans l'incapacité de donner leur consentement, car sous tutelle ou curatelle, et signer sans avoir pleinement compris le sujet. Le consentement formel me semble quoi qu'il en soit être indispensable.

Enfin, les commandes sont fermes. Le contrat prévoit certainement la situation dans laquelle les industriels ne respecteraient pas leurs engagements en termes de calendrier ou de volume. Les négociateurs sont des experts des négociations internationales, et cette disposition est signée par l'Europe.

De manière générale, les scientifiques s'expriment de plus en plus dans l'espace public, après n'avoir longtemps discuté qu'entre eux. Nous découvrons aujourd'hui deux nouvelles caractéristiques de notre société : d'une part, le poids des chaînes d'information en continu, qui obligent à s'exprimer très souvent et très longtemps, ce qui peut conduire à s'étendre sur ses inquiétudes et appréhensions personnelles, d'autre part, la disparition du couple scientifique-décideur, au profit de l'ensemble scientifique-décideur-presse-grand public. Ce phénomène oblige les scientifiques à adapter leur discours. Le grand public est avide de science, mais il est nécessaire de s'adapter et d'éviter les postures. Il s'agit d'un débat sociétal majeur. Il pose notamment la question de la désinformation : que devons-nous faire si de fausses informations circulent sur les réseaux sociaux ? Nous devons organiser rapidement une riposte pour indiquer que cette information est erronée. Tous nos concitoyens ont droit à une information de la plus haute qualité possible.

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. ‑ Merci beaucoup, Professeur, pour ces réponses. Une question m'a été transmise : une vaccination serait‑elle possible sur le lieu de travail par le médecin du travail afin de désengorger les cabinets médicaux ?

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Pr. Jérôme Salomon, directeur général de la Santé

. ‑ Je ne vois pas pourquoi nous nous y opposerions, dès l'instant où la vaccination deviendra collective et que nous pourrons nous reposer sur les circuits classiques du froid. Nous n'en avons pas encore discuté, compte tenu du délai d'obtention des vaccins, mais toutes les options sont sur la table. Les bonnes volontés sont les bienvenues.

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. ‑ Merci pour votre disponibilité. Merci aux rapporteurs et aux collègues parlementaires qui ont participé à cette audition.

La réunion est close à 19 h 20.