Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, président de l'Office :

Je vais maintenant faire une brève synthèse de ce que je retiens, à chaud, des échanges qui ont eu lieu ce matin.

Premier point, je me félicite que nous ayons pu mener le débat contradictoire. Des opinions divergentes ont pu s'exprimer les unes à côté des autres, les unes après les autres.

Jean-Yves Le Déaut avait raison d'observer que nous n'avons presque pas parlé aujourd'hui de la santé. En 2012, toute la controverse portait au contraire sur l'étude menée par Gilles-Éric Séralini et sur les effets des OGM sur la santé. Il est également important, compte tenu de la technicité des sujets, que nous nous mettions d'accord sur un vocabulaire, des déterminants et de grandes catégories. Jusqu'à mon élection au Parlement en 2017, je faisais partie du SAM. J'ai pu constater combien le dossier est complexe notamment parce que la technique permet de faire quantité de choses, il est impossible de tout mettre dans le même panier, y compris au niveau de la règlementation. Il était nécessaire de laisser la possibilité à la législation d'évoluer en fonction des techniques. Le débat politique doit tenir compte des évolutions, le droit qui court après le progrès scientifique est toujours en retard. Rajouter une technique à une liste d'exemptions ne me semble pas satisfaisant. Il vaudrait mieux tout remettre à plat et évaluer des objectifs recherchés.

Mon deuxième point concerne le débat sur les moyens et les produits. Nos échanges ont montré que la question de la distinction a un caractère central. Il faudrait que nous parvenions à nous mettre d'accord sur cette question. En tout cas, nous avons compris qu'à mesure que le progrès technique se développe, la distinction devient de plus en plus difficile, mais que d'autres technologies, via l'analyse matricielle, permettraient peut-être d'opérer cette distinction. Cela étant, le débat politique et citoyen ne saurait faire l'impasse sur le procédé, notamment parce que la question de l'étiquetage et de la distinction réglementaire est parfaitement légitime au plan sociétal et politique, de la même façon qu'un gramme de sucre n'a pas la même valeur, selon la façon dont il a été produit. C'est un sujet qui pourra être tranché par le Parlement.

Je retiens des propos de Madame Bensaude-Vincent qu'une des acceptions de l'agroécologie accorde de l'importance aux valeurs sociétales sous-jacentes aux procédés.

Le troisième point porte sur les applications et les impacts. Le débat a notamment porté sur la question de la promesse. Monsieur Couvet a relativisé le développement de ces produits en Amérique et en Afrique. Le constat présent ne tranche pas la question de l'utilité future de ces technologies dans un contexte de transition environnementale. On voit que les OGM développés sont majoritairement des variétés ayant une résistance à un herbicide ou à un insecte, et on nous a également dit que les efforts de R&D pour produire de nouvelles espèces issues des NBT ne recherchent pas ces traits. Certains ont mis en garde contre une perte de compétitivité au niveau européen, alors que d'autres ont mis en avant des choix de société. Madame Mazza a bien insisté sur le fait que celui qui détient l'autorisation de développement est bien celui qui a la possibilité de déposer des dossiers réglementaires.

A travers l'exemple des agriculteurs d'Amérique du Sud développé par Jean-Yves Le Déaut, on a vu que certains trouvaient des avantages clairs à ces semences, mais il n'y a toujours pas de bénéfices démontrés pour les consommateurs, du moins pas dans le débat public.

Le quatrième point concerne la propriété intellectuelle et les brevets. En admettant l'existence d'une indiscernabilité, il paraît difficile d'envisager de breveter. Nous avons clairement mis en évidence que nous ne nous inscrivons pas dans une logique de récompense de la vertu d'un inventeur, mais de progrès global et de bien global pour la société.

Le cinquième point touche à la démocratie, à l'interface entre le scientifique et le politique. Nous avons pu évoquer la disparition du HCB à cette occasion. Encore une fois, je me félicite que le débat ait eu lieu et que toutes les parties aient pu exprimer leur point de vue. Il est important que nous puissions prolonger ce genre de débats même en dehors du HCB. On peut regretter que le HCB ait cessé de fonctionner. Si les conditions sont réunies, ce qu'une loi a défait, une autre loi peut le refaire.

Sur le sujet des arrachages, il est important que la science puisse se faire, dans un cadre agréant à tous. Le travail de concert, dans le respect des opinions divergentes, doit pouvoir avoir lieu.

Le sujet traité ce jour avait des composantes économiques, sociales, politiques. Je suis confiant dans le fait que le débat est possible, le débat transpartisan et de bonne volonté va dans le bon sens.

Je remercie l'ensemble des intervenants pour la clarté de leurs propos et l'excellente tenue des échanges que nous avons eus lors de cette audition publique.

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