Intervention de Claire Marris

Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Claire Marris, sociologue des sciences, chercheuse associée au Laboratoire interdisciplinaire sciences innovations sociétés (LISIS, INRAE) et membre du groupe de travail sur les nouvelles techniques de sélection végétale du Biotechnology and Biological Sciences Research Council :

Je conviens également que nous n'avons guère avancé depuis la conférence citoyenne organisée par Jean-Yves Le Déaut et l'OPECST en 1998, mais je voudrais néanmoins nuancer et expliquer ce constat. Chercheure associée à l'INRAE, j'ai travaillé dans cet institut et je vis depuis 2005 au Royaume-Uni. Vue de l'étranger, la France a progressé sur les questions du rapport entre science et société. Cette matinée en témoigne.

Je suis très impressionnée d'assister à un débat assez contradictoire, y compris au sein d'une même institution comme l'INRAE. Cette liberté d'approche ne se rencontre pas ailleurs, et certainement pas au Royaume-Uni où l'institut de recherche pour l'agriculture et l'alimentation a été renommé BBSRC (Biotechnology and Biological Sciences Research Council), au début des années 1990, pour ne plus se concentrer que sur les techniques, et pas sur l'alimentation ou l'agriculture.

Le HCB a aussi été extrêmement innovant. Cette instance était presque unique au monde. Je comprends qu'elle a rencontré des difficultés et subi des démissions. L'annonce de sa suppression est toutefois très triste. Cette décision est un retour en arrière. J'aimerais qu'on explique mieux et de façon plus transparente pourquoi on a décidé de revenir à une séparation entre l'analyse des risques comparés et les discussions économiques, sociales et éthiques.

Au-delà de ces éléments positifs, je pense que nous n'avons pas avancé lorsque j'entends formuler à nouveau les mêmes promesses qu'auparavant. Comme le soulignait à l'instant Monsieur Boy, l'idée que ces aliments allaient nourrir le monde, présenter des avantages pour les consommateurs et permettre une agriculture plus durable, était déjà présente en 1998. Aucun exemple ne prouve jusqu'à présent que ces avancées sont réelles.

D'aucuns affirment que cette situation résulte d'un enlisement réglementaire propre à l'Europe. Ces soi-disant obstacles n'existent pas en Chine, aux États-Unis, au Canada ou en Australie. Dès lors, les innovations devraient y apparaître. Elles ne s'y manifestent pourtant pas davantage. Les OGM qui présenteraient de vrais avantages pour une agriculture plus durable ne sont pas produits. Certains de ces organismes existent bien, mais le débat sur leurs bénéfices réels se poursuit.

Un autre argument couramment avancé consiste à dire que les nouvelles techniques seraient plus précises et donc moins risquées. Le même discours était tenu dans les années 1990 pour promouvoir les OGM. Le gain de précision apporte-t-il une réduction des risques ? La précision au niveau moléculaire va-t-elle nécessairement de pair avec une plus grande précision au niveau de la plante en général ? Nous n'avons toujours pas répondu à cette question.

Que cherchons-nous à faire avec ces nouvelles technologies ? Quels sont nos problèmes prioritaires ? Le débat sur les causes et les problèmes demeure sous-jacent. À mon sens, nous devrions être beaucoup plus explicites sur les raisons des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui.

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