La réglementation sur les OGM de la directive 2001/18/CE est très contraignante. Elle constitue souvent un frein majeur pour le développement d'un certain nombre de techniques du fait notamment des coûts liés aux nombreuses études exigées pour pouvoir constituer un dossier de demande d'autorisation. Il faut souligner que cette réglementation, qui visait spécifiquement la transgénèse, n'a pas été écrite pour les produits issus des nouvelles techniques, notamment de mutagénèse, pour lesquelles aucun gène exogène n'est inséré dans le produit final.
La question qui se pose est donc de savoir si cette réglementation est adaptée ou non à ces produits, et si ce n'est pas le cas, quelles seraient les modifications à prévoir. Compte tenu de la complexité du sujet et des enjeux, les États membres au sein du Conseil, ont demandé à la Commission une étude sur le sujet à la suite à l'arrêt de la CJUE de juillet 2018. L'étude est en cours et doit donner des pistes sur le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l'UE au mois d'avril 2021.
En fonction des résultats, l'étude pourra conduire à une proposition législative ou à d'autres mesures au niveau européen. Je rappelle que, sur ce volet, c'est la Commission européenne qui aura le pouvoir d'initiative et d'apprécier si elle pourra déposer une proposition de modification de la réglementation européenne.
La France a bien sûr contribué à ce travail, par des contributions qu'elle a adressées à la Commission. Elle examinera avec grande attention les résultats de cette étude. Les principes de proportionnalité et de précaution devront être pris en compte, ainsi que les enjeux pour la compétitivité de nos entreprises et, bien sûr, les impacts potentiels sur le plan sanitaire, environnemental ou socioéconomique, qui devront être examinés attentivement.
Il faut s'assurer que la réglementation continue à garantir un haut niveau de protection de la santé de l'environnement, tout en évitant des contraintes disproportionnées qui pénaliseraient inutilement les entreprises européennes. Nous souhaitons que ce cadre juridique permette de continuer à innover en matière de sélection variétale dans cet objectif de sécurité sanitaire et environnementale, et au service d'une agriculture plus durable.
Vous m'avez interrogé sur l'évaluation des risques et sur le devenir du HCB. Sur le sujet des nouvelles technologies en génomique, plus généralement sur l'ensemble des biotechnologies, il est essentiel que le gouvernement puisse s'appuyer sur une expertise robuste et sur un éclairage concernant les différentes implications sociales, économiques et éthiques de ces techniques et de leurs applications.
Ces missions sont actuellement assurées par l'ANSES et par le HCB, sur lesquels le gouvernement s'appuie pour les décisions prises en matière d'OGM comme les votes sur les dossiers de mise sur le marché au niveau européen et sur des questions plus transversales relatives aux biotechnologies.
Le gouvernement avait d'ailleurs saisi le HCB sur cette technique et celui-ci a publié en 2017 un avis très complet sur le sujet. Plus récemment, l'ANSES a été saisie par les ministères chargés de l'environnement et de l'agriculture de questions relatives à l'évaluation sanitaire liée à ces technologies.
Au cours de ses deux mandats, le HCB a conduit un débat constructif et fourni un travail conséquent. Pour autant, il a rencontré des difficultés sur certains sujets complexes et clivants, comme ce sujet des nouvelles technologies, qui l'ont empêché de fonctionner correctement. Le gouvernement a donc mené une réflexion avec les objectifs suivants :
- assurer une évaluation des risques environnementaux rigoureuse grâce à une expertise scientifique qualifiée et indépendante ;
- renforcer l'analyse socioéconomique des innovations dans le domaine des biotechnologies ;
- consolider le débat public avec les parties prenantes sur ces innovations ;
- aborder les questions éthiques avec compétence ;
- distinguer clairement ses différentes composantes.
Afin de consolider et de pérenniser les fonctions essentielles à l'éclairage de la décision publique, le gouvernement envisage un transfert des missions du HCB à différentes instances déjà existantes : l'ANSES pour l'évaluation des risques environnementaux liés à la dissémination d'OGM et l'expertise socioéconomique ; le ministère de la Recherche pour les dossiers de demande d'utilisation confinée d'OGM ; le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur les considérations éthiques relatives aux biotechnologies. Enfin, le gouvernement explore différentes pistes pour renforcer la mise en œuvre du débat public au-delà du comité de dialogue qui sera mis en place à l'ANSES. Cette mission pourrait être confiée au Conseil économique, social et environnemental (CESE).
Cette nouvelle organisation permettra, en séparant l'évaluation des risques et des bénéfices des considérations éthiques et de conduite du débat public, de consolider l'indépendance et la qualité de l'expertise scientifique mobilisée et d'améliorer les conditions du débat public.
Les parties aujourd'hui représentées, notamment au conseil économique, éthique et social du HCB (les associations, les industriels, les syndicats agricoles), auront toute leur place dans le comité de dialogue de l'ANSES et dans un espace de débat public permanent sur les biotechnologies qui pourrait être le CESE.
S'agissant de la mise en œuvre de la décision du Conseil d'État, les techniques de mutagénèse aléatoire ne faisaient pas partie des NBT. Le Conseil d'État a néanmoins considéré que la mutagénèse aléatoire in vitro sur les cellules de plantes doit être soumise aux obligations imposées aux OGM, alors que la CJUE ne s'était pas prononcée sur cette technique. La France est le seul État membre à avoir cette interprétation.
Le gouvernement a engagé différentes actions visant à mettre en œuvre la décision du Conseil d'État. Un projet de décret modifiant le code de l'environnement et deux projets d'arrêtés listant les variétés radiées du catalogue national et les variétés du catalogue commun ont été notifiés à la Commission le 6 mai 2020. La Commission, ainsi que cinq autres États membres, a émis des avis circonstanciés qui contestent la compatibilité juridique des projets de texte avec la législation de l'Union européenne.
Le Conseil d'État a été saisi d'un nouveau recours, le 7 février 2020, par les organisations à l'origine du contentieux initial. Il devrait se prononcer dans le courant de l'année 2021. Concernant l'injonction du Conseil d'État, une habilitation à légiférer par ordonnance est prévue dans la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche afin de mettre en place les bases législatives nécessaires à la fixation des conditions de traçabilité et d'utilisation des variétés rendues tolérantes aux herbicides. Ces conditions seront définies sur la base d'expertises de l'INRAE et de l'ANSES.