Intervention de Bernard Rolland

Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Bernard Rolland, ingénieur de recherche INRAE :

Je suis sélectionneur de blé tendre d'hiver à l'INRAE de Rennes pour des systèmes de culture économes en intrants chimiques, dont l'agriculture biologique. Je suis né dans une toute petite ferme de la pointe du Finistère. Nous allons vous présenter un ensemble de nouvelles approches autres que les NBT. Elles permettent de répondre aux enjeux des changements globaux et à la réduction des intrants de synthèse.

Pendant quarante ans de modernisation d'une agriculture portée par la mécanisation et la chimie, les choses étaient simples. Le plus, c'était le mieux, dans des itinéraires techniques de plus en plus artificialisés. Répondre à la demande, c'était augmenter les quantités produites par hectare et par animal. L'amélioration des plantes y a apporté une contribution majeure. Après des années de débat, le constat d'échec d'un modèle productiviste arrivé à sa limite est désormais partagé, notamment dans le plan stratégique INRAE 2030.

En effet, nous sommes dans le rouge dans tous les domaines : de la biodiversité perdue au renouvellement en panne des générations d'agricultrices et d'agriculteurs. Les productions végétales ont une part de responsabilité dans les émissions de gaz à effet de serre qui accélèrent le changement climatique. Les solutions techniques du XXe siècle vont-elles répondre aux attentes pressantes du XXIe ? La question se pose aux généticiens et sélectionneurs.

C'est la question des voies à explorer pour y répondre, alors que le temps ne joue plus pour nous. Le Grenelle de l'environnement n'a pas été suivi d'actes et quinze années ont été gâchées. Le temps presse. Les différentes prospectives (Agrimonde, Afterres) interrogent dans leur scénario le degré de sortie partielle ou totale des intrants chimiques. Pour assurer sa durabilité, l'agriculture va devoir se diversifier et s'accorder avec les potentialités des milieux avec beaucoup moins d'intrants.

En effet, les interactions génotype/environnement, en partie lissées par les apports d'engrais et de pesticides, vont se démultiplier. Comment l'amélioration des plantes va-t-elle apporter sa contribution à ce défi ? Comment interagir avec les agronomes pour arbitrer les caractères à privilégier ? Ainsi, réintroduire des rotations plus longues ou réduire la fertilisation azotée dispensera d'un fastidieux travail d'amélioration de la résistance vis-à-vis de telle maladie ou de tel insecte.

Dans le domaine de la création variétale, il y a vingt ans, l'INRAE a lancé un programme pionnier de sélection de variétés de lignées pures pour l'agriculture biologique. Avec bientôt 10 % de la surface agricole utile, l'agriculture biologique est envisagée ici comme un prototype d'agroécologie utile au progrès des autres formes récentes d'évolution de l'agriculture, par exemple en explorant comment le levier génétique peut contribuer, en céréales à paille, à un itinéraire technique sans herbicides, par une stratégie agronomique d'innovation en profondeur telle que définie par Bernard Chevassus-au-Louis et Michel Griffon. La variété est une pièce du dispositif.

Pour avoir des chances de réussite, l'indispensable transition agroécologique demande le même effort de recherche et développement que celui dont bénéficia la modernisation de l'agriculture dans les années 1960. La place des NBT comme outil doit être questionnée ici.

En effet, les approches nouvelles proposées (sélection bas intrants, notamment dans le cadre de l'agriculture biologique, agroécologie, sélection participative) agissent sur un niveau de complexité très élevé, alors que l'on peut s'interroger sur la contribution des NBT, qui agissent au mieux sur quelques gènes. Seront-elles décisives en la matière ? L'optimisme technologique ne peut servir d'échappatoire.

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