Je suis paysan, fils de paysan et petit-fils de paysan. Je suis ingénieur agronome spécialisé en amélioration des plantes. J'ai exercé le métier de sélectionneur pendant dix ans, de 1990 à 2000, pour Cargill et Monsanto.
Je tiens à m'inscrire en faux. Madame Mazza soulignait que, si nous n'adoptons pas ces nouvelles technologies, notre pays ne sera plus dans la course internationale. Le même discours était tenu chez Monsanto dans les années 1990. Sans les OGM, la culture semencière était censée disparaître de France et d'Europe. Or nous appartenons aujourd'hui à la deuxième zone mondiale exportatrice de semences. Ce succès résulte précisément du fait que notre continent est un milieu protégé exempt d'OGM.
S'agissant de la « stratégie de la promesse », on nous promettait effectivement que les plantes transgéniques résisteraient à la sécheresse et permettraient la réduction d'intrants, avec l'introduction de caractéristiques propres aux légumineuses dans les céréales. Cela ne s'est jamais produit. Elles ont été abandonnées. Une stratégie de la promesse avait donc bien été élaborée visant à faire accepter aux populations les plantes transgéniques. Or celles-ci n'étaient que des « plantes à pesticide » qui toléraient un herbicide ou produisaient un insecticide.
Concernant les brevets, la situation nous inquiète tout particulièrement. J'entends Madame Mazza dire que nous passons beaucoup de temps à signer des accords de licence. Le risque majeur consiste effectivement à voir l'ensemble des semences brevetées. Si la réglementation sur les OGM n'est pas appliquée, l'ensemble des brevets risque de s'étendre au gène natif. Si tel est le cas, alors que les semences constituent la base de l'alimentation, nous perdrons totalement notre souveraineté alimentaire.
Il a également été fait référence à l'adaptation des plantes au changement climatique. Elle est extrêmement polygénique. Nous la pratiquons dans nos champs. Les semences paysannes, avec le brassage d'énormément de plantes dans un champ, permettent d'adapter nos variétés à des situations locales. En revanche, avec une ou deux modifications et une diffusion sur l'ensemble du territoire, il est beaucoup plus difficile d'adapter ces plantes. Les systèmes monogéniques sont souvent beaucoup moins durables que les systèmes polygéniques.
Concernant la stabilité du génome, je tiens à rappeler que le langage génétique est identique sur l'ensemble du vivant, depuis les virus jusqu'aux plantes supérieures. Or aujourd'hui nous savons lire ce langage, mais ne le comprenons pas entièrement. En d'autres termes, je trouve extrêmement dangereux d'intervenir et de diffuser dans la nature des gènes, alors que nous n'avons pas forcément connaissance de l'ensemble de leurs interactions avec le milieu.