Intervention de Jean-François Eliaou

Réunion du mardi 15 décembre 2020 à 13h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Eliaou, député, rapporteur :

. – Je vais d'abord essayer de répondre aux questions de Gérard Longuet.

Sanofi est à la phase 1 des essais, avec des résultats mitigés. À cet égard, la deuxième question posée est essentielle, parce que l'Europe, en particulier la France, est très en retard sur l'investissement dans la R&D et l'innovation. Ce n'est pas la première fois qu'on s'en aperçoit. Aucune molécule d'intérêt – c'est-à-dire susceptible de devenir un médicament – découverte en France – j'en ai découvert deux – n'a pu être ou ne sera commercialisée par l'industrie française.

Ce constat ne traduit pas une faiblesse scientifique, au sens d'« intellectuelle », des Français ou des Européens, mais l'absence de stratégie de soutien de la puissance publique à la R&D. Avec la BARDA, le gouvernement des États-Unis a investi des milliards de dollars – la Chine fera de même –, y compris sur Moderna, une entreprise au siège social américain mais dirigée par un Français. Cela ne leur fait pas peur. Les Américains peuvent investir plus de deux milliards sur un projet, éventuellement à fonds perdus puisqu'il s'agit d'un pari. Le prix d'achat des vaccins tient compte en partie de ces investissements. Nous n'avons pas cette puissance de feu. Il faut tirer des événements actuels une leçon sur notre capacité à faire face à une crise sanitaire de cette ampleur, notamment en mettant en place en Europe l'équivalent de la BARDA.

À mon avis, les vaccins à ARN sont arrivés les premiers simplement parce que le séquençage du génome viral a été extrêmement rapide. Ce n'est pas étonnant, parce que les capacités de séquençage sont devenues considérables. À partir du moment où, d'une part, on a séquencé la forme principale du virus très rapidement – trois semaines après le début de la pandémie – et, d'autre part, nous connaissions les mécanismes d'action des coronavirus en général, notamment celui de l'entrée du virus dans la cellule par la protéine Spike, il suffisait d'identifier sur le génome les séquences codant cette protéine, de les copier, et d'en faire la synthèse pour produire un vaccin. Le patron de BioNTech a pensé en une nuit la stratégie qu'il a adoptée pour son vaccin. Il est donc normal que ces vaccins arrivent plus vite sur le marché. Les vaccins traditionnels nécessitent plus de travail. Ainsi, l'Institut Pasteur part d'un modèle de vaccin contre la rougeole, ce qui peut poser plus de problèmes et, éventuellement, produire plus d'effets indésirables.

C'est une très bonne chose que les vaccins arrivent progressivement, car cela permettra très vraisemblablement de disposer de vaccins de technologies différentes, donc avec des indications différentes, des effets indésirables plus ou moins importants, des inductions d'immunité variables, etc. Par exemple, les vaccins à ARN pourraient s'avérer plus adaptés à la population âgée ou très âgée qu'à la population jeune, parce qu'ils induiraient chez celle-ci plus d'effets indésirables. Ce sera la même situation que pour les médicaments : on disposera d'une panoplie et le vaccin injecté ne sera pas identique pour tous.

Par ailleurs, la progressivité permet aussi d'apprendre et de s'adapter. Les chercheurs de l'Institut Pasteur ont vu que ce qu'ils avaient programmé n'était pas forcément en adéquation avec les effets indésirables qu'ils anticipaient sur d'autres vaccins.

L'OPECST a publié il y a environ un an un excellent rapport de Florence Lassarade, Cédric Villani et moi-même sur l'hésitation vaccinale. Le fait que, pour la Covid-19, la vaccination soit destinée aux adultes et non aux enfants est fondamental. Quand on vaccine ses enfants, on n'a pas envie de les mettre en danger. Nous ne nous trouvons pas dans ce cas de figure. L'hésitation vaccinale doit être prise en compte, parce qu'il s'agit de se protéger soi-même pour protéger les autres. C'est donc une démarche individuelle à visée collective, comme pour la vaccination contre la grippe.

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