Intervention de Valérie Mazza

Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Valérie Mazza, directrice scientifique de Limagrain, représentant l'Union française des semenciers :

L'Union française des semenciers (UFS), au nom de laquelle j'interviens aujourd'hui, représente 122 entreprises semencières implantées dans 62 départements français. Elles sont actives dans l'amélioration des plantes, la production et la mise en marché des semences pour l'agriculture, les jardins et les paysages. Comme indiqué précédemment, l'amélioration des plantes prend sa source dans des gestes ancestraux : observer et identifier des individus d'intérêt, collecter des graines, réaliser des croisements et multiplier des semences.

Nous savons aujourd'hui que ces interventions consistent à agir directement sur l'ADN des plantes en mettant à profit deux phénomènes imprévisibles : la recombinaison des gènes lors de la fabrication des gamètes et la mutation spontanée décrite par Fabien Nogué. Ces deux phénomènes sont les principaux moteurs de l'évolution et de l'adaptation des organismes vivants. Au fil du temps, des règles empiriques se sont dégagées pour donner sens au métier de semencier né en 1743.

En trois siècles, le métier s'est rationalisé. En intensifiant le contrôle interne, il a réduit la part laissée au hasard pour garantir la promesse formulée par la semence. Cette trajectoire s'est appuyée sur des avancées scientifiques diverses, en biologie, avec la découverte des lois de l'hérédité et de la structure de l'ADN, mais aussi en chimie. Des développements technologiques tels que la mécanisation agricole, la télédétection et le digital y ont également contribué. Grâce à ces outils, le patrimoine génétique et la composition biochimique des plantes sont entièrement analysés. Leur comportement est observé dans de multiples environnements de culture et pendant de nombreuses années. Ce travail d'observation et de caractérisation s'inscrit dans un processus de contrôle qualité interne. Il constitue toujours aujourd'hui la part essentielle de l'effort de R&D des entreprises semencières qui y consacrent en moyenne 13 % de leur chiffre d'affaires.

Dans cette longue histoire de l'amélioration des plantes, la France a toujours été aux avant-postes. Elle reste aujourd'hui encore dans le peloton des quelques pays en pointe, qu'il s'agisse de l'Allemagne, des États-Unis, de la Chine ou des Pays-Bas.

La France peut se targuer de disposer d'une filière d'excellence, composée d'acteurs de tailles diverses, organisée logistiquement pour répondre à différents débouchés, générant un excédent commercial de près de 1 milliard d'euros et offrant plus de 12 000 emplois en France. La France est le premier exportateur mondial de semences, le premier producteur européen de semences.

Les nouvelles techniques de sélection viennent aujourd'hui enrichir la panoplie des outils utilisés en amélioration des plantes. Comme indiqué précédemment, elles reposent sur des mécanismes biologiques et permettent d'intervenir de façon très précise. En cela, leurs effets ne diffèrent pas de ceux des techniques utilisées couramment à l'heure actuelle.

En revanche, elles permettent de s'affranchir de la dimension aléatoire des techniques utilisées actuellement grâce à la combinaison de deux éléments qui ont été rappelés : une précision sans précédent, puisque l'on parle d'un ciblage à la base près, et la possibilité de réécrire localement le génome.

Ces deux atouts sont amplifiés par les progrès réalisés au cours des vingt dernières années en matière de séquençage des génomes et de compréhension du rôle et du fonctionnement des gènes.

En tant que semenciers, nous comptons et avons commencé à utiliser ces nouvelles techniques de différentes façons, bien évidemment pour mettre au point de nouvelles variétés.

À très court terme et dans la continuité des processus actuels de création variétale, ce sera en développant des caractéristiques gouvernées par un petit nombre de gènes. L'exemple que vous avez mentionné, du poivron et de la tolérance à certaines maladies, s'inscrit tout à fait dans cet esprit. Différentes cibles sont regardées ainsi que la tolérance aux maladies et aux ravageurs, par exemple la résistance de la tomate au mildiou, mais aussi des caractères liés aux propriétés nutritionnelles des plantes.

À plus long terme, ces techniques nous permettront de rechercher et de développer des caractères plus complexes, car gouvernés par plusieurs gènes, par exemple une meilleure utilisation de l'eau ou une plus grande productivité. Vous avez également mentionné l'importance de la diversité dans l'amélioration des plantes. Nous pourrons développer de nouvelles formes de diversité, dites diversité allélique.

Ces techniques sont également un facteur de compétitivité pour nous car elles permettent d'optimiser le processus même d'amélioration des plantes. Cela passe d'abord par la production de nouvelles connaissances, en partenariat avec la recherche publique : nous en avons besoin pour mieux comprendre le fonctionnement des plantes. Cela passe aussi par le développement de caractères d'intérêt, non pas pour les producteurs, mais pour nous, sélectionneurs, par exemple un caractère de production de pollens. Nous avons besoin de plantes qui produisent beaucoup de pollen. C'est un caractère qui a peu d'intérêt pour un producteur de fruits ou de légumes, mais qui en a beaucoup pour nous.

Ces nouvelles techniques permettent donc de faire mieux et de faire plus. Leurs atouts pour l'amélioration des plantes sont nombreux. Elles sont potentiellement applicables à tout type de système de culture, à tout type de caractère et à tout type d'espèces. Leur intérêt pour la sélection est reconnu. Une enquête récemment diligentée par l'association européenne Euroseeds le démontre.

Des entreprises de toutes tailles ont confirmé leur intérêt pour ces techniques en vue d'améliorer des espèces qui sont à la fois des grandes espèces comme les céréales, le maïs, les oléagineux, les fourragères, mais aussi des cultures plus spécialisées, ornementales ou médicinales, ou même des espèces de diversification comme le chanvre, le pissenlit, la stévia.

Enfin un dernier atout, qui pour moi n'est pas le moindre : ce sont des techniques dont aujourd'hui on n'a pas complètement exploré le potentiel. C'est important qu'on puisse le faire. L'exploration de ce potentiel fait l'objet de nombreux travaux. Au cours du seul dernier trimestre 2020, 45 brevets ont été publiés sur le sujet, en majorité par des acteurs chinois et américains, dans le domaine des plantes ou applicables aux plantes.

Ces techniques ne sont pas sans limites. Ce sont des outils qui reposent sur des processus biologiques avec des rendements qui ne sont pas 100 %. Tous les gens qui font de la biologie le savent. Ces techniques nécessitent un contrôle a posteriori par l'observation et l'analyse des plantes et de leur descendance. Le contrôle a posteriori permet notamment d'éliminer les éventuelles mutations indésirables. Par ailleurs, ces techniques ne sont actuellement pas applicables à certaines espèces. Vous avez compris que certains travaux sont en cours pour y remédier.

En conclusion, l'amélioration des plantes est l'un des leviers pour relever les défis agricoles actuels, au même titre que l'agronomie, le biocontrôle et le digital. En Europe, elle prendra sa part dans la réussite de la stratégie Farm to Fork (de la ferme à la table). Les nouvelles techniques de sélection sont d'ores et déjà mises en œuvre pour des améliorations ciblées et encadrées par des processus de contrôle qualité interne éprouvés au fil des ans. Leur potentiel n'a pas été complètement exploré. Elles ouvrent de nombreuses perspectives pour l'amélioration des plantes qu'il faut continuer à travailler. Enfin, pour le secteur semencier français, elles sont indispensables pour maintenir ses compétences, son savoir-faire et rester dans la course internationale.

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