Intervention de Joël Guillemain

Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Joël Guillemain, toxicologue, membre du Conseil scientifique du HCB, ancien président du groupe de travail sur les biotechnologies de l'Anses, membre de l'Académie nationale de pharmacie :

J'aborderai brièvement trois points. Le premier concerne les deux notions nécessaires à une évaluation de la sécurité sanitaire : le danger et l'exposition. Seule la conjonction de ces deux éléments permet de procéder à une évaluation du risque.

Le second point renvoie à la fin des années 1990 quand, sous l'égide du CSHPF (Conseil supérieur d'hygiène publique de France), il avait été demandé de proposer une stratégie d'évaluation des risques sanitaires liés aux OGM. Deux approches avaient été alors envisagées. La première, dite maximaliste, consistait à considérer qu'une PGM (plante génétiquement modifiée) était une nouvelle entité qui pouvait être apparentée à un nouvel aliment ; dans ces conditions, il y avait lieu d'appliquer tout le cortège d'études en toxicologie, depuis l'administration à court terme jusqu'à la reprotoxicité. La deuxième approche, dite d'optimisation, considérait la PGM comme un produit mixte entre une plante receveuse parfaitement connue et une protéine exprimée ; il convenait en conséquence d'évaluer la sécurité de cette protéine en tant que telle et au sein de la plante de façon à mettre éventuellement en évidence des interactions.

Ces considérations ont débouché sur une évaluation en six points : la construction génétique, le phénotype de la plante, la composition, l'alimentarité (en particulier des études chez le poulet), les risques allergiques et la toxicité. On s'était déjà demandé à l'époque s'il fallait évaluer la technique ou les produits issus de la technique. Il avait été convenu que cette stratégie n'était pas figée et que des études au cas par cas pouvaient être réalisées.

Ces exigences ont évolué avec notamment une actualisation des méthodes pour la construction moléculaire, le renforcement de l'analyse de composition, en associant aux analyses statistiques de différence des analyses d'équivalence. L'utilisation des techniques Omics a également été proposée. Elles ont d'ailleurs été mises en œuvre dans les programmes européens GRACE, G-TwYST et OGM90+.

Comme le rappelait Monsieur Le Déaut dans le rapport de l'OPECST en 2017, les conséquences sanitaires des PGM sont relativement peu évoquées. Après vingt-cinq ans de mise en œuvre de très nombreuses études chez l'animal, il convient peut-être de s'interroger sur leur systématisation pour les végétaux.

Mon troisième point concerne plus spécifiquement les NPBT (new plant breeding techniques) et l'avis que le HCB a rendu sur le sujet. Deux chapitres de ce document sont consacrés au risque direct pour la santé et l'environnement et à des propositions intermédiaires entre l'inscription au catalogue européen et l'application de la directive 2001/18/CE. Le sujet du risque de mutations non observées dans la nature avait été posé. Il avait également été question de la capacité à réaliser des ciblages précis, évoquée par Claire Marris, qui permettrait éventuellement d'alléger les procédures d'évaluation.

Une question portait sur la traçabilité non liée à l'ADN, ou traçabilité technique. Les techniques de détection moléculaire ne permettraient pas de distinguer les techniques à l'origine des produits examinés. Si les organismes sont indiscernables au regard de leur technique de production et que certaines de ces techniques sont soumises à évaluation et d'autres non, le toxicologue doit s'interroger sur la nécessité et sur les modalités d'une telle évaluation.

Ces questions avaient notamment été évoquées par l'OPECST en 2017 et par l'EFSA à deux reprises. En 2012, cette dernière avait émis deux opinions scientifiques : sur la cisgénèse et l'intragénèse, donc sur l'insertion ciblée d'un gène (SDN3). En 2020, elle s'est interrogée sur la transposition des conclusions formulées sur ces techniques à d'autres techniques, en particulier les évènements de type SDN1 ou 2 (inactivation d'un gène par coupure et réparation défectueuse et édition ciblée de quelques nucléotides), ainsi que la mutagénèse dirigée par oligonucléotides (ODM).

Ces deux avis ont conclu à l'absence de danger nouveau spécifiquement lié à la modification génomique produite par SDN1, SDN2 et ODM. Cette affirmation est extrêmement importante pour le toxicologue. J'ai fait précédemment référence au couple danger/exposition. Si je ne suis pas en mesure d'identifier un danger et qu'il n'est pas supérieur aux méthodes conventionnelles, il me sera extrêmement difficile de procéder à une évaluation du risque.

Le HCB a proposé des pistes intermédiaires entre les dispositions prises pour l'inscription au catalogue européen et celles de la directive 2001/18/CE. Deux balises sont prises en compte pour proposer une approche intermédiaire qui s'appuie sur les notions de différence et d'équivalence en dehors des caractéristiques apportées.

Le HCB évoquait un certain nombre de pistes, en particulier l'utilisation des techniques Omics, notamment la métabolomique. Il a finalement proposé une évaluation au cas par cas en fonction des produits concernés et des techniques utilisées en se basant sur la traçabilité et la déclaration documentaire de l'obtenteur.

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