Intervention de Daniel Boy

Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Daniel Boy, directeur de recherche émérite au CEVIPOF, sociologue :

Je suis intervenu pour la première fois devant l'OPECST en 1998. Vingt-trois ans plus tard, je me retrouve à traiter d'une question similaire. Je m'efforcerai d'y répondre en quatre points : le degré de confiance dans la science, les attitudes à l'égard de l'alimentation, la confiance sociale et la construction de la perception du risque.

Premier point, le sentiment assez répandu est que la confiance dans la science s'est effondrée. Au début des années 2000, environ 90 % des personnes déclaraient avoir confiance dans la science. En 2011, ce taux était de 87 %. En avril 2021, le CEVIPOF donnait un résultat de 78 %. Ce paramètre a ainsi connu une baisse, qui n'est pas un effondrement, de dix points. Notons que ce sont les résultats d'enquêtes, qui peuvent être fragiles, mais ils permettent de faire des comparaisons, dans le temps et par rapport à d'autres secteurs, institutions ou pays.

La science reste néanmoins devant toutes les autres institutions pour ce qui est de la confiance : 69 % pour la police, 48 % pour la justice, 28 % pour les médias. Par comparaison avec les pays voisins, le taux de confiance, s'il est de 78 % en France, atteint 81 % en Allemagne et 86 % en Grande-Bretagne. Alors que le degré de confiance en France est traditionnellement très faible, qu'il s'agisse de politique ou d'institutions, le déficit de confiance par rapport aux autres pays est réel, mais modeste.

Deuxième point, un baromètre de 2019 nous livre trois enseignements sur la question de l'alimentation : la France est au premier rang de l'UE pour le pourcentage de personnes qui s'intéressent au problème de la sécurité alimentaire : 60 % contre 40 % en moyenne, voire beaucoup moins. La France est au premier rang de l'UE pour le pourcentage de personnes qui estiment que les produits alimentaires regorgent de substances nocives : 63 % contre 29 % en Grande-Bretagne. 20 % des Français pensent que les autorités nationales les protègent contre les risques alimentaires, contre 61 % aux Pays-Bas. Ces taux permettent de définir autrement le périmètre du problème, reposé à intervalles réguliers, des nouvelles technologies alimentaires en France.

Troisième point, la confiance sociale possède à mon sens deux composantes fondamentales : croire à la compétence et croire à la probité. Elles se retrouvent dans beaucoup de domaines, aussi bien en politique qu'en science ou dans les rapports avec des prestataires privés. Elles sont mises en question à la fois dans la science et évidemment dans le problème des nouvelles technologies alimentaires.

Quatrième point, la question du risque est évidemment essentielle. Sa complexité se manifeste avec la campagne vaccinale contre la COVID 19. Beaucoup de scientifiques et de politiques estiment sûrement qu'elle devrait être abordée rationnellement, mais elle est pour partie émotionnelle et la population évalue mal les probabilités. Pour les NBT et les OGM, nous voyons bien que chacun pose sa propre équation bénéfices/risques.

Or le défaut considérable de ces technologies réside dans le fait que jamais il n'a été démontré qu'elles avaient un effet bénéfique pour les consommateurs. Pourquoi prendraient-ils un risque, même infinitésimal, dans ces conditions ? Tel était déjà le cas du riz doré censé lutter contre la carence en vitamine A en 1998. Tant que cette interrogation ne sera pas résolue, le problème perdurera.

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